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11/05/2018 | CADHP | N°005/2015

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 11 mai 2018, 005/2015


Texte (pseudonymisé)
Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325 325
Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325
Requête 005/2015, Bo Ah'’ara Ah et Bv Bc
Ah c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt, 11 mai 2018. Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant
foi.
Juges ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSE, BEN ACHOUR,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
Les requérants avaient été reconnus coupables et condamnés pour vol
à main armée. Ils ont introduit cette requête, alléguant des violations
de leurs droits par suite de leur détention et de leur jugement. La Cou

r
a estimé que le refus et le retard dans l'accès par les requérants aux
déclarations des tém...

Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325 325
Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325
Requête 005/2015, Bo Ah'’ara Ah et Bv Bc
Ah c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt, 11 mai 2018. Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant
foi.
Juges ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSE, BEN ACHOUR,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
Les requérants avaient été reconnus coupables et condamnés pour vol
à main armée. Ils ont introduit cette requête, alléguant des violations
de leurs droits par suite de leur détention et de leur jugement. La Cour
a estimé que le refus et le retard dans l'accès par les requérants aux
déclarations des témoins sont contraires à la Charte. La Cour a en outre
conclu que, le fait de ne pas accorder l'assistance judiciaire gratuite aux
requérants, est contraire à la Charte.
Compétence (conformité des procédures nationales avec la Charte, 31)
Interprétation (Déclaration universelle ayant acquis caractère de droit
international coutumier, 33 ; la Cour ne peut conclure à des violations du
droit national et des traités auxquels l’État défendeur n’est pas partie, 35)
Recevabilité (épuisement des recours internes, procès équitable, 45, 46
; introduction dans un délai raisonnable, 53-56)
Procès équitable (examen des preuves, 70, 94, 95, 116, 118 ; défense,
déclaration des témoins, 78, 79 ; assistance judiciaire gratuite, 86, 87 ;
raisons, 111, 112)
Réparation (remise en liberté, 155)
| Les parties
1 Les sieurs Bo Aw Ah et Bv Bc Ah Aci-après dénommés «les requérants ») sont citoyens de la République-Unie de Tanzanie.
2 L'État défendeur est la République-Unie de Tanzanie qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte »), le 21 octobre 1986, et au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommé « le Protocole »), le 10 février 2006. Il a également déposé la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole le 29 mars 2010.

326 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
Il. Objet de la requête
A Les faits de la cause
3 Les requérants ont saisi la Cour le 11 février 2015. Dans la requête ils allèguent la violation de leurs droits suite à leur arrestation, à leur détention et à la manière dont ont été traitées leurs différentes affaires devant les juridictions internes de l’État défendeur.
4 Les requérants allèguent que dans la matinée du 3 juillet 1999 vers 8h30, deux individus armés ont attaqué le bureau de change Zeid situé à Ac Bt, et ont emporté une importante somme d’argent ainsi que des chèques de voyage. Le seul témoin du vol était Mme Ay As, caissière dudit Bureau de change.
5. La police a ouvert une enquête à l'issue de laquelle quatre (4) personnes ont été arrêtées, dont le second Requérant le 3 juillet 1999 et le premier Requérant le 4 juillet 1999. Ils ont été mis en accusation le 5 juillet 1999 conjointement avec deux autres personnes, pour vol à main armée, infraction réprimée par les articles 285 et 286 du Code pénal tanzanien.
6 À l'issue de leur procès devant le Tribunal de district de Ac, dans l'affaire pénale N°672 de 1999, les requérants ont été reconnus coupables et condamnés le 7 mai 2004 à une peine de réclusion de trente (30) ans chacun.
7 Les requérants ont interjeté appel de la décision de culpabilité et de la peine prononcées contre eux, devant la Haute Cour de Tanzanie, dans l'affaire pénale N° 201 de 2004. Cet appel a été rejeté dans son intégralité le 31 octobre 2005, au motif que la peine de trente (30) ans de réclusion était conforme à la loi.
8 Les requérants ont ensuite saisi la Cour d'appel de Tanzanie siégeant à Ac dans l’appel pénal N° 27 de 2006, appel également rejeté dans son intégralité le 12 mai 2010. La Cour d’appel a conclu que les décisions du Tribunal de district et de la Haute Cour ne comportaient aucune erreur relative aux questions de fond soulevées dans l'appel et qu’il était manifeste que l’appel était sans fondement. 9 Les requérants ont alors introduit un recours en révision de l'arrêt de la Cour d'appel en la requête pénale N°8 de 2010, mais ce recours a été rejeté le 18 février 2013, au motif qu'aucune raison valable ne justifiait une révision de l'arrêt rendu par la Cour d'appel dans l'appel pénal N° 27 de 2006.
10. Les requérants affirment avoir par la suite introduit le 17 juin 2013 un recours en inconstitutionnalité devant la Haute Cour à Ac, dans lequel ils alléguaient la violation de leurs droits fondamentaux inscrits dans la Loi sur l’application des droits et des devoirs fondamentaux. Ils

Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325 327
soutiennent en outre que leur requête portait le sceau du Greffe de la Haute Cour en date du 17 juin 2013. Ils allèguent qu'après de longues démarches engagées pour s'’enquérir du sort réservé à leur recours en inconstitutionnalité, celui-ci leur a été retourné par le Greffier de la Haute Cour, sans lettre officielle de transmission. Ils soutiennent avoir reçu des instructions verbales leur recommandant d'introduire un recours devant la Cour d’appel.
B. …Violations alléguées
11. Les requérants ont formulé plusieurs griefs portant sur leurs conditions de détention par les autorités policières et la manière dont ils ont été jugés et condamnés par les autorités judiciaires de l’État défendeur. Ils affirment notamment ce qui suit :
i. Les principes de droit applicables et la pratique reconnue en matière d'identification visuelle n’ont été ni respectés ni pris en compte par le tribunal de première instance ;
ii. Ils n'étaient pas représentés par un conseil ; ils ont été privés de soins médicaux et ont été maintenues en garde à vue largement au-delà du délai prévu par la loi ;
iii. Ils ont été privés du droit d’être entendus lorsque le magistrat qui avait instruit l’affaire a été remplacé ;
iv. Aucune arme n’a été découverte, ni présentée comme élément de preuve devant la Cour pour étayer le chef d'accusation de vol à main armée et le propriétaire du bureau de change dont le nom est mentionné dans l’acte d’accusation n’a jamais été appelé à la barre pour témoigner ;
v. Le procès s’est poursuivi malgré le fait que certaines dépositions des témoins ne leur avaient pas été communiquées, tandis que d’autres leurs ont été remises avec un retard excessif ;
vi. Les jugements rendus par le Tribunal de première instance et par les première et deuxième juridictions d'appel étaient viciés, en raison des contradictions entre les dépositions des témoins à charge N°2 et N°3 ;
vi. Le Tribunal de première instance a rendu un jugement définitif sans avoir examiné ou tenu compte des observations écrites ; vi. La Haute Cour a statué en appel en se fondant sur une mauvaise appréciation ou une interprétation erronée des éléments de preuve ;
ix. La Cour d'appel a retenu et s'est fondée sur des conclusions erronées pour déclarer les requérants coupables ;
x. Leur recours en inconstitutionnalité a été rejeté de manière irrégulière et leur a été renvoyé sans lettre officielle de transmission ;
xi. Leur recours en révision devant la Cour d'appel a été rejeté, au

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motif que ces irrégularités auraient dû être soulevées en appel ; xii. La peine prononcée après avoir déclaré les requérants coupables est contraire aux dispositions des articles 285 et 286 du Code pénal tanzanien, dans la mesure où cette peine n'existait pas au moment où l'infraction a été commise, et elle est de surcroît excessive ;
xili. Ils ont subi des dommages irréparables et des traitements inhumains du fait de la violation de leurs droits fondamentaux. »
12. Les requérants allèguent également la violation des droits inscrits aux articles suivants :
i. Articles 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme;
ii. Articles 3, 7, 7(2), 19, et 28 de la Charte ;
iii. Articles 107A (2) (e) et 107B; 12(1) et (2); 13(1), (3), (4) et (6) (c); 26(1) et (2); 29(1), (2) et (5); 30(1), (3) et (5) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie;
iv. Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. v. Article 8 de la Convention américaine des droits de l'homme ; et vi. Articles 285 et 286 du Code pénal tanzanien, en ce qui concerne
leur condamnation illégal
I. Résumé de la procédure devant la Cour de céans
13. Larequête a été déposée le 11 février 2015. Par deux notifications distinctes toutes deux datées du 20 mars 2015 et conformément aux articles 35(2) et (3) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »), le Greffe a notifié la requête à l’État défendeur et l’a transmise, par l'intermédiaire de la Présidente de la Commission de l’Union africaine, au Conseil exécutif de l'Union africaine ainsi qu'aux États Parties au Protocole.
14. Par lettre datée du 31 mars 2015, le Greffe a notifié à l’Union panafricaine des avocats (UPA) la décision de la Cour la désignant pour fournir une assistance aux requérants et par courriel en date du 2 avril 2015, l'UPA a confirmé qu'elle était disposée à les représenter. 15. L'État défendeur a déposé la liste de ses représentants le 5 mai 2015.
16. Le 27 mai 2015, l’État défendeur a demandé à la Cour de lui accorder un délai supplémentaire pour déposer sa réponse à la requête et, par notification datée du 24 juin 2015, le Greffe a informé l’État défendeur de la décision de la Cour de lui accorder un délai supplémentaire de trente (30) jours pour déposer sa réponse.
17. Le 20 août 2015, l’État défendeur a déposé sa réponse à la requête et, par notification en date du 26 août 2015, la réponse a été

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communiquée aux requérants.
18. Par lettre du 18 novembre 2015, les requérants ont demandé à la Cour de leur accorder un délai supplémentaire pour déposer leur réplique à la réponse de l’État défendeur et, par notification du 14 mars 2016, le Greffe a informé les requérants de la décision de la Cour de leur accorder un délai supplémentaire de trente (30) jours pour déposer leur réplique. La réplique des requérants a été déposée le 23 mars 2016.
19. Par notification du 10 juin 2016, le Greffe a informé les parties de la clôture de la procédure écrite avec prise d’effet à partir du 3 juin 2016.
IV. Mesures demandées par les parties
20. Dans leur réplique, les requérants ont réitéré les demandes formulées dans leur requête comme suit :
«i. Dire que l’État défendeur a violé les droits des requérants garantis par la Charte, notamment en ses articles 1 et 7. ü. Dire que l’État défendeur a violé les articles 2, 3, 5, 7 et 19 de la Charte et 1, 2, 5, 6, 7, 8 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme à différentes étapes du procès.
iii. Dire que le paragraphe 142 de la Loi sur la preuve (Chapitre 6 E. R. de 2002) est contraire aux normes internationales du droit à un procès équitable.
iv. Ordonner à l’État défendeur de prendre des mesures immédiates et appropriées pour remédier aux violations constatées.
v. Ordonner des réparations.
vi. Rendre toute autre mesure ou ordonnance que la Cour estime appropriée ».
21. Dans sa réponse à la requête, l'État défendeur demande à la Cour d’ordonner les mesures suivantes relatives à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la requête :
«1. Dire que la compétence de la Cour africaine n’a pas été invoquée = dans la requête;
2. Rejeter la requête au motif qu’elle ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l’article 40(5) du Règlement de la Cour ;
3. Rejeter la requête au motif qu’elle ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l’article 40(6) du Règlement de la Cour ;
4. Rejeter la requête, en application de l’article 38 du Règlement

330 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
de la Cour ».
22. Sur le fond de la requête, l’État défendeur demande à la Cour de constater qu’il n’a pas violé les articles 1, 2, 6 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et 3, 7, 10, 19 et 28 de la Charte.
23. L'État défendeur demande en outre à la Cour de ne pas octroyer de réparation aux requérants, d’ordonner que les requérants continuent de purger leurs peines et de rejeter la requête dans son intégralité.
V. Sur la compétence
24. En application de l’article 39(1) de son Règlement, la Cour « procède à un examen préliminaire de sa compétence… »
25. L'État défendeur n’a soulevé qu’une exception, surla compétence matérielle de la Cour.
A. Exception d’incompétence matérielle
26. L'État défendeur soutient que les requérants demandent à la Cour de siéger comme Tribunal de première instance en ce qui concerne certaines allégations et de siéger comme « Cour suprême d'appel » pour réexaminer des questions de droit et de preuve qui ont déjà été tranchées par la Cour d’appel de Tanzanie, alors que le Protocole ne lui confère pas cette compétence. L'État défendeur se réfère à cet égard la décision de la Cour dans l'affaire Ernest Ar An c. République du Malawi.‘
27. L'État défendeur souligne que les allégations suivantes sont celles qui demandent à la Cour de siéger en tant que tribunal de première instance :
i. L’allégation selon laquelle les requérants n’ont pas eu la possibilité d’être représentés par un avocat avant et après leur mise en accusation devant les tribunaux, se sont vu refuser des soins médicaux et ont été maintenus en garde à vue au-delà du délai autorisé.
ii. L’allégation selon laquelle les requérants ont déposé une requête auprès de la Haute Cour de Tanzanie en vertu de la Loi sur l'application des droits et des devoirs fondamentaux, requête sur laquelle le cachet du Greffe de district de la Haute Cour a été apposé le 17 juin 2013 et qui a été rejetée irrégulièrement après une longue période, sans aucune communication officielle à cet
1 Requête 001/2013. Décision du 15/3/2013 (Compétence) - Ernest Ar An c. République du Malawi. (Décision An c. Malawi), par. 14 où la Cour a statué que : « Elle n’a pas de compétence en appel pour recevoir et examiner des appels concernant des affaires déjà tranchées par des tribunaux nationaux et / ou régionaux ».

Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325 331
effet.
iii. L’allégation selon laquelle ils ont été condamnés à trente (30) ans de réclusion en violation des articles 285 et 286 du Code pénal et que les accusations portées contre eux ne constituaient pas, au moment de leur commission, une infraction légalement punissable, en ce sens que la peine était sévère, excessive et en violation de leurs droits inscrits aux articles 7(2) de la Charte et 13(6)(c) de la Constitution de l’État défendeur de 1977.
28. L'État défendeur fait en plus valoir que les allégations pour lesquelles, les requérants demandent à la Cour de siéger en tant que « Cour suprême d’appel » sont celles relatives à leur identification, à la non-soumission de la preuve de l'arme présumée avoir servi à commettre le vol, à la non-comparution du propriétaire du Bureau de Change devant la Cour, aux changements du lieu du procès, à leur condamnation fondée sur des conclusions erronées, à l'examen de leurs appels à la lumière d’éléments de preuve erronés et au rejet de leur recours en révision au motif que les questions soulevées l’auraient été de manière plus approprié devant une juridiction d’appel.
29. Dans leur réplique, les requérants soutiennent que la Cour africaine a compétence pour examiner leur affaire en vertu des dispositions de la Charte et du Protocole, du fait que leur requête porte sur la violation de droits de l'homme inscrits dans la Charte et dans d’autres instruments de droits de l’homme ratifiés par l’État concerné. Ils se réfèrent à cet égard à la décision rendue dans l'affaire Bk Bo c. République-Unie de Tanzanie.
30. Conformément à l’article 3(1) du Protocole et à l'article 26(1) (a) du Règlement, la compétence matérielle de la Cour s'étend à « toutes les affaires et tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l’application de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États concernés ».
31. La Cour réitère la position qu’elle a adoptée dans l'affaire Ernest Ar An c. République du Malawë dans laquelle elle a estimé qu’elle n’est pas une instance d'appel des décisions rendues par les
2 Requête 005/2013. Arrêt du 20/11/2015 - Bk Bo c. République-Unie de Tanzanie (Arrêt Bk Bo c. Tanzanie), par. 130, où la Cour s’est prononcée comme suit : « Certes, la Cour africaine n’est pas une instance d'appel des décisions rendues par les juridictions nationales, mais cela ne l'empêche pas d'examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales pour déterminer si elles sont en conformité avec les normes prescrites dans la Charte ou avec tout autre instrument ratifié par l’État concerné. S'agissant des erreurs manifestes dans les procédures devant les juridictions internes, la Cour de céans examine si celles-ci ont appliqué les principes appropriés et les normes internationales pour redresser ces erreurs ».
3 Décision Ai An c. Malawi op. cit. para 14.

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juridictions nationales. Mais comme elle l’a également souligné dans son arrêt du 20 novembre 2015 en l'affaire Bk Bo c. République- Unie de Tanzanie, et réaffirmé dans son arrêt du 3 juin 2016 dans Bg Be c. République-Unie de Tanzanie, cela n’écarte pas sa compétence pour apprécier si les procédures devant les juridictions nationales répondent aux normes internationales établies par la Charte ou par les autres instruments applicables des droits de l'homme auxquels l’État défendeur est partie. En conséquence, la Cour rejette l'exception soulevée par l’État défendeur, tirée de l’argument selon lequel elle agit en l'espèce comme une juridiction d'appel.
32. Par ailleurs, s'agissant de sa compétence matérielle, la Cour relève que dans la mesure où les requérants allèguent les violations des dispositions de certains instruments internationaux auxquels l’État défendeur est partie, elle a la compétence matérielle, en vertu de l’article 3(1) du Protocole.
33. La Cour fait encore observer que même si la Déclaration universelle des droits de l'homme n’est pas un instrument international des droits de l'homme soumis à la ratification des États, elle a déjà établi, dans l'affaire Am Aj Am c. Tanzanie que la Déclaration « est reconnue comme faisant partie du droit coutumier international ».5 La Cour de céans est donc tenue de l'interpréter et de
34. Les requérants ont en outre invoqué la Convention américaine des droits de l'homme, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, plus communément appelée Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que la Constitution et le Code pénal de l’État défendeur.
35. Conformément à l’article 3(1) du Protocole, la Cour estime qu’elle ne peut pas établir les violations sur la base de la Constitution et du Code pénal de l’État défendeur, qui sont des lois nationales. Il en va de même de la Convention américaine des droits de l'homme et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales auxquelles l’État défendeur n’est pas et ne peut être Partie.
36. La Cour en conclut qu’elle a la compétence matérielle pour connaître de la présente requête.
4 Arrêt Bk Bo c. Tanzanie op. cit. par.130 et Requête 007/2013. Arrêt du 3/6/2016 - Bg Be c. République-Unie de Tanzanie (Arrêt Bg Be c. Tanzanie), para 29.
5 Requête 012/2015. Arrêt du 23/3/2018 - Am Aj Am c. République-Unie de Tanzanie, (Arrêt Am c. Tanzanie), par. 76 ; affaire Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États- Unis d' Bd c. Iran) [1980] CIJ Rep 3 par. 42, Collection 1980 ; article 9(f) de la Constitution de la République- Unie de Tanzanie de 1977.

Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325 333
B. Autres aspects relatifs à la compétence
37. La Cour fait observer que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n’est pas contestée par l’État défendeur et rien dans le dossier n’indique qu’elle n’est pas compétente au regard de ces trois aspects. Elle constate donc qu’en l'espèce, elle a :
i. la compétence personnelle, étant donné que l’État défendeur est un État Partie au Protocole et qu’il a déposé la déclaration requise à l’article 34(6), autorisant les requérants à saisir la Cour en vertu de l’article 5(3) dudit Protocole ;
ii. la compétence temporelle dans la mesure où, de par leur nature, les violations alléguées se poursuivent et les requérants demeurent condamnés et continuent de purger une peine de trente (30) ans de réclusion, sur la base de ce qu'ils considèrent comme une procédure injuste ;°
iii. la compétence territoriale, les violations alléguées étant intervenues sur le territoire d’un État Partie au Protocole, à savoir l’État défendeur.
38. De ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour examiner la présente requête.
VI. Sur la recevabilité
39. En vertu de l’article 39(1) du Règlement, «la Cour procède à l'examen préliminaire … des conditions de recevabilité de la requête telles que prévues par les articles … 56 de la Charte et l’article 40 du présent Règlement ».
40. _ L'article 40 du Règlement reprend en substance l’article 56 de la Charte et est libellé comme suit :
« En conformité avec les dispositions de l’article 56 de la Charte [.……...], les requêtes doivent remplir les conditions ci-après :
1. indiquer l'identité de leur auteur, même si celui-ci demande à la Cour de garder l’anonymat;
2. être compatible avec l’Acte constitutif de l'Union africaine et la Charte ;
3. ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;
4. ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;
5. être postérieures à l'épuisement des recours internes, s'ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
6 Requête 003/2015. Arrêt du 28/9/2017 - Af Ae Ax et un autre c. République-Unie de Tanzanie (Arrêt Af Ax c. Tanzanie), par. 40

334 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
6. être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;
7. ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément, soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit de dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l’Union africaine ».
A. Conditions de recevabilité en discussion entre les parties
41. Certaines des conditions de recevabilité ci-dessus ne sont certes pas, en discussion entre les parties, mais l’État défendeur a soulevé des exceptions portant sur l'épuisement des voies de recours internes et sur le délai de saisine de la Cour.
i. Exception tirée du non épuisement des voies de recours internes
42. L'État défendeur soutient que les requérants auraient dû porter leurs griefs devant les juridictions nationales comme le prescrit l’article 56(5) de la Charte avant de saisir la Cour de céans. II fait également valoir que les allégations énumérées au paragraphe 11 ci-dessus n’ont été portées à sa connaissance qu’après le dépôt de la présente requête. Il soutient en outre que les requérants ont encore la possibilité d'introduire un recours en inconstitutionnalité devant les juridictions internes.
43. Pour leur part, les requérants soutiennent qu’ils ont épuisé toutes les voies de recours internes disponibles au sein du système judiciaire de l’État défendeur, du fait qu’ils ont été entendus jusqu’au niveau de la Cour d'appel, qui est la plus haute juridiction du pays. Ils affirment encore que tous les autres recours disponibles doivent être considérés comme des « recours extraordinaires » qu’ils n'étaient pas
44. Comme indiqué au paragraphe 11 plus haut, les requérants ont soulevé treize (13) griefs devant la Cour de céans. Il ressort du dossier que huit (8) de ces griefs, notamment ceux mentionnés au paragraphe 11(i), (iii), (iv), (v), (vi), (vii), (viii) et (ix), ont été formulés à divers stades de leur procès en première instance et en appel devant les juridictions de l’État défendeur. Il ressort également du dossier que cinq (5) griefs sont soulevés pour la première fois devant la Cour de céans. Il s’agit de ceux relatifs au déni de leur droit à une représentation juridique,

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à leur garde à vue indûment prolongée, au rejet de leur recours en révision devant la Cour d'appel, au rejet, entaché d'irrégularités, de leur requête en inconstitutionnalité et à l’illégalité et la sévérité de la peine prononcée contre les requérants après qu’ils aient été déclarés coupables.
45. Il est constant que toute requête devant la Cour de céans doit satisfaire à l'exigence de l'épuisement des voies de recours internes.” Toutefois, dans l'affaire Bk Bo c. République-Unie de Tanzanie, la Cour a également estimé que le Requérant n’était pas tenu d’épuiser les voies de recours internes en ce qui concerne les violations alléguées du droit à un procès équitable lors de ses procès en première instance et en appel devant les juridictions internes.®
46. En l'espèce, la Cour relève que les allégations des requérants en ce qui concerne le déni de leur droit à l'assistance judiciaire, le refus d'assistance judiciaire, la garde à vue indûment prolongée, l’illégalité et la sévérité de la peine imposée, relèvent de « l’ensemble des droits et garanties » qui caractérisent un procès équitable et que les requérants n’étaient pas tenus de les avoir soulevés de manière spécifique au niveau national. La Cour estime donc que les requérants sont réputés avoir épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne ces griefs en particulier.
47. Pour ce qui est du recours en inconstitutionnalité portant sur la violation des droits des requérants, la Cour a déjà conclu que dans le système judiciaire tanzanien, il s'agit d’un recours extraordinaire que les requérants n’étaient pas tenus d’épuiser avant de la saisir.’
48. La Cour conclut en conséquence que les requérants ont épuisé les voies de recours internes concernant tous leurs griefs.
49. Pour cette raison, la Cour rejette l'exception d’irrecevabilité de la requête tirée du non-épuisement des voies de recours internes soulevée par l’État défendeur.
ii. Exception relative au non-dépôt de la requête dans un délai raisonnable
50. L'État défendeur soutient que la requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable au sens de l’article 40(6) du Règlement. L'État défendeur affirme en outre qu’au moment du dépôt de la requête
7 Requête 003/2012. Décision du 28/3/2014 - Peter Bh Aa c. République- Unie de Tanzanie (Décision Bi Aa c. Tanzanie), par. 40.
8 Arrêt Bk Bo c. Tanzanie op. cit. par.60.
9 Ibid. pars. GO - 62; Arrêt Bg Be c. Tanzanie op. cit. pars. 66 - 70; Requête 011/2015. Arrêt du 28/9/2017 - Bn Av c. République-Unie de Tanzanie (Arrêt Bn Av c. Tanzanie), par. 44.

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en l'espèce, quatre (4) ans et deux (2) mois s'étaient écoulés depuis le prononcé de l'arrêt de la Cour d’appel et que deux (2) ans s'étaient écoulés depuis la décision sur la requête en révision de l'arrêt de la Cour d'appel. L'État défendeur soutient dès lors que la requête est irrecevable et qu’elle doit être rejetée, aux dépens des requérants.
51. Les requérants quant à eux font valoir qu’ils sont profanes en la matière, qu’ils sont indigents, incarcérés et sans formation juridique. Ils affirment également qu’ils n’ont bénéficié d'aucune assistance judiciaire ou représentation juridique par un conseil, jusqu’au moment où la Cour leur a commis un conseil à titre gracieux. Ils ajoutent que les circonstances particulières de leur affaire justifient la recevabilité de leur requête, étant donné que des raisons suffisantes expliquent son dépôt à cette date-là.
52. La Cour relève que les articles 40(6) de son Règlement et 56(6) de la Charte n’indiquent pas de délai précis pour la saisir. Ces articles font mention du dépôt de la requête dans un délai raisonnable à partir de la date d’épuisement des voies de recours internes ou de toute autre date fixée par la Cour.
53. La Cour note que les voies de recours internes ont été épuisées suite au rejet le 12 mai 2010 du recours par la Cour d’appel. Cette date est donc considérée comme celle à compter de laquelle le délai devrait commencer à courir, pour apprécier le caractère raisonnable du délai visé à l’article 40(6) du Règlement.‘°
54. La Cour constate que la requête a été déposée quatre (4) ans huit mois et trente (30) jours après l'épuisement des voies de recours internes. Comme la Cour l’a déjà conclu, l'appréciation du caractère raisonnable du délai de sa saisine « dépend des circonstances particulières de chaque affaire, et doit être apprécié au cas par cas »." 55. La Cour considère à cet égard qu’étant incarcérés, les requérants ignoraient peut-être jusqu'à l'existence même de la Cour ou ne savaient comment la saisir, ce d'autant plus que l’État défendeur avait déposé la déclaration prévue à l’article 34 (6) du Protocole moins de deux (2) mois avant l'épuisement des voies de recours internes. Les requérants ne devraient non plus être pénalisés pour avoir essayé d’exercer un recours extraordinaire, à savoir le recours en révision de l'arrêt de la Cour d'appel, qui a été rejeté le 18 février 2013. La Cour estime que ces éléments constituent une raison suffisante pour laquelle
10 Requête 038/2016. Arrêt du 22/3/2018 — Ao Bf Bp Bl c. Côte d'Ivoire, para 35-37.
11 Requête 013/2011. Arrêt du 28/3/2014 - Ayants droit de feu Bl Bb et autres c. Bw Bu AArrêt Bl Bb c. Bw Bu), para 92 ; voir Arrêt Bk Bo c. Tanzanie op. cit. para 73 ; Arrêt Bg Be c. Tanzanie op. cit. par. 91 ; Arrêt Bn Av c. Tanzanie op. cit. para. 52.

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les requérants ont déposé la requête quatre (4) ans, huit (8) mois et trente (30) jours après l'épuisement des voies de recours internes.
56. Pour ces raisons, la Cour conclut que la requête a été introduite dans un délai raisonnable au sens de l’article 40(6) de son Règlement. Elle rejette donc cette exception préliminaire d’irrecevabilité.
B. Conditions de recevabilité non contestées par les parties
57. Les conditions relatives à l’identité de l’auteur de la requête, à la compatibilité avec l’Acte constitutif de l’Union, aux termes utilisés dans la requête, à la nature des moyens de preuve et au principe selon lequel une requête ne doit pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l’Union africaine (alinéas 1, 2, 3, 4, et 7 de l’article 40 du Règlement) ne sont pas en discussion entre les parties.
58. La Cour relève également que rien dans les pièces versées au dossier parles parties n'indique que l’une quelconque de ces conditions n’a pas été respectée en l'espèce. Elle estime en conséquence que les conditions énoncées dans les dispositions ci-dessus ont été remplies. 59. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que la requête remplit toutes les conditions de recevabilité énoncées aux articles 56 de la Charte et 40 du Règlement et, en conséquence, la déclare recevable.
VII. Sur le fond
A. Violation alléguée du droit à un procès équitable
60. Les requérants ont soulevé plusieurs griefs qui portent sur la violation alléguée du droit à un procès équitable garanti à l’article 7 de la Charte, libellé comme suit :
«1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :
a. le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ;
b. le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;
c. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un

338 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
défenseur de son choix » ;
d. le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale.
2. Nul ne peut être condamné pour une action ou omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n’a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise. La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant ».
61. Les requérants allèguent également des violations des articles 8 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui prévoient ce qui suit :
« Article 8. Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ».
« Article 10. Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien- fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
i. Allégation relative à l’identification des requérants
62. Selon les requérants, compte tenu de la gravité de l'infraction et de la sévérité de la peine encourue, leur identification, pour avoir été menée de manière informelle, n’était pas suffisante et ne répondait pas aux normes nationales et internationales en la matière. Ils soutiennent qu’une procédure adéquate d’identification aurait dû être suivie. Ils affirment également qu’il n’y a pas eu de séance d'identification et qu’aucune preuve documentaire n’en a été produite devant le tribunal. Ils soutiennent enfin que le témoin à charge N°3, l'inspecteur Peter Mvulla, a affirmé que les enquêteurs de la police avaient conduit les suspects auprès du plaignant pour que celui-ci les identifie. Les requérants soutiennent encore qu'aucun des moyens de preuve produits devant le Tribunal de première instance n’était conforme aux principes du droit et à la pratique régissant l’identification visuelle. Ils soutiennent que leur déclaration de culpabilité doit être annulée car fondée sur une identification non conforme aux procédures prévues par la loi.
63. Pour sa part, l’État défendeur fait valoir que cette allégation constituait l’un des moyens d'appel dans le recours formé par les requérants devant la Cour d’appel dans l'affaire pénale N°27 de 2006 et qu'après l'avoir examinée, la Cour d’appel avait confirmé les conclusions du Tribunal de première instance et de la Haute Cour. L'État défendeur soutient dès lors que cette allégation est sans fondement et

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qu’elle doit, en conséquence, être rejetée.
64. La question qui se pose est celle de savoir si les requérants avaient été identifiés selon les normes et si les juridictions de l’État défendeur avaient appliqué les principes et les règles de droit appropriés dans leur appréciation des éléments de preuve produits par les témoins en ce qui concerne l'identification.
65. | ressort du dossier que la Haute Cour et la Cour d’appel avaient examiné la question de l'identification visuelle et estimé non seulement que les critères fixés par la loi avaient été respectés mais aussi que la séance d'identification s'était déroulée selon les règles établies.'?
66. La Haute Cour a examiné la déposition de Ay As, l'employée du Bureau de change qui était de service au moment du braquage, qui a affirmé avoir vu les deux requérants le jour du vol et indiqué que le second Requérant avait pointé un pistolet sur elle. La Haute Cour a encore relevé que Ay As avait pu identifier les deux requérants lors de la séance d’identification organisée deux (2) jours plus tard, à savoir, le 5 juillet 1999.
67. La Cour d'appel a également examiné ces deux questions relatives à l'identification et a constaté que la description des voleurs faite par Ay As n'avait donné lieu à aucune contestation. Elle a également fait observer que les vêtements trouvés en la possession du second Requérant au moment de son arrestation correspondaient à la description des voleurs.
68. S'agissant de l'identification visuelle, la Cour de céans relève que la Cour d’appel avait souligné que l'identification par un seul témoin devait être absolument irréfutable pour justifier une déclaration de culpabilité. La Cour note que la Cour d’appel avait aussi examiné les principes régissant l’identification visuelle tels qu'’énoncés dans la jurisprudence pertinente de l’État défendeur.'* Après avoir examiné ces principes ainsi que les conclusions du Tribunal de première instance et de la Haute Cour, elle a indiqué qu’elle était convaincue qu’il n’y avait pas eu d’erreur d'identification.
69. De plus, le dossier devant la Cour de céans montre que le formulaire 186 de la police attestant de l'effectivité de la séance d'identification a été soumis comme preuve et que le policier qui a conduit la séance d’identification, le Sergent-adjoint Nuhu, a également témoigné en tant que témoin à charge N°5 au cours du procès.
70. De l’avis de la Cour, rien dans le dossier ne montre que les juridictions nationales n’ont pas appliqué la loi de façon appropriée et à la lumière des normes applicables. La Haute Cour et la Cour
13 Voir Ap Bm c. République [1980] TLR 250.

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d'Appel ont toutes deux examiné les principes applicables régissant la question de l'identification et les ont appliqués à la preuve présentée, d’une manière juste et équitable.
71. La Cour constate que l’État défendeur n’a pas porté atteinte aux droits des requérants à un procès équitable en ce qui concerne la séance d'identification.
iii …— Allégation relative à la non communication de certaines dépositions des témoins et à leur transmission tardive aux requérants
72. Les requérants affirment avoir demandé à plusieurs reprises que les déclarations des témoins leur soient communiquées, or le procès s’est déroulé malgré le fait qu’ils ne les ont pas reçus. Ils déclarent que le procès dans l'affaire pénale N°672 de 1999 a débuté le 8 juillet 1999 alors qu’ils n'avaient pas reçu les déclarations des témoins. Ils allèguent qu’ils les ont-plusieurs fois réclamés précisément les 9 août 2000, 22 septembre 2000, 4 juillet 2001, 10 septembre 2001, 15 octobre 2001, 21 janvier 2002, 29 octobre 2002 et 12 décembre 2002. Pour sa part, Le Tribunal de première instance a rappelé à l’accusation à plusieurs reprises entre le 9 août 2000 et le 4 juillet 2001, de fournir aux requérants les déclarations des témoins, conformément à leur droit statutaire et aux ordonnances de la Cour à cet égard.
73. Les requérants déclarent que ce n’est que le 22 février 2002 que le ministère public a informé la Cour qu’il avait fourni aux requérants les déclarations des témoins, soit plus de deux (2) ans et demi après le début du procès. Les requérants allèguent que le 16 novembre 2001 ils ont été soumis à un interrogatoire pour avoir réclamé les dépositions des témoins.
74. Les requérants soutiennent que le retard dans la communication de ces déclarations a porté atteinte à leur droit à un procès équitable et, en particulier, à leur droit à la défense. Les requérants affirment que « l’égalité des armes » est un principe de la common law qui impose à l'accusation l’obligation de divulguer tout document en sa possession, et susceptible d'aider l'accusé à préparer sa défense.
75. La Cour note que l’État défendeur n’a ni répondu à cette allégation ni contesté la véracité de l'affirmation des requérants sur ce point.
76. La Cour rappelle que, conformément à l’article 7(1)(c) de la Charte, toute personne a droit à la défense. En matière pénale, ce droit commande que des accusés tels que les requérants soient rapidement informés des éléments de preuve qui étayeront les accusations portées contre eux, que ce soit sous forme de témoignage ou sous d’autres formes, pour leur permettre de préparer leur défense à cet égard.

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77. Les requérants auraient dû recevoir sans délai toutes les copies des déclarations du témoin à charge qui leur aurait servi à préparer leur défense. La Cour note que, au moment du début de la présentation des moyens de l’accusation le 28 août 2002, l’État défendeur n’avait pas encore fourni aux requérants certaines déclarations de témoins et que cette situation a prévalu jusqu’à deux ans et demi plus tard malgré les ordonnances du tribunal de première instance à cet égard.
78. La Cour estime que ce retard injustifié dans la communication des déclarations des témoins a affecté le droit des requérants de préparer leur défense, ce qui constitue une violation de l’article 7(1) (c) de la Charte.
79. Par conséquent, la Cour considère que le refus opposé aux requérants d'accéder à certaines déclarations du témoin à charge et le retard dans la communication de celles-ci constituent une violation de l’article 7(1) (c) de la Charte par l’État défendeur.
iii. Allégation selon laquelle les requérants ont été privés de leur droit d’être assistés par un conseil
80. Les requérants affirment qu’ils ont été privés de la possibilité d'être assistés par un conseil dans les étapes de la procédure en première instance et en appel.
81. Les requérants soutiennent que malgré le fait d’être profanes en la matière, indigents, incarcérés et accusés d’infractions graves passibles de lourdes peines, ils n'ont pas bénéficié d’une représentation juridique pendant la majeure partie de leur procès. Ils affirment en outre qu’ils n'avaient été que brièvement représentés par Me Muna le 9 août 1999, lors de l'examen de leurs demandes de remise en liberté sous caution.
82. Les requérants font encore valoir que la Loi ci-dessus mentionnée impose à l'autorité compétente l’obligation positive d'accorder une assistance judiciaire lorsque celle-ci est souhaitable et nécessaire, dans l'intérêt de la justice et lorsque l’accusé ne dispose pas de moyens pour couvrir les frais d’une assistance judiciaire.
83. Pour sa part, l’État défendeur fait valoir que la Loi sur l’assistance judiciaire (en matière pénale) prescrit effectivement le droit des accusés à une assistance judiciaire, sous réserve que l'accusé en fasse la demande. L'État défendeur affirme que les requérants n’avaient jamais demandé cette assistance et que le premier Requérant, Bo Ah, était assisté par Me Feren Kweka lors de la procédure devant la Cour d'appel.
84. L'article 7(1)(c) de la Charte dispose que « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : … (c) le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur

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de son choix ».
85. La Cour relève qu’il ressort du dossier que Me Muna a assisté les requérants le 9 août 1999 lors de l'examen de leurs demandes de liberté sous caution et que le premier Requérant était assisté par Me Feren Kweka lors de la phase orale de leur appel devant la Cour d'appel. Les requérants, par contre, n'étaient pas assistés par un conseil lors de leur procès devant le Tribunal de district de Ac et lors de leur appel devant la Haute Cour et le second Requérant n’était pas assisté par un conseil lors de la phase orale de la procédure devant la Cour d’appel.
86. La Cour a également estimé dans des arrêts précédents que le droit à un procès équitable inscrit à l’article 7 de la Charte comprend aussi le droit à une assistance judiciaire gratuite, en particulier lorsque les accusés doivent répondre de crimes graves passibles de lourdes peines.‘ Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que pour des infractions graves telles le vol à main armée, passibles de lourdes peines privatives de liberté, l’État défendeur a l’obligation de fournir aux accusés, qui se trouvent dans la même situation que les requérants en l'espèce, de sa propre initiative et gratuitement, les services d’un avocat tout au long de la procédure judiciaire devant les juridictions internes.‘ En l’espèce, les requérants sont accusés de vol à main armée, infraction passible d’une peine minimale de trente (30) ans de réclusion.
87. La Cour conclut que, pour n'avoir pas fourni aux requérants un conseil pour les assister, l'État défendeur a violé leur droit à la défense.
iv. Allégation selon laquelle les juridictions internes n’ont pas respecté les règles applicables en matière d’administration de la preuve
88. Les requérants soulèvent des allégations relatives à la norme de la preuve appliquée dans les affaires les concernant. Ils soutiennent que les accusations portées contre eux n’ont pas été prouvées selon les normes exigées dans un procès en matière pénale puisqu’aucune arme n’a été découverte ou présentée pour étayer le chef d'accusation de vol à main armée. Les requérants soutiennent en outre que le propriétaire du Bureau de Change mentionné sur l’acte d’accusation n’a jamais témoigné devant le tribunal pour dire à qui appartenait l'argent qui aurait été volé. Les requérants soutiennent qu’il n'est pas
15 Arrêt Bk Bo c. Tanzanie op. cit. par. 124; Arrêt Be c. Tanzanie op. cit. par. 139 ; Arrêt Bn Av c. Tanzanie op. cit. par. 77-78.

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possible de prouver l'infraction de vol sans prouver d’abord le vol et que le vol ne peut être prouvé que si la propriété du bien volé est établie.
89. L'État défendeur affiime que les requérants ont soulevé la question de la non-production d’une arme dans leur recours devant la Haute Cour, mais ont ensuite abandonné ce moyen devant la Cour
90. L'État défendeur soutient en outre que le deuxième requérant a souligné la question selon laquelle l'accusation n’avait pas au- delà de tout doute raisonnable prouvé l'infraction pour laquelle ils étaient poursuivis en raison de l'absence du témoignage à la barre du propriétaire du Bureau de change, pour attester que l’argent dont la violation est alléguée lui appartenait. L'État défendeur soutient que la Cour d’appel a estimé que la preuve présentée par l'accusation répondait à la norme de la preuve au-delà de tout doute raisonnable, même sans production de l’arme et sans le témoignage du propriétaire du Bureau de change.
91. La question à trancher par la Cour de céans est de savoir si du fait de l'absence du témoignage du propriétaire du Bureau de change et de production de l'arme du crime, les juridictions nationales n’ont pas appliqué la norme de la preuve appropriée.
92. La Cour note qu’il ressort du dossier que la Haute Cour a examiné les témoignages de la victime du vol à main armée, Ay As, des enquêteurs de police et du complice des requérants. Ay As a comparu comme témoin tout au long du procès. La Haute Cour a examiné le dossier qui montre que Ay As, qui a comparu en tant que témoin à charge N°4, a déclaré qu’elle a été attaquée par deux suspects qui ont pointé sur elle une arme à feu. La Haute Cour a également constaté que le troisième accusé dans le procès, M. At Aq (aujourd’hui décédé) a également avoué que c’est le deuxième Requérant et lui-même qui ont cambriolé Ay As. Il ressort du dossier que le témoignage du troisième accusé a été corroboré par les détectives Ba et Moses, qui ont interrogé et recueilli les aveux du troisième accusé et comparu respectivement en tant que témoins à charge n°1 et n°2.
93. La Cour de céans note que la Cour d'appel a examiné le dossier ainsi que les conclusions du Tribunal de première instance et de la Haute Cour et n’y a trouvé aucun vice. La Cour d’appel a conclu que l'absence de l'arme utilisée pour commettre le crime et du témoignage du propriétaire du Bureau de change n’a pas empêché les requérants de se défendre eux-mêmes, ni les tribunaux de conclure que l'accusation avait prouvé l'infraction au-delà de tout doute raisonnable, puisque d’autres sources de preuves corroboraient le témoignage de Ay As, la victime. La Cour relève que les requérants n’ont

344 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
pas non plus démontré en quoi l’absence de l’arme et du témoignage du propriétaire du Bureau de change est susceptible d'amener les juridictions nationales à conclure que la norme de la preuve requise n’a pas été appliquée.
94. Conformément à sa jurisprudence dans l'affaire Bg Be c. République-Unie de Tanzanie, la Cour est d’avis qu’un procès équitable exige que lorsqu'une personne est passible d’une lourde peine d'emprisonnement, la décision portant sur sa culpabilité et sa peine doit être fondée sur des preuves solides.‘ En l'espèce, la Cour note que le Tribunal de première instance, la Haute Cour et la Cour d’appel ont déterminé qu’il existait des preuves au-delà de tout doute raisonnable que les requérants avaient commis le crime dont ils étaient accusés, même si l'arme du crime n’a pas été produite comme preuve et même si le propriétaire du Bureau de change n’a pas témoigné.
95. La Cour de céans constate que rien dans le dossier n'indique que les juridictions nationales n'ont pas appliqué la norme de la preuve requise pour déclarer les requérants coupables. En tout état de cause, les requérants n’ont pas fourni de preuve suffisante pour démontrer que les procédures suivies par les juridictions nationales pour régler la question de l'arme du crime et du témoignage du propriétaire du Bureau du change ont violé leur droit à un procès équitable en ce qui concerne la norme de la preuve.
96. En conséquence, la Cour estime que l’État défendeur n’a pas violé le droit des requérants à un procès équitable à cet égard.
v. Allégation relative au remplacement du magistrat en charge de l’affaire
97. Les requérants allèguent que le changement de magistrat en charge de l'affaire les a privé de la possibilité d’être entendus et que, de ce fait, ils n’ont pas bénéficié d’un procès équitable.
98. L'État défendeur fait valoir que la Cour d’appel a examiné cette question dans l'appel en matière pénale n°27 de 2006 et conclut que le changement du magistrat en charge de l'affaire n'avait donné lieu à aucune injustice. Il ajoute que l’article 214 de la Loi portant Code de procédure pénale prévoit les cas de condamnation ou de renvoi dans lesquels les procédures sont présidées en partie par un magistrat et
16 Arrêt Bg Be c. Tanzanie op. cit. par. 174.

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en partie par un autre.‘
99. La question qui se pose est celle de savoir si le changement du magistrat qui a entendu l'affaire a affecté le droit des requérants d’être entendus.
100. La Cour fait observer qu’il ressort du dossier que l'affaire a été entendue successivement par trois différents magistrats, dans trois instances différentes. Le premier magistrat, avait conduit le procès avant d’être affecté ailleurs. La deuxième magistrate, a continué d'entendre l'affaire jusqu’à ce qu’elle se récuse suite à la plainte des requérants qui affirmaient ne plus avoir confiance en elle. Le troisième magistrat, a mené la procédure à son terme et rendu le jugement.
101. Il ressort également du dossier que la Haute Cour avait examiné la question de savoir si la deuxième magistrate avait des motifs suffisants pour se récuser et si au regard de l’article 214 du Code de procédure pénale, les requérants avaient subi un préjudice du fait que les premier et troisième magistrats n'avaient pas entendu leur cause. La Haute Cour a examiné les circonstances dans lesquelles un magistrat peut être récusé, notamment, en cas de preuve de l'existence d’un conflit d’intérêt entre le plaignant et le magistrat, ou que ce dernier est un proche parent de la partie adverse ou de l’une d’entre elles et que le magistrat a un intérêt autre que la simple administration de la justice dans l'issue du procès. Après avoir examiné toutes ces circonstances à la lumière des faits de la cause, la Haute Cour avait conclu qu'aucune raison ne justifiait que la seconde magistrate se soit récusée.
102. Toutefois, la Haute Cour a estimé que le fait que la deuxième et le troisième magistrats n'aient pas entendu la cause des accusés comme le prescrit l’article 214 du Code de procédure pénale ne constituait pas une omission susceptible de causer une injustice.
103. La Cour d'appel a également examiné la question et a conclu que le fait que les requérants n'avaient pas eu la possibilité d'informer le Tribunal de première instance que la procédure devait continuer ou être reprise de novo ne constituait pas une omission irrémédiable, étant donné qu’en vertu de l'article 214 de la Loi portant Code de procédure pénale, le Tribunal de première instance avait le pouvoir
17 L'article 214 de la Loi portant Code de procédure pénale [CHAP. 20 ER 2002] est libellé comme suit : « Lorsqu’au cours d’un procès un magistrat a entendu et enregistré tout ou partie des moyens de preuve, ou a présidé, en tout ou en partie une procédure d'instruction et qu'il ne peut plus, pour une raison quelconque, terminer dans un délai raisonnable ce procès ou cette procédure d'instruction, un autre magistrat, qui a compétence et l’exerce, peut prendre la relève et poursuivre le procès ou l'instruction, selon le cas ; le magistrat qui assure la relève peut alors se fonder sur les éléments de preuve ou de procédure enregistrés par son prédécesseur ; dans le cas d’un procès en première instance et s’il l'estime nécessaire, il peut rappeler les témoins et reprendre le procès ou la procédure d'instruction » [Traduction].

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discrétionnaire de poursuivre le procès sans donner aux requérants la possibilité d’être entendus. La Cour d'appel a constaté que les second et troisième magistrats qui ont examiné l'affaire ont exercé correctement le pouvoir discrétionnaire que leur confère la loi.
104. La Cour relève en outre que les requérants n’ont pas apporté la preuve que les magistrats avaient un parti pris, ni que les éléments de preuve admis par la seconde magistrate étaient susceptibles de porter préjudice à leur cause, ni démontré en quoi les magistrats avaient failli au devoir d’exercer correctement leur pouvoir discrétionnaire en poursuivant le procès plutôt que de le recommencer depuis le début. 105. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que le remplacement du magistrat en charge de l'affaire n’a pas violé les droits des requérants à être entendus par un tribunal impartial.
vi. Allégation selon laquelle les plaidoiries écrites n’ont pas fait l’objet d’un examen approprié par le Tribunal de première instance
106. Les requérants soutiennent que pendant le procès, le Tribunal de première instance n’avait pas examiné les observations écrites présentées en défense et n'en avait pas tenu compte, et que ni la Haute Cour, ni la Cour d'appel n'avaient trouvé irrégulière cette omission du Tribunal de première instance.
107. Pour sa part, l'État défendeur soutient que le second Requérant avait soulevé cette allégation comme onzième moyen d'appel devant la Cour d'appel, mais que celle-ci n’en avait pas tenu compte, au motif qu’elle ne pouvait pas examiner des questions portant sur des preuves et qui, sans raison valable, n'avaient pas été soulevées devant la Haute Cour.
108. La question que la Cour doit trancher est celle de savoir si le droit des requérants d'être entendus serait violé si leurs plaidoiries écrites n'étaient pas mentionnées dans l'arrêt.
109. La Cour considère que le droit d’être entendu prévu à l’article 7(1) de la Charte comprend le droit de recevoir une décision motivée.‘° 110. En l’espèce, il ressort du dossier que le juge de première instance avait enregistré les dépositions orales des requérants et qu’après la clôture de la présentation des moyens de la défense, seul le deuxième requérant avait déposé des plaidoiries écrites. Il ressort également du dossier que le juge de première instance et le Ministère
18 Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique, adoptés en 2003 par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, par.2(i).

Ah c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 325 347
public n’ont pas exercé leur droit d’y répliquer et ont accusé réception des plaidoiries écrites du second Requérant.
111. La Cour relève que le juge de première instance a ensuite procédé à l'examen des éléments de preuve versés au dossier et a rendu une décision motivée sur cette base sans faire référence aux plaidoiries écrites. La Cour note en outre qu’il ressort du dossier que le fait de n'avoir pas fait référence aux plaidoiries écrites ne constitue pas un moyen d'appel devant la Haute Cour, mais l’aurait été devant la Cour d'appel.
112. La Cour constate que l’allégation selon laquelle la non prise en compte des plaidoiries écrites a violé le droit des requérants d’être entendus n’a pas été prouvée.
113. La Cour conclut que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1) de la Charte.
vii. Allégation selon laquelle les jugements étaient viciés, en raison des éléments de preuve contradictoires, et en conséquence, fondés sur de fausses pièces
114. Les requérants soutiennent que la déposition du témoin à charge n°2, le détective Moses, était inexacte et contredisait celle du témoin à charge n°3, à savoir l'inspecteur assistant Mvulla, l’officier de police ayant procédé à l'arrestation, à la perquisition et à l’interrogatoire dont ils ont fait l’objet. Les requérants soutiennent en outre que les conclusions des tribunaux de l’État défendeur étaient en conséquence fondées sur de fausses pièces truffées d'erreurs flagrantes.
115. L'État défendeur affirme que la question des contradictions entre les preuves rapportées par les témoins à charge numéros 2 et 3 n’a jamais été soulevée comme moyen d'appel ni devant la Haute Cour ni devant la Cour d'appel. Il soutient que la Cour d’appel avait apprécié tous les éléments de preuve et dégagé la conclusion que les témoins à charge numéros 1, 2 et 3 étaient crédibles. L'État défendeur soutient que la Cour d'appel a dûment apprécié les questions de droit ainsi que les preuves produites et a limité son appréciation aux questions substantielles de preuve.
116. La Cour tient à rappeler que, même si elle n’est pas habilitée à réexaminer les éléments de preuve sur lesquels la juridiction interne s’est fondée pour prononcer la culpabilité des requérants, elle est compétente pour déterminer si, d’une manière générale, l'évaluation des preuves effectuée par les juridictions nationales est conforme aux dispositions pertinentes des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. La question que la Cour doit trancher à cet égard, est celle de savoir si la position adoptée par les juridictions internes au sujet des contradictions alléguées entre les dépositions des témoins à

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charge numéros 1 et 2 était conforme aux normes édictées à l'article 7(1)(c) de la Charte.
117. || ressort du dossier que la Haute Cour et la Cour d'appel avaient examiné les dépositions des témoins à charge numéros 2 et 3 et n'avaient constaté aucune contradiction et qu’en conséquence, les pièces n'étaient pas erronées.
118. La Cour fait observer que rien dans le dossier n'indique que les juridictions nationales n’ont pas appliqué les dispositions de l’article 7(1)(c) de la Charte au moment d’apprécier les dépositions des témoins à charge. La Cour en conclut que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1)(c) de la Charte.
viii. Allégation relative à une mauvaise appréciation et une interprétation erronée des éléments de preuve par les juridictions
119. Les requérants soutiennent que la Cour d'appel de Tanzanie a statué sur leur appel au mépris des principes de droit.
120. L'État défendeur affirme que la Cour d’appel a examiné cette allégation et n’a constaté aucune erreur dans les conclusions du Tribunal de première instance ni dans celles de la Haute Cour.
121. La Cour relève que les requérants n’ont pas étayé leur affirmation.
122. Dans une requête antérieure, la Cour de céans s'est prononcée comme suit :
« Des affirmations d’ordre général selon lesquelles son droit a été violé ne sont pas suffisantes. Des preuves plus concrètes sont requises ».'°
123. La Cour note qu'en l'espèce, les requérants formulent des allégations d’ordre général concernant la violation de leurs droits, sans en rapporter la preuve.
124. En conséquence, la Cour estime que la violation alléguée n’a pas été prouvée et la rejette.
ix. Allégation selon laquelle la peine de trente ans de réclusion n’était pas en vigueur au moment de la commission du vol
125. Dans la requête, les requérants soutiennent qu’ils ont été condamnés à une peine de trente (30) ans de réclusion, en application des articles 285 et 286 du Code pénal, et que cette peine n’était
19 Arrêt Bk Bo c. Tanzanie op. cit. par. 140.

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pas prévue pour le crime du vol à main armée au moment où cette infraction est supposée avoir été commise. Ils déclarent que les peines prononcées contre eux étaient sévères et excessives et contradictoires aux articles 7(2) de la Charte et 13(6)(c) de la Constitution de l’État défendeur. Dans leur réplique, les requérants ont abandonné cette allégation.
126. L'État défendeur réfute cette allégation en affirmant que les requérants l’a soulevée pour la première fois devant la Cour de céans. L'État défendeur soutient en outre que la loi applicable exigeait que la condamnation pour vol à main armée soit passible d’une peine minimale de trente (30) ans de réclusion.”
127. Compte tenu du fait que dans leur réplique, les requérants ont abandonné ce grief, la Cour considère que l’allégation y relative est devenue sans objet.
x. Violations alléguées des articles 8 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme
128. Les requérants allèguent encore que l’État défendeur a violé les droits inscrits aux articles 8 (le droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi) et 10 (le droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien- fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle) de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
129. L'État défendeur n’a pas spécifiquement répondu à ces allégations.
130. Les dispositions des articles 8 et 10 de la Déclaration sont reprises à l’article 7 de la Charte, sur la base duquel la Cour s’est déjà prononcée au sujet de certaines allégations de violation des droits des requérants par l’État défendeur. À cet égard, la Cour estime qu’elle n’a pas à établir si l’État défendeur a violé ou non les articles 8 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
20 Les articles 285 et 286 du Code pénal [Chap. 6. tel qu’amendé par la Loi n° 10 de 1989], la Loi sur les peines minimales [Chap. 90 de 1972] telle que modifiée par la Loi n° 6 de 1994 sur les lois écrites (amendements divers) et la Cour d'appel de Tanzanie (appel pénal n ° 69 de 2004), Br Al Ag c. la République.

350 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
xi. Allégation relative à l’incompatibilité de l’article 142 de la Loi sur la preuve avec les normes internationales relatives au droit à un procès équitable
131. Les requérants allèguent que l’article 142 de la loi sur la preuve de l’État défendeur est incompatible avec les normes internationales relatives au droit à un procès équitable, au motif qu’il refuse aux accusés la possibilité de contre-interroger les complices qui témoignent à charge.
132. L'État défendeur n’a pas présenté d'observations concernant cette demande.
133. L'article 142 de la Loi sur la preuve [Titre 6 du recueil des lois tanzaniennes, édition révisée de 2002] dispose que :
« Un complice doit être un témoin à charge compétent contre un accusé; et la déclaration de culpabilité n’est pas illégale simplement parce qu’elle procède du témoignage non corroboré d’un complice ».
134. La Cour note que les lois nationales sont considérées comme des faits devant les tribunaux internationaux et peuvent constituer la base d'’allégations de violation du droit international.” La Cour fait toutefois observer que les dispositions ci-dessus mentionnées n’indiquent aucune restriction à la contre-interrogation des complices. En tout état de cause, les requérants n’ont pas précisé en quoi la disposition susmentionnée de la Loi sur la preuve n’est pas conforme aux normes internationales relatives au droit à un procès équitable. La Cour en conclut que cette allégation n’est pas fondée et la rejette en conséquence.
B. … Allégations de violation d’autres droits
i. Allégation relative au rejet des recours en révision et en inconstitutionnalité introduits par les requérants
135. Les requérants soutiennent que leur requête en révision de la décision de la Cour d’appel du 12 mai 2010 a été rejetée parce que les motifs de révision auraient dû être soulevés dans un appel. Ils soutiennent en outre que leur premier moyen d'appel relatif à leur identification constituait un motif de révision.
21 Voir requête 009/2011 et requête 011/2011 (Jonction d’instances). Arrêt du 14/6/2013 - Tanganyika Law Ab et The Ak and Bj Bq Centre et Ad Az Bs Au c. République-Unie de Tanzanie, paras. 91-119; requête 001/2014. Arrêt du 18/11/2016 - Action pour la protection des droits de l’homme c. République de Côte d'Ivoire, pars. 107-151.

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136. L'État défendeur soutient que le motif de révision avancé par les requérants selon lequel la décision était fondée sur une erreur manifeste dans les pièces de procédure et a donné lieu à un déni de justice ne figurait pas parmi les critères établis par le Règlement de la
137. La Cour note que les requérants n’ont pas fourni de preuve à l'appui de cette allégation et que rien dans le dossier n'indique que la Cour d'appel a rejeté la requête en révision de façon arbitraire. La Cour rejette par conséquent cette allégation pour défaut de fondement.
ii. …— Allégation relative au rejet des recours en inconstitutionnalité
138. Les requérants affirment qu’ils ont déposé une requête devant la Haute Cour de Tanzanie en vertu de la Loi sur l'application des droits et des devoirs fondamentaux. Ils soutiennent que le Greffier du district de la Haute Cour de Ac a accusé réception au moyen du sceau apposé en date du 17 juin 2013. Ils affirment en outre que quelque temps après, s'enquérant de la suite réservée à leur requête, ils ont découvert que celle-ci avait été rejetée de manière irrégulière et leur avait été renvoyée sans lettre officielle de transmission. Ils affirment en outre qu’il leur a été signifié verbalement d’introduire un recours devant la Cour d’appel.
139. L'État défendeur réfute ces allégations et met les requérants au défi d'en fournir la preuve irréfutable. || soutient en outre que la requête devant la Haute Cour ayant été rejetée, les requérants avaient la possibilité d’exercer un recours administratif ou d'introduire une autre requête devant la Haute Cour.
140. La Cour fait observer que le dossier devant elle ne contient que des copies de la correspondance adressée au Président de la Cour d'appel (Chief Justice), à la Commission des affaires juridiques (Judicial Service Commission) et au Ministère des Affaires constitutionnelles et juridiques au sujet de leur recours en révision de la décision rendue par la Cour d'appel le 12 mai 2010 et de leur recours en inconstitutionnalité introduit en vertu de la Loi sur l’application des droits et des devoirs fondamentaux. S'il est vrai que cette correspondance indique que les requérants ont déposé un recours en inconstitutionnalité en vertu de ladite loi, elle n’est pas une preuve suffisante pour étayer l’allégation selon laquelle leur recours avait été rejeté de manière irrégulière.
141. La Cour relève que cette allégation n’est pas étayée et la rejette en conséquence.

352 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
C. … Allégations relatives à la violation des articles 2, 3, 5, 19 et 28 de la Charte et des articles 1, 2, 5, 6 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme
142. Les requérants allèguent que l’État défendeur a violé les dispositions suivantes de la Charte : les articles 2 (droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation), 3 (droit à l'égalité devant la loi et à la protection égale de la loi), 5 (droit au respect de la dignité et à la reconnaissance de sa personnalité juridique et l'interdiction de toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, les peines ou traitements cruels inhumains et ou dégradants), 19 (égalité de tous les peuples) et 28 (devoir de considérer les autres sans discrimination). Ils soutiennent également que l’État défendeur a violé les dispositions suivantes de la Déclaration universelle des droits de l'homme : les articles 1 (reconnaissance de la liberté et de l'égalité en dignité et en droits), 2 (droit de se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés sans aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante), 5 (droit de ne pas être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) 6 (droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique) et 7 (droit à l'égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi).
143. Dans son mémoire en réponse, l’État défendeur nie expressément la violation des articles 3 et 19 de la Charte et 1, 2 et 6 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et ne répond pas aux autres allégations.
144. Outre les allégations selon lesquelles les soins médicaux leur ont été refusés et que la durée de leur garde à vue à la police était excessivement longue, les requérants ont formulé des déclarations d'ordre général à ce sujet.
145. La Cour a réaffirmé que « des affirmations d’ordre général selon lesquelles son droit a été violé ne sont pas suffisantes. Des preuves plus concrètes sont requises ».”? La Cour note qu’en l'espèce, les requérants formulent des allégations générales de violation de ces droits sans étayer leurs affirmations.
146. En conséquence, la Cour constate que les violations alléguées
22 Arrêt Bk Bo c. Tanzanie op. cit. par.140.

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n’ont pas été étayées et les rejette.
D. Allégation de violation de l’article 1 de la Charte
147. Dans leur réplique à la réponse de l’État défendeur, les requérants allèguent que l’État défendeur a violé l’article premier de la Charte.
148. L'État défendeur n’a pas répondu à la violation alléguée de l’article premier de la Charte.
149. La Cour rappelle ses décisions antérieures” dans lesquelles elle a estimé que « lorsque la Cour constate que l’un quelconque des droits, des devoirs ou des libertés inscrits dans la Charte a été restreint, violé ou non appliqué, elle en déduit que l’obligation énoncée à l’article 1 de la Charte n’a pas été respectée ou qu’elle a été violée ». 150. En l'espèce, la Cour a déjà constaté que l’État défendeur a violé l'article 7(1)(c) de la Charte. Sur la base des observations qui précèdent, la Cour conclut que la violation de ces droits entraîne la violation de l’article 1 de la Charte.
VIII. Sur les réparations
151. Les requérants affirment avoir subi un préjudice irréparable en raison de la violation de leurs droits. Comme indiqué ci-dessus aux paragraphes 11 et 20 du présent arrêt, les requérants ont demandé à la Cour, entre autres, d’ordonner leur remise en liberté et de leur accorder des réparations. Ils n’ont pas spécifié les réparations additionnelles qu’ils demandent.
152. Pour sa part, comme indiqué au paragraphe 23 ci-dessus du présent arrêt, l’État défendeur a, entre autres, demandé à la Cour d’ordonner que les requérants continuent de purger leur peine et de rejeter leur demande en réparation.
153. L'article 27(1) du Protocole dispose que « Lorsqu'elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l'octroi d’une réparation. »
154. À cet égard, l’article 63 du Règlement dispose que « La Cour statue sur la demande de réparation introduite en vertu de l’article 34(5) du présent Règlement, dans l'arrêt par lequel elle constate une violation d’un droit de l'homme et des peuples, ou si les circonstances
23 Ibid. par. 135 ; voir aussi Arrêt Bl Bb c. Bw Bu op. cit. par. 199 ; Arrêt Af Ax c. Tanzanie op. cit. par. 159.

354 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
l’exigent, dans un arrêt séparé ».
155. En ce qui concerne la remise en liberté demandée par les requérants, la Cour a établi qu’une telle mesure ne pouvait être ordonnée directement par la Cour que dans des circonstances exceptionnelles ou impérieuses.? En l'espèce, le Requérant n’a pas fait état de telles circonstances. La Cour rejette, en conséquence, cette demande.
156. En l'espèce, les requérants n'ont pas fait état ni fourni la preuve de telles circonstances. En conséquence, la Cour rejette cette allégation.
157. La Cour note cependant que la conclusion susmentionnée n’empêche pas l’État défendeur d’envisager lui-même cette mesure.
158. La Cour note qu'aucune des parties n’a présenté d'arguments détaillés concernant les autres formes de réparation. Elle se prononcera donc sur cette question à un stade ultérieur de la procédure, après avoir entendu les parties.
IX. Sur les frais de procédure
159. La Cour fait observer à cet égard que l’article 30 de son Règlement dispose qu’« à moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
160. Aucune des deux parties n’a formulé de demande sur les frais de procédure.
161. Après avoir examiné les circonstances de la présente affaire, la Cour décide que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
162. Par ces motifs :
La Cour,
à l'unanimité :
Sur la compétence :
ii.
iii. Dit qu’elle est compétente ;
Sur la recevabilité de la requête :
iv. Rejette l'exception d’irrecevabilité de la requête ;
V. Déclare la requête recevable.
Sur le fond :
24 Arrêt Bk Bo c. Tanzanie op cit. par. 157 ; Arrêt Bg Be c. Tanzanie op cit. par. 234.

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vi. Dit que les requérants n’ont pas prouvé la violation alléguée des articles 2, 3, 5, 19 et 28 de la Charte et les articles 1, 2, 5, 6 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ;
vi. Dit que l’État défendeur, n’a pas violé l’article 7 de la Charte ce qui concerne l'identification des requérants, le remplacement du magistrat en charge de l'affaire, le non-respect de la norme de la preuve requise ; la non prise en compte des plaidoiries écrites du deuxième Requérant par le Tribunal de première instance et les jugements viciés et erronés ; Dit en conséquence que la demande des requérants de dire que l’État défendeur a violé les articles 8 et 10 de la Charte est devenue sans objet ;
viii. Dit que l’incompatibilité de l’article 142 de la Loi sur la preuve avec les normes internationales relatives au droit à un procès équitable n’a pas été établie;
ix. Dit que l’allégation relative au rejet des recours des requérants en révision et en inconstitutionnalité n’a pas été établie;
x. Dit par contre que l’État défendeur a violé l’article 7(1)(c) de la Charte en ce qui concerne le défaut de fournir aux requérants une assistance judiciaire gratuite, le défaut de fournir aux requérants des copies de certaines dépositions des témoins et le retard accusé pour leur communiquer certaines dépositions des témoins ; constate en conséquence que l’État défendeur a violé l’article 1 de la Charte;
Sur les réparations
xi. Ne fait pas droit à la demande du Requérant visant à ordonner directement sa remise en liberté, sans préjudice du pouvoir de l’État défendeur d'envisager cette mesure proprio motu ; et
xii. Accorde aux requérants, en application de l’article 63 du Règlement, un délai de trente (30) jours à compter de la date du présent arrêt pour déposer leurs observations écrites sur les autres formes de réparation, et à l’État défendeur un délai de trente (30) jours à compter de la date de réception des observations écrites des requérants pour y répondre.
Sur les frais de procédure
xiii. Décide que chaque Partie supporte ses frais de procédure ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 005/2015
Date de la décision : 11/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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