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07/01/2016 | CADHP | N°001/2016

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 07 janvier 2016, 001/2016


Texte (pseudonymisé)
644 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE
Demande d’avis consultatif par the Centre
Rights, University of Pretoria et autres (avis
(2017) 2 RICA 644

VOL 2 (2017-2018)
for Human
consultatif)

Requête 001/2016 Demande d'avis consultatif par the Centre for
Bu Al, University of Pretoria, Federation of Ch C
in Kenya, Women's Legal Centre, Ch A Ak and
Documentation Centre et Cb Ch C Association
Avis consultatif, 28 septembre 2017. Fait en anglais et en français, le
texte anglais faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR

, BOSSA,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
La Cour a estimé qu’elle n’est pas co...

644 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE
Demande d’avis consultatif par the Centre
Rights, University of Pretoria et autres (avis
(2017) 2 RICA 644

VOL 2 (2017-2018)
for Human
consultatif)

Requête 001/2016 Demande d'avis consultatif par the Centre for
Bu Al, University of Pretoria, Federation of Ch C
in Kenya, Women's Legal Centre, Ch A Ak and
Documentation Centre et Cb Ch C Association
Avis consultatif, 28 septembre 2017. Fait en anglais et en français, le
texte anglais faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
La Cour a estimé qu’elle n’est pas compétente pour examiner une
demande d'avis consultatif émanant d’une ONG non reconnue par
l’Union africaine.
Compétence (requête d’avis consultatif, organisation africaine, 41-43 ;
reconnue par l’Union africaine, 48, 49)
Opinion individuelle : BEN ACHOUR
Compétence (demande d'avis consultatif, 8, 9)
Opinion individuelle : MATUSSE
Procédure (décision, 13, 15, 20)
1 La présente demande d’avis consultatif datée du 7 janvier 2016 a été déposée au Greffe conjointement, le 8 janvier 2016, par Centre for Bu Al de l’Université de Pretoria, Federation of Ch C Bl, Women's Legal Centre, Ch A Ak and Documentation Centre et Cb Ch C Association (ci-après dénommés « les demandeurs »).
2 Les demandeurs déclarent être des organisations non gouvernementales (ONG) enregistrées en Afrique du Sud, au Nigéria, au Kenya et au Cb, respectivement, qui interviennent en diverses qualités sur des questions touchant aux droits fondamentaux des femmes, notamment en ce qui concerne les procédures d'intérêt public, les services d'assistance judiciaire, ainsi que la recherche et la formation universitaire. Ils déclarent aussi être des ONG dotées du statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Commission »). Ils ont fourni des copies de l'attestation de leur statut d’observateur auprès de la Commission.
3 Les demandeurs sont représentés par Mme Az Ai

Z et autres (avis consultatif) (2017) 2 RICA 644 645
de Initiative for Aj Br in Africa et par Prof. Ae Bz du Centre pour les droits de l'homme de l’Université de Pretoria, Afrique du Sud.
Il. Circonstances et objet de la demande
4. Les demandeurs soutiennent que les mariages non conclus par écrit et non enregistrés sont courants en Afrique pour les raisons suivantes : (i) les lois nationales ne prévoient pas de dispositions ou de procédures rendant obligatoire l'enregistrement de toutes les formes de mariage et elles sont généralement fort inadéquates ; (ii) le coût élevé de l'enregistrement du mariage ; (iii) les exigences onéreuses liées à l'enregistrement; (iv) les relations inégales entre hommes et femmes; (v) l'ignorance et (vi) l'absence de législation règlementant les conséquences des mariages non conclus par écrit et non enregistrés. 5 Selon les demandeurs, la non-conclusion par écrit et le non- enregistrement des mariages ont eu pour conséquence de rendre les femmes plus vulnérables à plusieurs égards, notamment du fait de: (i) l'incapacité à prouver leur mariage; (ii) la facilité de se séparer d'elles par le divorce; (iii) l'impossibilité de faire respecter l’obligation faite à l’homme, dans un mariage polygamique, d'obtenir le consentement de la première épouse avant d’en épouser une seconde; (iv) Les femmes ne sont pas en mesure d'accéder aux droits fonciers et de la propriété. et (v) la difficulté pour les pays d'assurer la collecte, le suivi et l'analyse des informations essentielles sur la population.
6 Les demandeurs demande d’avis consultatif sur l’interprétation de l’article 6(d) du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (ci- après dénommée « le Protocole sur les droits de la femme ») et des obligations qui en découlent pour les États.
7 Ils indiquent qu’aux fins de la présente demande et aux termes de l’article 6(a) et (b) du Protocole sur les droits de la femme, le terme « mariage » désigne un mariage « conclu avec le plein et libre consentement des parties et se réfère uniquement aux mariages contractés par les femmes dont l’âge minimum est de 18 ans ».
8 Les demandeurs font encore valoir que la présente demande se fonde sur les articles 2(1) (a) à (e) et 2(2) du Protocole sur les droits de la femme, qui prescrit l'éradication de la discrimination à l'égard des femmes et oblige à cet effet les États parties à prévenir la discrimination sous toutes ses formes en adoptant les mesures appropriées aux plans législatif, institutionnel et autres.
9 Les demandeurs soutiennent également qu’en vertu de l’article 6(d) du Protocole sur les droits de la femme, les États membres ont l’obligation d’adopter les mesures législatives appropriées, pour

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garantir que tout mariage peut être reconnu légalement, doit être conclu par écrit et enregistré conformément à la législation nationale. 10. Toujours selon les demandeurs, l'interprétation par la Cour, de l’article 6(d) du Protocole sur les droits de la femme, qui impose aux États l'obligation positive d’adopter des mesures législatives pour l'enregistrement des mariages est conforme à l’obligation énoncée à l’article 21(2) de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, qui rend obligatoire l'enregistrement de tous les mariages dans un registre officiel.
11. Les demandeurs soutiennent également que le Protocole sur les droits de la femme en général et son article 2 en particulier exigent qu’en plus de « prendre des mesures législatives», les États parties ont l’obligation de prendre des mesures visant à sensibiliser le grand public sur l’obligation d'enregistrer les mariages et d’allouer les ressources financières et autres ressources nécessaires à cette fin.
12. Les demandeurs soutiennent que dans l’article 6(d) du Protocole sur les droits de la femme, le terme «shall» (de l'anglais) est péremptoire et exprime le devoir, pour les Etats parties, de garantir l'enregistrement des mariages pour qu’ils soient légalement reconnus. Les demandeurs soutiennent en outre que rien dans ladite disposition n’indique que dans le cadre de leur obligation, les États parties devraient imposer des pénalités ou des sanctions en cas de non-respect de l'obligation d'enregistrement prévue dans leurs lois nationales.
13. Les demandeurs font valoir que l’article 2 du Protocole sur les droits de la femme engage les États parties à prendre un certain nombre de mesures en vue de lutter contre la discrimination, à savoir : a. intégrer les préoccupations des femmes dans leurs décisions stratégiques et autres ; et
b. prendre des mesures correctives et positives dans les domaines où les discriminations de droit et de fait à l'égard des femmes continuent d’exister.
14. Les demandeurs affirment que pour donner effet à l’objectif général du Protocole sur les droits de la femme, à l'engagement en faveur de l’éradication des discriminations proscrites par l’article 2, à l'engagement en faveur des droits et des protections dans le mariage inscrits non seulement à l’article 6(e) à 6(j) du Protocole sur les droits de la femme mais aussi dans d’autres traités régionaux et internationaux des droits de l'homme, l’article 6 (d) doit être interprété en fonction de son objet et de manière à rejeter l'imposition de sanctions inutiles pour non-respect et à ne pas perpétuer les discriminations indirectes à l'égard des femmes.
15. Les demandeurs soutiennent encore que la non-reconnaissance des mariages non conclus par écrit ou non enregistrés pérennise

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la discrimination à l'égard des femmes, du fait qu’elle est cause de vulnérabilité et compromet la jouissance des droits matrimoniaux consacrés à l'article 6(e) à (j) du Protocole sur les droits de la femme et dans d’autres instruments régionaux et internationaux. Ils affirment, en outre, que cette discrimination intervient notamment lorsque les mariages non enregistrés sont automatiquement et présumés nuls et de nul effet du point de vue du droit ou qu’ils sont annulés, de telle sorte que les effets et les protections personnels et patrimoniaux du mariage sont déniés.
16. Les demandeurs font valoir que l’article 6(d) du Protocole sur les droits de la femme n’a pas été conçu et ne doit pas être interprété comme si le défaut d'enregistrer un mariage invalide celui-ci et que si les lois nationales doivent exiger l'enregistrement des mariages, le non-respect de cette exigence ne devrait pas, du point de vue juridique, entraîner la nullité, l'annulation ou l’invalidation du mariage.
17. Ils soutiennent encore qu’une distinction doit être faite entre «validité» et «reconnu légalement» (termes utilisés dans le Protocole sur les droits de la femme) et qu’une action ou une démarche non reconnues légalement ne doivent pas nécessairement être présumées ou déclarées invalides. Ils affirment qu’un mariage non enregistré peut être à la fois valide et non reconnu légalement et qu’une distinction entre les concepts de la validité et de la reconnaissance légale apporterait davantage de lumière à la signification de l’article 6(d) et aurait des effets très bénéfiques sur les droits et les objectifs consacrés par le Protocole sur les droits de la femme.
18. Toujours selon les demandeurs, pour donner effet à l'objectif global du Protocole sur les droits de la femme, l'engagement d’éradiquer la discrimination prévu à l’article 2 et les droits liés au mariage énoncés à l’article 6(e) à (j) du Protocole sur les droits de la femme et dans d’autres instruments relatifs aux droits de l'homme, les conséquences juridiques du non-enregistrement des mariages, qui devraient être précisées dans les lois nationales, doivent viser à préserver les conséquences sur le plan personnel et patrimonial du mariage qui sont destinées à protéger les parties. Les demandeurs font également valoir que les États Parties au Protocole sur les droits de la femme ont le devoir de prévoir dans leur législation nationale des procédures de tolérance qui donnent aux parties la possibilité de rectifier ou de corriger le non-respect des exigences en matière
19. Les demandeurs font encore valoir que le libellé de l’article 6 (d) du Protocole sur les droits de la femme semble avoir donné lieu à une interprétation selon laquelle les mariages non enregistrés ne sont pas valides ou qu’ils ne devraient pas être reconnus légalement et qu’une telle interprétation est, partout en Afrique, source de préjudice et

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d'injustice à l’égard des femmes dont les mariages ne sont ni conclus par écrit ni enregistrés. Ils soutiennent encore que cette interprétation est contraire à l’objectif global du Protocole sur les droits de la femme et aux objectifs de l’article 2 du même Protocole.
20. Les demandeurs soutiennent enfin qu’en maintenant l'obligation de conclure par écrit et d'enregistrer le mariage en tant qu’éventuel prérequis à sa validité juridique, l’article 6(d) du Protocole sur les droits de la femme risque de porter atteinte au droit à l'égalité dans le mariage. C’est dans ce contexte qu’ils demandent à la Cour de donner un avis consultatif sur le sens précis de cette disposition.
21. || est donc demandé à la Cour ce qui suit :
a. confirmer que le manquement d’un État membre à adopter des lois qui exigent et réglementent l'enregistrement des mariages constitue une violation du Protocole sur les droits de la femme par cet État membre ;
b. indiquer la nature et la portée des obligations de l’État prescrites à l’article 6 (d) du Protocole sur les droits de la femme en ce qui concerne la conclusion par écrit et l'enregistrement des mariages, en tenant compte de l’obligation plus large des États parties de respecter, protéger, promouvoir et donner effet aux droits des femmes, tels qu’ils sont consacrés dans le Protocole sur les droits de la femme ;
c. confirmer que l’article 6 (d) du Protocole sur les droits de la femme ne signifie pas ou n’impose pas que le non-enregistrement d’un mariage invalide celui-ci ;
d. indiquer si les États parties sont tenus d’adopter des lois nationales qui prévoient des procédures de tolérance pour corriger ou remédier au non-respect des exigences d'enregistrement ; et
e. indiquer les conséquences juridiques des mariages non- enregistrés, eu égard à l’objectif global du Protocole sur les droits de la femme et aux protections et engagements spécifiques énoncés aux articles 2 et 6 (e) à (j) du Protocole sur les droits de la femme et des autres instruments pertinents.
IN. Procédure devant la Cour
22. La demande datée du 7 janvier 2016 a été reçue au Greffe de la Cour le 8 janvier 2016 et enregistrée sous la référence n°001/2016. 23. Par lettre datée du 15 février 2016, le Greffe a demandé à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples si la demande d'avis consultatif ne se rapporte pas à une affaire pendante devant elle. La Commission a répondu, par lettre en date du 18 mai 2016, que la demande ne se rapporte à une aucune requête pendante devant elle.

CHR et autres (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 644 649
24. Parlettre du 15 mars 2016, le Greffe a demandé à la Commission de confirmer le statut d’observateur des demandeurs. Par lettre du 30 mars 2016, la Commission a confirmé que Les demandeurs étaient dotés du statut d’observateur auprès d’elle.
25. Par notification datée du 13 juin 2016, la demande a été notifiée aux États membres de l’Union africaine, à la Commission, à la Commission de l’Union africaine, au Parlement panafricain, au Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine, à la Commission de l’Union africaine sur le droitinternational, à la Direction Femmes et Genre de la Commission de l’UA et aux organisations non gouvernementales des droits des femmes. La Cour leur a demandé de soumettre leurs observations dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la date de réception de la notification. Par notification en date du 6 octobre 2016, la Cour a prorogé de soixante (60) jours le délai accordé aux demandeurs pour soumettre leurs observations. Ce délai a expiré le 31 janvier 2017.
26. Parmi les entités auxquelles la Cour a transmis la demande en application de l’article 69 du Règlement, figure l'Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire, qui a déposé ses observations sur la demande Le 13 septembre 2016.
27. Par notification en date du 12 juillet 2017, Les demandeurs et les autres entités auxquelles la demande a été transmise ont été informés de la clôture de la procédure écrite en ce qui concerne la soumission des observations.
IV. Sur la compétence de la Cour
28. En application de l’article 72 du Règlement, « La Cour applique, mutatis mutandis, les dispositions du Titre IV du présent Règlement dans la mesure où elle les estime appropriées et acceptables ».
29. Aux termes de l’article 39 du Règlement, « La Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence ».
30. || résulte de ces dispositions que la Cour doit déterminer si elle a compétence pour apprécier la demande dont elle est saisie.
31. Pour déterminer si elle jouit de la compétence personnelle en l'espèce, la Cour doit s'assurer que les demandeurs font partie des entités ayant qualités pour introduire une demande d'avis consultatif, conformément à l’article (1) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « le Protocole »).

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A. Arguments des demandeurs
32. Les demandeurs affirment que l’article 4(1) du Protocole, lu conjointement avec l’article 68(1) du Règlement intérieur de la Cour, confère à celle-ci la compétence discrétionnaire pour donner un avis consultatif à la demande entre autres de toute organisation africaine reconnue par l’Union africaine.
33. Les demandeurs font encore valoir que l’expression « une organisation africaine reconnue par l’Union africaine désigne toute organisation dotée du statut d’observateur auprès de la Commission africaine ».
34. Selon les demandeurs, cette interprétation est conforme aux principes généralement reconnus en matière d'interprétation de lois, qui exigent des tribunaux de donner plein effet à chaque mot et à chaque expression d’une loi, de s'assurer que la formulation était intentionnelle et de s'abstenir de rendre superflu un terme quelconque utilisé dans la loi.
35. Toujours selon les demandeurs, une interprétation raisonnable de l’ensemble du texte du Protocole révèle que les deux types d'organisations qui y sont visées, à savoir : les organisations intergouvernementales africaines, visées à l'article 5(1) (e), et les organisations non gouvernementales, visées à l’article 5(3), peuvent se voir accorder ou refuser le statut d’Observateur auprès de la Commission africaine.
36. Les demandeurs soutiennent qu'à leur avis, l'expression « les organisations africaines reconnues par l’Union africaine» devrait être interprétée comme un terme générique qui renvoie aussi bien aux organisations intergouvernementales qu'aux organisations non gouvernementales africaines. Ils affirment que cette interprétation est en harmonie avec une lecture globale du texte et donne également effet à la seule différence faite, dans le texte, entre les différents types d'organisations qui peuvent solliciter l’assistance de la Cour africaine. 37. Pour conclure, les demandeurs affirment qu’ils ont la qualité d'organisations africaines reconnues par l’Union africaine au sens de l’article 4(1) du Protocole relatif à la Charte africaine et de l'article 68(1) du Règlement intérieur de la Cour et qu’ils sont donc habilités à demander l'avis consultatif de la Cour.
B. Position de la Cour
38. L'article 4 (1) du Protocole prévoit qu’« À la demande d’un État membre de [l’Union africaine], [de l’'UA], de tout organe de l’'UA ou d’une organisation africaine reconnue par l'UA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre

CHR et autres (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 644 651
instrument pertinent relatif aux droits de l'homme... ».
39. Le fait que les demandeurs ne relèvent pas des trois premières catégories au sens de l’article 4 (1) du Protocole n’est pas contesté.
40. La première question qui se pose ici est celle de savoir si ces ONG relèvent de la quatrième catégorie, c’est-à-dire s'ils sont des « Organisations africaines », au sens de l’article 4(1) du Protocole.
41. Sur cette question, la Cour, dans son avis consultatif sur la demande introduite par AH Al et Cg Ce AKY), a établi que le terme «organisation» utilisé à l’article 4 (1) du Protocole concerne aussi bien les organisations non gouvernementales que les organisations intergouvernementales.!
42. Pour ce qui est du terme «africain», la Cour a établi dans le même avis consultatif qu’une organisation peut est considérée comme «africaine» si elle est enregistrée dans un pays africain et est dotée de structures aux niveaux sous-régional, régional ou continental et si elle mène des activités au-delà du territoire dans lequel elle est
43. La Cour fait observer que les demandeurs sont enregistrés en Afrique du Sud, au Kenya, au Nigéria et au Cb, respectivement, et qu'avec leur statut d’observateur auprès de la Commission, ils sont autorisés à mener des activités au-delà de leur pays d’enregistrement. En conséquence, la Cour conclut que ce sont des « organisations africaines » au sens de l’article 4(1) du Protocole.
44. La deuxième question à examiner est celle de savoir si ces organisations sont reconnues par l'Union africaine.
45. La Cour observe que les demandeurs se basent sur leur statut d’observateur auprès de la Commission africaine pour soutenir qu’ils sont reconnus par l’Union africaine.
46. À cet égard, la Cour a, dans l’avis consultatif précité, indiqué que le statut d’Observateur auprès d’un organe quelconque de l’Union africaine n’équivaut pas à une reconnaissance par l’Union africaine. Elle a ainsi établi que seules les ONG reconnues par l'Union africaine elle-même sont visées à l’article 4(1) du Protocole.*
47. La Cour a également établi que la reconnaissance des ONG par l’Union africaine se fait par l’octroi du statut d’Observateur ou la signature d’un Mémorandum d’Entente entre l'Union africaine et ces
1 Demande d'avis consultatif introduite par AH Al and Cg Ce AKY), Demande N° 001/2013, avis du 26 mai 2017, paragraphe 46.
2 Idem, paragraphe 48.
3 Voir l'avis de la Cour sur la demande d'avis consultatif introduite par Y, paragraphe 53.

652 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
48. En l'espèce, Les demandeurs n’ont ni réclamé ni prouvé qu'ils ont le statut d’observateur auprès de l’Union africaine ou qu’ils ont signé un Mémorandum d'Entente avec l’Union africaine.
49. De ce qui précède, la Cour conclut que même si les demandeurs sont des organisations africaines au sens de l’article 4(1) du Protocole, ils ne remplissent pas la deuxième condition essentielle de cette disposition, nécessaire pour déterminer la compétence de la Cour pour, à savoir être « reconnues par l'Union africaine ».
50. Par ces motifs,
La Cour,
À l’unanimité,
i. dit qu’elle ne peut donner l’Avis consultatif qui lui a été demandé.
Opinion individuelle : BEN ACHOUR
1. Les quatre avis rendus le 28 septembre 2017, reprennent in extenso les motifs de l'avis SRAP du 26 mai 2017. Cette opinion individuelle ne fait que confirmer ce qui a été développe dans notre opinion sous cet avis Y
2. Encore une fois, la Cour se trouve dans l'impossibilité de donner suite a quatre demandes d'avis consultatif, et contrainte de ne pas répondre a des questions juridiques de la plus haute importance formulées par des ONG," relativement a Interprétation de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci- après la Charte) et le Protocole a la Charte portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après le Protocole), ou d’autres instruments pertinents des droits de l'homme en Afrique comme la Charte africaine de la démocratie, les élections et la B
1 Idem, paragraphe 64.
2 Il s’agit des ONG suivantes :
- The Centre for Bu Al, University of Pretoria (CHR) & the Coalition of Ag Bf ;
- Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme (ASADHO) ;
- Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO) ;
- The Centre for Bu Al, University of Pretoria ; Federation of Ch C in Kenya ; Ch A Ak and Documentation Centre et Cb Ch C Association.

CHR et autres (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 644 653
ou le Protocole a la Charte relatif au droit des femmes (Protocole de Maputo).
3. Je suis dans l’ensemble d'accord avec le raisonnement et les motifs développes par la Cour dans les quatre avis pour considérer que « [Na reconnaissance des ONG par l'Union africaine passe par l'octroi du statut d’observateur ou par la signature d’un protocole d'accord ou de coopération entre l’Union africaine er ces ONG » ($ 54 Avis Centre et Coalition)
4. La Cour n'avait pas le choix et ne pouvait faire autrement. Elle était ‘ligotée’ par les termes explicites de l’article 4(1) de son Protocole* et par la pratique restrictive de l'Union en matière d’octroi de la qualité d’observateur auprès d'elle aux ONG.
1. Dans les quatre avis rendus le 28 septembre 2017, la Cour, sollicitée par plusieurs ONG, ayant toutes le statut d’observateur auprès de la Commission africaine de droits de l'homme, a bute sur la notion d’ « [o]rganisation africaine reconnue par l’Union africaine », utilisée par l’article 4(1) du Protocole.
2. Il convient de noter que l’article 4(1) du Protocole relatif aux entités habilitées a saisir la Cour de demandes d'avis consultatif est, paradoxalement, plus restrictif que l’article 5(3) du Protocole relatifs aux ONG habilitées a saisir la Cour au contentieux. Alors que l’article 4(1) dispose que « [A] la demande [...] d’une organisation africaine reconnue par l’OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme », l’article 5(3) du Protocole dispose que « [L]a Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission
3. requetés directement devant elle conformément a l’article 34(6) de ce Protocole ».
4. La comparaison de cet article montre que, concernant les ONG, la saisine est plus ouverte en matière contentieuse qu’en matière consultative, puisque pour saisir la Cour au contentieux, l'ONG devra simplement avoir le statut d’observateur auprès de la Commission*, alors qu’en matière consultative elle doit être reconnue par l'UA.
5. L'innovation des quatre avis rendus le 28 septembre 2017,
3 « À la demande d’un Etat membre de l’OUA, de l’OUA, de tout organe de l'OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l'’OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, a condition que l’objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas a une requete pendante devant la Commission ».
4 A condition bien evidemment que l'Etat ait souscrit a la clause facultative de juridiction prevue par l’article 34(6).

654 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
réside dans la formulation du dispositif. Au lieu de dire, comme elle l'avait fait dans l’avis Y, que la Cour « [DJeclare qu’elle n’a pas compétence personnelle pour rendre l’avis sollicite », la Cour, dans les quatre avis du 28 septembre 2017, « [D]/t qu’elle ne peut pas donner l’avis consultatif qui lui a été demande », suivant en cela la Cour internationale de justice dans son avis de 1996 (CIJ, Avis consultatif du 8 juillet 1996, Liceite de la menace ou de ! ‘emploi des armes nucleaires), solution que nous avons préconise dans notre opinion sous l’avis Y.
6. En conclusion, nous réitérons notre espoir de voir l'Union africaine procéder a un amendement de l’article 4(1) du Protocole dans le sens de l'ouverture des possibilités de saisine de la CAfDHP et d’assouplissement des conditions requises des ONG pour que leur demande d'avis rentre dans le champ de compétence de la Cour ; ou alors, la voie de l'amendement étant incertaine, d’accorder ses critères d'octroi du statut d’observateur aux ONG avec ceux de la Commission de Banjul.
Opinion individuelle : MATUSSE
1. La Cour a estimé, à l’unanimité, qu’elle n'avait pas la compétence personnelle pour émettre l’avis consultatif demandé par Y. Et pourtant, elle qualifie « d'Avis consultatif », la procédure par laquelle elle est arrivée à cette conclusion. Je ne partage pas cette position et j'exprime ici mon opinion individuelle, qui est basée sur les motifs suivants :
I Forme des actes de la Cour
2. Les instruments juridiques qui régissent la Cour, à savoir le Protocole‘ et le Règlement intérieur ne donnant aucune indication quant à l'appellation de chacune des différentes formes que peuvent prendre ses actes. Néanmoins, la pratique, qui est devenue la norme est l’utilisation des appellations ci-après : « Ordonnance », « Décision » et « Arrêt ».
1 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une cour africaine des droits de l'homme et des peuples.

CHR et autres (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 644 655
3. En adoptant les expressions ci-dessus, la Cour n’a pas fait preuve de cohérence dans sa pratique, dans la mesure où elle a utilisé la même expression pour désigner des actes différents, à des moments différents, comme il est démontré ci-après :
ii. Pratique de la Cour
4. Dans les demandes d’avis consultatifs numéros 002/2011,? 001/2012° et 001/2014,* la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle a décidé de rejeter les demandes au motif que les requérants les avaient soit abandonnées, soit avaient fait preuve d’un manque d'intérêt pour poursuivre les procédures.
5. Dans la Demande d’avis consultatif n° 002/2012,5 la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle a décidé de ne pas examiner la demande, au motif que celle-ci se rapportait à une affaire pendante devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission).
6. Dans la Demande d’avis consultatif n 001/2015,5 la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle a décidé de rejeter la demande au motif que les auteurs n'avaient pas précisé les dispositions de la Charte ou de tout autre instrument relatif aux droits de l'homme à propos desquelles l’avis est demandé, conformément à l’article 68(2) du Règlement intérieur de la Cour.
7. Dans la Demande d'avis consultatif numéro 002/2013, la Cour s’est prononcée sur le fond de la demande en rendant un « Avis consultatif ».
8. En d’autres termes, dans les cas où la Cour n’est pas arrivée jusqu’à l'étape de l'examen de la demande sur le fond, et a décidé de la radier du rôle en raison d’un manque d'intérêt de la part de son
2 Demande d'avis consultatif de l'avocat Bp Ah au nom de la « Grande Bt arabe libyenne populaire et socialiste », arrêt du 30 mars 2012.
3 Demande d'avis consultatif par AH Al & Cg Ce AKY), « Ordonnance » du 15 mars 2013.
4 Demande n° 001/2014 - Coalition on the International Criminal Court Ltd/gte(cicen), Cd Ab AG Assistance Project Ltd/gte (LEDAP), Civil Cc Aq AG … … ……… … … … … … Ltd/gte (WARDC), « Ordonnance » du 5 juin 2015.
5 Demande n° 002/2012 - Union panafricaine des avocats (PALU) et Cj Ag Br Centre (SALC), « Ordonnance » du 15 mars 2013.
6 Demande n° 001/2015 - Coalition on the International Criminal Court LTD/GTE, « Ordonnance » du 29 novembre 2015.
7 Demande n° 002/2013 - Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant sur le statut du Comité africain d'experts sur les droits et le bien- être de l'enfant devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, « Ordonnance » du 5 décembre 2014.

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auteur ou du non-respect des exigences prévues à l’article 68, la Cour a décidé de désigner l’acte qu’elle rend par le terme « Ordonnance ». 9. En matière contentieuse, la Cour a rendu sous le terme
d’ « Ordonnance » un acte par lequel elle déclarait : n’avoir pas compétence pour connaître d’une affaire,® ou poursuivre l'examen de l'affaire,’ ou procéder à une jonction d’instances des requêtes ;"° ou
encore rejeter la requête en raison du manque d'intérêt de la part du Requérant pour continuer la procédure.‘
10. Toujours en ce qui concerne les affaires contentieuses, la Cour a rendu sous le nom d’« Arrêt » un acte pour dire que certaines
L'appellation « Ordonnance » est également utilisée dans la plupart des ordonnances portant mesures provisoires que la Cour a rendues“. 11. La Cour a largement utilisé le terme « Décision » pour dire
qu’elle n’avait pas compétence pour examiner des affaires en matière
8 Requête n° 019/2015 - Ay Bc c. Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, « Ordonnance » du 20 novembre 2015.
9 Requête n° 016/2015 — Général AI AL et autres c. République du Rwanda, « Ordonnance » du 3 juin 2016.
10 Requête numéros 009 et 011/2011 - Ca Ba Af et Legal and Bu Al Centre et Av By Bn Bb c. République-Unie de Tanzanie, « Ordonnance » du 22 septembre 2011.
11 Requête n° 002/2015 - Collectif des Anciens Travailleurs du Laboratoire (ALS) c. République du Mali, « ordonnance » du 5 septembre 2016.
12 Requête n° 003/2012 - Peter Bq Aa c. République-Unie de Tanzanie, « décision » du 28 mars 2014 ; Requête n° 003/2011 - Bv Bh c. République du Malawi, « arrêt » du 21 juin 2013.
13 Requête n° 001/2008 : Cf Am c. République du Sénégal, « arrêt » du 15 décembre 2009 ; Requête n° 001/2011 - Ay Bc c. Union africaine, « arrêt » du 26 juin 2012.
14 À savoir : Requête n° 016/2015 - Général AI AL et autres c. République du Rwanda, « Ordonnance » du 24 mars 2017. Requête n° 004/2013 — Ap Ad Ci c. Bs Bk, « Ordonnance » du 4 octobre 2013 ; Requête n° 002/2013 - Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye, « Ordonnance » du 15 mars 2013.

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12. Dans la Demande d’avis consultatif objet de la présente Opinion individuelle, la Cour a conclu qu’elle n'avait pas la compétence personnelle et pourtant elle désigne cet acte par « Avis consultatif », ce qui est pour le moins contradictoire.
13. À mon avis, soit la Cour est compétente, auquel cas elle émet un avis consultatif, soit elle n’a pas compétence en l'espèce et elle n’émet pas d'avis consultatif.
14. Mes éminents collègues Juges ont sans doute été influencés par le fait que dans sa demande, Y invitait la Cour à examiner sa qualité pour la saisir, en vertu de l’article 4(1) du Protocole. Et pourtant, cette question aurait été examinée par la Cour, étant donné que conformément à l’article 39(1) du Règlement intérieur de la Cour en tout état de cause, applicable en vertu de l’article 72 du même Règlement, « [La] Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence et des conditions de recevabilité de la requête… » (C’est moi qui souligne), avant de pouvoir statuer sur toute affaire dont elle est saisie.
15. À mon avis, l’article 39(1) du Règlement oblige la Cour à procéder à un examen préliminaire afin de vérifier sa compétence et la recevabilité de la requête, une procédure qui, en aucune manière, ne saurait être désignée par « Avis » en soi, même si, dans les cas où la Cour a la compétence juridictionnelle, la décision sur la compétence et la recevabilité forment partie intégrante de l’avis consultatif émis, comme ce fut le cas en la Demande d’avis consultatif n° 002/2013.
16. C’est pour cette raison que je pense que l'examen préliminaire, au sens de l’article 39(1) du Règlement, est une procédure qui est
15 Requête n° 002/2011 - At Aw c. République démocratique populaire d'Algérie, « Décision » du 16 juin 2011 ; Requête n° 005/2011 - Bj Ao et Ar Ao c. République du Mozambique et Mozambique Airlines, « Décision » du 16 juin 2011 ; Req. n° 006/2011 - Association des Juristes d'Afrique pour la Bonne B c. République de Côte d'Ivoire, « Décision » du 16 juin 2011; Requête n° 007/2011 - Ck Aw c. Royaume du Maroc, « Décision » du 2 septembre 2011; Requête n° 008/2011 - Ekollo M. Bi c. République du Cameroun et République fédérale du Nigeria, « Décision » du 23 septembre 2011; Requête n° 010/2011 - As An'o Ac c. Parlement panafricain, « Décision » du 30 septembre 2011; Reg. N° 012/2011 — Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. République du Gabon, « Décision » du 15 décembre 2011 ; Requête n° 002/2012 - Ax Bo Au X, M. et Mme AJ de Be c. République d'Afrique du Sud, « décision » du 30 mars 2013 ; Requête n° 004/2012 - Bw Bq Bx et autres c. République d'Afrique du Sud, « décision » du 30 mars 2012 ; Requête n° 005/2012 - Amir Bd Bm c. République du Soudan, « décision » du 30 mars 2012.

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clairement différente de l'émission d’un avis consultatif, même si quelquefois elle en forme une partie intégrante.
17. En d’autres termes, lorsqu’après examen préliminaire la Cour conclut qu’elle n’est pas compétente, elle ne peut en aucun cas désigner par le terme « Avis consultatif » l’acte par lequel elle est parvenue à cette conclusion.
18. En droit comparé, lorsque la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIADH) décide de ne pas émettre d’avis consultatif, elle adopte une forme de « Résolution »'° et non pas un « Avis consultatif ». Même lorsqu'elle émet un « Avis consultatif », elle établit une distinction claire entre la section consacrée à sa compétence (dans laquelle elle détermine si elle a compétence sur la demande d’avis consultatif) et la section relative à l’avis consultatif lui-même (dans laquelle elle donne son avis sur la question dont elle a été saisie, dans le cas où elle conclut qu’elle est compétente pour émettre un tel avis consultatif).‘” 19. Dans la demande d’avis consultatif introduite par le Conseil de la Société des Nations relative à l’affaire Bg c. Finlande, la Cour permanente de justice internationale (CPJI) a implicitement‘ utilisé l'expression « Avis consultatif »'° lorsqu'elle a constaté qu’elle pouvait émettre l'avis consultatif en raison du refus ad hoc de la Bg de reconnaître sa compétence. Toutefois, il s'agit d’un précédent incongru et isolé qui remonte à un siècle et qui ne peut pas être invoqué en l'espèce. En réalité, ce précédent n’a jamais inspiré une quelconque position de la Cour dans ses décisions antérieures sur les demandes
iv. Mon opinion
20. Amonavis, pour les raisons exposées ci-dessus, la Cour devrait utiliser le terme « Décision » pour désigner les actes par lesquels elle procède à un examen préliminaire de sa compétence et de la
16 Résolution de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, du 23 juin 2016, Demande d'avis consultatif introduite par le Secrétaire général de l’organisation des Etats américains ; Résolution de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, 27 janvier 2009 ; demande d'avis consultatif introduite par la Commission interaméricaine des droits de l'homme.
17 Avis consultatif OC-21/14 du 19 août 2014 demandé par la République d'Argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale d’Uruguay ; Avis consultatif OC-20/09 du 29 septembre 2009 demandé par la République d'Argentine.
18 Pourquoi pas formellement désignée comme telle. Ce n’est qu’à la fin de la disposition qu’il est fait mention du « (...) Présent Avis … (..) ».
19 Décision de la troisième session ordinaire du 23 juillet 1923, Dossier F. c. V Rôle
Carelie_orientale_Avis_consultatif.pdf, consultée le 24.05.2017.

CHR et autres (avis consultatif) (2017) 2 RICA 644 659
recevabilité des demandes en vertu des dispositions de l’article 39 de son Règlement intérieur. En effet, la pratique récurrente qui consiste à utiliser le terme « Décision » lorsqu’elle se déclare incompétente pour statuer sur les affaires contentieuses, s'applique parfaitement en matière consultative. Cela d'autant plus que l’article 72 du Règlement intérieur exige de la Cour, pour les avis consultatifs, d'appliquer mutatis mutandis les dispositions relatives à la procédure contentieuse.
21. L'appellation « Décision » éviterait de donner l'impression erronée que l'acte est un avis consultatif, que la Cour n’a pas émis en fait. En revanche, la Cour de céans gagnerait à rester plus cohérente en utilisant les appellations appropriées pour désigner ses actes, ce qui l’amènera à s’aligner sur sa jurisprudence bien établie, dans laquelle elle utilise le terme « Décision » lorsqu’elle détermine sa compétence pour les affaires contentieuses.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 001/2016
Date de la décision : 07/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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