DECISION N° 15/CC/SRCERN DU 24 FEVRIER 2020
AFFAIRE :
Dame A AS, candidate de l’UNDP dans le MAYO-SAVA.
C/
RDPC
ELECAM
MINAT
(Annulation des opérations électorales dans le Y Au)
---L’an deux mille vingt ;
---Et les vingt-quatre et vingt-cinq du mois de février ;
---Le Conseil Constitutionnel siégeant en audience publique au Palais des Congrès suivant
la composition ci-après :
---M. Clément ATANGANA, Président du Conseil Constitutionnel,
PRESIDENT ;
BAH OUMAROU SANDA,
Aa AZ AI,
Af Ad B AH,
Bb AT,
---Mme Florence Rita ARREY
Charles Etienne LEKENE DONFACK,
Jean Baptiste BASKOUDA,
Emile ESSOMBE,
CONSEILLERS ;
---Avec l’assistance de Maître HAMADJODA, Greffier en Chef Suppléant ;
---Et de Maître AMBOMO Flavienne J. épouse NOAH AMBASSA, Greffier ;
---En présence de Monsieur AM Af AL, Secrétaire Général dudit Conseil ;
---Dans l’affaire opposant :
----Madame A AS résidant à Mora, candidate tête de liste des
candidats de l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) aux élections législatives
du 9 février 2020 dans la circonscription électorale de Y Au, région de l’extrême
Nord, et le parti politique dénommé Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès
(UNDP) aux élections législatives dans la circonscription de Y Au, région de
l’extrême Nord, représenté par son Secrétaire Général, Dr At Ag AV,
ayant élu domicile au cabinet de Ao KUITCHE MAHANE Hélène, Avocat au Barreau
du Cameroun, tél : 699 93 03 94, Comparant ;
---D’UNE PART ;
—ET
-RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE DU PEUPLE CAPMEROUNAIS,
représenté par une délégation composée de Messieurs Ak AN, AX
AX Am, BB AY, Av AP AK et ayant pour conseils
Maitres Az Ay C, MBITA Blaise, Af AJ, LUKE SISOB,
An Z, Rose Céline MBARGA, NKOUMOU TSALA, ALIMA Marcus,
Avocats au barreau du Cameroun ;
-ELECTIONS CAMEROON, ayant pour conseils Maîtres MBUFUNG Marcel KUMFA
OKHA BAU OKHA et ATANGANA AMOUGOU Joseph tous Avocats au barreau du
Cameroun ;
-MINISTERE DE L’AR X, représenté par
Messieurs ESSOMBA Pierre, ISSANDA ISSANDA Alain Salomon, AO
As Ab, OYONO ESSOMBA Boanerges Yannick, MELAT ATIOGUE Brice, et
Mesdames Al AX Ai et AG Ba et Maître ACHET
NAGNIGNI Martin, Avocat au Barreau du Cameroun, comparant ;
---D’AUTRE PART ;
---Après avoir entendu le Conseiller Charles Etienne LEKENE DONFACK en son rapport
et délibéré conformément à la loi ;
---À rendu la décision dont la teneur suit :
---Vu la Constitution ;
---Vu la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du
Conseil Constitutionnel, modifiée par celle n° 2012/015 du 21 Décembre 2012 ;
---Vu le décret n° 2018/104 du 07 février 2018 portant organisation et fonctionnement du
Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2018/105 du 07 février 2018 portant nomination des Membres du
Conseil Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2018/106 du 07 février 2018 portant nomination du Président du Conseil
Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2018/170 du 23 février 2018 portant nomination du Secrétaire Général
du Conseil Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2019/612 du 10 novembre 2019 portant convocation du corps électoral
en vue de l’élection des Députés à l’Assemblée Nationale et des Conseillers Municipaux ;
---Vu le décret n° 2018/445 du 31 juillet 2018 portant nomination de responsables au
Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel ;
---Vu la requête de Madame A AS résidant à Mora ;
---Attendu que par requête enregistrée au Conseil Constitutionnel sous le n° 34 en date du
12 février 2020, dame A AS, candidate et tête de liste de l’Union
Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) et le Secrétaire Général dudit parti ont
introduit un recours auprès du Conseil Constitutionnel en ces termes :
« Monsieur le Président,
« Madame A AS résidant à Mora, candidate tête de liste des
candidats de l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) aux élections législatives
du 9 février 2020 dans la circonscription électorale de Y Au, région de l’extrême
Nord, et le parti politique dénommé Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès
(UNDP) aux élections législatives dans la circonscription de Y Au, Région de l’extrême Nord, représenté par son secrétaire Général, Dr At Ag AV,
ayant élu domicile au cabinet de Ao KUITCHE MAHANE Hélène, Avocat au Barreau
du Cameroun, tél : 699 93 03 94 ;
« ONT L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER :
« Que par la présente, ils introduisent un recours contentieux auprès de vous, aux fins de
contestation de la régularité de l'élection des candidats du RDPC AQ Ac,
Ar épse Ae Ah, Aw AW et leurs suppléants et aux fins
d'annulation des opérations électorales dans la circonscription électorale du Y Au,
Région de l’Extrême Nord ;
« EN LA FORME :
« Attendu que ce recours est recevable pour avoir été introduit dans les délais et forme et
délais prévus par la loi (articles 132 et suivants de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012
portant Electoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012,
articles 48 et 49 de la loi n° 2004/004 du 21 avril portant organisation et fonctionnement
du Conseil Constitutionnel) ;
« AU FOND :
« Attendu que les requérants sollicitent l’annulation des opérations électorales du 9
février 2020, dans la circonscription électorale de Y Au, région de l’Extrême Nord ;
« Attendu en effet que le scrutin du 09 février a été émaillé de nombreuses fraudes et
irrégularités dans la circonscription de Y Au, région de l’Extrême Nord ;
« Que ces irrégularités et fraudes ont couvert l’ensemble des bureaux de vote de la
circonscription ;
« Qu’à titre illustratif les cas de fraudes ci-après ont été constatés ;
« Utilisation des enveloppes de l’élection présidentielle d’octobre 2018 pendant le
scrutin :
« Attendu que dans certains bureaux de vote, à la place des enveloppes des élections
législatives, on trouvait plutôt les enveloppes de l'élection présidentielle ;
« Or attendu que l’article 100 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code
Electoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012 dispose :
«le vote est secret. Le vote a lieu sous enveloppes réglementaires uniformes et
opaques » ;
« Qu'en utilisant les enveloppes de l'élection présidentielle d’octobre 2018 dans le cadre
du scrutin du 9 février 2020, ELECAM a violé les dispositions de l’article 100, al. 1 du
Code Electoral en ce que ces enveloppes qui portaient les mentions « élection
présidentielle » n'étaient pas règlementaires ;
« Que les suffrages exprimés dans les conditions ne pareilles peuvent être valables ;
« Falsification des procès-verbaux de dépouillement :
« Attendu qu'à l’analyse des différents procès-verbaux des bureaux de vote de la
circonscription de Y Au, région de l'extrême Nord on comprend aisément que les
urnes ont été bourrées (nombre d'électeurs ayant émargé inférieur au nombre
d’enveloppes trouvées dans l’urne), et dans certains cas le nombre d'inscrits était
inférieur au nombre de votants (pièces n° 1, 2, 3, 4, 5, procès-verbaux des bureaux de
vote) ;
« Que pratiquement tous les procès-verbaux des bureaux de vote de Mora ont été réécrits
par les chefs d'antenne communale d’ELECAM, procédant ainsi à la falsification desdits
procès-verbaux ;
« Or attendu qu’aux termes de la loi notamment l’article 115, al. 1 de la loi n° 2012/001
du 19 avril 2012 portant Code Electoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/001 du
19 avril 2012 portant Code Electoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21
décembre 2012 « Les résultats du scrutin sont immédiatement consignés au procès-
verbal. Celui-ci, rédigé en autant d'exemplaires qu’il y a de membres plus deux, est clos et
signé de ceux-ci ;
« « L’original est transmis par le président de la commission locale de vote au
responsable du démembrement communal d’ELECTIONS CAMEROON pour archivage.
Cet original fait foi. » (Article 115, al. 1 du Code Electoral) ;
« Attendu qu’en prenant sur lui de reprendre les procès-verbaux de dépouillement dans
ses bureaux de vote en l’absence des autres membres de la commission locale de vote,
ELECAM, organe en charge des élections et cens » être impartial, a violé la loi ;
« Qu'il n’est pas superflu de rappeler que le procès-verbal d’ELECAM qui est le seul à
pouvoir départager les parties aux élections en cas de contestation, ne peut faire foi que
s’il a été établi dans les conditions prévues par la loi, notamment l’article 115, alinéa 1
suscité ;
« Qu'en se livrant à ce jeu, ELECAM a faussé le jeu car ces procès-verbaux remplis de
manière unilatérale par ELECAM, ne reflètent plus la réalité des urnes et, dans ces
conditions, perdent leur caractère sacré ;
« Attendu que c’est sur la base des procès-verbaux d’ELECAM que les résultats définitifs
sont proclamés ;
« Que de tout ce qui précède, il est constant qu’il y a eu fraude à la loi ;
« Que la réalité des urnes ayant été tronquées, la conséquence de cette irrégularité est
l’annulation des opérations électorales du 09 février 2020, dans la circonscription
électorale de Y Au, région de l’Aq Ax, pour violation des dispositions de
l’article 115 de la loi suscitée ;
« PAR CES MOTIFS
« Les requérants sollicitent, qu’il vous plaise Messieurs les Président et Honorables
Membres du Conseil Constitutionnel :
« EN LA FORME :
« Déclarer le présent recours recevable pour avoir été introduit dans les forme et délais
prévus par la loi ;
« AU FOND :
« Constater que le scrutin du 09 février 2020 dans la circonscription électorale de Y
Au, Région de l’Aq Ax a été émaillé de nombreuses fraudes matérialisées par
l’utilisation des enveloppes non réglementaires, le bourrage des urnes et la falsification
des procès-verbaux de dépouillement ;
« Constater que les résultats du scrutin contenus dans les procès-verbaux d’ELECAM n'y
ont pas été consignés immédiatement après le dépouillement ;
« Dire et juger que l’utilisation des enveloppes réglementaires ainsi que la consignation
immédiate des résultats du scrutin dans les procès-verbaux après dépouillement, et en
présence de tous les membres de la commission locale de vote, sont d’ordre public et que l’inobservation des dispositions des articles 100 alinéa 1 et 115 alinéa1 de la loi n°
2012/001 du 19 avril 2012 portant Code Electoral, modifiée et complétée par la loi n°
2012/017 du 21 décembre 2012 entraîne la nullité du procès-verbal de dépouillement de
vote et l'annulation des suffrages qui en résultent ;
« EN CONSEQUENCE :
« Annuler les opérations électorales du 9 février 2020, dans la circonscription électorale
de Y Au, région de l’Extrême Nord ;
« Ordonner la reprise des élections législatives dans la circonscription électorale de Y
Au, région de l’Extrême Nord, dans un délai de 20 jours au moins et de 40 jours au plus,
tel que prévu par l’article 135 alinéa 2 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant
Code Electoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012 ;
« SOUS TOUTES RESERVES :
« Et ce sera justice ;
« Les requérants prient Messieurs les Présidents et Honorables Membres du Conseil
Constitutionnel, de bien vouloir accepter l'expression de leurs sentiments respectueux ;
---Attendu qu’en application des dispositions de l’article 133 alinéa 3 du Code Electoral, la
susdite requête at été communiquée aux parties défenderesses, lesquelles disposaient d’un
délai de 48 heures pour déposer leurs mémoires en réponse ;
---Qu’ainsi le RDPC a, sous la plume de ses conseils Ao Az Ay C,
MBITA Blaise, Af AJ, LUKE SISOB, An Z, Rose Céline
MBARGA, NKOUMOU TSALA et ALIMA Marcus, Avocats au Barreau du Cameroun,
déposé son mémoire en ces termes :
« PLAISE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
« Attendu que par requête en date du 11 février 2020 enregistrée au Conseil
Constitutionnel le 12 février suivant sous le numéro 34, Madame A
AS, candidate de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP)
aux élections législatives du 09 février 2020 dans la circonscription électorale du Y
Au et l'UNDP sollicitent l'annulation des opérations électorales dans ladite
circonscription ;
« Au principal
« Attendu que le recours de Madame A AS et de l’UNDP est
irrecevable en la forme ;
« Qu'en effet, aux termes des dispositions des alinéas 1” et 2 de l’article 48 de la
Constitution du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996,
modifiée et complétée par la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 : « (1) Le Conseil
Constitutionnel veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections
parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats.
(2) En cas de contestation sur la régularité de l’une des élections prévues à l’alinéa 1 ci-
dessus, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat, par tout parti
politique ayant pris part à l’élection dans la circonscription concernée ou toute
personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour cette élection. » ;
« Qu'aux termes des dispositions de l’article 52 de la loi fondamentale camerounaise :
« L’Organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel, les modalités de
saisine, ainsi que la procédure suivie devant lui sont fixés par la loi. >» ;
« C’est en application des dispositions de l’article 52 ci-dessus citées de la constitution
qu’a été adoptée et promulguée la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation
et fonctionnement du Conseil Constitutionnel telle que modifiée ;
« Précisément, l’article 1” de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel, modifiée dispose : « La présente loi fixe
l'organisation, le fonctionnement et les modalités de saisine du Conseil Constitutionnel
ainsi que la procédure suivie devant lui, en application de l'article 52 de la
Constitution. » ;
« Attendu qu’en ce que la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel modifiée est une loi dont l'adoption est
expressément prévue par la constitution pour préciser les modalités d'organisation et de
fonctionnement de cette institution, les modalités de sa saisine ainsi que la procédure à
suivre devant elle, il s’agit d’une loi organique, c'est-à-dire une loi complétant la loi
fondamentale et qui touche la structure des organes de l'État ;
« Que dans la hiérarchie des normes, une loi organique est directement placée en dessous
de la constitution dont elle est l’émanation, mais au-dessus des lois ordinaires ;
« Que la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 qui se rapporte à l’organe du Conseil
Constitutionnel, est donc au-dessus du code électoral qui est une loi ordinaire en ce qui
concerne le mode de saisine et la procédure à suivre devant le Conseil Constitutionnel ;
« Attendu que dans le cadre de ses attributions telles qu’elles résultent de l’article 3(2) et
40 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 susvisée, le Conseil Constitutionnel « veille à la
régularité de l'élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations
référendaires et en proclame les résultats. » ;
«Que s’agissant de la procédure à suivre et du mode de saisine du Conseil
Constitutionnel en cas de contestation de l’élection des membres du parlement, les articles
48, 49 et 55(1) de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 disposent respectivement :
« Article 48 : « (1) En cas de contestation de la régularité de l’élection des membres du
parlement, le Conseil constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti
politique, ayant pris part à l'élection dans la circonscription concernée et toute personne
ayant qualité d'agent du gouvernement pour cette élection. (2) Lorsque le Conseil
constitutionnel est saisi d'une contestation relative à l'élection d'un député ou d'un
sénateur, il statue sur la régularité de l'élection tant du titulaire que du suppléant. » ;
« Article 49 : « Sous peine d'irrecevabilité, la requête doit contenir les nom, prénom(s),
qualité et adresse du requérant ainsi que le nom de l'élu ou des élus dont l'élection est
contestée. Elle doit en outre être motivée et comporter un exposé sommaire des moyens
de fait et de droit qui la fondent. Le requérant doit annexer à la requête les pièces
produites au soutien de ses moyens. » ;
« Article 55(1) : « Le Conseil constitutionnel est saisi par une requête datée et signée du
requérant. Cette requête doit être motivée et comporter un exposé sommaire des moyens
de fait et de droit qui la fondent. » ;
«Que les dispositions ci-dessus citées qui s'appliquent à l'organe du Conseil
Constitutionnel tel que voulu par la constitution, doivent être associées aux dispositions
du code électoral s'agissant des contestations liées à la régularité de l'élection des
membres du parlement ;
« Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 168 alinéa 2 de la loi n° 2012/001 du
19 avril 2012 portant code électoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21
décembre 2012 : « le contentieux électoral et l’organisation, le cas échéant, d’une
nouvelle élection se font en application des dispositions des articles 132 à 136 de la
présente loi. » ;
« Qu’aux termes des dispositions des alinéas 1 et 3 de l’article 133 dudit code « (1) Toute
contestation formulée en application des dispositions de l’article 132 ci-dessus doit
parvenir au Conseil Constitutionnel dans un délai maximum de soixante-douze (72)
heures à compter de la date de clôture du scrutin.
(3) Sous peine d’irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens allégués.
Elle est affichée dans les vingt-quatre (24) heures à compter de son dépôt et
communiquée aux parties intéressées, qui disposent d’un délai de quarante-huit (48)
heures pour déposer, contre récépissé, leur mémoire en réponse. » ;
« Qu'il résulte de la combinaison de l’ensemble des dispositions qui précèdent :
1) Qu'en cas de contestation de la régularité de l'élection d’un membre du parlement, le
Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique, ayant
pris part à l'élection dans la circonscription concernée et toute personne ayant qualité
d'agent du gouvernement pour cette élection ;
2) Que sous peine d’irrecevabilité, la requête doit contenir les nom, prénom(s), qualité et
adresse du requérant ainsi que le nom de l'élu ou des élus dont l'élection est
contestée ;
3) Que sous peine d’irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens
allégués ;
4) Que la requête doit être datée et signée du requérant ;
« Attendu que de façon constante, le juge électoral camerounais, en son temps la Cour
Suprême du Cameroun statuant comme Conseil Constitutionnel, au regard du principe
selon lequel « la forme prime sur le fond » est à la base de la recevabilité de tout recours,
s’est toujours intéressé à la recevabilité formelle de la requête qui le saisit, c'est-à-dire à
la vérification de ce que la requête contient les différents éléments de forme exigés par les
dispositions légales ;
« C’est ainsi que lors du contentieux post électoral de l’élection présidentielle du 11
octobre 2004, l’ensemble des requêtes en annulation de ladite élection introduite par le
SDF avaient été déclarées irrecevables sur le fait que les requêtes saisissant la Haute
juridiction étaient signées par son conseil en lieu et place du requérant ;
« À titre de droit comparé, en application des dispositions de l’article 35, alinéa 1 de
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnelle en France dont s’est inspiré le législateur camerounais, les requêtes
doivent contenir le nom, les prénoms et qualité du requérant ainsi que le nom des élus
dont l'élection est attaquée ;
« De même, à peine d’irrecevabilité de la demande, la requête doit être signée de son
auteur (V. article 3 alinéa 1er du Règlement applicable à la procédure suivie devant le
Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs) ;
« Que faisant application de ces dispositions, le juge constitutionnel français a déclaré
irrecevable une requête signée par un avocat déclarant agir en qualité de mandataire du
requérant (Cons. Const. 6 mai 1986, AN Polynésie française, Rec. Cons. Const, p. 42 ; 8
juin 1993, AN Alpes-Maritimes, 7 circ. JO 12 juin 1993, p. 8422 ; 30 sept. 1993, AN
Réunion, 3e circ., JO 12 oct. 1993, p. 14254.
« Attendu qu’en l'espèce, la requête de Madame A AS et de l'UNDP
comporte uniquement les noms des députés titulaires dont l'élection est contestée, en
violation des dispositions de l’article 48 alinéa 2 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004
portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel qui énoncent que
« Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une contestation relative à l'élection d'un
député ou d'un sénateur, il statue sur la régularité de l'élection tant du titulaire que du
suppléant. » ;
« Qu’en application des dispositions sus invoquées, la requête de Madame A
AS et de l’'UNDP devait également indiquer les noms des suppléants ;
« Qu’en omettant d'indiquer le nom des suppléants dans leur requête, ils l’ont exposé à la
sanction de l’irrecevabilité prévue à l’article 49 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004
portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel ;
« En outre, la requête de Madame A AS et de l'UNDP est signée par
leur Avocat en violation des dispositions de l’article 55 de la loi n° 2004/004 du 21 avril
2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel ;
« Qu'il s’en suit que ladite requête doit être déclarée irrecevable ;
« Subsidiairement
« Attendu que les requérants allèguent que le scrutin du 09 février 2020 dans la
circonscription du Y Au aurait été émaillé de nombreuses fraudes et irrégularités
ayant prétendument couvert l’ensemble de ladite circonscription ;
« Qu'’à titre d'exemple des fraudes et irrégularités prétendues, ils citent :
« L'utilisation des enveloppes de l'élection présidentielle d'octobre 2018 pendant le
scrutin ;
= La falsification des PV de dépouillement qui traduirait le bourrage des urnes ;
« La réécriture des procès-verbaux des bureaux de vote par les chefs d’antenne
d’ELECAM en l'absence des autres membres des commissions locales de vote ;
« Que toutes ces irrégularités auraient tronqué la réalité des unes ;
« Mais attendu que les requérants ne produisent aucun document pour étayer leurs
allégations qui ne sauraient suffire à donner un fondement aux griefs soulevés ;
« Qu'il s’en suit que leur recours n’est pas fondé et doit être rejeté ;
« PAR CES MOTIFS
« Au principal :
« Voir déclarer irrecevable la requête de Madame A AS et de
l’UNDP ;
« Subsidiairement :
« Voir rejeter le recours de Madame A AS et de l'UNDP comme étant
non fondé ;
« SOUS TOUTES RESERVES
« PROFOND RESPECT
« Yaoundé le 15 février 2020 ;
---Qu’ELECAM de son côté a, sous la plume de ses conseils Maîtres MBUFUNG Marcel,
OKHA BAU OKHA et ATANGANA AMOUGOU Joseph, Avocats au Barreau du
Cameroun, déposé son mémoire en réponse libellé ainsi qu’il suit :
« PLAISE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
« Attendu que suivant requête datée du 11 février 2020, enregistrée au Greffe du Conseil
Constitutionnel le 12 février 2020 sous le n° 34, Madame A AS a
sollicité l’annulation de l'élection législative du 09 février 2020 dans la circonscription
électorale du Y Au ;
« Que cette requête est cependant irrecevable comme faite en violation de la forme
prescrite par la loi ;
IN LIMINE LITIS: SUR L’IRRECEVABILITE DE LA REQUETE COMME
FAITE EN VIOLATION DE LA FORME PRESCRITE PAR LA LOI.
« Attendu que l’article 133 alinéa 3 du Code électoral dispose que « Sous peine
d’irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens allégués. Elle est affichée
dans les vingt-quatre (24) heures à compter de son dépôt et communiquée aux parties
intéressées, qui disposent d’un délai de quarante-huit (48) heures pour déposer, contre
récépissé leur mémoire en réponse.»
« Que l’article 42 alinéa 3 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel rappelle que « la requête doit préciser les faits
et les moyens allégués. Elle est affichée dans les vingt-quatre (24) heures à compter de
son dépôt et communiquée aux parties intéressées, qui disposent d’un délai de quarante-
huit (48) heures pour déposer, contre récépissé, leur mémoire en réponse.»
« Attendu qu’il ressort des dispositions légales susvisées qu’une requête en annulation des
élections s'articule autour des faits et des moyens ;
« Qu'’or, l'exploitation du recours de Madame A AS laisse apparaître
que celui-ci se résume en un exposé des faits sans indiquer le texte de loi ou le principe
juridique qui aurait été violée dans le cadre de l'élection législative du 09 février 2020
dans la circonscription concernée ;
« Qu'il s’ensuit que ce recours a été fait en violation des dispositions légales susvisées ;
« Attendu que l’article 49 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel dispose quant-à lui que «sous peine
d’irrecevabilité, la requête doit contenir les nom, prénom(s) qualité et adresse du
requérant ainsi que le nom de l’élu ou des élus dont l’élection est contestée. Elle doit en
outre être motivée et comporter un exposé sommaire des moyens de fait et de droit qui la
fondent. Le requérant doit annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses
moyens. »
« Attendu que la requête de Madame A AS ne mentionne pas le nom de
l’élu ou des élus dont l’élection est contestée ;
« Que cette requête n’a donc pas été faite conformément à l’article 49 susvisé ;
« Que le recours de dame A AS est donc irrecevable comme fait en
violation de la loi.
« SUBSIDIAIREMENT : SUR LE CARACTERE NON JUSTIFIE DES GRIEFS
SOULEVES PAR LA REQUERANTE
« Attendu que si par extraordinaire le Conseil Constitutionnel venait à déclarer la requête
de Madame A AS recevable, cette dernière sera déboutée de sa
demande comme non justifiée ;
« Qu'en effet, il est loisible de relever que la requérante se borne à soulever des griefs
sans en rapporter la moindre preuve ;
« Que pourtant la charge de la preuve incombe à celui qui allègue un fait (actori incumbit
probatio) ;
« Qu'il y a, dans ce contexte, lieu de dire non justifiée sa requête.
« PAR CES MOTIFS :
« Et tous autres à déduire, à ajouter ou à suppléer même d'office s’il y a lieu ;
«IN LIMINE LITIS: Déclarer irrecevable le recours de Madame A
AS.
« AU FOND : Dire la requête de Madame A AS non justifiée.
« ET CE SERA JUSTICE.
« SOUS TOUTES RESERVES ;
«Yaoundé le 14 février 2020 ;
«Maître MBUFUNG Marcel KUMFA (é)
«Maître OKHA BAU OKHA (é)
«Maître ATANGANA AMOUGOU Joseph(é) ».
---Que le MINAT pour sa part a, sous la plume de ses représentants, conclu en ces termes :
« Plaise à l’Auguste Juridiction
« Attendu que par requête en date du 11 février 2020, enregistrée au Greffe du Conseil
Constitutionnel le 12 février 2020 sous le n° 34, dame A AS, candidate
de l’Union Nationale pour la démocratie et le Progrès (UNDP) aux élections législatives
du 09 février 2020 dans la circonscription électorale du Y Au, a saisi l’Auguste
juridiction aux fins d'annulation des opérations électorales dans ladite circonscription ;
« Qu’au soutien de sa requête, elle affirme que les enveloppes utilisées dans certains
bureaux de vote portaient la mention « élection présidentielle » au lieu de celles prévues
pour les élections législatives ;
« Qu'ainsi, le vote s’est déroulé en violation de l’article 100(1) de la loi n° 2012/017 du
21 décembre 2012 qui dispose que celui-ci a lieu sous enveloppes réglementaires
uniformes et opaques ;
« Attendu par ailleurs que la requérante allègue que les chefs d'antenne d’ELECAM, ont
volontairement et ce en l'absence des autres membres des commissions locales de vote,
falsifiés les procès-verbaux de certains bureaux de vote de Mora pour ajuster notamment
le nombre d'inscrits qui était inférieur au nombre de votants ;
« Qu'en se livrant à de telles manœuvres, ELECAM a violé les dispositions de l’article
115 alinéa 1 de la loi n° 2012/0001 du 19 avril 2012 sus évoquée qui prévoient que : « les
résultats du scrutin sont immédiatement consignés au procès-verbal » ;
« Mais attendu que l’Etat du Cameroun (MINAT) entend démontrer que cette requête ne
saurait prospérer ;
« Que l’Auguste Juridiction peut s’en apercevoir au moyen des arguments développés ci-
après ;
« Attendu que l’article 115 du Code Electoral, dans son alinéa 2 dispose qu’un exemplaire
du procès-verbal est remis à chaque membre de la Commission locale de vote l'ayant
signé ;
« Qu’au regard des dispositions des articles 54 et 55 du Code Electoral, chaque parti
prenant part aux élections désigne le membre de la Commission locale de vote qui le
représentera lors du scrutin ;
« Que la signature dudit procès-verbal vaut approbation de son contenu par ce dernier
qui est censé avoir pris part au dépouillement et détenir une copie de ce procès-verbal ;
« Qu'’à cet effet, la non-production des procès-verbaux querellés par la requérante qui, en
l'espèce, aurait pu s’en procurer auprès des représentants de son parti, membres de ladite
commission locale de vote est de ce fait non justifiée ;
« Qu'il y a lieu dès lors de retenir que le recours n’est pas fondé ;
« Que de même, elle ne rapporte pas la preuve que les griefs évoqués auraient pu avoir
une influence quelconque sur le résultat du scrutin ;
« Qu'il y a lieu dans le cas d’espèce de faire appliquer l’article 134 du Code Electoral qui
dispose que le Conseil Constitutionnel peut, sans instruction contradictoire préalable,
rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que de griefs ne
pouvant avoir aucune incidence sur les résultats de l'élection ;
« Qu'il échet de rejeter ce recours ;
« Par ces motifs et tous autres à en déduire ou à suppléer d'office ;
« Plaise au Conseil Constitutionnel de :
« Recevoir le MINAT en ses observations et l’y dire fondé ;
« Dire non justifiée la requête de dame A AS ;
« La rejeter en conséquence ;
« Et ce sera justice ;
« Yaoundé le 15 février 2020
« Le représentant de l’Etat
« (6) Al AX Anre ».
SUR LA RECEVABILITE DU RECOURS
---Attendu que le contentieux de l’élection des Députés à l’Assemblée Nationale relève
plutôt du Code Electoral et non de la loi n° 2004/004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel, telle que notifiée et complétée par celle n°
2012/015 du 21 décembre 2012 ;
---Qu’en effet, contrairement à ce que soutiennent les parties défenderesses, l’article 45 de
cette loi, dite « organique », renvoie lui-même de façon explicite le règlement du
contentieux de l’élection présidentielle aux lois électorales en vigueur, désormais, les
articles 132 et 133 du Code Electoral, auxquels l’article 168 suivant renvoie à son tour
pour l’élection parlementaire, au détriment des articles 49 et 55 sus invoqué ;
---Attendu à cet égard, qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 132 sus indiqué, le Conseil
Constitutionnel « statue sur toute requête en annulation totale ou partielle des
opérations électorales introduite par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à
Pélection, ou toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour cette
élection »;
---Que l’article 133 suivant dispose quant à lui :
« (1) Toute contestation formulée en application des dispositions de l’article 132 ci-
dessus doit parvenir au Conseil Constitutionnel dans un délai maximum de soixante-
douze (72) heures à compter de la date de clôture du scrutin… » ;
« (3) Sous peine d’irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens
allégués… » ;
---Qu’il résulte de l’ensemble de ces textes que la recevabilité de la requête obéît à trois
(03) conditions seulement en l’occurrence, avoir la qualité de la part du requérant,
intervenir dans les délais prescrits et préciser les faits et les moyens de droit allégués ;
---Qu’en l’espèce, la requérante qui s’est portée candidate dans la circonscription du Y
Au et qui a déposé son recours dans les délais légaux, a également évoqué les faits et les
moyens de droit dans sa requête ;
---Qu’il y a lieu de la déclarer recevable ;
AU FOND
---Attendu que la requérante sollicite du Conseil, l’annulation des opérations électorales
dans la circonscription électorale du Y Au, en invoquant les faits suivants :
- Utilisation des enveloppes de l’élection présidentielle d’octobre 2018 dans certains
bureaux de vote en lieu et place des enveloppes des élections législatives, en violation
de l’article 100 alinéa 1 du code électoral qui dispose que le vote a lieu sous enveloppes
réglementaires uniformes et opaques ;
- Falsification des procès-verbaux de dépouillement par les chefs d’antennes communal
d’ELECAM et bourrage des urnes, en violation flagrante de l’article 115 alinéa 1 du
Code Electoral.
---Que toutefois, elle ne produit nulle part les preuves des faits allégués.
---Qu’il s’ensuit que son recours n’est pas justifié et qu’il encourt le rejet ;
---Attendu que la procédure devant le Conseil Constitutionnel étant gratuite en vertu de
l’article 57 du Code Electoral, il y a lieu de laisser les dépens à la charge du Trésor
Public ;
---Attendu qu’il y a lieu également d’ordonner la notification de la décision à intervenir à
ELECAM et aux autres parties intéressées et sa publication au Aj Ap en
application des dispositions combinées des articles 131 alinéa 3 du Code Electoral et 151
alinéa 2 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du
Conseil Constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS
---Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, à l’unanimité des
membres et en dernier ressort ;
EN LA FORME
---Déclare la requête de dame A AS recevable ;
AU FOND
---La rejette comme non justifiée ;
---Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
---Ordonne la notification immédiate de la présente décision au Conseil Flectoral et aux
autres parties interessées, ainsi que sa publication au Aj Ap en français et en
anglais ;
---Ainsi jugé et prononcé en audience publique par le Conseil Constitutionnel les jour,
mois et an que dessus, en la salle des audiences dudit Conseil ;
---En foi de quoi la présente décision a été signée par le Président et le Secrétaire Général,
puis contresignée par le Greffier en Chef Suppléant./-
LE PRESIDENT LE AU BA
Clément ATANGANA MALEGHO Joseph ASEH
LE GREFFIER EN CHEF SUPPLEANT
HAMADJODA