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20/11/2015 | CADHP | N°RANDOM398975775

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 20 novembre 2015, RANDOM398975775


Texte (pseudonymisé)
518 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE
Bg As c. Commission africaine des droits
des peuples (compétence) (2015) 1 RICA 518

VOL 1 (2006-2016)
de l'homme et

Bg As c. Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples
Ordonnance du 20 novembre 2015. Fait en anglais et en français, le texte
anglais faisant foi.
Juges : RAMADHANI, THOMPSON, OUGUERGOUZ, TAMBALA, ORÉ,
KIOKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA et MATUSSE
N’a pas siégé en application de l’article 22 : N'YUNGEKO
La Cour a estimé qu’elle ne pouvait pas obliger la Commissio

n à la saisir
d’une affaire dont le requérant avait saisi la Commission.
Compétence (Etat défendeur no...

518 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE
Bg As c. Commission africaine des droits
des peuples (compétence) (2015) 1 RICA 518

VOL 1 (2006-2016)
de l'homme et

Bg As c. Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples
Ordonnance du 20 novembre 2015. Fait en anglais et en français, le texte
anglais faisant foi.
Juges : RAMADHANI, THOMPSON, OUGUERGOUZ, TAMBALA, ORÉ,
KIOKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA et MATUSSE
N’a pas siégé en application de l’article 22 : N'YUNGEKO
La Cour a estimé qu’elle ne pouvait pas obliger la Commission à la saisir
d’une affaire dont le requérant avait saisi la Commission.
Compétence (Etat défendeur non partie au Protocole, 8, 9)
Complémentarité (Commission, 15, 16)
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
Compétence (requête à rejeter par le Greffe, 3)
I Objet de la requête
1. Le 7 septembre 2015, la Cour a reçu une requête introductive d'instance émanant de M. Bg As, (ci-après désigné «le requérant »), contre la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « le défendeur »).
2. Le requérant en l'espèce est un avocat du Nigéria (Al Aw X BkC, dont le cabinet a des bureaux dans les Etats de Lagos, Aa et Ekiti en République fédérale du Nigéria. Il a introduit la requête en l’espèce en son nom propre et au nom des victimes de violations des droits de l'homme au Burundi.
3. Le requérant allègue ce qui suit :
a) Le 4 mai 2015, il a présenté une Communication à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, portant sur les violations systématiques et généralisées des droits de l'homme au Burundi et a demandé à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples de saisir la Cour africaine de ladite Communication.
b) La Communication introduite devant le défendeur porte sur les violations alléguées des droits de l'homme qui continuent d’être commises par le Gouvernement du Burundi, en particulier, les attaques contre des manifestants pacifiques, des journalistes et des

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militants des droits de l'homme, en réponse aux protestations contre la décision du Président Nkurunziza de briguer un troisième mandat. c) Bi'à présent, la Commission africaine n’a pas saisi la Cour africaine ou elle a négligé de le faire, malgré le fait que la Communication a été déposée en vertu des articles 84(2) et 118(3) et (4) du Règlement intérieur de la Commission africaine.
d) Le défaut ou le refus du défendeur de saisir la Cour africaine a eu pour effet le prolongement d’une situation dans laquelle les victimes de violations des droits de l'homme au Burundi n’ont accès ni à la justice ni à des recours efficaces.
4. Le requérant demande à la Cour de rendre une ordonnance et de décider de la mesure ci-après :
a) Demander à la Commission africaine de saisir la Cour africaine de la Communication visant le Burundi, introduite devant la Commission le 4 mai 2015.
b) Examiner la requête, en application de l’article 29 du Règlement intérieur et en vertu du pouvoir inhérent de la Cour.
Il. Position de la Cour
5. La Cour fait observer que le défendeur contre lequel a été introduite la requête en l'espèce, est un organe de l'Union africaine, créé par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte »).
6. En vertu de l’article 3(1) du Protocole, la Cour a compétence pour connaitre de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés.
7. La Cour relève que même si les faits à l’origine de la requête se rapportent à des violations de droits de l'homme au Burundi, elle a été introduite en l'espèce contre le défendeur, une entité qui n’est pas un Etat partie à la Charte ou au Protocole.
8. La Cour relève également que l’auteur de la requête l’a introduite en son nom propre contre le défendeur. En vertu des articles 34(6) et 5(3) du Protocole, les individus ne peuvent saisir la Cour que lorsque l'Etat visé par la requête a déposé une déclaration conformément à l’article 34(6) du Protocole.
9. Étant donné que le défendeur n’est pas État partie au Protocole et qu’il n’a pas déposé la déclaration prévue à l’article 34(6), la Cour dégage la conclusion que le requérant n’a pas qualité pour introduire la requête visant le défendeur, en application des articles 5(3) et 34(6) du Protocole.
10. La requête en l'espèce se fonde également sur l’article 29 du Règlement intérieur de la Cour. || affirme aussi avoir déposé la communication visant le défendeur en vertu des articles 84(2) et 118(3) (4) [sic] du Règlement intérieur du défendeur.
11. L'article 29 du Règlement intérieur de la Cour, qui doit être lu conjointement avec les articles 2 et 8 du Protocole, régit les relations entre la Cour et le défendeur.

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12. En vertu de l’article 2 du Protocole, la Cour complète les fonctions de protection du défendeur, conformément aux dispositions du Protocole.
13. Par ailleurs, en vertu de l’article 8 du Protocole, la Cour fixe dans son Règlement intérieur les conditions d’examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de la complémentarité entre elle et le défendeur.
14. En outre, en vertu de l’article 5(1) (a) du Protocole, le défendeur a qualité pour saisir la Cour et celle-ci peut renvoyer des requêtes devant le défendeur, en application de l’article 6(3) du Protocole.
15. || ressort de l'analyse des articles 2 du Protocole et 29 du Règlement intérieur ainsi que des dispositions connexes du Protocole citées ci-dessus que la Cour ne peut pas obliger le défendeur à la saisir, même si celui-ci a qualité pour le faire.
16. La relation entre la Cour et le défendeur est fondée sur la complémentarité. En conséquence, la Cour et le défendeur sont des institutions partenaires autonomes mais qui œuvrent de concert pour le renforcement de leur partenariat en vue de protéger les droits de l’homme sur tout le continent. Aucune de ces deux institutions a le pouvoir d’obliger l’autre à prendre une mesure quelconque.
IN. Par ces motifs, à l’unanimité, la Cour :
17. Conclut, conformément aux articles 3(1), 5(3) et 34(6) du Protocole, qu’elle n’a pas compétence pour connaître de l'affaire et rejette la requête en conséquence.
18. Conclut en outre que, conformément aux articles 2 du Protocole et 29 de son Règlement intérieur, elle ne peut pas obliger le défendeur à la saisir.
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
1. A l'instar de tous mes collègues, je suis d'avis que la Cour n’est pas compétente pour connaître de la « requête » introduite par Monsieur Bg As contre la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après la « Commission africaine »).
2. Aux termes du Protocole, seuls en effet les Etats parties à cet instrument peuvent être attraits devant la Cour (voir les articles 3(1), 5(1)(c), 7, 26, 30, 31 et 34(6)). La Commission africaine n'étant pas une entité étatique partie au Protocole, la Cour est donc manifestement incompétente ratione personae pour connaître de cette demande. Au surplus, de par son objet, cette demande ne relève pas non plus de la compétence ratione materiae de la Cour telle qu’envisagée par l’article 3 du Protocole.

As c. CADHP (compétence) (2015) 1 RICA 518 521
3. Contrairement à mes collègues, je considère toutefois que cette demande, pour le moins singulière," ne pouvait en aucun cas être inscrite au rôle de la Cour ni, a fortiori, faire l’objet d’un traitement judiciaire par la Cour et être rejetée par la voie d’une ordonnance de celle-ci. Cette demande aurait dû être rejetée par une simple lettre du greffier.
4. Je commencerais par faire observer que, dans sa demande, Monsieur As ne fait aucune référence aux dispositions du Protocole relatives à la compétence contentieuse de la Cour (articles 3 et 5); il se contente d’indiquer que sa
« requête [...] est introduite en vertu de l’article 29 du Règlement intérieur de la Cour africaine, qui dispose que « La Cour peut également, si elle le juge nécessaire, entendre, sur la base de l’article 45 du Règlement intérieur, l’individu ou l'ONG qui a saisi la Commission en vertu de l’article 55 de la Charte africaine » ».
5. Cette demande, dont le Greffe n’a communiqué copie ni à la Commiission africaine ni aux autres entités mentionnées à l’article 35(3) du Règlement de la Cour, aurait donc dû faire l’objet d’un simple traitement administratif, c'est-à-dire être rejetée de p/ano par une lettre du greffier comme dans tous les autres cas d’incompétence manifeste récemment traités par la Cour.?
6. C’est en effet par un simple courrier administratif signé par le greffier ou le greffier-adjoint qu'ont par exemple été rejetées des « requêtes » introduites par des individus contre des entités non étatiques telles que la Cour européenne des droits de l'homme ou la Conférence Interafricaine des Marchés des Assurances (CIMA).
7. En réponse à l’auteur de cette dernière demande, le greffier a ainsi indiqué que :
« [...] je voudrais porter à votre connaissance que la Cour n’est pas compétente pour connaître un tel recours pour deux raisons essentielles : 1) La Cour ne reçoit que des plaintes contre des Etats (Article 3 du
1 Monsieur As articule en effet ses demandes comme suit :
« Le requérant demande en conséquence à la Cour de prendre les mesures suivantes :
1. Demander à la Commission africaine de saisir la Cour africaine de la Sommunication visant le Burundi, introduite devant la Commission le 4 mai
2. Examiner la requête en application de l’article 29 du Règlement intérieur et en vertu de la compétence inhérente de la Cour ».
2 Bi'à la décision prise par la Cour le 26 juin 2014 pour rejeter une requête introduite contre la Tunisie (Baghdadi AI Mahmoudi c. République de Tunisie), les requêtes introduites contre des Etats africains non parties au Protocole ou n'ayant pas déposé la déclaration facultative prévue par l’article 34(6) du Protocole faisaient l’objet d’un traitement judiciaire par la Cour et étaient rejetées par une décision de cette dernière (voir mon opinion individuelle jointe à cette décision du 26 juin 2015); après cette date, les requêtes de cette nature ont fait l’objet d’un simple traitement administratif (lettre du Greffe).
3 Lettre du greffier en date du 26 juin 2015 (Réf AFCHPR/Rég./06/008) en réponse à la requête de Monsieur Bb Ay contre la CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés des Assurances) reçue au greffe le 10 juin 2015 et datée du 19 [sic] juin 2015.

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8. Dans sa réponse à la demande introduite contre la Cour européenne des droits de l’homme (et la France), le greffier a indiqué que
« le Greffe a décidé de ne pas enregistrer votre requête car elle ne satisfait aucune des conditions prévues par les textes qui régissent la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples ».4
Pour éviter toute équivoque, le greffier a également apporté la clarification suivante :
« Pour être recevable, une requête doit, entre autres conditions, être dirigée contre un Etat africain partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et au Protocole y relatif portant création de la Cour ».
9. C’est à juste titre qu’un traitement administratif a été accordé à de telles demandes que la Cour est manifestement incompétente à connaître. Cette pratique est conforme à celle d’organes judiciaires internationaux tels que la Cour internationale de Justice par exemple, où c’est un fonctionnaire du Greffe qui est chargé de répondre aux demandes introduites par des particuliers, entités ne possédant aucun locus standi devant la Cour.®
10. La Cour africaine a également réservé un traitement administratif à des demandes introduites contre des Etats non membres de l’Union africaine tels que la France“ ou le Japon.
11. Ainsi, dans sa réponse à la demande introduite contre le Japon, le greffier-adjoint de la Cour a indiqué ce qui suit :
« Please be informed that the subject matter of your application is manifestly not within the jurisdiction of the Court. Further, since your complaint is being made against a non-State Party to the Protocol to the Af Bh on Human and Peoples’ Rights on the Establishment of an African Court on Human and Peoples’ Rights, the Court does not have jurisdiction to receive the matter ».”
4 Demande introduite par Monsieur Aj Ar contre la France et la Cour européenne des droits de l'homme, en date du 3 janvier 2015 et rejetée par lettre du greffier en date du 7 janvier 2015 (Réf AFCHPR/Rég./Ext/004.15).
5 Les demandes émanant d'individus sont en effet rejetées par une lettre du greffier- adjoint de la Cour internationale de Justice, ainsi formulée ;
« J'ai l'honneur d’accuser réception de votre lettre en date du xx.
J'ai le regret de vous faire connaître que, aux termes de l’article 34 du Statut de la Cour internationale de Justice, « seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour » et que, en vertu de l’article 65 du Statut, seules certaines organisations internationales sont autorisées à lui demander des avis consultatifs.
En conséquence, la Cour ou ses Membres n’ont compétence ni pour connaître des demandes qui leur sont présentées par des particuliers ou par des groupes privés, ni pour leur fournir des avis juridiques, ni pour les aider dans leurs relations avec les autorités de quelque pays que ce soit.
Vous comprendrez que, dans ces conditions, aucune suite ne puisse être donnée à votre lettre.
Veuillez agréer, xxx, l'assurance de ma considération distinguée ».
6 Voir la demande susmentionnée introduite par Monsieur Aj Ar, note de bas de page 4
7 Lettre du greffier-adjoint en date du 18 février 2015 (Réf AFCHPR/Reg./02/2015/ 009) en réponse à la demande introduite par Madame Ba Az contre le Japon, en date du 18 octobre 2014

As c. CADHP (compétence) (2015) 1 RICA 518 523
12. C’est exactement de la même manière qu’ont été rejetées trois requêtes introduites contre l'Egypte, un Etat membre de l’Union africaine qui n’est pas partie au Protocole. Dans sa réponse à la dernière en date de ces trois requêtes, le greffier-adjoint a en effet informé son auteur de ce qui suit :
« [...] | would like to inform you that Egypt has not yet ratified the Protocol establishing the Court. The Court can only receive applications related to States which are parties to the Protocol ».8
13. C’est également la voie administrative, et non judiciaire, qui a été choisie pour rejeter des requêtes introduites contre des Etats parties au Protocole mais n'ayant pas déposé la déclaration facultative de juridiction obligatoire de la Cour pour connaître d’affaires introduites par des individus ou des organisations non-gouvernementales, prévue par l’article 34(6) du Protocole.
14. || en va par exemple ainsi d’une requête introduite contre la Tunisie, à propos de laquelle le greffier a notifié ce qui suit à son auteur :
« [...] la Cour a analysé votre requête et a constaté que la Tunisie, Etat défendeur contre lequel votre requête est dirigée, n’a pas déposé la déclaration spéciale prévue à l’article 34(6) du Protocole [...]. Elle a, par conséquent, instruit le Greffe de vous informer qu’elle n’a pas compétence pour connaître de votre requête ».9
Des requêtes introduites contre la République du Congo"° et le Bl‘! ont fait l’objet du même traitement.
15. Je ferais observer qu'aucune des « affaires » susmentionnées n’a été inscrite au rôle de la Cour.
8 Lettre du greffier-adjoint en date du 29 juin 2015 (Réf: AFCHPR/Reg./06/011) en réponse à la requête introduite par Monsieur Ag An contre la République Arabe d'Egypte, en date du 10 janvier 2015. Voir également le traitement réservé à la requête introduite par Monsieur At Ap Ah et trois autres contre la République Arabe d'Egypte, en date du 16 juin 2014 ; cette requête a été rejetée par une lettre du greffier-adjoint en date du 20 juin 2014 (Réf: AFCHPR/Reg./06/2014/ 006), dans laquelle ce dernier indique ce qui suit : « As / have already explained to you during our meeting on Wednesday 18 June 2014, Egypt has not yet ratified the Protocol to the Af Bh on Human and Peoples’ Rights on the Establishment of an African Court on Human and Peoples’ Rights. As such, the Court does not have jurisdiction to hear the matter ». Voir enfin la lettre du greffier en date du 24 juin 2013 en réponse à une requête introduite le 17 juin 2013 par « The Av Ae Bm the Transformation of Egypt into a Muslim Brotherhood State » contre la République Arabe d'Egypte.
9 Lettre du greffier en date du 14 avril 2015 (Réf : AFCHPR/Reg. /04/007) en réponse à la requête introduite par Monsieur Ac Ao contre la République de Tunisie, en date du 18 septembre 2014
10 Lettre du greffier en date du 22 septembre 2015 (Réf AFCHPR/Reg. /09/016) en réponse à la requête introduite par Messieurs B Bj et autres contre la République du Congo, en date du 7 septembre 2015 ; dans cette lettre, le greffier indique notamment ce qui suit : « La République du Congo n’ayant pas fait la déclaration, la Cour n’est pas compétente pour recevoir votre recours ».
11 Requête introduite par Monsieur Ai contre le Bl, en date du 25 mai 2015, et rejetée par lettre du greffier en date du 29 juin 2015 (Réf: AFCHPR/Reg./ 06/013): « ! would like to inform you that although the Ax X Bl has ratified the Protocol establishing the Court, it has not made the declaration under Article 34(6) thereof, and as such the Court does not have jurisdiction to receive applications directly from individuals and NGOs against the Ax X Bl ».

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16. Je ferais également observer que le traitement (judiciaire) accordé à la demande de Monsieur As, dirigée contre une entité qui ne peut en aucune manière être attraite devant la Cour, tranche singulièrement avec celui (administratif) réservé lors de la 38ème session ordinaire de la Cour à la requête No 002/2014 introduite par Monsieur Bc Bd contre le Rwanda, Etat pourtant partie au Protocole et ayant déposé la déclaration facultative de juridiction obligatoire de la Cour pour connaître de requêtes émanant d’individus ou d'organisations non gouvernementales, prévue par l’article 34(6). Cette requête, inscrite au rôle de la Cour, a en effet été rejetée par une simple lettre adressée par le greffier au requérant, '? alors même que la Cour était manifestement compétente ratione personae pour en connaître et qu’elle en a examiné le bien-fondé.
17. À la lumière de ce qui précède, j'estime que la Cour aurait pu faire l’économie de cette ordonnance et éviter ainsi le risque d’entrer dans des considérations inutiles aux fins du rejet de la demande de Monsieur As (paragraphes 8-16). Ce faisant, la Cour fait aussi preuve d’une certaine incohérence dans son raisonnement dans la mesure où, ayant conclu à son incompétence ratione personae pour connaître de la demande (paragraphes 7, 9 et 17), elle se prononce quand même sur cette demande, c'est-à-dire sur le « fond », en concluant que « conformément aux articles 2 du Protocole et 29 de son Règlement intérieur, elle ne peut pas obliger le défendeur à la saisir» (paragraphes 15 et 18).
18. Cette seconde conclusion est d’autant moins opportune que les articles 2 du Protocole et 29 du Règlement, auxquels la Cour se réfère, ne sauraient servir de base juridique à sa conclusion selon laquelle elle ne peut pas obliger la Commission à la saisir.
19. Bien que je souscrive bien évidemment à cette seconde conclusion de la Cour, je considère que la seule disposition applicable en l'espèce est l’article 5(1) du Protocole. Cette disposition autorise en effet la Commission à saisir la Cour ; elle ne l’y oblige cependant pas. Cela ressort clairement du texte du paragraphe 1 de l’article 5, ainsi rédigé : « Ont qualité pour saisir la Cour [...] » ; la version anglaise de cette disposition est encore plus limpide : « The following are entitled to submit cases to the Court [...] » (c’est moi qui souligne). Sur la base de l’article 5(1)(a) du Protocole, la Commission africaine dispose donc d’une totale indépendance et liberté et ne saurait en aucune manière faire l’objet d’une injonction de la Cour.
20. L'article 29(3)(c) du Règlement, invoqué par Monsieur As, n’est pour sa part applicable que dans l’unique hypothèse où la Cour est régulièrement saisie d’une requête introduite par la Commission africaine.
12 Cette lettre est pour l'essentiel rédigée comme suit : « write to inform you that at its 38 Ad Bf held from 31 August to 18 September 2015, the Court considered the above Application and instructed the Registrar to inform you that the said Application does not meet the requirements under Rule 34 of the Rules of Court, and as such it cannot be entertained by the Court. | hope you will be able to find another forum where your complaint can be addressed ».

As c. CADHP (compétence) (2015) 1 RJCA 518 525
21. Au final, la Cour n'aurait pas dû accorder un traitement judiciaire à la demande de Monsieur As. Ayant opté pour cette voie, elle aurait dû le faire avec une plus grande économie de moyens et en évitant de statuer sur le fond de cette demande.
22. Je rappellerais pour mémoire que c’est la quatrième fois que la Cour africaine rejette par la voie judiciaire des « requêtes » introduites contre des entités non étatiques qui ne peuvent pas, par définition, être attraites devant elle.‘ La Cour disposant de ressources humaines et financières relativement limitées pour traiter efficacement un nombre d’affaires qui va croissant,'* il conviendrait d’éviter d’encombrer son rôle et son programme de travail avec des demandes de la nature de celle qui fait l’objet de la présente ordonnance.
13 Voir les arrêts rendus par la Cour les 26 juin 2012 et 15 mars 2013 dans les affaires Bg As c. Union africaine et Au Be Am c. Union africaine, ainsi que la décision rendue le 30 septembre 2011 dans l'affaire Ak Aq'o Ab c. Parlement panafricain ; voir à cet égard mes opinions individuelles jointes à ces trois prononcés judiciaires.
14 A la date du 20 novembre 2015, pas moins de 29 affaires contentieuses et 3 procédures consultatives étaient en effet pendantes devant la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : RANDOM398975775
Date de la décision : 20/11/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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