74 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA
Ar Ap Bj An
(2014) 1 RJCA 74
COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
c. Tanzanie (réparations)
Ar Ap Bj An c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt sur les réparations, 13 juin 2014. Fait en anglais et en français, le
texte anglais faisant foi.
Juges : AKUFFO, NGOEPE, OUGUERGOUZ, TAMBALA, THOMPSON,
ORÉE, GUISSE, KIOKO et ABA
N’a pas siégé en application de l’article 22 : RAMADHANI
Décision portant sur la conclusion antérieure sur le fond concernant le
droit de se porter candidat aux élections. La Cour a conclu qu'un
jugement peut constituer une forme suffisante de réparation du préjudice
moral.
Réparations (lien de causalité entre la requête et les faits de la cause,
29-37 ; frais judiciaires et dépens, 39-41 ; garanties de non-répétition,
obligation de faire rapport à la Cour sur la mise en œuvre de l'arrêt, 43 ;
mesures de satisfaction, publication et diffusion du jugement, 44-45)
I Les parties
1. Le Ar Ap Bj An Cci-après désigné « le requérant ») est un ressortissant de la République-Unie de Tanzanie. Il a introduit la présente requête devant la Cour en son nom propre.
2. Le défendeur est la République-Unie de Tanzanie. Elle est attraite devant la Cour du fait qu’elle a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») ainsi que le Protocole. Le défendeur a aussi fait la déclaration prévue à l’article 346) du Protocole, acceptant ainsi d’être attrait devant la Cour africaine par un individu ou une Organisation non gouvernementale (ONG) dotée du statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée « la Commis- sion »).
Il. Objet de la requête
3. La requête originale, à savoir la jonction d’instances des requêtes n°009/2011 — Be Ax Bn et The Ab and Bm Af Centre c. République-Unie de Tanzanie, et n°011/2011 — Ar Ap An c. République-Unie de Tanzanie, vise la loi portant huitième modification constitutionnelle adoptée par l’Assemblée nationale de la République-Unie de Tanzanie et promulguée par le Président de ce pays la même année. Elle exige de tout candidat aux élections présidentielles, législatives et locales d’être membre d’un parti politique et investi par celui-ci. Le requérant en l'espèce est le
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deuxième requérant dans la jonction d’instance des requêtes ci- dessus,
4. Bref historique de la requête
| En 1993, le Ar Ap Bj An a intenté une action en inconstitutionnalité devant la Haute Cour - Miscellanous Civil Cause N°5 of 1993 (affaire civile n°5 de 1993) - contestant les modifications apportées aux articles 39, 67 et 77 de la Constitution de la République- Unie de Tanzanie et à la section 39 de la loi régissant les autorités locales (élections) de 1979 telle qu’amendée par la loi n° 7 de 2002, faisant suite à la loi portant huitième amendement de la Constitution, estimant que cette loi était contraire à la Constitution et que, de ce fait, ces modifications étaient nulles et sans effet.
II Le 16 octobre 1994, l’État défendeur a déposé un projet de loi devant le Parlement (Loi n°34 de 1994 portant onzième modification de la Constitution) visant à annuler le droit des candidats indépendants à se présenter aux élections présidentielles, législatives et locales.
iii Le 24 octobre 1994, la Haute Cour a rendu un jugement dans l'affaire civile n°5 de 1993 en faveur du Ar An, déclarant que les candidatures indépendantes aux élections présidentielles, législatives et locales étaient autorisées par la loi,
IV. Le 2 décembre 1994, l’Assemblée nationale tanzanienne a adopté le projet de loi (loi n° 34 de 1994 portant onzième modification de la Constitution) dont l’effet fut de revenir à la situation constitutionnelle qui prévalait avant l'affaire civile n°5 de 1993 en modifiant l’article 21(1) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Cette loi est entrée en vigueur le 17 janvier 1995 après sa promulgation par le Président de la République, rendant ainsi caduc le jugement rendu par la Haute Cour dans l'affaire civile n°5 de 1993.
En 2005, le Ar An a de nouveau intenté une action en justice devant la Haute Cour de Tanzanie, affaire civile n°70 de 2005 - Ap An c. Attorney General - contestant les modifications des articles 39, 67 et 77 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie par la promulgation de la loi portant onzième modification constitutionnelle de 1994. Le 5 mai 2007, la Haute Cour a, de nouveau, tranché en sa faveur, estimant que les modifications contestées violaient les principes démocratiques et la doctrine des structures fondamentales consacrées par la Constitution. Par ce Jugement, la Haute Cour a autorisé les candidatures indépendantes.
vi En 2009, dans l'affaire civile n° 45 de 2009, l’Attorney général a fait appel du jugement devant la Cour d'appel de la République-Unie de Tanzanie (la Cour d'appel). Dans l'arrêt rendu le 17 juin 2010, la Cour d'appel a annulé le jugement rendu par la Haute Cour le 5 mai 2007, et a, de ce fait, interdit aux candidats indépendants de se présenter aux élections locales, législatives et présidentielles.
5. En raison du cadre juridique national actuel de la République-Unie de Tanzanie, les candidats qui ne sont pas membres d'un parti politique ou ne sont pas investis par celui-ci ne peuvent pas se présenter aux élections présidentielles, législatives et locales.
6. Le 14 juin 2013, la Cour a rendu un arrêt portant sur la jonction d’instances citée plus haut, dans lequel elle a statué de la manière suivante :
« 1. Concernant les premiers requérants :
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» À l’unanimité, que le défendeur a violé les articles 10 et 13(1) de la Charte.
» À la majorité, de sept contre deux (Juges Az Bk Z et Bi A ont émis des opinions dissidentes), que le défendeur a violé les articles 2 et 3 de la Charte.
2. Encce qui concerne le Second requérant :
» À l’unanimité, que le défendeur a violé les articles 10 et 13(1) de la Charte.
» À la majorité de sept contre deux (Juges Az Bk Z et Bi A ont émis des opinions dissidentes), que le défendeur a violé les articles 2 et 3 de la Charte.
3. Ordonne au défendeur de prendre toutes les mesures constitutionnelles, législatives et autres dispositions utiles dans un délai raisonnable, afin de mettre fin aux violations constatées et informer la Cour des mesures prises à cet égard.
4. Conformément à l’article 63 de son Règlement intérieur, la Cour fait droit à la demande du Second requérant aux fins d’être autorisé à déposer des conclusions sur l’octroi de réparations dans un délai de trente (30) jours et invite le défendeur à y répondre dans les trente (30) jours suivant la réception des conclusions du Second requérant.
5. Conformément à l’article 30 du Règlement intérieur de la Cour, chacune des parties supportera ses propres frais de procédure ».
7. Par lettre datée du 25 juillet 2013, le requérant a déposé un mémoire sur la compensation et la réparation, suite à l’arrêt rendu par la Cour le 14 juin 2013 faisant droit à sa requête relative à la violation par la République-Unie de Tanzanie de son droit de participer à la vie politique, de son droit à la liberté d’association, et du principe de non- discrimination. Par le même arrêt et conformément à l’article 34(5) de son Règlement intérieur, la Cour avait ordonné au requérant de déposer ses conclusions sur la réparation dans un délai de trente (30) jours à compter de la date du prononcé de l'arrêt.
8. Conformément à l’article 35(2) du Règlement intérieur de la Cour, le mémoire du requérant a été signifié au défendeur par lettre datée du 29 juillet 2013 et celui-ci a été invité à faire connaître sa réponse dans les trente (30) jours de la réception.
9. Par lettre en date du 8 juillet 2013, le conseil du requérant a déposé une demande d’assistance judicaire à la Cour, afin de lui permettre de préparer ses conclusions sur les mesures demandées et de présenter ses arguments. Par lettre datée du 2 août 2013, le Greffe a informé le conseil du requérant du rejet par la Cour de sa demande d'assistance judiciaire.
10. Par lettre datée du 29 août 2013, le défendeur a déposé sa réponse à la requête introduite par le requérant aux fins de réparation,
11. Par lettre datée du 30 août 2013, le Greffe a transmis copie de la réponse du défendeur au requérant.
12. Par courriel daté du 2 septembre 2013, le conseil du requérant a demandé de lui communiquer les annexes de la réponse du défendeur. Par courriel daté du 3 septembre 2013, le Greffe a informé le conseil du
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requérant que le défendeur avait indiqué qu’il enverrait les copies desdites annexes sur support papier en temps opportun.
13. Par lettre datée du 11 décembre 2013, le Greffe a informé le conseil du requérant de la décision de la Cour l’invitant à déposer sa réplique à la réponse du défendeur dans les trente (30) jours de la réception de la lettre.
14. Le 31 janvier 2014, le Greffe a écrit au conseil du requérant pour lui rappeler qu’il n'avait pas déposé sa réplique à la réponse du défendeur. Cette réplique a été déposée le 10 février 2014 et copie a été signifiée au défendeur.
15. Par lettre datée du 18 mars 2014, les parties ont été informées de la clôture des plaidoiries en l’espèce et que la Cour statuerait sur la base des écritures.
IV. Mesures demandées
16. Le requérant allègue que les violations de son droit par le défendeur l'ont poussé à adhérer à plusieurs partis politiques en vue de participer aux élections et à créer plus tard son propre parti dans le même but. En conséquence, le requérant soutient que ces violations l’ont également amené à engager des actions en justice devant plusieurs juridictions, notamment la Cour africaine.
17. Le requérant demande une réparation pour le préjudice moral subi, en raison du stress aggravé plus tard par diverses perquisitions dont il a fait l’objet et pour la perte de la possibilité de participer effectivement à la gestion des affaires publiques de son pays. Le montant de la réparation qu’il réclame au titre de ce préjudice s'élève à 831 322 637,00 TZS (huit cent trente-et un millions, trois cent vingt-deux mille, six cent trente-sept shillings tanzaniens).
18. Le requérant réclame les frais et dépens consécutifs aux violations des droits de l'homme par le défendeur, y compris les dépenses liées à la création de son parti politique et à sa participation aux élections, ainsi que les frais de procédure devant les juridictions nationales dont il chiffre le montant total à 4 168 667 363,00 TZS (quatre milliards, cent soixante-huit millions, six cent soixante-sept mille, trois cent soixante- trois shillings tanzaniens).
19. Par ailleurs, le requérant réclame les honoraires d'avocat dans la procédure engagée devant la Cour africaine et dont il chiffre le montant à 60 250,00 dollars EU (soixante mille deux cent cinquante dollars EU). 20. Le requérant demande également à la Cour de fixer un délai limite au défendeur pour que celui-ci se conforme à l’arrêt de la Cour et de lui soumettre, tous les trois mois, un rapport sur les mesures prises à cet effet, jusqu’à ce que la Cour soit convaincue qu’il s’est entièrement conformé à l’arrêt.
21. En conséquence, le requérant demande à la Cour de :
ii Fixer le montant de sa réparation à 5 000 000 000,00 TZS (cinq milliards de shillings tanzaniens);
ii. Fixer les honoraires d'avocat pour la procédure devant les instances internationales suivant le barème du Programme d'assistance
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judiciaire de la Cour, tant pour la requête principale que pour la requête incidente aux fins de réparation ;
ii. Ordonner au Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie de faire rapport, tous les trois mois sur l'exécution des ordonnances de la Cour.
V. Réponse du défendeur à la requête
22. Le défendeur a soulevé des exceptions préliminaires au regard de la requête aux fins de réparation introduite par le requérant, qui sont fondées sur les motifs suivants :
A. Sur la procédure :
ii La prorogation du délai imparti au requérant pour le dépôt de ses arguments sur la réparation n’est pas conforme au principe de l'égalité des armes et de la justice naturelle car elle n’a pas été communiquée au défendeur afin qu’il puisse présenter ses observations relativement à la demande ou d’y donner son accord, ou tout autre avis.
ii. Il n’y avait pas lieu d’accorder une prorogation de délai au requérant pour le dépôt de ses arguments sur la demande de réparation. La demande de réparation faisait partie de la requête principale et le requérant n’avait plus qu'à indiquer le montant de la réparation sollicitée et présenter ses arguments à la Cour. Le conseil du requérant a comparu à l'audience du prononcé de l'arrêt le 14 juin 2013. Le requérant n’avait donc pas besoin d'attendre que l'arrêt et les opinions dissidentes lui soient notifiés pour déposer ses arguments sur la réparation. En tout état de cause, le Règlement intérieur de la Cour ne prescrit pas que l'arrêt et les opinions dissidentes soient notifiées à un requérant avant que celui-ci ne présente ses arguments sur la demande de réparation
iii. Même après la prorogation au 25 juillet 2013 du délai imparti au requérant pour déposer ses arguments à l’appui de la demande de réparation, la date de réception au Greffe indiquée sur le document en question est le 29 juillet 2013. Dès lors, étant donné que ces conclusions ont été déposées hors délai, elles doivent être rejetées.
B. Arguments du défendeur sur le fond de la requête : Le défendeur fait valoir ce qui suit :
23.
i. La question des violations des dispositions des articles 2, 3, 10 et 13(1) de la Charte ne s’est pas du tout posée, étant donné que le requérant a décidé de recourir au système de candidature indépendante aux élections lorsque son parti, le Ad Ag, n’a pas été reconnu. Le parti n’a pas été reconnu parce que le requérant a refusé de se soumettre à la vérification du nombre de ses membres, en violation des dispositions de l’article 10(b) et (c) de la Loi régissant les partis politiques. En outre, les activités de cette formation politique se limitaient à la partie continentale de la Tanzanie, à l'exclusion de Zanzibar, ce qui est contraire à la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Le requérant ne peut donc pas prétendre avoir été empêché de participer à la gestion des affaires publiques ou avoir été obligé d’adhérer à un parti politique pour participer aux élections. Le non-respect par le requérant de la Loi régissant les partis politiques et de la Constitution était donc à la base de la procédure devant les
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juridictions nationales internes et, il ne peut donc pas prétendre à une réparation pour avoir enfreint la loi.
ii. Le requérant doit apporter la preuve irréfutable du stress allégué et du préjudice moral qu’il affirme avoir subi plus tard, et qui a été aggravé par les nombreuses perquisitions dont il a fait l’objet de la part de la police. Le requérant n'a demandé une réparation pour ce préjudice ni dans sa requête, ni dans la procédure devant les juridictions nationales et, en conséquence, il n’a pas épuisé les voies de recours internes comme requis et de ce fait, la Cour ne peut statuer sur cette demande.
iii. Le montant réclamé au titre du préjudice moral et de la perte de la possibilité de participer effectivement à la gestion des affaires publiques est exagéré. La perte de toute possibilité de participer effectivement à la gestion des affaires publiques se fonde sur des facteurs politiques, sociaux, économiques très variés et imprévisibles dans l’État défendeur. De plus, le requérant a participé volontairement aux processus politiques
iv. L’ajout de la somme de 25 000,00 TZS (vingt-cinq mille shillings tanzaniens) payée par le requérant pour l'enregistrement provisoire du Ad Ag, l’une des conditions légales à remplir par toute personne souhaitant enregistrer un parti politique, est contesté par le défendeur, au motif que le requérant avait l’obligation de suivre la procédure légale d'enregistrement des partis politiques. En conséquence, le défendeur fait valoir que la perte ne doit pas lui être imputée, car il s’agit d’une condition requise par la loi.
v. Le requérant doit fournir la preuve irréfutable du montant exorbitant des frais et dépens qu’il évalue à 4 168 667 363,00 TZs (quatre millions cent soixante-huit mille trois cent soixante-trois shillings tanzaniens).
vi. La réclamation relative aux postes de dépenses figurant sur le compte des recettes et dépenses du requérant dans le cadre de la campagne présidentielle en tant que candidat indépendant et dont le montant s'élève à 93 835 000,00 TZS (quatre-vingt-treize millions huit cent trente-cinq mille shillings tanzaniens) doit être rejetée, au motif que la loi n'autorise pas les candidatures indépendantes.
vii. Les postes de dépenses sur le compte des recettes et dépenses du requérant sont contraires à la Loi régissant les partis politiques et à la Loi sur les dépenses électorales. Ils sont en outre inventés et exagérés. Les dépenses ne sont pas ventilées de manière détaillée pour permettre au défendeur d’y apporter des réponses précises et les justificatifs des diverses dépenses auraient dû être fournis en même temps que les arguments à l’appui de la demande de réparation et dans le délai imparti. Le défendeur doit avoir la possibilité de contester, vérifier et authentifier tous les documents relatifs à ces transactions. viii. De manière générale, la demande de réparation relative aux frais de procédure devant les juridictions nationales est contestée car elle est contraire à l'ordonnance de la Cour, qui prescrit que chacune des parties supporte ses propres frais de procédure. En outre, le requérant n’a pas fourni le détail de ces dépens et encore moins les preuves qu'il les a effectivement encourus. Par ailleurs, les juridictions nationales n’ont jamais accordé de dépens au requérant et la Cour africaine ne peut pas lui en octroyer parce que cela reviendrait à usurper les compétences des juridictions nationales en la matière.
ix. Le processus de révision constitutionnelle en cours constitue un redressement suffisant pour le préjudice non-pécuniaire allégué.
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x. Le défendeur conteste énergiquement la réclamation du requérant relative aux frais de procédure devant la Cour africaine, évalués à 60 250 dollars EU (soixante mille deux cent cinquante dollars EU). Le défendeur estime que cette demande est irrecevable parce qu'elle est contraire à l’accord passé entre le requérant et son conseil. Le défendeur affirme qu’il s’agit d’une tentative du requérant « de faire main basse sur les fonds de la Cour, alors que ses conseils se sont engagés à assurer sa défense à titre gracieux ».
24. En conséquence, le défendeur prie la Cour :
i. de dire que la réparation réclamée par le requérant évaluée à 5 000 000 000,00 TZS (cinq milliards de shillings tanzaniens) « est fortement contestée car elle est fabriquée, exagérée et gonflée hors proportions. Le défendeur prie la Cour de rejeter ces réclamations avec dépens ». ii. « d’ordonner au requérant de fournir à la Cour et au défendeur une ventilation des réclamations alléguées ainsi qu’une analyse détaillée accompagnée des éléments de preuve y relatifs, en vue de leur authentification et vérification avant l’audience en l'espèce ».
iii. de rejeter les réclamations du requérant tendant à faire fixer les honoraires de ses conseils pour la procédure internationale engagée devant la Cour selon le barème d'assistance judiciaire en vigueur, tant pour la requête principale que pour la demande subsidiaire de réparation. Le défendeur soutient en effet, qu’il s’agit là d’une demande étrangère à la cause en l'espèce.
iv. de rejeter la demande du requérant aux fins d’une ordonnance enjoignant au défendeur de faire rapport tous les trois mois à la Cour sur les mesures prises en vue de l'exécution des ordonnances rendues. Le défendeur estime que ce ne sont que de simples hypothèses et le fruit de l'imagination du requérant.
v. « de déclarer que le défendeur ne doit pas fournir de réparation pour les pertes alléguées par le requérant ».
vi. de déclarer que le processus de révision constitutionnelle en cours constitue une réparation suffisante pour le requérant.
vil. « de rejeter la demande de réparation introduite par le requérant dans sa totalité, avec dépens ».
viii. « d’ordonner toute(s) autre(s) mesure(s) que la Cour estime appropriée(s) ».
VI. Réplique du requérant à la réponse du défendeur
A. Sur la procédure
25.
i. Le requérant soutient qu’il a déposé ses conclusions sur la réparation le 25 juillet 2013 et qu’en tout état de cause, la Cour a, par le passé, accordé des prorogations de délai au défendeur sans que le requérant ait l’occasion de déposer ses observations à ce sujet.
ii. Le requérant fait aussi valoir qu’il n’a pas eu accès aux annexes de la réponse du défendeur et qu’il n’a pas pu les obtenir, en particulier les affaires qui y sont mentionnées et dans lesquelles il était pourtant impliqué. Il revient à l’État défendeur qui en fait état, de produire ces documents et celui-ci est en mesure de le faire, d'autant plus que ces documents émanent d'institutions nationales. À cet égard, le requérant n’est pas en mesure de répliquer entièrement à tous les points soulevés par le défendeur dans sa réponse
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iii. Sur le fond, le requérant soutient que la création du Ad Ag et les frais de sa gestion pendant toutes ces années est simplement une conséquence de la stratégie adoptée par le défendeur pour empêcher toute candidature indépendante, en violation de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. La procédure en l'espèce devant la Cour africaine est aussi la conséquence naturelle de cet état de fait, qui est renforcé par l'arrêt rendu par la Cour d'appel de la République-Unie de Tanzanie, et l’on peut également faire valoir qu’elle est la conséquence des manquements de l'État défendeur, comme l’a constaté la Cour dans son arrêt du 14 juin 2013.
iv. En ce qui concerne la demande de réparation pour le stress et le préjudice moral qu’il dit avoir subis, le requérant affirme que toute personne dotée de bon sens comprend que ce stress provient de la gestion de toute structure opérant dans un contexte fédéral (à Be et à Zanzibar). Surtout lorsque cette entité mène ses activités politiques et ses campagnes électorales à divers niveaux et dans toutes les régions, ce qui ne peut que provoquer un niveau élevé de stress, étant donné qu’il s’agit d’un travail à plein temps, qui a empêché le requérant de mener toute autre activité professionnelle. En l’espèce, seules les responsabilités religieuses du requérant pouvaient être exercées en même temps que la gestion de son parti politique.
v. Par ailleurs, le requérant affirme que les comptables qui ont certifié les comptes qu'il a présentés sont disponibles et qu'ils peuvent témoigner devant la Cour. Il revient aussi à l’État défendeur de fournir la preuve d'éventuelles erreurs dans la demande de réparation introduite par le requérant.
vi. Quant aux honoraires des conseils dans la procédure engagée devant la Cour, le requérant soutient que ces dépenses doivent être imputées à l’État défendeur, la Cour ayant conclu que celui-ci a manqué à ses obligations en vertu de la Charte, d’autant plus que la Cour n’a pas fait droit à la demande d'assistance judiciaire introduite par le requérant. vii. Le requérant fait encore valoir que l'arrêt rendu par la Cour signifie que le défendeur devrait assumer la réparation, la Cour ayant conclu que les lois électorales tanzaniennes violent les droits du requérant pourtant consacrés par la Charte. L'article 30 du Protocole portant création de la Cour oblige les États parties à se conformer aux décisions rendues par celle-ci.
viii. Le requérant a fait valoir que le maintien de la législation tanzanienne en son état actuel par le défendeur empêche toute candidature indépendante à des fonctions électives, ce qui souligne la nécessité de l'établissement par la Cour d’un calendrier précis pour s'assurer que l’État défendeur se conforme à l’arrêt rendu par la Cour.
ix. Pour toutes ces raisons, le requérant prie la Cour de rejeter l’ensemble des arguments avancés par le défendeur et de faire droit aux demandes présentées dans la requête en l'espèce.
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C. Sur la décision de la Cour de proroger unilatéralement le délai accordé au requérant pour déposer ses observations
26. Compte tenu du fait que l’arrêt de la Cour du 14 juin 2013 dans la jonction d’instances des requêtes nos 009/2011 - Be Ax Bn et The Ab and Bm Af Centre c. République-Unie de Tanzanie - et 011/2011 Ar Ap Bj An c. République- Unie de Tanzanie est parvenu au requérant le 26 juin 2013 de même que celui-ci a reçu les opinions dissidentes y relatives, la Cour a décidé que le délai de trente (30) jours accordé au requérant pour déposer ses observations sur la réparation devait courir à partir du 26 juin 2013. En conséquence, ce délai devait expirer le 25 juillet 2013. Le Greffier a communiqué cette décision de la Cour au requérant et a réservé copie au défendeur. Le courrier électronique transmettant les observations au Greffe était daté du 25 juillet 2013, mais la date de réception apposée sur le document était le 29 juillet 2013. Le requérant a donc déposé ses observations sur la réparation dans le délai fixé par la Cour. Même si le défendeur n’a pas eu la possibilité d’être entendu avant que la Cour ne décide de faire droit à la demande du requérant tendant à proroger jusqu’au 26 juin 2013 le délai pour déposer ses observations, le défendeur avait eu l’occasion d'exprimer sa position sur la question mais n’a rien fait dans ce sens. En tout état de cause, la Cour estime qu’il ny a pas eu déni de justice. En conséquence, la Cour est valablement saisie de la requête aux fins de réparation.
D. Décision de la Cour sur le fond de la requête
27. L'un des principes fondamentaux du droit international contemporain sur la responsabilité de l'Etat et qui constitue, par ailleurs, l’une des normes coutumières du droit international veut que toute violation d’une obligation internationale ayant causé un préjudice doit être réparée. La jurisprudence qui fait autorité à cet égard est celle issue de l'affaire Bc c. Pologne (affaire de l’usine de Chorzôw), dans laquelle la Cour permanente de justice internationale (CPJI) a énoncé ce principe comme suit :
« …la Cour constate que c'est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d’un engagement comporte l’obligation de réparer. Déjà dans son Arrêt no 8, la Cour, statuant sur la compétence qu’elle dérivait de l’article 23 de la Convention de Genève, a dit : la réparation est le complément indispensable d’un manquement à l’application sans qu’il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention même. L'existence du principe établissant l’obligation de réparer comme un élément du droit international positif n’a du reste jamais été contestée au cours des procédures relatives aux affaires de
28. La Cour estime que ce principe du droit international est aussi inscrit dans le Protocole. En effet, l’article 27(1) de celui-ci est libellé comme suit :
1 Arrêt de la Cour permanente de justice internationale, Recueil des arrêts n°13, série A n°7, 13 septembre 1928 (Fond), p.29.
« Lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».
i. Préjudice pécuniaire
29. Le requérant réclame une compensation pour le préjudice pécuniaire qu’il allègue avoir subi suite aux violations de droits de l'homme par le défendeur, notamment les frais engagés pour la création du parti et sa participation aux élections, ainsi que les frais relatifs aux procédures devant les juridictions nationales. La Commission a_reconnu l'importance d’une compensation et elle a estimé qu’un Etat qui viole des droits inscrits dans la Charte doit « prendre des mesures pour s'assurer que les victimes des violations de droits de l'homme se voient accorder des recours efficaces comme la restitution de leurs biens et l'indemnisation ».? Même si la Commission reconnaît le droit des victimes à une compensation, elle n’a pas encore identifié les facteurs que les Etats doivent prendre en compte pour évaluer compensation due. La Commission a plutôt recommandé que l’État octroie une compensation aux victimes des actes de torture et pour le traumatisme subi,* « compense de manière appropriée les victimes conformément aux normes internationales »* et assure le paiement d’une compensation.® La Cour interaméricaine des droits de l'homme a estimé que la compensation et les circonstances dans lesquelles elle est appropriée sont notamment : « la perte de revenus de la victime, les frais encourus à raison des faits de la cause et les conséquences de caractère pécuniaire qui ont un lien de causalité direct avec les faits incriminés ».° Dans l'affaire de l'usine de Chorzév, la Cour permanente de justice internationale a conclu que la réparation peut prendre la forme d’une compensation comprenant le paiement «de dommages-intérêts pour les pertes subies et qui ne seraient pas couvertes par la restitution en nature ou le paiement qui en prend la place ».”
2 Communications 279/03-Organisation des droits de l'homme du Ah Ah et 296/05-Centre on Ak Af and Evictions (COEHE) c. Soudan, vingt-huitième rapport : novembre 2009 - mai 2010 (paragraphe 229(d)).
3 Communication 288/04 Aw Am c. Zimbabwe. 2 mai 2012, paragraphe 194(1)
4 Communication 334/06 Bl Bg for Bd Af et Ay c. République arabe d'Egypte, Trente-et-unieme Rapport d'activité, mai 2011- novembre 2011, dispositif paragraphe 2.
5 Communications 54/91-61/91-96/93-98/93-164/97-196/97-210/98 Malawi Africa Association et autres c. Mauritanie, Treizième Rapport d'activité 1999-2000, dispositif, paragraphe 3
6 Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIADH), arrêts Au Ao c. Guatemala (réparation et dépens), 22 février 2002, Série C no. 91, paragraphe 43, el Bo Ac et Bf Ai Cfond, réparation et dépens). 26 novembre 2013, Série 273, paragraphe 212.
7 Voir note de bas de page n°1 au paragraphe 47
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30. En l'espèce, la Cour fait observer que même si le requérant lui a soumis un état de recettes et dépenses et présenté des arguments à l’appui, il n’a pas fourni suffisamment de justificatifs pour établir que ces dépenses sont une conséquence directe des faits de la présente cause et des violations constatées dans l'arrêt du 14 juin 2013. En outre, le requérant a insisté pour dire qu’il présenterait ces justificatifs à une audience qui restait encore à fixer et n'a donc pas étayé ses prétentions durant les occasions qui lui ont été offertes à cet effet au cours de la procédure. Le requérant n'a fourni aucun reçu pour étayer les dépenses qu’il déclare avoir encourues. Il n’y a donc aucune preuve documentaire des dommages pécuniaires allégués. En outre, conformément à l’article 27(1) du Règlement intérieur de la Cour, la procédure devant celle-ci est essentiellement écrite et les audiences publiques sont une exception et non la règle. En conséquence, bien qu’étant informé de la procédure devant la Cour, le requérant n’a pas fourni la preuve des dépenses qu'il allègue avoir engagées dans ses observations.
31. Il ne suffit pas d’établir que l’État défendeur a enfreint des dispositions de la Charte, il faut également fournir la preuve du préjudice dont le requérant demande au défendeur de fournir la compensation. En principe, une violation de la Charte ne suffit pas en elle-même pour établir un préjudice matériel.
32. Au vu de ce qui précède, la Cour estime qu’elle ne dispose pas d'éléments de preuve établissant un lien de causalité entre les faits de l'espèce et la compensation réclamée par le requérant en rapport avec les violations constatées dans l'arrêt rendu par la Cour le 14 juin 2013. En conséquence, elle dégage la conclusion qu’elle ne saurait octroyer une compensation au requérant au titre du préjudice pécuniaire subi.
ii. Préjudice non-pécuniaire
33. Le requérant réclame une compensation pour le préjudice non pécuniaire subi, en raison du stress et de ses effets, aggravés par les perquisitions dont il a fait l’objet de la part de la police, et pour avoir perdu la possibilité de participer effectivement à la gestion des affaires publiques dans son pays. Il réclame la somme de 831 322 637,00 TZS (huit cent trente-et-un millions, trois cent vingt-deux mille, six cent trente-sept shillings tanzaniens) à titre de compensation.
34. En droit international, le terme préjudice « moral » englobe les souffrances et les dommages causés à la victime directe, l'angoisse causée chez ses proches et la modification des conditions de vie de la victime et de sa famille, lorsque la victime est encore vivante. Le préjudice moral n’inclut pas les dommages ayant entraîné des pertes économiques.
35. Dans sa jurisprudence, la Commission a recommandé une compensation pour la torture et le traumatisme subis. La Cour interaméricaine des droits de l'homme a développé le concept de préjudice moral qu’elle définit comme « pouvant comprendre les
8 Voir note de bas de page n°3 ci-dessus.
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souffrances ou l'angoisse causées à la victime directe et à ses proches, et les atteintes à des valeurs qui sont très importantes pour la victime ainsi que les changements, y compris les changements non pécuniaires, des conditions de vie de la victime et de sa famille »
36. La Cour européenne des droits de l'homme octroie une compensation au titre du dommage immatériel (préjudice moral) après une évaluation de la satisfaction équitable. Cette mesure couvre des questions comme la peine et les souffrances, l'angoisse et la détresse, et la perte d’opportunités. Elle a été accordée dans certaines affaires, ‘° tandis que dans d’autres, la Cour s'est refusée à émettre des hypothèses sur l’existence ou non de ce dommage. "
37. S'agissant de la demande de réparation pour préjudice non- pécuniaire, le requérant n’a pas fourni d'éléments de preuve pour étayer l’allégation selon laquelle le préjudice a été causé directement par les faits de la cause. La Cour ne va donc pas émettre des hypothèses sur la question de l'existence de ce préjudice, de sa gravité et de son ampleur. En tout état de cause, la Cour estime que son arrêt du 14 juin 2013 et les ordonnances qui y figurent constituent une satisfaction équitable du préjudice non-pécuniaire allégué. !?
F. Frais et dépenses
38. Le requérant réclame la somme de 60 250,00 dollars EU (soixante mille deux cent cinquante dollars EU). Ce montant représentant les honoraires de ses trois (3) avocats et de trois (3) assistants. Il allègue également qu'entre début mai 2011 et juin 2011, lorsque /a requête 011/2011 a été introduite devant la Cour, chacun de ses conseils a consacré trente (30) heures à cette affaire, tandis que les assistants y ont consacré quarante (40) heures chacun. Pour la préparation de la réplique, chaque conseil et chaque assistant aurait travaillé pendant quinze (15) heures. Pour l'audience publique, le requérant allègue que chaque conseil aurait consacré au total quinze (15) heures à la préparation et à l’audience elle-même. Pour la demande de réparation, chaque conseil aurait consacré vingt (20) heures à la rédaction du mémoire. Le taux horaire étant de 250,00 dollars EU (deux cent cinquante dollars EU) pour chacun des conseils et de 150,00 dollars EU (cent cinquante dollars EU) pour leurs assistants, le total est de 45 000,00 dollars EU (quarante-cinq mille dollars EU) pour les conseils et 20 250,00 dollars EU (vingt mille deux cent cinquante dollars EU) pour les assistants, à raison de 180 heures pour les conseils, et 135 heures pour les assistants. Les conseils du requérant ont fait savoir que «
9 CIADH, arrêt dans l'affaire dite des « enfants de la rue » Villagrân Morales et autres c. Guatemala (réparation et dépens), 26 mai 2001, Série C no 77. paragraphe 84.
10 Affaires Ae c. Autriche, 13 EHRR 409 et Av AG X, 13 EHRR 435, paragraphe 13.
11 Affaire Perks et autres c. Royaume-Uni, 30 EHRR 33.
12 Voir aussi l'arrêt Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Bh c. République Populaire d’Albanie (Affaire du détroit de Corfou), Fond, Arrêt du 9 avril 1949 Rapports de la ClJ 1949 P. 36. CIADH et l'arrêt Aa et At c. Argentine (réparation et dépens), 27 août 1998, Série C no 39 paragraphe 79.
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malgré leur foi en la Cour, ils ne doivent pas supporter les dépens liés à la procédure, surtout en raison du fait que l'Etat défendeur aurait pu empêcher la saisine de la Cour africaine s’il avait exécuté la décision de la Haute Cour de Tanzanie à Dar-es-Salaam dans l’affaire civile n° 5 de 1993 ». À défaut du montant avancé ci-dessus, les conseils du requérant se sont dit disposés à accepter le remboursement des dépenses engagées, selon le barème prévu au Programme d'assistance judiciaire de la Cour africaine.
39. La Cour fait observer que les frais et les dépens font partie du de « réparation Ainsi, lorsque la responsabilité de l’État
établie concept dans un Jugement ». déclaratoire, la Cour ordonner à l’État est d'octroyer une compensation à la victime pour les peut frais et dépens liés aux actions qu’elle à intentées pour obtenir justice aux niveaux national
40. Nonobstant ce qui précède, la Cour estime que le requérant doit fournir des documents probants et présenter des arguments établissant un lien entre les éléments de preuve et les faits en l'espèce, et lorsqu'il s'agit de dépenses en numéraire qu'il affirme avoir encourues, elles doivent être décrites clairement et accompagnées de justificatifs."* Etant donné que la charge de la preuve relative à la réparation demandée repose sur le requérant et que celui-ci n’a pas étayé les arguments avancés sur les éléments de preuve portant sur les faits de la cause, la Cour ne peut pas faire droit à ses réclamations. De plus, étant donné que la requête en l'espèce découle de la jonction d'instances des requêtes n°009/2011 Be Ax Bn et The Ab and Bm Af Centre c. République-Unie de Tanzanie, et 011/2011 Ar Bj Ap An c. République-Unie de Tanzanie, dans lesquelles la Cour a décidé que chaque partie supporte ses propres frais de procédure, il en va de même pour chaque partie en
41. Au vu ce qui précède, les éléments de preuve présentés par le requérant et les arguments sur les honoraires des avocats ne permettent pas de justifier les montants réclamés. En conséquence, la Cour rejette cette demande.
G. Garanties de non-répétition
i. Demande d’adoption de mesures en droit interne
42. La Cour rappelle l’obligation qui incombe à l’État défendeur, aux termes de l’article 30 du Protocole, de se conformer à l'arrêt qu’elle a rendu. Dans l’arrêt du 14 juin 2013, la Cour s'est prononcée ainsi :
« La Cour ordonne au défendeur de prendre des mesures constitutionnelles, législatives et autres dispositions utiles, dans un délai
13 CIADH, arrêt Aa et At c. Argentina (réparation et dépens), 27 août 1998, Série C no 39 paragraphe 79
14 CIADH, affaire Aq Al et As Y c. Équateur, exception préliminaires, fond, réparation et dépens, Arrêt du 21 novembre 2007, Série c no170, paragraphe 277.
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raisonnable, afin de mettre fin aux violations constatées et informer la Cour des mesures prises à cet égard ».
43. La Cour fait observer que dans sa réponse aux arguments du requérant sur la réparation, le défendeur soutient que l’arrêt du 14 juin 2013 était entaché d'erreurs, étant donné que la législation tanzanienne n'autorise pas de candidatures indépendantes aux élections présidentielles, législatives et locales. Et ce, malgré le constat fait par la Cour que cette interdiction est contraire à la Charte. Cette position du défendeur est une source de préoccupation pour la Cour, d'autant plus que le défendeur n’a jamais soumis de rapport sur les actions entreprises pour adopter des mesures constitutionnelles, législatives ou autres nécessaires pour assurer la conformité de la loi régissant les élections présidentielles, législatives et locales avec la Charte. En conséquence, la Cour fait droit à la demande du requérant mais ordonne à l’État défendeur de faire rapport dans un délai de six mois à compter de la date du prononcé de la présente décision, sur la mise en œuvre de l'arrêt du 14 juin 2013.
H. Mesures de satisfaction
i. Publication et diffusion de l’arrêt du 14 juin 2013
44. Même si aucune des parties n’a présenté de conclusions sur des mesures de satisfaction en vertu de l’article 27 du Protocole, la Cour statue sur cette mesure, en vertu de son pouvoir discrétionnaire.
45. La Cour réaffirme sa position telle qu'elle a été exposée au paragraphe 37 plus haut, à savoir que l'arrêt peut constituer en lui- même une forme suffisante de réparation pour le préjudice moral.‘° Au vu des préoccupations exprimées au paragraphe 43 de la présente décision, la Cour ordonne à l'Etat défendeur de publier, dans un délai de six mois à compter de la date du prononcé de la présente décision. i. le résumé officiel de l’arrêt du 14 juin 2013 préparé par le Greffe de la Cour en anglais, qui doit être traduit en Kiswahili aux frais de l’État défendeur et publié dans les deux langues, une fois dans le journal officiel et une fois dans un quotidien national de large diffusion ;
ii. l'intégralité de l'arrêt du 14 juin 2013 en anglais, sur un site Internet officiel de l’État défendeur et de l’y maintenir pendant un an
ii. Par ces motifs :
46. La Cour, à l’unanimité :
1. Déclare que l’arrêt du 14 juin 2013 rendu dans la jonction d'instances des requêtes no 009/2011, Be Ax Bn et The Ab Bm Af Centre c. République-Unie de Tanzanie et 011/ 2011, Ar Ap An c. République-Unie de Tanzanie constitue en soi une forme suffisante de réparation du préjudice nonpécuniaire
15 Voir par exemple B, arrêt Bb Aj et autres c Ba Créparation et dépens), 19 septembre 1996. Série C no 29. paragraphe 56.
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2. Les réclamations du requérant relatives au préjudice pécuniaire n’ayant pas été prouvées, sont rejetées,
3. Les réclamations du Requêtant relatives aux frais de procédure n’ayant pas été étayées, sont rejetées.
4. Ordonne à l’État défendeur de faire rapport à la Cour, dans un délai de six mois à compter de la date de la présente décision, sur les mesures prises pour exécuter l’arrêt du 14 juin 2013 rendu dans la jonction d’instances des requêtes n°009 /2011 Be Ax Bn et The Ab and Bm Af Centre c. République-Unie de Tanzanie, et 011/2011 Ar Bj Ap An c. République- Unie de Tanzanie.
5. ORDONNE également à l’État défendeur de publier l’arrêt et son résumé comme l’a ordonné la Cour au paragraphe 54 de la présente décision, dans un délai de six mois à compter de la date de la présente décision. Il s’agit des publications suivantes :
i. le résumé officiel de l'arrêt du 14 juin 2013 rédigé par le Greffe de la Cour en anglais, qui doit être traduit en Kiswahili aux frais de l’État défendeur, et publié dans les deux langues, une fois dans le journal officiel et une fois dans un grand quotidien national de large diffusion ; ii. l'intégralité de l'arrêt du 14 juin 2013 en anglais, sur un site Internet officiel de l’État défendeur et de l’y maintenir pendant un an.
6. Dans un délai de neuf (9) mois à compter de la présente décision, l’État défendeur devra soumettre un rapport détaillant les mesures adoptées en application du paragraphe 5 ci-dessus.
7. Conformément à l’article 30 du Règlement intérieur de la Cour, chaque partie supportera ses propres frais de procédure.