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28/03/2014 | CADHP | N°003/2012

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 28 mars 2014, 003/2012


Texte (pseudonymisé)
Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA
Ah Xs Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1
413

RICA

Ah Xs Aa c. République-Unie de Tanzanie
Décision du 28 mars 2014. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges C AQ, NGOEPE, NIYUNGEKO, OUGUERGOUZ, TAMBALA,
THOMPSON, ORÉ, GUISSE, X et ABA
N’a pas siégé en application de l’article 22 : RAMADHANI
L'affaire portait sur des allégations d'’arrestation, de détention et
d'emprisonnement du requérant contrairement à la loi. La Cour a déclaré
la plainte irrecevable pour

non-épuisement des voies de recours internes.
Compétence (il n'est pas nécessaire que le requérant mentionne...

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA
Ah Xs Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1
413

RICA

Ah Xs Aa c. République-Unie de Tanzanie
Décision du 28 mars 2014. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges C AQ, NGOEPE, NIYUNGEKO, OUGUERGOUZ, TAMBALA,
THOMPSON, ORÉ, GUISSE, X et ABA
N’a pas siégé en application de l’article 22 : RAMADHANI
L'affaire portait sur des allégations d'’arrestation, de détention et
d'emprisonnement du requérant contrairement à la loi. La Cour a déclaré
la plainte irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes.
Compétence (il n'est pas nécessaire que le requérant mentionne
expressément les dispositions de la Charte, 118)
Recevabilité (non-épuisement des recours internes, 152)
Opinion individuelle C AQ, THOMPSON et X
Recevabilité (épuisement des recours internes ; recours inaccessibles,
27, 28)
Preuve (témoin expert, 46-49)
Liberté et sécurité de la personne (arrestation et détention arbitraires,
64)
Opinion individuelle : NGOEPE
Preuve (témoin expert, 4)
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
Recevabilité (épuisement des voies de recours internes ; recours non
disponibles, 30, 52, 69 ; comportement des autorités judiciaires, charge
de la preuve, 70, 73)
I Les parties
1. Le requérant, Ah Xs Aa, citoyen de la République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « le requérant »), était détenu à la prison centrale d’Bj avec pour numéro d’écrou 3502/2007 au moment du dépôt de la requête.

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2. La requête a été introduite contre deux défendeurs : le premier est l’Bg général de la République-Unie de Tanzanie, qui est le Conseiller juridique principal du Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie, et le deuxième est le Ministre de l’Intérieur de la République-Unie de Tanzanie. Il est entendu que les deux défendeurs sont attaqués en tant que représentants du Gouvernement tanzanien. Le défendeur est donc la République-Unie de Tanzanie.
Il. Objet de la requête
3. La requête introduite par le requérant se fonde sur les affaires énales no 915/2007, 931/2007, 933/2007, 1027/2007, 1029/2007, 883/2008, 712/2009 et 716/2009 qui étaient pendantes devant la Cour de district d’Bj (ci-après désignées, Affaires pénales). Le requérant allègue qu’il a été arrêté, détenu, accusé et incarcéré de manière illégale, en violation des articles 13(1)(a) et (b) et (3)(a), (b), et (c), 32(1) (2) et (3), 33, 38(1), (2) et (3) et 50(1), (2) et (3) de la Loi portant Code de procédure pénale, du chapitre 20 des lois de la Tanzanie édition révisée de 2002 (ci-après désignée, Code pénal). Le requérant allègue que son arrestation, sa détention, son inculpation et son emprisonnement de manière illégale en rapport avec les affaires pénales ont violé son droit, en vertu de l’article 15(1) et (2) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, à la liberté et à la garantie qu’il ne peut être privé de cette liberté que dans le respect des conditions et des procédures prescrites par la loi et que la saisie illégale de ses biens en rapport avec les affaires pénales est une violation de son droit à posséder des biens prévu à l'article 24(1) et (2) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie.
4. Le requérant allègue également que la police de la République-Unie de Tanzanie a enfreint la procédure de perquisition et de saisie définie par le Code pénal en ce qui concerne ses biens. Le requérant allègue la violation de son droit à posséder des biens, de son droit à la protection de ses bien obtenus légalement, et du droit de ne pas être dépossédé illégalement de ses biens, un droit consacré à l’article 24(1) et (2) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie.
IN. La procédure
5. La requête a été reçue au Greffe le 30 septembre 2011. En annexe à la requête était jointe une liste de biens dont le requérant allègue la saisie illégale par la police.
6. Par lettre du 4 octobre 2011, le Greffe a accusé réception de la requête et a informé le requérant qu’il devait s'assurer que sa requête était conforme à l’article 34 du Règlement intérieur de la Cour.
7. Par lettre datée du 20 février 2012 le requérant a répondu à la lettre du Greffe datée du 13 février 2012, dans laquelle il alègue que malgré les efforts qu’il a déployés, en envoyant des correspondances à plusieurs ministères et à la Commission des droits de l'homme et de la bonne gouvernance (CHRAGG) pour que ses griefs puissent être redressés, rien n’a été fait et cette situation a retardé de façon anormale l’accès aux voies de recours internes, ce qui constitue le fondement de sa requête. || a également déclaré avoir intenté une

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action pénale n°16 de 2011 devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj dans le cadre d’une procédure d'urgence, alléguant la violation de ses droits constitutionnels. Il a affirmé que l'affaire n'avait pas encore été entendue en raison de l'absence d’une partie adverse, comme l'exige la Loi portant application des droits et devoirs fondamentaux. Il a déclaré que ce retard pour statuer sur cette affaire se prolonge de façon anormale et est contraire à l’article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
8. Par lettre datée du 27 février 2012, le Greffe a accusé réception de la lettre du requérant datée du 20 février et l’a informé que la requête avait été enregistrée sous la référence requête 003/2012 — Ah Xs Aa c. République-Unie de Tanzanie.
9. Par lettre datée du 1er mars 2012, le requérant a informé la Cour de son intention de demander des mesures de réparation, qui seraient jointes à sa requête, en vertu de l’article 34(5) du Règlement intérieur de la Cour.
10. Par lettre datée du 25 avril 2012, le Greffe a demandé au requérant de lui fournir dans un délai de 30 jours à compter de la date de réception de la lettre, copies des lettres qu’il entend présenter comme moyen de preuve et tout autre élément de preuve qui pourraient établir l'épuisement des voies de recours internes, y compris les Jugements éventuels.
11. En réponse à la demande du Greffe, par lettre datée du 25 mai 2012 et parvenue au Greffe le 30 mai 2012, le requérant a déposé les documents suivants :
i. Lettre datée du 19 février 2008 adressée au Ministre de l'Intérieur et copié à la Commission des droits de l'homme et de la bonne gouvernance. Dans cette lettre, le requérant a écrit au Ministre de l’Intérieur au sujet de la mauvaise conduite de l'inspecteur de police du district d’Bj, Ap Bi. Le requérant a allégué que M. Bi avait abusé de ses pouvoirs et illégalement saisi son véhicule, des équipements audio et vidéo et des équipements de transmission radio, sous le prétexte que ce matériel avait été volé. Le requérant a joint une liste des équipements à la lettre. Le requérant affirme également que M. Bi l’avait faussement accusé d’un chef d’'assassinat et de quatre chefs de vol qualifié avec violence dans les affaires pénales nos 915/2007, 931/2007, 933/2007, 1027/2007 et 1029/2007, respectivement. C’est sur la base des actions illégales de M. Bi que le requérant avait écrit au Ministre de l’Intérieur pour signaler l’inconduite de M. Bi et la violation de son droit constitutionnel à la liberté personnelle et à la propriété et de voir ses biens protégés pour que la procédure légale soit suivie lorsque les policiers procèdent à des enquêtes et qu'ils inculpent quelqu’un dans le respect de ses droits constitutionnels.
ii. Lettre datée du 22 décembre 2008 adressée au Ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles demandant l’aide du Ministre pour une résolution de ses plaintes. Il a joint les copies des lettres qu’il avait écrites à plusieurs ministères et institutions à cet égard.
iii. Lettre datée du 18 septembre 2009 adressée au Ministre de l'Intérieur se référant à l'accusé de réception par le ministère de sa lettre du 27 février 2008, de la lettre du requérant en date du 19 février 2008, informant celui-ci que les plaintes qu’il avait déposées contre le

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Commissaire de police Bi étaient à l'étude. Dans la lettre du 18 septembre 2008, le requérant informait le Ministre que comme il n'avait pas reçu de réponse du Ministère au sujet de ses plaintes, il allait demander l’intervention des tribunaux. I! exhortait également le Ministre de vérifier auprès du Bureau du casier judiciaire des districts d’Bj et d’Arumeru de 2007, qui, selon le requérant, ne contient pas de rapports de crimes qui auraient été commis par le requérant ou de rapports relatifs à ses équipements. Selon le requérant, l'officier dont il s'était plaint abuse de ses fonctions pour le maintenir en détention provisoire et garder illégalement ses biens.
iv. Lettre datée du 8 février 2010 adressée au Cabinet de l’Bg général, Division des poursuites pénales. Dans cette lettre, le requérant rappelle que les affaires pénales no 915/2007, 931/2007, 933/2007, 1027/2007, 1029/2007 et plus tard, 883/2008 à son encontre étaient pendantes depuis 2007. |! affirme que les accusations ont été portées contre lui en l’absence de tout premier rapport et sans aucune preuve crédible et en conséquence elles étaient toutes sans fondement. En outre, l’État a engagé des poursuites dans deux nouvelles affaires en matière pénale n° 712/2009 et 716/2009 en son absence à l'audience. Le requérant a indiqué qu’il avait décidé de déposer une demande à la Haute Cour de Tanzanie à Bj fondée sur l’article 90(1)(c)(4) de la loi portant Code de procédure pénale pour que le directeur des poursuites pénales puisse expliquer pourquoi le requérant avait été accusé dans des affaires pénales, malgré l’absence d’un premier rapport et de preuves à l'appui des accusations et afin que les accusations portées contre lui soient retirées. Une liste de ses biens saisis illégalement a été jointe à cette lettre.
v. Une copie d’une ordonnance datée du 16 octobre 2010 rayant du rôle la requête pénale n° 6 de 2010 découlant des affaires pénales en question. Il s'agit de la demande que le requérant avait déposée devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj et dont il avait informé le directeur des poursuites pénales de son intention de la déposer, par lettre du 8 février 2010. Cette demande a été jugée irrecevable, du fait que l’article en vertu duquel elle avait été introduite, à savoir l’article 90(1)(c)(4) de la loi portant Code de procédure pénale, avait alors été abrogé.
vi. Une copie de l'avis de dépôt par l’Bg général d’une exception préliminaire, la réponse à la requête du requérant et la contre déclaration sous serment dans l’affaire no 16 de 2011 devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj.
12. Dans sa lettre datée du 25 mai 2012 adressée au Greffe, le requérant a soutenu que sa plainte dans cette requête devant la Haute Cour et devant la Cour africaine est dirigée contre l’Bg général en sa qualité de conseiller juridique principal du Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie et en tant que responsable des actes commis par le personnel et les agents de son bureau et en sa capacité personnelle. Le requérant allègue également que le Ministre de l'Intérieur est « responsable d’abus de pouvoir ». Par lettre datée du 6 juin 2012, le Greffe a accusé réception de cette lettre ainsi que les autres lettres supplémentaires qu’il avait fournies suite à la demande qui lui avait été faite et l’a informé que la Charte et le Protocole n'envisageaient que des requêtes contre des États et que sa requête avait donc été enregistrée puisqu’elle visait la République-Unie de Tanzanie.

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13. Par lettre datée du 27 juin 2012, le Greffier a notifié la requête au défendeur.
14. Par lettre également datée du 27 juin 2012, le Greffier a notifié du dépôt de la requête le Président de la Commission de l’Union africaine et par son intermédiaire, les Etats parties au Protocole portant création de la Cour et le Conseil exécutif de l'Union africaine. La lettre informait également les destinataires que si un Etat partie au Protocole portant création de la Cour souhaitait intervenir dans la procédure, il devait le faire « dès que possible, et avant la clôture de la procédure ».
15. Par lettre datée du 27 juin 2012, suite aux instructions de la Cour, le Greffier a écrit à l'Union panafricaine des Avocats (PALU) pour savoir si elle était disposée à assister le requérant dans cette affaire.
16. Par lettre datée du 16 juillet 2012 et parvenue au Greffe le 17 juillet 2012, PALU a écrit au Greffier indiquant sa disponibilité à assister le requérant dans cette affaire. Dans ladite lettre, PALU a demandé des copies de la requête et autres mémoires versés au dossier. PALU a également demandé l'assistance de la Cour pour pouvoir rencontrer le requérant.
17. Par note verbale datée du 30 juillet 2012, le défendeur a communiqué les noms et adresses de ses représentants dans la requête en l'espèce.
18. Par lettre datée du 1er août 2012, le Greffier a transmis à PALU une copie de la requête et tous les autres documents déposés jusqu'alors par le requérant.
19. Par lettre datée du 1er août 2012, le Greffier a informé le défendeur que PALU serait le représentant du requérant dans cette affaire. Par ailleurs, par lettre en date du 1er août 2012, le Greffier a transmis à PALU, les noms et adresses des représentants du défendeur dans la requête.
20. Par note verbale datée du 31 août 2012 et parvenue au Greffe par courriel à la même date et sur support papier le 3 septembre 2012, le défendeur a transmis sa réponse à la requête.
21. Par lettre datée du 4 Septembre 2012, le Greffier a transmis au requérant la réponse du défendeur à la requête et l’a informé qu’il disposait de trente jours à compter du 3 septembre 2012, date à laquelle la réponse a été reçue au Greffe, pour répliquer à la réponse. 22. Lors de sa vingt-sixième session ordinaire, la Cour a décidé que PALU devait être formellement notifiée de la réponse du défendeur et qu’un délai de 30 jours à partir du 14 septembre 2012 lui serait accordé pour répliquer à la réponse du défendeur et que cette communication devrait être copiée au requérant et au défendeur.
23. Par lettre datée du 28 septembre 2012, le Greffier a notifié à PALU la réponse du défendeur à la requête, précisant qu’un délai de 30 jours serait accordé à partir du 14 septembre pour répliquer à la réponse. Copie de cette lettre a été envoyée au requérant et au défendeur.
24. Par lettre datée du 3 octobre 2012, le Greffier a informé le requérant de la décision prise par la Cour lors de sa vingt-sixième session ordinaire, que, lorsque les parties ont désigné des représentants, toute

418 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
la correspondance relative à la requête en question serait adressée à ces représentants avec copie aux parties et dans le cas du requérant, puisque PALU est le représentant, la correspondance en l'espèce serait adressée à PALU, avec copie au requérant pour information.
25. Le 18 octobre 2012, le Greffe a reçu une lettre de PALU datée du 17 octobre 2012 demandant une prorogation du délai pour répliquer à la réponse du défendeur à la requête. Par lettre en date du 18 octobre 2012, le Greffier a notifié le défendeur de la demande de PALU en prorogation de délai de réponse.
26. Par note verbale, datée du 8 octobre 2012 parvenue au Greffe le 9 novembre 2012, le défendeur a accusé réception de la demande de prorogation du délai de réplique formulée par PALU le 17 octobre 2012 et a indiqué qu’il n'avait aucune objection à cette demande et que des instructions avaient été données au responsable de la prison d’Bj pour faciliter des réunions de consultation entre le requérant et PALU. 27. Le 7 décembre 2012, le Greffe a reçu une lettre datée du 7 novembre 2012 émanant du défendeur indiquant sa non-objection à la demande de PALU du 17 octobre 2012 d’une prorogation du délai pour répliquer à la réponse du défendeur. Par lettre datée du 13 décembre 2012, le Greffier a accusé réception de cette lettre. En outre, par lettre datée du même jour, le Greffier a notifié cette lettre à PALU. Entretemps, par décision rendue le 5 décembre 2012, la Cour a fait droit à la demande du requérant en prorogation du délai pour déposer la réplique à la réponse du défendeur, en lui accordant quinze (15) jours à partir du 6 décembre 2012 pour le faire. Cette décision a d’abord été envoyée aux parties par courriel datée du 12 décembre 2012, puis par lettre datée du 13 décembre 2012.
28. Le 16 mai 2013, PALU a fait parvenir la réplique datée du 15 mai 2013 au Greffe. Le Greffe, par lettre datée du 15 mai 2013, a transmis copie de cette réplique au défendeur par lettre datée du 17 mai 2013. 29. Le 13 juin 2013, le Greffe a reçu une note verbale du défendeur datée du 12 juin 2013 dans laquelle le défendeur indiquait que la réplique du requérant a été déposée hors délai et en violation de la décision rendue par la Cour le 5 décembre 2012, étant donné que celle- ci a été déposée après l'expiration du délai de 15 jours qui a été accordé à cet effet à compter du 6 décembre 2012 et ce, sans s'appuyer sur une disposition quelconque du Règlement intérieur de la Cour. Le défendeur demande donc que la réplique soit rejetée et indique qu’il la réfutera en conséquence.
30. Par lettre datée du 24 juin 2013, le défendeur a été informé qu’à sa vingt-neuvième session ordinaire tenue en juin 2013, la Cour avait décidé que la réplique du requérant avait été valablement déposée et elle avait également demandé au défendeur d’y répondre dans un délai de trente (30) jours, s’il le souhaite.
31. Par lettre datée du 23 juillet 2013, le Greffier a informé les parties de la tenue de l'audience portant sur la requête en l'espèce les 26 et 27 septembre 2013 et leur a indiqué les questions sur lesquelles ils devraient présenter leurs observations ainsi que les directives à l'intention des personnes qui comparaîtront au cours de l'audience

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prévue du 24 au 27 septembre 2013. Les parties ont également été invitées à indiquer le nombre de témoins qu’ils comptaient citer ainsi que le temps qu'ils aimeraient utiliser pour présenter leurs principaux éléments de preuve.
32. Le 2 août 2013, le Greffe a reçu la duplique du défendeur à la réplique du requérant. Cette duplique était datée du 25 juillet 2013.
33. Par lettre datée du 12 août 2013, le Greffier a demandé aux parties d'indiquer au plus tard le 31 août 2013, leur disponibilité à prendre part à l’audience.
34. Par lettre datée du 22 août 2013, le défendeur a indiqué au Greffier qu’il enverrait une liste des témoins qu’il compte citer à l'audience en temps opportun et a précisé les noms de ses représentants.
35. Par lettres distinctes en date du 3 septembre 2013, il a été rappelé aux parties d’envoyer les listes des témoins et/ou experts, au plus tard le 9 septembre 2013.
36. Le Conseil du requérant, à savoir PALU, a envoyé une liste de témoins par lettre datée du 9 septembre 2013 et le défendeur a envoyé sa liste de témoins par lettre datée du 10 septembre 2013.
37. Par deux notifications datées des 18 et 19 septembre 2013, le Greffe a informé les parties qu’une audience publique portant sur cette requête se tiendrait du 25 au 27 septembre 2013.
38. Par lettre datée du 19 septembre 2013, le défendeur a informé le Greffe que, conformément à la lettre du Greffier datée du 23 juillet 2013, il avait consacré les 26 et 27 septembre 2013 à l'audience publique. Le défendeur a proposé que l'audience publique prévue ne porte que sur les exceptions préliminaires et qu’une audience sur le fond soit programmée en mars 2014. Par lettre datée du 20 septembre dont copie a été transmise au requérant, le Greffier a répondu à cette lettre en clarifiant que malgré les directives de la lettre datée du 23 juillet 2013, informant les parties que l'audience publique se tiendrait du 24 au 27 et du 26 au 27 septembre 2013 et les pièces jointes à cette lettre, l’interprétation à retenir est que l’audience était prévue du 24 au 27 septembre 2013 et qu’en tout état de cause, il ne se poserait aucun problème concernant les témoins du défendeur puisque leur témoignage était prévu les 26 et 27 septembre 2013.
39. Le 23 septembre 2013, le requérant a informé le Greffier du remplacement de son témoin expert par un autre témoin expert.
40. En outre, le 23 septembre 2013, le défendeur a informé la Cour du décès de M. Ci Cx Al, le conseiller principal du défendeur dans cette requête et dont le nom figurait sur la liste initiale des représentants du défendeur. Par lettre datée du même jour, le Greffe a accusé réception de la lettre du défendeur et a transmis copie de celle- ci au requérant. Cette lettre informait les parties qu’en conséquence, la Cour avait décidé de renvoyer l'affaire sine die.
41. Par courriel datée du 24 septembre 2013, le représentant du requérant a accusé réception de la lettre du Greffe datée du 23 septembre 2013 concernant le décès de M. Al et le report sine die de l'audience publique.

420 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
42. Par notification datée du 11 octobre 2013, le Greffier a informé les parties que l'audience publique a été programmée du 2 au 4 décembre 2013
43. Par lettres distinctes datées du 17 octobre 2013, le Greffier a demandé aux parties de confirmer s'ils maintiendraient la liste de leurs témoins et d'indiquer les questions qui seraient abordées par chaque témoin, compte tenu des directives de la Cour donnée par la lettre du Greffier datée du 23 juillet 2013 répertoriant les questions sur lesquelles la Cour aimerait entendre les témoins.
44. Par lettre datée du 5 novembre, PALU a informé le Greffe de son intention de maintenir le requérant et le Professeur Ye Cq Yk comme témoins. M. Aa va témoigner sur les faits et les circonstances de son arrestation, son interrogation, sa détention, les perquisitions dont il a fait l’objet et la saisie de ses biens. Le Professeur Ye Cr Yk quant à lui apportera son témoignage et aidera la Cour à comprendre le droit et les procédures pénales en vigueur dans l’État défendeur qui était applicables ou devrait l’être au requérant.
45. Par lettre datée du 18 novembre 2013, le défendeur a déposé la nouvelle liste des témoins et a sollicité des directives auprès de la Cour à savoir si elle n’envoie des convocations qu’aux témoins experts et autres personnes qu’elle voudrait entendre ou également aux témoins que les parties ont l’intention d'appeler à la barre. Le défendeur a également sollicité des directives sur le moment approprié pour contester la compétence de l'expert, les critères de qualification d’un témoin expert, les motifs de récusation d’un témoin expert et la procédure prévue par la Cour pour obtenir des informations concernant l'identification et le curriculum vitae du témoin expert du requérant. Le défendeur a également demandé l’autorisation de la Cour pour produire des documents pertinents relatifs aux affaires pénales sur lesquelles le requérant fonde sa requête.
46. Par lettre datée du 26 novembre 2013, le Greffe a répondu aux questions soulevées par le défendeur dans sa lettre datée du 18 novembre 2013 et a également joint le programme de l'audience publique. Copie de cette lettre a été réservée au requérant.
47. Par lettre datée du 26 novembre 2013, le défendeur a déposé une nouvelle liste de ses représentants à l’audience.
48. L’audience publique s'est tenue les 2, 3 et 4 décembre 2013 au siège de la Cour à Bj en Tanzanie. Au cours de cette audience, des plaidoiries orales ont été entendues à la fois en ce qui concerne les exceptions préliminaires et le fond. Les personnes ci-après ont comparu comme suit :
Pour le requérant :
« M. Ao Xo, Conseil
- M. Ae Ae, Conseil
« M. Cu Ab, Conseil
Pour le défendeur :

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 421
* Mme Cy Cj, Directrice par intérim - Principal Cl Bg Division des Affaires constitutionnelles et des Droits de l'homme Cabinet de l’Bg général
* M. Cg Bt, Directeur adjoint — Principal Cl Bg, Division des contrats et des traités
« -Micheal Luena, Principal Cl Bg Division du contentieux et de l’arbitrage Cabinet de l’Bg général
* Mme Cw Xr, Principal Cl Bg Division des Affaires constitutionnelles et des Droits de l'homme Cabinet de l’Bg général
* M. Bf Ch Bx Cl Bg Division des Affaires constitutionnelles et des Droits de l'homme Cabinet de l’Bg général
« Mme Bv Ce, Cl Bg Cabinet de l’Bg général
49. La Cour a également entendu les témoins suivants :
Pour le requérant :
« M. Ah Xs Aa
Pour le défendeur :
* M. Ap Yh Bi, actuellement commandant régional de la police d’Yd, qui était le commandant du Département des enquêtes criminelles (OCCID) à Bj au moment où les événements qui constituent la base des plaintes du requérant auraient eu lieu.
* M. Af Xw Au, actuellement Chef de police du district de Muleba, et commissaire de police qui était un officier de police à Bj au moment où les événements qui constituent la base des plaintes du requérant auraient eu lieu, et qui était en charge de la perquisition effectuée au domicile du requérant le 12 septembre 2007.
- M. Cm Bn Bf, actuellement commandant à la division des enquêtes judiciaires au district de Xp et commissaire de police adjoint, qui était un officier de la police judiciaire à Bj du grade d'inspecteur adjoint à l’époque des faits.
M. Ye Xh, actuellement commissaire de police et commandant régional de la police de Geita, qui avait le grade d’officier de police à Bj et était un agent régional de police criminelle à l’époque des faits.
* M. Xg Ai, régisseur adjoint des prisons à la prison centrale d'Arusha qui, à l'époque des faits était inspecteur adjoint des prisons au poste de réception de la prison centrale d’Bj.
50. À la suite des observations orales présentées par les parties durant l'audience, la Cour a décidé à la majorité de six (6) contre quatre (4), de ne pas entendre le témoin expert du requérant. S'agissant des autres témoins, les Juges ont posé des questions auxquelles les parties ont répondu oralement. Quant aux représentants des parties, leurs observations et réponses aux questions des Juges ont été fournies oralement et par écrit.
51. Par lettres distinctes datées du 12 décembre 2013, le Greffier a transmis aux parties le texte du compte rendu sténographique des audiences publiques et les a informées que leurs observations sur le compte rendu devaient lui parvenir dans un délai de trente (30) jours. Aucune des parties n’a envoyé d'observations sur le compte rendu.

422 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
IV. Historique et contexte factuel de la requête
52. Le 12 septembre 2007, l'épouse du requérant Aq Xn Xb, qui était enceinte à cette période-là, a été appréhendée par la police dans le cadre d’un incident de vol allégué, qui avait eu lieu à Bj le même jour. Le requérant allègue que des biens lui appartenant, notamment du matériel de studio, audio et vidéo et un véhicule ont été saisis par la police à la même date, sans mandat de saisie ou de perquisition. À son retour à Bj le 26 octobre 2007, le requérant s’est rendu au poste de police pour s’enquérir du motif de détention de son épouse par la police et des raisons de la saisie de ses biens. Il a été aussitôt arrêté par la police et écroué à partir de ce jour, jusqu’au 8 novembre 2007, date à laquelle il a été présenté devant un magistrat pour la première fois. Pendant toute la période qui s'en est suivie, le requérant est resté en détention préventive attendant son procès, jusqu’à sa relaxe le 3 mai 2013.
53. Le requérant a été mis en examen sous plusieurs chefs d’accusation, notamment association de malfaiteurs, vol, meurtre, vol à main armée, viol et enlèvement, dans les affaires ci-après :
i. Affaire pénale n° 915/2007, en date du 8 novembre 2007 dans laquelle il était accusé d’entente en vue de commettre une infraction et de vol, conjointement avec Xz Yj. L'affaire en l’espèce est en fin de compte devenue Affaire pénale n°712/2009.
ii. Affaire pénale n° 931/2007, en date du 30 novembre 2007, dans laquelle le. requérant était accusé de vol à main armée, conjointement avec Ak Bo et Xe Ak, le 19 février 2008, il a été accusé, seul, de vol à main armée, dans l'affaire pénale n° 931/2007. iii. Affaire pénale n° 933/2007, en date du 8 novembre 2007 sous l'accusation de meurtre. Cette affaire est finalement devenue l'affaire n° 3 de 2009, datée du 7 février 2009.
iv. Affaire pénale n° 1027/2007 en date du 16 avril 2008, dans laquelle le requérant était accusé de vol à main armée. Cette affaire a été retirée et finalement, elle est devenue l'affaire pénale n° 883/2008, datée du 2 décembre 2008, dans laquelle le requérant est accusé de vol à main armée et de viol.
v. Affaire pénale n° 1029/2007 qui est devenu Affaire pénale no 712/ 2009 datée du 21 décembre 2009, dans laquelle le requérant était accusé de vol à main armée. L'acte d’accusation initial indiquait que l'incident allégué de vol à main armée s’est déroulé le 12 septembre 2009, alors que le requérant était déjà en garde à vue. Durant l'audience relative à l’affaire en l'espèce, le requérant a alerté le Tribunal de première instance de la substitution opérée par le Ministère public, qui avait modifié la date de l'infraction alléguée, du 13 novembre 2012 au 12 septembre 2007
vi. Affaire pénale n° 716/2009 datée du 23 décembre 2009, dans laquelle le requérant est accusé de vol à main armée, enlèvement avec intention de porter atteinte à l'intégrité physique de la victime et de viol. 54. L'épouse du requérant a été accusée de vol et de recel de biens volés dans l'affaire pénale n°799 de 2007. Elle est restée en détention provisoire du 12 septembre au 25 octobre 2007, date à laquelle elle a été remise en liberté.

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55. En l’absence de progrès dans les poursuites engagées contre le requérant, celui-ci a écrit à plusieurs reprises au Ministère de l’Intérieur, au Ministère de la Justice et des Affaires constitutionnelles, au Cabinet de l’Bg général, Division des poursuites pénales ainsi qu’à la Commission des droits de l'homme et de la bonne gouvernance, demandant leur intervention afin que les poursuites contre lui suivent leur cours normal ou soient retirées faute de preuves, et que ses biens qui avaient été saisis lui soient restitués.
56. N'ayant reçu aucune satisfaction au sujet des questions qu’il avait soulevées auprès des autorités et institutions ci-dessus, le requérant a informé le Directeur de la Division des poursuites pénales au Cabinet de l’Bg général et le Ministre de l'Intérieur de son intention de saisir la Haute Cour afin que ces questions puissent trouver une solution.
57. En 2007, le requérant a alors déposé devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj la requête en matière pénale n°7 de 2007, en rapport avec l'affaire pénale n° 933 de 2007, en vertu de l’article 357(a) de la Loi portant Code de procédure pénale, à l’encontre de l’Bg général du défendeur. Le requérant a demandé des ordonnances de restitution de ses biens saisis le 12 septembre 2007, alors qu’il se trouvait à Dar es Salaam (Tanzanie), ainsi que toute autre mesure que la Cour Jugerait appropriée. Durant l'audience consacrée à cette requête, le défendeur a fait valoir que la Haute Cour n’avait pas compétence pour ordonner la restitution des biens du requérant, étant donné que la juridiction compétente pour émettre une telle ordonnance était le Tribunal de première instance du district, devant lequel le requérant faisait l’objet de poursuites pour meurtre. Pour sa part, le requérant a soutenu qu’il n'existait aucun lien entre l’accusation de meurtre portée contre lui et les biens saisis par la police. La Haute Cour a estimé qu’elle était certes compétente pour connaître des affaires de meurtre et que de ce fait, elle avait compétence pour ordonner la restitution des biens saisis en cas de meurtre. Toutefois, en l'espèce, en l'absence d’un lien quelconque entre les biens saisis par la police et l'accusation de meurtre portée contre le requérant, la compétence de la Cour pour ordonner la restitution des biens saisis est écartée et la seule voie de recours est de saisir le Tribunal du district devant lequel le requérant a été mis en accusation, et de demander les ordonnances requises en vue de la restitution de ses biens. La Cour a également indiqué que, même si le requérant aurait pu solliciter une ordonnance discrétionnaire de la Haute Cour, celle-ci étant la seule juridiction investie de la compétence pour délivrer de telles ordonnances, ces ordonnances ne sauraient être accordées que dans la mesure où elles ne portent en aucune manière préjudice à l’intérêt de la justice, en ce qui concerne l’accusation de meurtre portée contre le requérant. À cet égard, la Haute Cour a dès lors estimé qu’étant donné que l'accusation de meurtre portée dans le cadre de l'affaire pénale n° 933 de 2007 était encore pendante, la requête introduite par le requérant devant la Haute Cour était prématurée et qu’elle devait être suspendue jusqu’à la décision définitive sur l’accusation de meurtre, sous réserve que les biens saisis n'aient aucun lien avec les accusations portées contre le requérant.

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58. Par ailleurs, au moment où la Haute Cour a examiné cette requête, les autres charges relatives aux autres affaires criminelles avaient été déposées entre-temps et c’est pour cette raison que la Haute Cour a écarté sa propre compétence en l'espèce et a renvoyé le requérant devant le Tribunal de district, celui-ci étant le seul compétent pour dire si les biens en question avaient un lien ou non avec les charges criminelles portées contre le requérant. La Haute Cour a indiqué que des biens appartenant au requérant avaient été effectivement saisis et que les autorités étaient tenues de garder ces biens en lieu sûr en attendant que le Tribunal se prononce sur les charges criminelles portées contre le requérant. C’est pour ces raisons que, le 14 décembre 2010, la Haute Cour de Tanzanie à Bj a rejeté la requête du requérant, au motif qu’elle était prématurée.
59. En vertu de l’article 91 de la loi portant Code de procédure pénale, le requérant a introduit l'affaire pénale n°54 de 2009 devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, en rapport avec l'affaire pénale n°933 de 2007, aux fins de retrait des charges retenues contre lui. Le 11 août 2010, l'affaire a été radiée au motif qu’elle ne précisait pas l'alinéa de l’article 91 de la loi portant Code de procédure pénale en vertu duquel l'affaire était introduite et les demandes du requérant étaient présentées dans une déposition sous serment en appui à la requête plutôt que sous forme de demande de décision suspensive avant dire droit.
60. En 2010, le requérant a aussi déposé, devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête en matière criminelle n°6 de 2010, en vertu de l’article 90(1)(c)(4) de la Loi portant Code de procédure pénale, demandant la cessation des poursuites criminelles, en application de l’article 90(1)(c) de la Loi portant Code de procédure pénale, au motif que les actes posés par la Police étaient contraires aux articles 32, 33, 50(1), 51(1) et 52(1), (2) et (3). La requête était dirigée contre l'Attorney général du défendeur. Le 16 novembre 2010, la requête a été radiée, au motif qu’elle avait été déposée en vertu d’un article abrogé de la loi, à savoir l’article 90(1)(c)(4) de la loi portant Code de procédure pénale, qui a été abrogé par l’article 31 de la Loi n°27 de 2008, régissant les poursuites au niveau national et qui est entrée en vigueur le 9 juin 2008.
61. En 2010, le requérant a également déposé, devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête civile n° 47 de 2010 contre le défendeur, faisant suite aux poursuites criminelles dont le requérant faisait l’objet. Celui-ci fondait sa requête sur les articles 13(1), 15(1), (2)(a) et 30(3) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, qui garantit l'égalité devant la loi et le droit de ne pas être arbitrairement privé de liberté. Le 14 décembre 2010, cette requête a été radiée, au motif qu’elle n'avait pas été valablement déposée, étant donné qu'elle avait été introduite sous forme de demande de décision suspensive avant dire droit accompagnée de déclaration sous serment alors que le chapitre 5 de la Loi sur l'application des droits fondamentaux et des devoirs, qui régit la procédure de dépôt et l'examen de ce type de requêtes en vertu de la partie Ill du chapitre 1 de la Constitution prescrit qu’une telle requête doit être introduite sous forme d’assignation introductive d’instance (AN A). En outre, une telle

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requête doit être instruite par un collège de trois Juges et non par un juge unique.
62. Le 8 décembre 2010, le requérant a déposé, devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête en matière criminelle n°78 de 2010, faisant suite aux poursuites en matière criminelle dont il faisait l’objet, contre l’Bg général du défendeur et contre le Responsable de la Police d’Bj, en se fondant sur les articles 13(1), 15(1), (2) (a) et 30(3) de la Constitution de la République Unie de Tanzanie, qui garantit l'égalité devant la loi et le droit de ne pas être arbitrairement privé de liberté. Dans cette requête, le requérant alléguait une violation de son droit à la liberté et à vivre en tant que personne libre, étant donné que le Second défendeur en l'espèce l’avait arrêté, détenu et interrogé dans le cadre de ce qui devait devenir des affaires criminelles, contrairement aux dispositions de la Loi portant Code de procédure pénale, et qu’en conséquence, les actes posés par le Second défendeur à cet égard étaient entachés d'illégalité. Le requérant demandait donc une ordonnance à cet effet, en invoquant la partie III du Chapitre | de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Le 18 mai 2011, la Haute Cour a rendu une ordonnance indiquant que la requête avait été retirée, à la demande du requérant.
63. Le 29 décembre 2010, le requérant a déposé, devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête pénale n°80 de 2010, faisant suite aux poursuites criminelles engagées contre lui, alléguant la violation de ses droits et de ses libertés fondamentales, qui sont garantis par la partie Ill du chapitre 1 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, notamment les articles 24(1), (2) et 30(3) portant sur le droit à la propriété. La requête visait l'Attorney général du défendeur et le responsable de la Police d’Bj. Le requérant a demandé à la Cour d’ordonner la restitution de ses biens par les défendeurs et d’ordonner toute autre mesure qu’elle estimait appropriée. Le 18 mai 2011, la Haute Cour a rendu une ordonnance indiquant que la requête avait été retirée, à la demande du requérant.
64. Le 19 mai 2011, le requérant a déposé devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête en matière criminelle n°16 de 2011, en rapport avec les poursuites engagées contre lui, contre l’Bg général du défendeur, en se fondant sur les articles 13(1), 15(1) et 15(2)(a) et 30(3) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Dans cette requête, il alléguait la violation par la Police des dispositions et des lois régissant ses droits, notamment les articles 13(1)(a), (b), 13(3)(a), (b) et (c), 32(1), (2) et (3), 33, 50(1), 52(1) et 52(2) de la Loi portant Code de procédure pénale ainsi que les articles 14(1), 15(1) et 15(2) (a) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Il demandait donc à la Haute Cour de rendre une ordonnance à cet effet, en vertu de la partie II! du chapitre 1 de la Constitution. Le défendeur en l’espèce a fait connaître sa réponse à la requête le 5 octobre 2011. Quant au requérant, il a continué à exiger à plusieurs reprises la désignation d’un collège de trois Juges de la Haute Cour pour examiner sa requête. Le 29 juin 2011, le requérant avait écrit au Juge Président de la Haute Cour de Tanzanie à Bj, demandant que le collège de trois Juges soit constitué pour connaître de sa requête. || a de nouveau écrit à ce sujet le 14 novembre 2011 au Greffier de district de la Haute

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Cour à Bj. Le 26 mars 2012, cette requête a été retirée, en l'absence du requérant. L'Ordonnance, déposée par le défendeur en annexe de sa réponse à la requête, indique que le requérant n’était pas présent à l'audience alors que les pièces versées au dossier montrent que la requête a été retirée à sa demande. À l’audience portant sur la requête en l'espèce, le défendeur a déposé une pièce indiquant que le requérant était présent durant cette audience. Dans la version écrite de ses observations orales, le défendeur a tenté d'expliquer cette incohérence. Le défendeur a demandé à la Cour africaine d’admettre ce document et de procéder à une nouvelle enquête sur la véracité du deuxième document qu'il avait présenté à l'audience publique. Ce qui a provoqué une objection de la part du requérant, objection retenue par la Cour africaine qui a par ailleurs exprimé sa désapprobation par rapport au comportement du défendeur.
65. Certaines des affaires criminelles intentées contre le requérant ont été instruites en vertu des sections 91(1), 98(a) et 225(5) de la Loi portant Code de procédure pénale. Le requérant a été acquitté dans l'affaire pénale n°915 de 2007, dans l’affaire pénale n° 933 de 2009 et dans l'affaire pénale n°712 de 2009. Le défendeur a déposé un avis d'appel dans l'affaire pénale n°712 de 2009. Deux autres affaires contre le requérant ont été classées, en vertu de l’article 225(5) du Code de procédure pénale, à savoir l’affaire pénale n°1027 de 2007 et l'affaire pénale n°716 de 2009. L'affaire pénale n°883 de 2008 a été retirée en vertu de l’article 91(1) de la Loi portant Code de procédure pénale, tandis que l'affaire pénale n°1029 de 2007 a été retirée en vertu de l’article 98(a) de la Loi portant Code de procédure pénale.
V. Mesures demandées par le requérant
66. Dans sa requête en date du 30 septembre 2011 :
Le requérant demande à la Cour de prendre les mesures suivantes :
1. constater que le défendeur l’a privé de son droit à la liberté et à vivre en tant que personne libre ;
2. ordonner la restitution de ses biens et un dédommagement approprié pour les dommages et les pertes encourues ;
3. ordonner des mesures de réparation.
4. rendre toute ordonnance que la Cour pourrait estimer appropriée.
67. Dans la réplique datée du 15 mai 2013 déposée par les représentants du requérant, à savoir PALU, il est demandé à la Cour ce qui suit :
« Le requérant prie l'honorable Cour de rendre les mesures suivantes :
a. une déclaration indiquant que le défendeur a violé les articles 3, 5, 6, 7(1), 14 et 26 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ;
b. une ordonnance de réparation et de dédommagement, notamment pour avoir été privé de ses biens ;
c. et toute autre ordonnance que la Cour estimerait nécessaire ».
VI. Mesures demandées par le défendeur

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68. Dans sa réponse à la requête datée du 30 août 2012 :
« Le défendeur prie la Cour d’ordonner les mesures suivantes, en ce qui concerne la recevabilité de la requête :
ii La requête doit être rejetée car elle ne remplit pas les conditions de recevabilité prévues aux articles 40 du Règlement intérieur de la Cour, 56 de la Charte et 6(2) du Protocole ;
ii. La requête doit être rejetée, en application de l’article 38 du Règlement intérieur de la Cour ;
iii. La requête n’invoque pas la compétence de la Cour
iv. Les frais de la procédure doivent être supportés par le requérant ».
En ce qui concerne le fond, « le défendeur prie la cour de dire pour droit que :
ii Le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a violé en aucune manière le droit du requérant à la propriété ;
ii. Le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé le droit du requérant à la liberté individuelle ;
iii. Toutes les enquêtes portant sur toutes les affaires pour lesquelles le requérant est poursuivi devant les juridictions nationales ont été menées conformément à la loi ;
iv. Les frais de la procédure doivent être à la charge du requérant ».
69. En duplique à la réplique du requérant concernant la réponse du défendeur en date du 23 juillet 2013,
« le défendeur prie la Cour d’ordonner les mesures suivantes :
a) Le défendeur n’a pas violé les nouveaux articles 3, 5, 6, 7(1), 14 et 26 de la Charte africaine cités par le requérant dans sa duplique ;
b) Le requérant n’a droit ni aux mesures de réparation ni au dédommagement réclamé car aucun de ses droits n’a été violé par le défendeur ;
c) Les enquêtes et les poursuites engagées ultérieurement contre le requérant dans toutes les affaires portées devant les juridictions nationales se sont déroulées dans le respect des lois ;
d) Le requérant n'a pas invoqué la compétence de la Cour en application des articles 26(1)(a) du Règlement intérieur de la Cour et 3(1) du Protocole portant création de la Cour ;
e) Le requérant n’a pas satisfait aux exigences des articles 40 du Règlement intérieur de la Cour, 56 de la Charte et 6(2) du Protocole ; f) La requête doit être rejetée, conformément à l’article 38 du Règlement intérieur de la Cour ;
g) Les frais de la procédure doivent être supportés par le requérant ;
h) La requête est sans fondement ;
i) Toute autre ordonnance ou mesure que la Cour estime appropriée ».
VII. Récusation du témoin expert du requérant par le défendeur
70. Par lettre datée du 23 septembre 2013, le requérant a informé le
Greffe de la Cour et l’a confirmé par lettre datée du 5 novembre 2013 (lesquelles lettres ont été signifiées au défendeur) de son intention de citer le Professeur Ye Cr Yk, Professeur de droit à la Faculté

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de droit de l’Université de Dar es Salaam pour « apporter son témoignage et assister l'honorable Cour à comprendre le droit et la procédure pénales de l’État défendeur qui devrait s'appliquer au requérant ».
71. Durant l’audience publique, le défendeur a récusé le témoin expert. Les parties ont déposé leurs observations sur cette question.
VIII. Arguments du défendeur
72. Le défendeur a fait valoir que les témoins experts ne devraient être autorisés à comparaître que s'ils sont convoqués par la Cour, et que celle-ci n'avait pas besoin d’un avis d’expert sur la procédure pénale applicable en Tanzanie, étant donné qu'il s’agit de textes communs qui peuvent être interprétés aisément. En outre, les conseils des deux parties étaient au service de la Cour et pouvaient aider celle-ci à rendre une décision juste sans devoir recourir à des experts.
73. Par ailleurs, le défendeur a soutenu que l'interprétation de lois est l'apanage des tribunaux et non d’experts. Il a cité la décision de la Cour d’appel de Tanzanie, dans les affaires Directeur des poursuites publiques c. Ai Xx et Cu Cp, App n° 81 de 2012, dans lesquelles la Cour (par la voix de Rutakangwa, Juge d’appel) a cité l’opinion de la Cour suprême de l'Inde dans l’affaire Xc c. État de Delhi (2003) ISCC 21 :
« Nous pensons qu’il serait extrêmement dangereux de condamner l’appelant simplement sur la base de la déposition en preuve d’un expert en graphologie. || est désormais de jurisprudence constante que l'opinion d'experts doit toujours être accueillie avec la plus grande circonspection » (traduction).
74. Dans la même affaire, la Cour d’appel de Tanzanie a également cité la décision de la Cour suprême de l'Inde dans l'affaire Ar Xl Az c. Cz Xi Bm (2009) 9 709 CCN, qui a fixé trois conditions pour l’admission d’un témoin expert :
i. Un témoin expert doit déposer dans un domaine d’expertise reconnu ; ii. La preuve doit être fondée sur des principes fiables ;
iii. Le témoin expert doit être qualifié dans la discipline concernée.
75. Le défendeur a encore soutenu que le témoin expert que le requérant avait l'intention de citer à la barre ne répondait pas à ces trois exigences, n’étant pas un expert dans un domaine quelconque du droit, sans parler de la procédure pénale, n'étant pas l’auteur de publications de renom ayant contribué de manière importante à la connaissance du droit pénal en Tanzanie. Sur cette base, le défendeur a demandé à la Cour d’accueillir son exception préliminaire vis-à-vis de l’expert.
76. Au vu de ce qui précède, le défendeur a demandé à la Cour de faire preuve de prudence et de disqualifier le témoin en tant qu’expert.

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IX. Arguments du requérant
77. Le requérant s’est opposé à l'exception préliminaire du défendeur, pour trois raisons.
78. La première raison était que la récusation de l'expert par le défendeur n’était pas de bonne foi, cette opposition étant intervenue très tard dans la procédure, alors que le défendeur avait déjà été informé depuis le 23 septembre 2013, que le requérant avait l'intention d'appeler le témoin expert à la barre.
79. À l’appui de son exception, le défendeur a cité respectivement les articles 53(2) du Règlement intérieur de la Cour africaine et 19(1) du Statut de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, qui prévoient a disqualification d'experts au motif qu’ils ont un intérêt direct dans ‘affaire. Pour sa part, le requérant soutient que le défendeur n’a pas présenté la moindre preuve d’une éventuelle relation d'intérêt existante entre l'expert et l'affaire en l'espèce. Contrairement à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le Règlement de procédure de a Cour africaine ne contient pas de dispositions explicites sur la disqualification des d’experts. Compte tenu de cette lacune, le requérant a demandé à la Cour, en tant que Cour des droits de "homme, d’adopter une approche libérale axée sur les victimes, afin de veiller à ce que la vérité et la justice prévalent.
80. Le deuxième motif invoqué par le requérant était que le témoin expert était compétent et crédible. || est Professeur et il enseigne le droit à la Faculté de droit de l’Université de Dar es-Salaam et possède "expérience nécessaire dans la recherche universitaire pertinente et de "expertise professionnelle. Le requérant a également demandé à la Cour d’appliquer l’article 45(1) du Règlement intérieur, qui autorise la Cour à « se procurer tous les éléments de preuve qu’elle estime aptes à l’éclairer sur les faits de la cause …. ou toute personne dont les dépositions ou déclarations lui paraissent utiles dans ’accomplissement de sa tâche » et admettre la preuve orale de l'expert ainsi que les détails de ses qualifications, y compris son Curriculum vitae.
81. Le troisième motif sur lequel le requérant a fondé son argumentation est que le témoignage de l'expert devait être limité aux questions de droit interne qui pourraient aider la Cour à rendre une décision juste et équitable, ce qui ne serait donc pas préjudiciable au défendeur. En outre, selon le requérant, la Cour peut ordonner que les témoignages d'experts se limitent à leurs domaines de compétence spécifiques. Cela serait conforme à l'approche adoptée par divers Tribunaux internationaux comme dans l'affaire Le Procureur c. Bagosora et consorts, TPIR, affaire no 98/41T dans sa décision du 20 septembre 2004.
82. Pour ces raisons, le requérant a plaidé pour l'admission du Prof. Ye Cr Yk en tant que témoin expert dans cette affaire.
X. Décision de la Cour sur la récusation du témoin expert
83. En application de l’article 46(5) du Règlement intérieur de la Cour qui dispose que « la Cour se prononce sur toute contestation née à

… RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
l’occasion d’un témoin ou d’un expert », la Cour commence par statuer sur l'exception préliminaire soulevée par l’État défendeur sur la recevabilité du témoignage du témoin expert proposé par le requérant. 84. Tout d’abord, la Cour fait observer que le Règlement intérieur ne comprend aucune disposition spéciale et aucune condition ou aucun délai ont été fixés pour récuser un expert ou un témoin.
85. Dans ces circonstances, en l'espèce, le défendeur avait le droit de soulever une exception et à toutes les étapes de la procédure.
86. En conséquence, l’État défendeur soutient donc qu’il a la latitude de contester le témoin expert du requérant avant la déposition de celui
87. La Cour fait observer que la désignation d’un expert, tel que défini ci-dessus, relève de la compétence de la Cour qui décide de la nécessité de solliciter un avis d'expert. En effet, conformément à l’article 45(1) du Règlement intérieur de la Cour, la Cour peut,
« soit d'office, soit à la demande d’une partie, ou le cas échéant, des représentants de la Commission, se procurer tous les éléments de preuve qu’elle estime aptes à l’éclairer sur les faits de la cause. Elle peut notamment décider en qualité de témoin ou d’expert ou à un autre titre, toute personne dont les dépositions, dires ou déclarations lui paraissent utiles à l’accomplissement de sa tâche ».
88. Les principales qualités que la Cour attend d’un expert sont notamment une connaissance suffisante du sujet, l'indépendance et l’impartialité vis-à-vis des parties dans l’accomplissement de ses taches.
89. La Cour déclare qu’en l'espèce, elle n'a pas besoin d’un expert témoin pour intervenir sur un aspect quelconque de la procédure pénale de l’État défendeur qui, même si elle a été critiquée, examinée par la Cour, n’est pas applicable en l’espèce.
90. La Cour est d’avis que puisque l’expert a été cité par une partie et que l’autre partie l’a récusé, la Cour n'ayant pas ressenti le besoin de recourir à un expert de sa propre initiative, elle n'avait donc aucune obligation d'accueillir ledit témoin expert. En conséquence elle a décidé de de ne pas l’entendre.
A. Les exceptions préliminaires soulevées par le défendeur
91. Le défendeur a soulevé des exceptions préliminaires tant sur la recevabilité de la requête que sur la compétence de la Cour.
i. Exception préliminaire d’incompétence
92. Le défendeur soulève une exception préliminaire quant à la compétence ratione materiae de la Cour.
93. Le défendeur soutient que l’objet de la requête ne porte ni sur l'interprétation ni sur l’application de la Charte, du Protocole ou de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par le défendeur, comme le précisent les articles 3(1) du Protocole et 26 du Règlement intérieur de la Cour et que la requête invoque plutôt la Constitution du défendeur ainsi que la législation nationale,

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notamment, le Code de procédure pénale, sur laquelle la Cour ne peut pas se prononcer. Le défendeur soutient en outre que si la Cour venait à statuer sur la question, elle se serait approprié les pouvoirs des juridictions nationales.
ii. Exception préliminaire d’irrecevabilité
94. À titre subsidiaire, le défendeur conteste la recevabilité de la requête, au motif qu’elle ne se fond pas sur la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine ou l’Acte constitutif de l’Union africaine, ou sur la Charte, comme prescrit par l’article 40(2) du Règlement intérieur.
95. Le défendeur soutient que le requérant n’a pas identifié les dispositions de la Charte et de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine dont la violation est alléguée et qu’il n’allègue que la violation de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et de la législation nationale.
B. …Non-épuisement des voies de recours internes
96. Le défendeur affirme que « l’affaire pénale session n°3 de 2009, l'affaire pénale n° 716 de 2009 et l'affaire pénale n° 712 de 2009 pendantes devant le Tribunal de résidence d’Bj, et qui forment l’ossature de la requête en l'espèce sont traitées par le système judiciaire national, ne sont pas encore clôturées ».
97. Le défendeur soutient que le requérant a déposé plusieurs recours devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, alléguant des violations de son droit à la liberté individuelle et à la propriété. La requête en matière criminelle n° 7 de 2007 a été rejetée au motif qu’elle était prématurée et le requérant n’a pas interjeté appel de cette décision. La requête en matière civile n° 47 de 2010 a été rayée du rôle au motif que la Cour n’était pas valablement saisie. Le requérant n’a ni réintroduit la requête en se conformant à la procédure appropriée ni interjeté appel de la décision de la Cour de radier la requête du rôle. Par ailleurs, le 18 mai 2011, le requérant a retiré la requête en matière criminelle n° 78 de 2010 et la requête civile n° 80 de 2010 et il ne les a pas réintroduites. Il a également retiré la requête en matière criminelle no 16 de 2011 le 26 mars 2012 et il ne l’a pas réintroduite.
98. Le défendeur allègue que c'est seulement après le rejet et la radiation de ses requêtes du rôle et le retrait de certaines d’entre elles que le requérant a décidé de saisir la Cour africaine de la requête en l'espèce. Selon le défendeur, l’objet de la présente requête devant la Cour africaine est le même que celui des requêtes introduites devant la Haute Cour à Bj mais qui ont été retirées. Il y a donc lieu d’en déduire que dès lors que le requérant a estimé que sa cause n’avait pas de chance de prospérer devant les juridictions nationales, il ne peut pas affirmer à ce stade que la Cour africaine est l'instance appropriée pour faire valoir ses revendications.
99. Le défendeur soutient que les procédures en matière criminelle engagées contre le requérant sont toujours pendantes devant les juridictions nationales et que même après leur conclusion, il reste des voies de recours qui doivent d’abord être épuisées par le requérant et

432 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
qu’en conséquence, la Cour africaine ne devrait pas examiner la requête en l'espèce.
C. La requête n’a pas été introduite dans un délai raisonnable après l’épuisement des recours internes
100. À titre subsidiaire et sans préjudice de la non-recevabilité de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes, le défendeur avance l’argument selon lequel la requête n’a pas été introduite dans un délai raisonnable à partir de l'épuisement des voies de recours internes, en ce qui concerne les actions qu'il avait intentées devant la Haute Cour. Deux des requêtes ont été rejetées et rayées du rôle, respectivement neuf mois et seize jours avant que la Cour ne soit saisie de la requête, tandis que deux autres requêtes ont été retirées par le requérant, respectivement quatre mois et douze jours et trois mois, avant le dépôt de la requête. Le défendeur soutient donc le « délai raisonnable » prescrit dans la Charte africaine pour le dépôt des requêtes après épuisement des voies de recours internes devrait être fixé à six mois et que de ce fait, le requérant a déposé sa requête hors délai.
101. Dans sa duplique mentionnée ci-dessus déposée par PALU, le défendeur a rappelé que le requérant avait déposé sa réplique à la réponse du défendeur hors délais, sans demander une prorogation de ce délai à la Cour. Cette réplique doit donc être considérée comme inexistante, conformément à l’instruction de procédure n°41 de la Cour.
D. Réponse des requérants aux exceptions préliminaires
i. Exception préliminaire d’incompétence
102. Le requérant soutient que la requête en l'espèce a été introduite conformément à l’article 34 du Règlement intérieur de la Cour et que les droits prévus dans la Charte qui ont été violés ont été précisés.
103. Selon le requérant, le fait que les affaires pénales portées contre lui soient pendantes devant les juridictions ne peut pas l'empêcher de faire valoir ses droits constitutionnels ainsi que les droits consacrés dans la Charte en introduisant une requête devant la Cour.
104. Dans la duplique à la réplique du défendeur déposée par le représentant du requérant, à savoir PALU, celui-ci soutient que la Cour a compétence pour traiter de la question car il y a eu des violations des droits fondamentaux du requérant inscrits dans la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et dans la Charte dont la Tanzanie est Etat Partie, ainsi que dans le Protocole portant création de la Cour et que le pays a même fait la déclaration prévue à l’article 34(6) dudit Protocole.
105. PALU a réitéré les conclusions du requérant selon lesquelles ses droits garantis par la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et consacrés aux articles 3, 5, 6, 7(1), 14 et 26 de la Charte ont été violés.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 433
ii. Exception préliminaire d’irrecevabilité
106. Le requérant affirme que les poursuites engagées dans les affaires pénales n°712/2009, 716/2009 et 933 de 2007 (dont la référence est désormais session n°3/2009) ont été intentées devant le Tribunal de district d’Bj en violation des procédures prévues dans le Code de procédure pénale et que l'affaire pénale n°716/2009 n’est pas au stade d’être entendue en audience comme l’allègue le défendeur. Le requérant affirme en outre que le défendeur n'a pas répondu à ses allégations portant sur les affaires pénales n°915/2007, 931/2007, 1027/2007, 1029/2007 et 883 de 2008 dans lesquelles le requérant a été mis en accusation et dans le cadre desquelles des biens lui appartenant ont été saisis, en violation de l’article 38 de la Loi portant Code de procédure pénale et de l’article 24(1) et (2) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie.
107. Toujours selon le requérant, il a été mis en accusation dans ces affaires criminelles contrairement aux procédures prévues à l’article 38(1) et (2) de la Loi portant Code de procédure pénale et, en conséquence, les accusations portées contre lui sont irrémédiablement viciées et contraires à ses droits fondamentaux dont la violation ne peut pas être établie par le Tribunal de résidence d’Bj.
108. Le requérant affirme en outre qu’il n’a pas été arrêté le 12 septembre 2007, mais le 26 octobre 2007 et que la session n°3/2009 est pendante devant la Haute Cour à Bj depuis près de trois ans. 109. Le requérant ajoute que la Haute Cour à Bj a estimé que la requête en matière criminelle n° 7 de 2007 était prématurée et que de ce fait, il n’était pas nécessaire d’interjeter appel de cette décision. La requête introduite devant la Haute Cour visait à contraindre la Police à produire un document reconnaissant la saisie des biens appartenant au requérant, étant donné que le responsable régional des enquêtes criminelles avait été incapable de produire ce document
110. Le requérant déclare aussi qu’il n’a pas retiré l'affaire pénale n°16 de 2011, mais qu’il avait plutôt écrit pour demander la constitution d’un collège de trois Juges pour instruire l'affaire. Par la suite, la Haute Cour à Bj a retiré cette affaire en l'absence du requérant. Ces circonstances constituent l'épuisement des voies de recours internes. 111. Le requérant soutient enfin que les voies de recours internes dont le défendeur allègue le non-épuisement n'étaient pas disponibles ; elles n'étaient pas satisfaisantes et elles se sont prolongées de façon anormale.
ii. Décision de la Cour sur l’exception préliminaire d’incompétence
112. L’argument du défendeur selon lequel la Cour n’a pas compétence ratione materiae étant donné que la requête se fonde uniquement sur les dispositions de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et sur la loi portant Code de procédure pénale et que les juridictions nationales sont les seules habilitées en la matière ne saurait être accepté. Cela reviendrait à dire que la Cour n’a pas compétence pour statuer sur la compatibilité de la législation et même des Constitutions

434 Cure RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016) nationales avec la Charte ; et que tant que dès lors que les Constitutions et la législation nationale constituent la base d’une requête, la Cour ne peut pas exercer sa compétence.
113. La Cour a rejeté cette affirmation dans les affaires 009/2011 Cd Xd Xt AG B and AI AJ Centre c. République-Unie de Tanzanie et 011/2011 - Xu Bp Aw c. République-Unie de Tanzanie (Jonction d’instances). Dans cette affaire, la Cour a examiné certaines dispositions de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et a constaté qu’elles étaient incompatibles avec la Charte. Elle a estimé que lorsque seule la législation ou la Constitution nationale est citée ou qu'elle constitue le fondement d’une requête, la Cour se fondera sur les articles correspondants de la Charte africaine ou de tout autre instrument des droits de l'homme pour rendre sa décision.
114. Tant que les droits dont la violation est alléguée tombent sous l'autorité de la Charte ou de tout autre instrument des droits de l'homme ratifié par l’État concerné, la Cour exercera sa compétence dans l'affaire. En l'espèce, le requérant allègue la violation de son droit à une égale protection et une totale égalité devant la loi, son droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique ; son droit à la liberté et à la sécurité de sa et son droit à ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement ; son droit à un procès équitable ; son droit à la propriété ; son droit d’être jugé par des juridictions indépendantes et à l’établissement et le perfectionnement d'institutions nationale appropriées chargées de la promotion arte. et de la protection des droits et libertés garantis par la 115. Les droits dont la violation est alléguée sont consacrés par la Charte.
En conséquence, la Cour conclut qu’elle a compétence ratione materiae pour connaître de la requête.
116. À cet égard, l’article 56 de la Charte doit être pris en considération. En effet, l’article 56 de la Charte dispose que :
« Les communications visée à l'article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de l'homme doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ci-après :
2. Être compatibles avec la Charte de l’Organisation de l'Unité Africaine ou avec la présente Charte. ».
117. La phrase introductive de l’article 56 mentionne les « communications. relatives aux droits de l'homme et des peuples ». Aucune de ces dispositions ne précise que ces communications doivent indiquer qu’elles sont fondées sur la Charte ; elles doivent plutôt être « relatives aux droits de l'homme et des peuples » et être compatibles avec la Charte.
118. Conformément à la jurisprudence sur la question, la position de la Cour est que le contenu de la requête doit être relatif à des droits garantis par la Charte ou tout autre instrument des droits de l'homme

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 435
ratifié par l’État concerné, sans exiger que les droits particuliers dont la violation est alléguée soient nécessairement précisés dans la requête. 119. La Commission africaine des droits de l'homme a adopté une position similaire, comme elle l’a indiqué dans la Communication no 333/06 Aj Cc AI AJ Z Yc et autres c. Tanzanie.! Dans cette communication, la Commission a indiqué que l’une des considérations au titre de l’article 56(2) est d'établir s'il y a eu violation, prima facie, de droits de l'homme garantis par la Charte. Par ailleurs, la Commission se préoccupe uniquement de savoir s’il existe une preuve préliminaire que la violation a eu lieu. Le plaignant n’est donc pas tenu de mentionner les dispositions spécifiques de la Charte africaine qui ont été violée.”
120. La jurisprudence de la Cour européenne sur ce qui est considéré comme une plainte est défini comme le but ou la base juridique de la plainte. Celle-ci se caractérise par les faits qui y sont allégués et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués.*
121. Dans l’affaire Yb c. Trinité-et-Tobago,* la Cour interaméricaine des droits de l'homme a précisé que « l’article 32(c) du Règlement de la Commission, qui était en vigueur lorsque la plainte a été déposée, permet expressément la possibilité qu'aucune référence spécifique [ne doit être] faite à l’article qui aurait été violé pour qu’une plainte soit traitée devant elle ».
122. Le fait de ne pas citer les articles spécifiques de la Charte ou un instrument relatif aux droits de l'homme ratifié par l’État concerné ne constitue pas une raison pour écarter la compétence de la Cour. 123. La Cour dégage la conclusion que la requête introduite par le requérant expose des faits qui révèlent une violation prima facie de ses droits. Par ailleurs, la Cour constate que la requête est relative à des droits de l'homme et des peuples protégés par la Charte et, en conséquence, que les conditions prévues aux articles 3(1) du Protocole et 56(2) de la Charte sont remplies.
124. S'agissant de l'exception soulevée par le défendeur selon laquelle la requête n’est pas compatible avec la Charte de l'Organisation de l’Xq Cc, qui est désormais l’Acte constitutif de l’Union africaine, la Cour tire la conclusion que cet argument n’est pas fondé. L’Acte constitutif de l’Union africaine dispose que l’un des objectifs de l'Union africaine est de promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples, conformément à la Charte et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme. En conséquence, la requête en l'espèce est conforme aux objectifs de l'Union africaine, car elle exige que la Cour, en tant qu’organe de l’Union africaine, détermine si oui ou non les droits de l'homme et des peuples sont protégés par le
1 Vingt-huitième Rapport d'activités, novembre 2009 - mai 2010.
2 Paragraphe 51.
3 Guerra et autres c. Italie.
4 Cour interamériciane des droits de l'homme, Arrêt du 1er septembre 2001, paragraphe 42.

436 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
défendeur, qui est un État membre de l’Union, conformément à la Charte.
iv. Compétence rationae personae de la Cour
125. Le requérant, Ah Xs Aa, est un ressortissant de la République-Unie de Tanzanie, qui a fait la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole, autorisant les individus à porter plainte devant la Cour africaine. Il a introduit la présente requête en sa capacité individuelle. Le défendeur a ratifié le Protocole le 10 février 2006 et a fait la déclaration requise par l’article 34(6) du Protocole le 29 mars 2010. La Cour est donc compétente rationae personae.
v. La compétence ratione temporis de la Cour
126. Les droits dont la violation est alléguée sont protégés par la Charte. Au moment de la violation alléguée, le défendeur avait déjà ratifié la Charte, le 9 mars 1984. Il était donc lié par elle. La Charte était déjà en vigueur en ce qui concerne le défendeur et celui-ci avait donc le devoir, au moment de la violation alléguée, de protéger les droits qui y sont inscrits. Le défendeur a ratifié le Protocole le 10 février 2006 et les violations alléguées sont survenues par après. Le défendeur a déposé la déclaration requise le 29 mars 2010. Même si le défendeur a fait la déclaration après les violations alléguées, les droits du requérant ont continué à être violés. || s’agit notamment du droit à l’égale protection de la loi, au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique, le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne et le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement ainsi que le droit à un procès équitable et le droit de propriété. La Cour conclut donc qu’elle est compétente rationae temporis en l'espèce.
E. Décision de la Cour sur l’exception préliminaire d’irrecevabilité
i. Compatibilité des droits dont la violation est alléguée avec la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine, désormais l’Acte constitutif de l’Union africaine et avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
127. Le défendeur soutient que la requête doit être déclarée irrecevable, étant donné qu’elle n’est pas conforme aux articles 56 de la Charte et 34(4) du Règlement intérieur de la Cour, car elle n'indique pas les articles de la Charte qui auraient été violés par le défendeur.
128. Cette exception préliminaire basée sur l’irrecevabilité de la requête au motif que les droits dont la violation est alléguée ne sont pas compatibles avec la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine qui est devenue l’Acte constitutif de l’Union africaine et avec la Charte, est étroitement liée à l’autre exception préliminaire tirée de l’incompétence ratione materiae de la Cour. La Cour ayant déjà abordé la question de l’incompatibilité de la requête avec l’Acte constitutif de l'Union africaine

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 437
et avec la Charte lors de l'examen de la question de sa compétence ratione materiae, il n’est plus nécessaire de revenir sur ce point.
ii. Non-épuisement des voies de recours internes
129. La requête en l'espèce est liée aux requêtes en matière pénale et au civil qu’il a introduites en rapport avec les poursuites pénales dont il a fait l’objet. Dans ces requêtes, le requérant demandait la restitution de ses biens et le retrait des charges illégales portées contre lui, suite à sa détention et à son interrogatoire dont il allègue l’illégalité.
130. Toutes ces requêtes ont été introduites auprès de la Haute Cour de Tanzanie à Bj.
131. La requête en matière pénale n°7 de 2007, découlant de l'affaire pénale n° 933 de 2007 a été rejetée au motif qu’elle était prématurée. Dans cette requête, la haute Cour a estimé que, compte tenu du fait qu’il n'existait aucun lien de connexité entre les biens saisis par la Police et l'accusation de meurtre portée contre le requérant à ce moment, la compétence de la Cour pour ordonner la restitution de ces biens était écartée et la seule voie de recours pour le requérant était de s'adresser au Tribunal de district devant lequel il avait été inculpé et demander une ordonnance de restitution de ses biens. Le Juge de la Haute Cour a ajouté qu’étant donné que l’accusation de meurtre portée contre le requérant dans l'affaire 933 de 2007 était toujours pendante, la requête portée devant la Haute Cour était prématurée et qu’elle devrait attendre la clôture de l'affaire de meurtre pour être examinée, à moins que les biens saisis n'aient aucun lien avec les charges dont il faisait l’objet. Par ailleurs, la Haute Cour a également décidé d’écarter sa propre compétence à examiner la requête, au motif qu’il y avait des charges criminelles supplémentaires contre le requérant devant la Tribunal de district. La requête n’a donc pas été entendue sur le fond et la Haute Cour a renvoyé de nouveau le requérant devant la Cour de district, celle-ci étant la juridiction compétente pour décider si les biens en question avaient un lien avec les charges criminelles dont le requérant faisait l’objet.
132. Le requérant a alors introduit la requête en matière criminelle n° 54 de 2009 en rapport avec l'affaire pénale n° 933 de 2007, en vertu de la section 91 du Code de procédure pénale, demandant l'abandon des charges portées contre lui. Le 11 août 2010, la requête fut radiée, au motif qu’elle n’indiquait pas l'alinéa de la section 91 du Code de procédure pénale en vertu duquel elle était introduite et que les mesures demandées étaient indiquées dans la déclaration sous serment et non dans la requête interlocutoire.
133. Le requérant a également déposé la requête en matière criminelle n°6 de 2010, invoquant la section 90(1)(c)(4) du Code de procédure pénale pour demander l'abandon des charges dans les affaires pénales nos 915/2007, 931 de 2007, 1027/2007, 1029 de 2007, 883 de 2008, 712 de 2009 et 716 de 2009, devant le Tribunal de district d’Bj, arguant du fait que les actions de la police étaient contraires aux sections 32, 33, 50(1), 51(1) et 52(1) et (3) du Code de procédure pénale. Le 16 novembre 2010, la requête a été radiée, au motif qu’elle était viciée car elle avait été déposée en invoquant une section de la loi

438 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
qui avait été abrogée, à savoir la section 90(1)(c)(4) du Code de procédure pénale, qui avait été abrogée précédemment par la section 31 de la loi n° 27 de 2008 sur les poursuites au niveau national, entrée en vigueur le 9 juin 2008.
134. Par la suite, le requérant a déposé la requête en matière civile n° 47 de 2010. Cette requête avait pour origine les affaires pénales no 915/2007, 931 de 2007, 1027/2007, 1029 de 2007, 883 de 2008, 712 de 2009 et 716 de 2009 devant le Tribunal de district d’Bj. Ladite requête était déposée en vertu des articles 13(1), 15(1), (2) (a) et 30(3) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, qui garantissent l'égalité devant la loi et le droit de ne pas être privé de liberté. Le 14 décembre 2010, la requête a été radiée, au motif que la Cour n'avait pas été valablement saisie, étant donné que le requérant l’avait introduite par voie de requête interlocutoire accompagnée de la déclaration sous serment, alors que la section (5) de la loi sur les droits fondamentaux et les devoirs, qui régit la procédure de dépôt et d'examen des requêtes en vertu de la Constitution exige qu’une telle requête doit être introduite sous forme de demande accompagnée d’une citation introductive d'instance (AN A). En outre, selon la Haute Cour, ladite loi exige qu’une telle demande soit examinée par un collège de trois Juges et non par un juge unique.
135. Le requérant a encore déposé la requête en matière pénale n°78 de 2010 contre l’Bg général et le Chef de la police d’Bj devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, en rapport avec les affaires pénales, en invoquant les articles 13(1), 15(1), (2) (a) et 30(3) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. À l'appui de sa requête, le requérant alléguait la violation de son droit à la liberté et de vivre librement, étant donné que le deuxième défendeur en l'espèce l'avait arrêté, détenu et interrogé, contrairement aux dispositions de la loi portant Code de procédure pénale et qu’en conséquence, les poursuites pénales dont il faisait l’objet étaient entachées de vices, à raison de ces illégalités. Le requérant demandait une décision à cet effet. Le 18 mai 2011, la Haute Cour a rendu une décision constatant que la requête avait été retirée, à la demande du requérant. Les raisons du retrait de la requête ne sont indiquées nulle part dans le dossier.
136. Par la suite, le requérant a encore introduit la requête en matière criminelle n° 80 de 2010, en rapport avec les affaires pénales, devant la Haute Cour de Tanzanie, alléguant la violation de ses droits et de ses libertés fondamentales, pourtant garanties à la partie II! du chapitre 1 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, particulièrement en ses articles 24(1), (2) et 30(3), sur le droit à la propriété. La requête visait l'Attorney général, du défendeur et le chef de la police d'Arusha. Le requérant demandait à la Haute Cour d’ordonner aux défendeurs en l'espèce de restituer ses biens et toute autre mesure que la Cour estimait appropriée. Le 18 mai 2011, la Haute Cour a rendu une décision constatant que la requête avait été retirée, à la demande du requérant. Les raisons du retrait de la requête ne sont indiquées nulle part dans le dossier.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RICA 413 439
137. Enfin, le requérant a, encore déposé la requête n°16 de 2011 contre l’Bg général du défendeur, en rapport avec les affaires pénales, en vertu des articles 13(1), 15(1), 15(2) et 30(3) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Dans cette requête, le requérant alléguait que les dispositions de la loi concernant ses droits dans les sections 13(1)(a), (b), 13(3)(a), (b) et (c), 32(1), (2) et (3), 33, 50(1), 52(1) et 52(2) du Code de procédure pénale et dans les articles 14(1), 15(1) et 15(2) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie avaient été violés par la Police. En conséquence, il demandait une décision, en vertu de la partie II! du chapitre 1 de la Constitution. Le requérant a, à plusieurs reprises, demandé la constitution d’un panel de trois Juges de la Haute Cour pour examiner sa requête. Le 29 juin 2011, le requérant a écrit au Greffier de la Haute Cour de Tanzanie à Bj, demandant que le collège de trois Juges soit constitué pour examiner sa requête. Il a encore écrit à cet effet le 14 novembre 2011. Le 28 mars 2012, la requête a été enregistrée à la Haute Cour comme ayant été retirée, alors que le même dossier indique que le requérant n’était pas présent à l’audience ce jour-là.
138. La requête dont la Cour est saisie est presque identique aux nombreuses requêtes en matière pénale ou civile introduites par le requérant devant la Haute Cour d’Bj, en rapport avec les affaires criminelles pour lesquelles il était poursuivi. Dans ces requêtes, le requérant demandait la restitution des biens que la Police avait saisis à son domicile durant son absence. À cet égard, il a aussi demandé des réparations contre la violation de son droit fondamental à la propriété. Il a demandé également le retrait ou l'abandon des poursuites pénales dont il faisait l’objet. I! s’agit essentiellement des mêmes revendications et des mêmes mesures de réparation qu’il demande à la Cour de prononcer.
139. La Cour relève que certaines des requêtes ont été rejetées par la Haute Cour. Par exemple, la requête no 7 de 2007 dans laquelle le requérant réclame la restitution des biens lui appartenant qui auraient été saisis illégalement par la Police a été radiée du rôle, au motif qu’elle était prématurée. La requête n° 54 de 2009, qui demandait l'abandon ou le rejet des poursuites pénales dont il faisait l’objet a été rejetée par la Haute Cour, pour vices de procédure. De même, la requête n° 6 de 2010, dans laquelle le requérant demandait l’abandon des certaine poursuites engagées contre lui a été rejetée pour vices de forme, car elle avait été introduite en vertu de dispositions qui avaient été abrogées.
140. Par la suite, la requête n°78 de 2010, dans laquelle le requérant soutenait qu’il avait été arrêté, détenu et interrogé illégalement et demandait à la Cour de rendre une décision à cet effet, en vertu de la partie II| du chapitre 1 de la Constitution du défendeur, a été retirée par le requérant lui-même. De même, la requête n° 80 de 2010, dans laquelle le requérant alléguait la violation de ses droits et de ses libertés fondamentales garantis dans la partie Ill du chapitre 1 de la Constitution du défendeur et réclamait la restitution de ses biens dont il alléguait la saisie illégale par la Police, a été, elle aussi, retirée par le requérant. Le retrait de ces deux requêtes n’a pas été contesté par le requérant. En revanche, il conteste le retrait d’une autre requête, à

440 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
savoir celle qui porte la référence no 16 de 2011. La Cour estime donc que le requérant a retiré ces requêtes librement et de son propre gré.
141. || convient de relever que selon la loi et la pratique en Tanzanie, un requérant qui n’est pas satisfait du rejet ou de la radiation de sa requête a la possibilité d’interjeter appel devant la Cour suprême d'appel de la République-Unie de Tanzanie. Il n'existe aucune preuve que le requérant a saisi la cour suprême d'appel même dans les instances où il aurait pu le faire. En outre, une requête qui a été retirée peut-être réintroduite devant la Haute Cour. Dans la requête en l'espèce, le requérant n’a pas interjeté appel des affaires qui étaient radiées, devant la Cour suprême d'appel et il n’a non plus réintroduit devant la Haute Cour certaines des affaires qui ont été retirées. Dans ces circonstances, la Cour estime que toute revendication selon laquelle le requérant a épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne les requêtes qui ont été rejetées, radiées, ou retirées, est sans fondement.
142. L’épuisement des voies de recours internes est une exigence du droit international et non une question de choix. C’est la raison pour laquelle, dans la requête no 003/2011, Ct Ba c. République du Malawi, la Cour a réaffirmé l'importance de cette condition ; elle a, en effet, rejeté la requête dans cette affaire, au motif que le requérant en l'espèce n'avait pas épuisé les voies de recours internes.
143. Dans la Communication 263/02 Kenyan Section of the International Commission of Jurists, Law Xt AP Bd and Cn Y Bb AL Bd, la Commission africaine s’est prononcée comme suit :
« La Commission africaine estime qu’il appartient au Plaignant d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour épuiser ou au moins essayer d’épuiser les recours internes. Il ne suffit pas que le Plaignant mette en doute l'efficacité des recours internes de l'État du fait d’incidences isolées ».5
144. La Commission a réitéré cette position dans la Communication 299/05 Anuak Justice Bw c. Éthiopie, dans laquelle elle a estimé que :
« Outre le fait de jeter le doute sur l'efficacité des recours internes, le Plaignant n’a pas apporté de preuves concrètes ni démontré suffisamment que ces appréhensions étaient fondées et pourraient constituer un obstacle pour se tourner vers des recours internes. La Commission est d'avis que le Plaignant jette simplement le doute sur l’efficacité des recours internes. Elle est d'avis qu’il incombe à chaque Plaignant de prendre les mesures nécessaires pour épuiser ou, du moins, tenter d’épuiser les recours internes ».©
145. S'agissant de l'affaire en l'espèce, le requérant a affirmé que même s’il avait été informé de l'existence de la Cour d’appel de la République-Unie de Tanzanie, il ne s'est pas adressé à elle car il était contrarié. La Cour suprême d'appel de la République-Unie de Tanzanie
5 Dix-huitième Rapport d'activités : juillet 2004 - décembre 2014, paragraphe 41.
6 Vingtième rapport d'activités , janvier 2006 à juin 2006, paragraphe 54.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RICA 413 441
n’a pas eu l’occasion d'examiner la question et c'est une situation que la Cour ne peut pas cautionner en déclarant la requête recevable.
ii. — Sur la question de savoir si les recours internes se sont prolongés de façon anormale
146. Dans sa réplique à la réponse du défendeur, le requérant allègue que les recours devant les juridictions internes se sont prolongés indûment et qu’il est donc couvert par l’exception à la règle d’épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 56(5) de la Charte, qui rend obligatoire l'épuisement préalable des recours internes par les requérants avant de pouvoir saisir la Cour africaine, « à moins qu’il ne soit manifeste que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ».
147. Pour pouvoir résoudre la question de la prolongation anormale des voies de recours internes, il faudrait suivre de près l’évolution des requêtes criminelles et civiles devant les juridictions internes du défendeur. Entre 2007 et 2011, le requérant a pu introduire au total les sept requêtes suivantes devant la Haute Cour d’Bj :
i. requête en matière criminelle n°7 de 2007. Elle a débuté après le 26 octobre 2007, le jour où il a été mis en détention. La requête a été rejetée le 14 décembre 2010. Elle est restée pendante devant la Haute Cour pendant près de deux ans et deux mois.
ii. requête en matière criminelle n° 54 de 2009 : Elle a débuté en 2009 et s’est clôturée le 11 août 2010 lorsqu'elle a été radiée du rôle. Elle est restée pendante devant la Cour pendant un an et sept semaines ;
iii. requête en matière criminelle n° 6 de 2010 : Elle a débuté en 2010. Elle s’est clôturée le 16 novembre. Elle est restée pendante devant la Cour pendant près de onze mois avant d’être radiée.
iv. requête en matière civile n° 47 de 2010 : elle a débuté en 2010 et elle s’est clôturée le 14 décembre 2010, date à laquelle elle été radiée du rôle. Elle est restée pendante devant la Cour pendant près d’un an.
v. requête en matière criminelle n° 78 de 2010 : Elle a débuté en 2010 et elle s’est clôturée le 18 mai 2011, date à laquelle elle a été retirée. Elle est restée pendante devant la Cour pendant près d’un an et cinq mois. vi. requête en matière criminelle n°80 de 2010 : Elle a débuté le 29 décembre 2010. Elle s'est clôturée par un retrait le 18 mai 2010. Elle est restée pendante devant la Haute Cour pendant moins de six mois. vil. requête en matière criminelle n° 16 de 2011 : l’affaire a débuté le 19 mai 2011. La requête a été retirée le 26 mars 2012. Elle est restée pendante devant la Cour pendant moins de neuf mois.
148. La Cour fait observer que la majorité des requêtes sont restées pendantes devant la Haute Cour durant des périodes de six (6) mois à un an (1) (environ quatre (4) requêtes). Pour les trois autres, le délai a été de deux ans et deux mois, suivies de la requête 54 de 2009, qui est restée pendante pendant un (1) an et sept (7) mois tandis que la dernière, à savoir la requête n°78 de 2010 est restée pendante devant la Cour pendant un (1) an et cinq (5) mois. Il est important de rappeler que pour l’année 2010 uniquement, le requérant a introduit quatre (4) sur sept (7) requêtes au total et cela a eu des effets sur le traitement de ces affaires. Au total, toutes ces affaires, prises individuellement, ont duré cinq ans avant de se clôturer. Compte tenu du nombre de

442 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
requêtes que le requérant a déposées, à savoir sept en tout, et la durée moyenne de chacune de ces requêtes, qui n'a pas dépassé deux ans et deux mois, la Cour est d’avis que les procédures ne se sont pas prolongées de façon anormale. Pour ces raisons, la Cour est d’avis que l'exception à la règle de l'épuisement préalable des recours internes ne peut pas s'appliquer à la requête en l'espèce.
149. Selon le dossier présenté à la Cour, la requête en matière criminelle no 16 de 2011, que le requérant a déposé devant la Haute Cour demandait la constitution d’un panel de trois Juges pour examiner la requête. Les preuves existent que le requérant à deux reprises, le 29 juin 2011 et le 14 novembre 2011, écrit, en vain, au Greffier de la Haute Cour d’Bj lui demandant de constituer le panel de trois Juges pour examiner sa requête mais sans obtenir de réponse. Les pièces versées au dossier indiquent que la requête a été retirée par le requérant. Celui- ci conteste ce retrait et il se fonde sur ses tentatives de voir le panel constitué pour affirmer que ces démarches constituent l'épuisement des recours internes.
150. En vertu des dispositions de l’article 1(3), les Règles de procédure de la Cour d’appel de 2009 s'appliquent à la Haute Cour. À cet égard, le Greffier de la Haute Cour à Bj n’ayant pas constitué un panel de trois juges, le requérant aurait dû saisir un juge des référés pour une décision sur cette question.
151. Le requérant n’a jamais indiqué que ses tentatives pour être entendu par le panel spécial de la Haute Cour avaient aussi pour objectif de lui permettre de saisir la Cour d'appel. Que ce soit dans ses observations orales ou dans ses écritures, il n'a jamais exprimé le désir de saisir la Cour d’appel. Durant le contre-interrogatoire, lorsque la question lui a été posée de savoir pourquoi il n'avait rien tenté pour interjeter appel devant la Cour d'appel, qu’il a utilisée durant l’audience, qu’il ne l'avait pas fait parce qu’il pensait que le résultat serait le même. Il n’y a aucune raison qui pourrait amener la Cour à conclure que la Cour d'appel de la République-Unie de Tanzanie, dont les pouvoirs inhérents sont d'assurer la justice, ne constitue pas une voie de recours efficace. En conséquence, le requérant n’a pas épuisé les voies de recours qui étaient disponibles.
152. La Cour conclut que le requérant n’a pas épuisé toutes les voies de recours internes avant d’introduire la requête devant elle.
F. La requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable
153. Le défendeur a soutenu, à titre subsidiaire, que la requête n’était pas recevable car elle n’a pas été déposée dans un délai raisonnable. 154. La Cour ayant conclu à l’irrecevabilité de la requête pour non épuisement des voies de recours internes, la question de savoir si la requête a été déposée dans un délai raisonnable après l'épuisement des voies de recours internes est sans objet et ne mérite donc pas un examen plus approfondi. I! suffit de réitérer la décision de la Cour dans les requêtes n°009/2011 - Cd Xd Xt et The B and AI AJ Centre c. République-Unie de Tanzanie et n°011/2011 -

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RICA 413 443
Xu Bp Aw c. République-Unie de Tanzanie (Jonction d’instances). Dans cette affaire, la Cour a conclu qu’il n’existe pas de délai fixe pour saisir la Cour : chaque affaire sera tranchée en fonction de ses propres faits et circonstances.
155. Pour ces raisons, la Cour conclut que la requête est irrecevable.
156. La Cour ayant conclu à l’irrecevabilité de la requête en l'espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner le fond.
H. Frais de la procédure
157. Le défendeur a demandé à la Cour d’ordonner que le requérant supporte les frais de sa requête. La Cour fait observer que l’article 30 du Règlement intérieur de la Cour dispose qu’« [ 9 ] moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ». Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, la Cour est d'avis qu’il n’y a aucune raison de déroger aux dispositions de cet article.
158. Par ces motifs, la Cour estime :
1. À l’unanimité, que l’exception préliminaire d’incompétence rationae materiae de la Cour telle que prévue par l’article 3(1) du Protocole est rejetée.
2. À l’unanimité, que l’exception préliminaire d'irrecevabilité de la requête au motif qu’elle est incompatible avec la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine et la Charte africaine comme l’exige l’article 6(2) du Protocole, lu conjointement avec les articles 56(5) de la Charte et 40(2) du Règlement intérieur de la Cour est rejetée.
3. À la majorité de six (6) contre quatre (4), que l'exception préliminaire d’irrecevabilité de la requête pour non épuisement des voies de recours internes comme l'exige l’article 6(2) du Protocole lu conjointement avec les articles 56(5) de la Charte africaine et 40(5) du Règlement intérieur de la Cour est retenue.
4. À la majorité de six (6) contre quatre (4), que la requête est donc
5. À l'unanimité, que conformément à l’article 30 du Règlement intérieur de la Cour, chaque partie supporte ses frais de procédure.
Opinion dissidente C AQ, THOMPSON et X
1. Le contexte factuel de la présente affaire a été suffisamment exposé dans l’Opinion de la majorité. C’est pour cela que dans la présente opinion dissidente, nous allons nous limiter aux détails que nous estimons indispensables pour étayer la position que nous avons adoptée. Tout en souscrivant aux conclusions dégagées par la majorité

444 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
des Juges au sujet des autres questions soulevées par le défendeur dans son exception préliminaire, nous, les soussignés, tenons à nous désolidariser d’eux sur les conclusions portant sur la question de savoir si la requête du requérant en l'espèce est recevable, au regard du critère de l'épuisement des voies de recours internes.
2. À notre humble avis, les circonstances de l’espèce placent clairement la requête dans le cadre de l'exception à l’exigence de l'épuisement des recours internes prévue à l’article 34(4) du Règlement intérieur de la Cour. Pour cette raison, la Cour aurait dû déclarer la requête recevable. L'article dont il est question est libellé comme suit : « La requête doit indiquer la violation alléguée et comporter la preuve de l'épuisement des voies de recours internes ou de leur prolongation
Il. Recevabilité de la requête
3. || ressort clairement des faits de la cause, comme l'indique l’opinion de la majorité, qu'après son incarcération par le défendeur, le requérant a tenté, à maintes reprises d'obtenir que sa plainte, sur laquelle se fonde la requête en l'espèce, soit traitée par voie administrative et examinée par les juridictions de l'Etat défendeur. Ces tentatives ont eu lieu dans le contexte d’une multitude de charges criminelles sans cesse changeantes, aussitôt portées et aussitôt retirées à plusieurs reprises par le défendeur. À chaque occasion, le requérant a contesté la légalité de son incarcération et de la saisie de ses biens, notamment le caractère illégal de ces saisies et de son arrestation, ainsi que la confusion qui entourait les accusations dont il devait répondre.
4. || est utile de rappeler les diverses charges criminelles portées contre le requérant devant le Tribunal de district d’Bj, même si celles-ci ont été exposées en détail dans l'avis de la majorité.
Les charges
i. Affaire pénale n° 915/2007, en date du 8 novembre 2007, dans laquelle il était accusé d’entente en vue de commettre une infraction et de vol, conjointement avec Xz Yj.
ii. Affaire pénale n° 931/2007, en date du 30 novembre 2007, dans laquelle le requérant était accusé de vol à main armée, conjointement avec Ak Bo et Xe Ak, le 19 février 2008, il a été inculpé, seul, de vol à main armée, dans l’affaire criminelle n° 941/ 2007 (rien n'indique dans les dossiers que l'accusation initiale contre M. Ak a été retirée).
iii. Affaire pénale n° 933/2007, en date du 8 novembre 200 sous l'accusation de meurtre. Cette affaire est finalement devenue l'affaire n° 3 de 2009, datée du 7 février 2009.
iv. Affaire pénale n° 1027/2007 en date du 16 avril 2008, dans laquelle le requérant était accusé de vol à main armée. Cette affaire a été retirée et finalement réintroduite pour devenir l'affaire criminelle n° 883/2008, datée du 2 décembre 2008, dans laquelle le requérant est accusé de vol à main armée et de viol.
v. Affaire pénale n° 1029/2007 : bien que les deux parties mentionnent cette affaire, dans laquelle le requérant était accusé, il n'existe aucune indication relative au moment de l'accusation et aux chefs

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 445
vi. Affaire pénale n° 712/2009, du 21 décembre 2009, dans laquelle le requérant était accusé de vol à main armée. L'incident allégué de vol à main armée s’est déroulé le 12 septembre 2009, date à laquelle le requérant était déjà en garde à vue. Lors de l'audience de l'affaire, il a alerté le Tribunal de première instance de la substitution opérée par le Ministère public, qui avait modifié la date de l'infraction alléguée, du 13 novembre 2012 au 12 septembre 2007.
vii. Affaire pénale n° 716/2009 datée du 23 décembre 2009, dans laquelle le requérant est accusé de vol à main armée, enlèvement avec intention de porter atteinte à l'intégrité physique de la victime et de viol.
5. En 2007, devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, le requérant a introduit la requête en matière criminelle n° 7 de 2007, en rapport avec l'affaire pénale n° 933 de 2007, en vertu de la section 357(a) de la loi portant code de procédure pénale, demandant à l’Bg général du défendeur d’ordonner la restitution des biens appartenant au requérant qui avaient été saisis par la Police le 12 septembre 2007, dans le cadre de l’inculpation de meurtre allégué dont il devait répondre. La Haute Cour, estimant qu’il n'existait pas de lien de connexité entre les biens saisis par la Police et le meurtre allégué, a conclu que sa compétence pour ordonner la restitution des biens saisis était, de ce fait, écartée et que le seul recours disponible au requérant était de s'adresser au Tribunal de district devant lequel il avait été inculpe, pour demander des mesures de restitution de ses biens. Le Juge de la Haute Cour a précisé qu’étant donné que l'accusation de meurtre dans l'affaire pénale n° 933 de 2007 était toujours pendante, la requête devant la Haute Cour était prématurée et la procédure devait être suspendue jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur l'accusation de meurtre, à moins que les biens saisis n’aient aucun lien avec les accusations portées contre le requérant. La Haute Cour a écarté sa propre compétence pour connaître de la requête, au motif que d’autres accusations criminelles avaient été portées contre le requérant devant le Tribunal de district. La requête n’a donc pas été examinée sur le fond et le requérant a été renvoyé devant le Tribunal de district, qui était la juridiction appropriée pour trancher la question de savoir si les biens saisis avaient un lien de connexité avec les charges criminelles portées contre lui le 14 décembre 2010, la requête a été rejetée. Même s'il n'existe aucune indication sur le moment d'introduction de la requête, il semble que le processus ait duré au moins trois ans.
6. En 2009, devant la Haute Cour de Tanzanie siégeant à Bj, le requérant a introduit la requête en matière criminelle n° 54 de 2009 en rapport avec l'affaire criminelle no 933 de 2007, en vertu du chapitre 91 de la loi portant Code de procédure pénale, demandant l’abandon des poursuites dont il faisait l’objet. Le 11 août 2010, la requête a été radiée, au motif qu’elle ne précisait pas l'alinéa du chapitre 91 de la loi qui était invoqué et que les mesures demandées par le requérant étaient exposées dans la déclaration sous serment et non pas dans une requête interlocutoire.

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7. En 2010, le requérant a introduit devant la Haute Cour de Tanzanie siégeant à Bj, la requête n° 6 de 2010 contre l’Bg général du défendeur, en invoquant le chapitre 90(1)(c)(4) de la loi portant Code de procédure pénale, demandant l'abandon des poursuites dont il faisait l’objet, au motif que les actes posés par la Police étaient contraires aux sections 32, 33, 50(1), 51(1) et 52(1), (2) et (3) du Code de procédure pénale. Le 16 novembre 2010, la requête a été radiée, au motif qu’elle était entachée de vices, du fait qu’elle avait été déposée en vertu du chapitre 90(1)(c)(4) du Code de procédure pénale, qui avait été abrogé par le chapitre 31 de la loi n° 27 de 2008 régissant les poursuites au niveau national et qui était entrée en vigueur le 9 juin 2008.
8. Le 19 août 2010, le requérant a également déposé devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête en matière civile no 47 de 2010, contre le défendeur. Cette requête se rapportait aux affaires pénales no 915/2007, 931 de 2007, 1027/2007, 1029 de 2007, 883 de 2008, 712 de 2009 et 716 de 2009 devant le Tribunal de district d’Bj (ci-après dénommés « les affaires pénales »). Ladite requête se fondait sur les articles 13(1), 15(1), (2) (a) et 30(3) de la Constitution de la République- Unie de Tanzanie, qui garantit l'égalité devant la loi et le droit de ne pas être arbitrairement privé de liberté. Le 14 décembre 2010, la requête a été rayée du rôle, au motif qu’elle n'avait pas été valablement déposée, le requérant l'ayant introduite par requête interlocutoire et déclaration sous serment, alors que le chapitre 5 de la Loi sur le respect des droits et des devoirs fondamentaux -(qui régit la procédure de dépôt et de jugement des requêtes dans le cadre de la partie II! du chapitre 1 de la Constitution dont relèvent les dispositions indiquées ci-dessus)- exige qu’une telle demande soit introduite par voie de requête et de citation introductive d'instance. En outre, la Haute Cour a estimé que la loi en question exige qu’une telle affaire soit entendue par un collège de trois Juges et non par un Juge unique.
9. Le 8 décembre 2010, le requérant a déposé une autre requête en matière criminelle n° 78 de 2010 devant la Haute Cour de Tanzanie contre l’Bg général du défendeur et contre le Chef de la police d'Arusha, pour faire respecter ses droits conformément aux articles 13(1), 15(1), (2)(a) et 30(3) de la Constitution. À l'appui de sa requête, le requérant a allégué la/ violation de son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne.
Selon lui, le second défendeur en l'espèce ayant arrêté, incarcéré et interrogé le requérant, en violation des dispositions du Code de procédure pénale et que, de ce fait, les charges criminelles portées contre lui étaient viciées par ces irrégularités. Le requérant demandait donc une décision, en application de la partie II! du chapitre | de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Le 18 mai 2011, la Haute Cour de Tanzanie a rendu une décision prenant acte du fait que la requête avait été retirée, à la demande du requérant. Il y a lieu de relever que ni cette décision ni le dossier ne précisent le motif du retrait de la requête ; elle indique simplement que celle-ci a été retirée.
10. Le 29 décembre 2010, le requérant a encore déposé devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête en matière criminelle n° 80 de 2010, en rapport avec les affaires pénales, alléguant la violation

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RICA 413 447
des droits et des libertés fondamentales garanties par la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, en sa partie |, chapitre Ill, en particulier aux articles 24(1), (2) et 30(3) sur le droit à la propriété. La requête visait l’Bg général du défendeur ainsi que le Chef de la police d’Bj. Le requérant demandait à la Cour de d’enjoindre au défendeur de restituer les biens du requérant et toute autre mesure que la Cour estimait appropriée. Le 18 mai 2011, la Haute Cour a rendu une ordonnance constatant que la requête avait été retirée, à la demande du requérant. Cette ordonnance n’indique pas le motif du retrait de la requête, mais uniquement le retrait.
11. Le 19 mai 2011, le requérant a encore déposé, devant la Haute Cour de Tanzanie à Bj, la requête en matière criminelle n°16 de 2011, en rapport avec les affaires pénales, contre l’Bg général du défendeur, en invoquant les articles 13(1), 15(1) et 15(2)(a) et 30(3) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Dans ladite requête, le requérant alléguait la violation par la Police, des dispositions des articles et des lois garantissant ses droits, notamment les sections 13(1)(a), (b), 13(3) (a), (b) et (c), 32(1), (2) et (3), 33, 50(1), 52(1) et 52(2) du Code de procédure pénale, ainsi que les articles 14(1), 15(1) et 15(2)(a) de la même constitution. | demandait en conséquence une ordonnance en ce sens, en vertu de la partie Ill du chapitre de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Le défendeur a déposé sa réponse en date du 5 octobre 2011. Pour sa part, le requérant avait demandé, à maintes reprises, la constitution d’un panel de trois Juges de la Haute Cour pour connaître de sa requête (comme l’a suggéré le Juge en radiant la requête n°47 de 2010). Le 29 juin 2011, il a encore écrit au Greffier de la Haute Cour à Bj, demandant la constitution de ce panel. Il a une fois de plus écrit à ce sujet le 14 novembre 2011, mais apparemment, aucune suite officielle n’a été donnée à cette demande. Le 26 mars 2012, la requête a été enregistrée à la Haute Cour comme ayant été retirée, alors que le même registre indique que le requérant n’était pas présent à la Cour ce jour-là. De notre point de vue, il est assez surprenant qu’une requête qui faisait l’objet d’une demande de constitution d’un panel de trois Juges soit retirée sur décision d’un seul Juge.
12. Il ressort de tout ce qui précède que le requérant a demandé, à plusieurs reprises, que les juridictions se prononcent sur ses plaintes, mais en vain. Un examen minutieux de l'affaire révèle qu’il a été pris dans un cercle vicieux, dans lequel il tentait d'obtenir justice après ses plaintes mais se trouvait contrarié pratiquement à chaque tentative par des vices de procédure qui n'avaient en réalité, rien à voir avec le fond de ses revendications. C’est ainsi que ses plaintes ont été considérées, soit comme prématurées, soit comme non valablement déposées, soit comme entachées de vices. Ces plaintes ont également été traitées comme si elles étaient liées, de manière intrinsèque, à l’évolution constante des mêmes charges criminelles dont le requérant faisait l’objet, en ce sens que les juridictions estimaient qu’elles ne pouvaient pas lui accorder les ordonnances qu'il sollicitait pour protéger ses droits fondamentaux, tant que ces poursuites pénales n'avaient pas été tranchées, alors que ses plaintes portaient essentiellement sur le caractère illégal de son maintien en détention. Ces juridictions ne se

448 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
sont jamais préoccupées de la question fondamentale, qui était celle de savoir si sa détention, les accusations criminelles portées contre lui et la saisie de ses biens, qui auraient été effectués dans le cadre de ces poursuites, s'étaient déroulées conformément à la procédure prévue, ce qui était l’objet même de ses plaintes et de ses requêtes.
13. Dans toutes les requêtes qu’il a introduites au civil comme au pénal, le requérant tentait de faire valoir ses droits fondamentaux dans les multiples procédures pénales auxquelles il était confronté, tant sur la procédure que sur le fond, mais en raison des subtilités techniques circulaires que ces juridictions ont choisi d'adopter, cela est devenu impossible et a retardé toute solution définitive concernant ses plaintes. Un exemple patent de cette approche malheureuse est la décision rendue le 14 décembre 2010 dans l'affaire pénale n° 7 de 2007, dans laquelle la Haute Cour a estimé qu’en l'absence d’un lien de connexité entre les biens saisis et l'accusation de meurtre dont le requérant faisait l’objet, elle ne pouvait pas ordonner la restitution de ses biens tant que les charges portées contre lui étaient encore pendantes devant le Tribunal de district, devant lequel il était allégué que les biens du requérant avaient un lien avec les accusations à sa charge.
14. La déclaration faite devant la Cour de céans par le conseil du défendeur lors de l'audience publique portant cette affaire est tout à fait illustrative du dilemme imposé au requérant par l'approche adoptée par les agents du défendeur devant les juridictions nationales :
« S'agissant de la question posée. à savoir si le requérant avait le droit d’interjeter appel avant la fin de la procédure pénale, nous voudrions faire valoir que le droit d’appel est accessible à tous après que la question a été tranchée par la Cour et non pas à un stade où les procédures sont encore en cours devant elle. Toutefois, on peut interjeter appel si l’on estime qu’il existe des motifs raisonnables pour le faire. De même, à tout stade de la procédure, si le justiciable considère que son droit a été violé ou menacé, il ou elle peut déposer une requête constitutionnelle devant la Haute Cour pour faire reconnaître ses droits et ses devoirs fondamentaux au regard de la Loi régissant le respect des droits et des devoirs fondamentaux. Il est important de noter qu’une telle demande a pour effet de suspendre la procédure pénale devant la juridiction inférieure » (traduction).
15. Dans le cas du requérant, lorsqu’il a demandé la première fois à la Haute Cour de faire respecter ses droits fondamentaux, la Haute Cour a considéré, contrairement aux dispositions de la loi sur les droits et devoirs fondamentaux, qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur la question tant que les poursuites engagées contre lui devant le Tribunal de district étaient encore en instance, alors que l'effet d’une telle requête est censé être la suspension des procédures devant le Tribunal de district. Pour la plupart des requêtes, il a fallu longtemps pour obtenir une décision, alors que la liberté du requérant dépendait de leur issue. 16. En conséquence, dès lors qu’un justiciable conteste la légalité des charges criminelles portées contre lui, l'effet de la procédure en vue de faire reconnaître ses droits est qu’il est obligé de choisir entre se défendre contre des procédures pénales qui peuvent avoir été intentées de manière illégale et interjeter appel de celles-ci, ou de contester la légalité de ces mêmes procédures en vertu de la Loi sur les droits et les devoirs fondamentaux et ainsi, obtenir la suspension des poursuites pénales. De deux maux, il faut choisir le moindre et

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dans ces circonstances, chacun de ces choix tend à violer les droits de
17. En l'espèce, le requérant a choisi de faire reconnaître ses droits fondamentaux en contestant la légalité des charges criminelles portées contre lui ainsi que son arrestation ultérieure, son incarcération et la saisie de ses biens. Or, la plupart de ses requêtes ont été rejetées pour des subtilités juridiques. En effet, le conseil du défendeur a affirmé ce qui suit lors de l'audience publique :
« … Le requérant a déposé ses requêtes sous forme de requêtes pénales ordinaires plutôt que des pétitions constitutionnelles conformément à la Loi sur les droits et les devoirs fondamentaux. C’est la raison pour laquelle ses requêtes ont été examinées par un Juge unique ». (Traduction)
18. En effet, n’étant pas représenté par un conseil et sans doute par ignorance, plutôt que de fonder ses revendications sur la Loi sur les droits et devoirs fondamentaux, le requérant a invoqué la Loi portant Code de procédure pénale. Ce fut le cas dans les deux premières requêtes. Ayant suivi la mauvaise procédure devant la Haute Cour, il n’y avait aucune chance de succès d’un recours contre les décisions de la Haute Cour, rejetant ou radiant ses requêtes du rôle, indépendamment de l'argument du défendeur durant l’audience publique, selon lequel le défendeur aurait interjeté appel de ces décisions devant la Haute Cour. Au contraire, le requérant a choisi de déposer de nouvelles requêtes, convaincu qu’il suivait la procédure correcte.
19. Même si dans sa troisième requête le requérant a cité des dispositions de la Déclaration des droits énoncée dans la constitution et dont il alléguait la violation, ladite requête a été rejetée, au motif qu’elle n’avait pas été déposée sous forme de recours et citation introductive d’instance. Encore une fois, il n'est pas certain qu’il aurait pu faire appel d’une décision de la Haute Cour qui avait estimé que sa requête avait été déposée en utilisant la mauvaise procédure, en raison d’une orientation jurisprudentielle favorisant apparemment le respect strict de subtilités techniques.
20. Dans les quatrième et cinquième requêtes, il avait également cité des dispositions de la Déclaration des droits inscrite dans la Constitution, dont il’ alléguait qu’elles avaient été violées par la Police, mais ces requêtes ont été retirées par le requérant.
21. Un jour après avoir retiré les deux requêtes précitées, le requérant a déposé sa requête finale. I| s’agit de la requête portant sur la constitution d’un panel de trois Juges, mais qui avait été, soit retardée, soit rejetée. À deux reprises, le 29 juin 2011 et 14 novembre 2011, le requérant a demandé au Greffier de constituer le siège qui devait entendre sa requête, en vain. Quel recours aurait-il pu avoir dans cette situation? En toute logique, il est évident qu’il ne pouvait pas interjeter appel devant la Cour d’appel sur la question de la mise en place d’un collège de trois Juges, du simple fait que, pour commencer, il n’y avait pas eu de décision judiciaire contre laquelle interjeter appel devant la Cour d’appel. Il a donc été obligé d'attendre la constitution du collège de trois juges et en l'absence d’un mécanisme pour résoudre ce retard devant les juridictions nationales, il a décidé de saisir la Cour de céans,

450 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
arguant du fait que ses tentatives pour accéder aux recours internes pour faire valoir ses droits s'étaient prolongées ou retardées de façon anormale. À aucun moment, il n’a pu accéder à la Cour d’appel car il n’y avait pas de décision dont il aurait pu interjeter appel.
22. || y a lieu de rappeler qu'à ce stade, lorsqu’il a déposé sa requête devant la Cour africaine le 30 septembre 2011, le requérant était en prison depuis trois (3) ans et 11 mois sans jugement.
23. Dans cette affaire, à partir de quel moment devrait-on se poser la question de savoir s'il y a eu un retard excessif ou non dans l'accès aux voies de recours internes ? À notre avis, il faudrait compter à partir du moment où le requérant a déposé sa première requête devant la Haute Cour, c'est-à-dire, en 2007. Depuis ce moment, l’objet de son recours était de faire reconnaître ses droits fondamentaux. Même si cette première requête, de même que la deuxième et la troisième n’invoquaient pas expressément la Loi sur les droits et devoirs fondamentaux, elles étaient, en réalité, des requêtes en vue du respect des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution. Il ressort de la lecture des articles 4 et 8(2) de la Loi sur le respect des droits et devoirs fondamentaux que les questions qui peuvent être soumises à la Haute Cour pour obtenir réparation, peuvent également être résolues par d'autres procédures judiciaires.
24. L'article 4 de la Loi prévoit en effet que :
« Lorsqu’une personne allègue que l’une des dispositions des articles 12 à 29 de la Constitution a été, est ou est susceptible d’être violée à son égard, il peut, sans préjudice de toute autre action relative à la même question et autorisée par la loi, saisir la Haute Cour pour obtenir réparation » (traduction).
25. L'article 8(2) de la même Loi dispose que :
« La Haute Cour ne doit pas exercer ses pouvoirs en vertu du présent article si elle est convaincue que des moyens de réparation adéquats de la violation alléguée sont, ou ont été à la disposition de la personne concernée en vertu de toute autre loi, ou lorsque la demande est simplement fantaisiste ou vexatoire » (traduction).
26. Ces dispositions indiquent que les droits fondamentaux prévus aux articles 12 à 29 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie ne doivent pas être appliquées uniquement en vertu de la Loi précitée. De ce fait, la requête du requérant aux fins de réparation en vertu de la Loi portant procédure pénale aurait dû être considérée comme une demande pour faire reconnaître ses droits fondamentaux, même s’il n’avait pas invoqué la Loi sur les droits et les devoirs fondamentaux. En conséquence, les actions en recours introduites par le requérant, y compris la recherche de recours administratifs auprès du Ministère de l’Intérieur, du Ministère de la Justice et des Affaires constitutionnelles, de la Direction des poursuites publiques du Cabinet de l’Bg général et auprès de la Commission des droits de l'homme et de la bonne gouvernance, qui ont débuté en 2007 et ont continué jusqu’au jour où il a introduit un recours devant la Cour africaine, étaient appropriées, au sens de la Loi sur les droits et les devoirs fondamentaux.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 451
27. Dans ces circonstances, nous constatons en l'espèce, que les obstacles placés sur le chemin du requérant dans ses tentatives pour accéder aux voies de recours internes ont effectivement rendu ces recours inaccessibles et les ont prolongés de façon anormale. Le principe établi par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples dans la Communication 147/95 et 149/96 (consolidées) Sir Yi Ca An c. Gambie (14719/95) à cet égard est le suivant :
« Une voie de recours est considérée comme existante lorsqu'elle peut être utilisée sans obstacle par le requérant, elle est efficace si elle offre des perspectives de réussite et elle est satisfaisante lorsqu'elle est à même de donner satisfaction au plaignant ».‘
28. En l'espèce, les tentatives du requérant pour faire respecter ses droits fondamentaux se sont heurtées à divers obstacles, qui ont prolongé indûment le processus d'accès aux voies de recours internes. À cet égard, à notre avis, sa requête est recevable devant la Cour, dans le cadre de l'exception au principe de l'épuisement des recours internes, du fait que le processus d'accès à ces recours internes a connu une prolongation anormale.
29. Dans les circonstances, nous sommes également d’avis que la requête a été introduite dans un délai raisonnable.
IV. Récusation d’un témoin expert
30. Par lettre datée du 23 septembre 2013 et confirmée par une autre lettre datée du 5 novembre 2013, le requérant a informé le Greffier de la Cour (cette notification a été également signifiée au défendeur), qu’il avait l'intention d’appeler à la barre un certain Prof. Ye Cr Yk, Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Dar es Salaam pour « apporter son témoignage et aider l'Honorable Cour à comprendre le droit pénal et les procédures en vigueur dans l’État défendeur, qui doivent être appliquées ou qui auraient dû être applicables au requérant ».
31. Durant l’audience publique, le défendeur a récusé le témoin expert. Les parties ont présenté leurs observations sur cette question.
V. La position du défendeur
32. Le défendeur a soutenu que trois critères sont essentiels pour que quelqu’un soit qualifié de témoin expert, à savoir :
i. Justifier de connaissances spéciales ;
ii. Posséder des compétences particulières ;
iii. Justifier d’une expérience ou d’une formation dans ce domaine particulier.
33. Le défendeur a fait valoir que les témoins experts ne devraient être autorisés à comparaître que s'ils sont choisis par la Cour, et que celle- ci n'avait pas besoin d’un avis d'expert sur la procédure pénale applicable en Tanzanie, étant donné qu'il s’agit de textes communs qui peuvent être interprétés aisément. En outre, les conseils des deux
1 13e rapport d'activité : 1999-2000 - paragraphe 32.

452 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
parties étaient au service de la Cour et pouvaient aider celle-ci à rendre une décision juste sans devoir recourir à des experts.
34. Par ailleurs, le défendeur a soutenu que l'interprétation de lois est l'apanage des tribunaux et non d’experts. Il a cité la décision de la Cour d'appel de Tanzanie, dans les affaires Directeur des poursuites publiques c. Ai Xx et Cu Cp, App n ° 81 de 2012, dans lesquelles la Cour (par la voix de Rutakangwa, Juge d'appel) a cité l’opinion de la Cour suprême de l’Inde dans l'affaire Xc c. État de Delhi (2003) ISCC 21 :
« Nous pensons qu'il serait extrêmement dangereux de condamner l’appelant simplement sur la base de la déposition en preuve d’un expert en graphologie. Il est désormais de jurisprudence constante que l'opinion d’experts doit toujours être accueillie avec la plus grande circonspection » (traduction).
35. Au vu de ce qui précède, le défendeur a demandé à la Cour de faire preuve de prudence et de disqualifier le témoin en tant qu’expert.
36. Selon le défendeur, dans la même affaire (ci-dessus), la Cour d'appel de Tanzanie a également cité la décision de la Cour suprême de l'Inde dans l'affaire Ar Xl Az c. Cz Xi Bm (2009) 9.709 CCN, qui a fixé trois conditions pour l'admission d’un témoin expert :
i. Un témoin expert doit déposer dans un domaine d'expertise reconnu ; ii. La preuve doit être fondée sur des principes fiables ;
iii. Le témoin expert doit être qualifié dans la discipline concernée.
37. Le défendeur a encore soutenu que le témoin expert que le requérant avait l'intention de citer à la barre ne répondait pas à ces trois exigences, n'étant pas un expert dans un domaine quelconque du droit, sans parler de la procédure pénale, n’étant pas l’auteur de publications de renom ayant contribué de manière importante à la connaissance du droit pénal en Tanzanie. Sur cette base, le défendeur a demandé à la Cour d'accueillir son objection vis-à-vis de l’expert.
VI. La position du requérant
38. Le requérant s'est opposé à l’exception préliminaire du défendeur, pour trois raisons.
39. La première raison était que la récusation de l'expert par le défendeur n’était pas de bonne foi, cette opposition n’étant intervenue que très tard dans la journée, alors que le défendeur avait déjà été informé depuis le 23 septembre 2013, que le requérant avait l'intention d'appeler le témoin expert à la barre.
40. Par ailleurs, selon le requérant, le défendeur n’avait fourni aucune base pour contester la qualification du témoin. Au lieu de cela, le défendeur avait simplement demandé à la Cour de fournir des motifs pour contester ledit expert, alors qu’il revenait au défendeur et à lui seul de plaider sa cause. Le requérant a encore fait valoir que la Cour n’avait aucune obligation de fournir au défendeur ou à l’une quelconque des parties des moyens de contestation ou d’objection.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 453
41. À l’appui de son objection, le défendeur a cité respectivement les articles 53(2) du Règlement intérieur de la Cour africaine et 19(1) du Statut de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, qui prévoient la disqualification d’experts au motif qu’ils ont un intérêt direct dans l'affaire. Pour sa part, le requérant soutient que le défendeur n’a pas présenté la moindre preuve d’une éventuelle relation d'intérêt existante entre l’expert et l’affaire en l’espèce. Le requérant a encore indiqué que contrairement à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le Règlement de procédure de la Cour africaine ne contient pas de dispositions explicites sur la disqualification des d'experts. Compte tenu de cette situation, le requérant a demandé à la Cour, en tant que Cour des droits de l'homme, d'adopter une approche libérale axée sur les victimes, afin de veiller à ce que la vérité et la justice prévalent.
42. Le deuxième motif invoqué par le requérant était que le témoin expert est compétent et crédible, car il est Professeur et il enseigne le droit à la Faculté de droit de l’Université de Dar es Salaam et possède l'expérience nécessaire dans la recherche universitaire pertinente et de l'expertise professionnelle. Le requérant a également demandé à la Cour d’appliquer l’article 45(1) du Règlement intérieur, qui autorise la Cour à « se procurer tous les éléments de preuve qu’elle estime aptes à l’éclairer sur les faits de la cause... ou toute personne dont les dépositions ou déclarations lui paraissent utiles dans l’accomplissement de sa tâche » et admettre la preuve orale de l'expert ainsi que ses qualifications, y compris son Curriculum vitae.
43. Le troisième motif sur lequel le conseil du requérant a fondé son argumentation est que le témoignage de l'expert devait être limité aux questions de droit interne qui pourraient aider la Cour à rendre une décision juste et équitable. Selon le requérant, cela ne serait pas préjudiciable au défendeur. En outre, selon le requérant, la Cour peut ordonner que les témoignages d’experts se limitent à leurs domaines de compétence spécifiques. Cela serait conforme à l’approche adoptée par divers Tribunaux internationaux comme dans l'affaire Le Procureur c. Bagosora et consorts, TPIR, affaire no 98/411. Pour ces raisons, le requérant a plaidé pour l'admission du Prof. Ye Cr Yk en tant que témoin expert dans cette affaire.
VII. Notre opinion
44. Nous relevons que la pratique des Tribunaux internationaux indique qu'ils ne « tolèrent pas des règles de procédure restrictives qui tendent à limiter la portée des recherches pour établir les faits. À quelques exceptions près, ces Tribunaux n’hésitent pas à compléter, de leur propre initiative, les éléments de preuve fournis par les parties, si elles les considèrent comme insuffisants ».?
45. La Cour interaméricaine des droits de l'homme, par exemple, admet le témoignage d’un expert qualifié dès lors que ce témoignage
2 Xk c. Sandler- Bk Co Bh Xf AKCs By Xm 1939) 3-4.

454 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
est conforme à l'objectif pour lequel il est proposé.’ Les experts peuvent témoigner sur un large éventail de sujets. IIs sont souvent appelés à témoigner sur le droit interne de l’État défendeur étant donné que le droit interne doit être prouvé en tant que fait devant les tribunaux internationaux. En outre, partie peut désigner des témoins experts et le tribunal peut également en désigner un.
46. Compte tenu de la portée de cette affaire et après avoir évalué les arguments respectifs des parties tout gardant à l’esprit la nécessité d'assurer, non seulement le triomphe de la vérité et la présentation la plus complète des faits et des arguments des parties, nous sommes d'avis qu’à part des affirmations générales faites par le défendeur, celui-ci n’a pas présenté de raisons objectives ou convaincantes pour disqualifier le témoin expert et établir sa partialité supposée. De plus, les affaires citées à l'appui de son objection étaient sans intérêt et sans rapport avec l’objection, c’est-à-dire, les qualifications du témoin et non pas la qualité des éléments de preuve qu’il devait apporter. Le défendeur a même affirmé, devant la Cour, qu’il ne connaissait pas la nature exacte du témoignage que le témoin allait présenter et qu’il ne savait pas non plus s’il était expert ou non. Toujours selon le défendeur, le témoin expert n’était pas « une autorité » en droit pénal et sur les procédures utilisées en Tanzanie », même si l’objection a été exprimée avant que le témoin n’ait prêté serment et qu’il ne lui soit donné l’occasion de faire la preuve de ses compétences et de son expertise. 47. En ce qui concerne la convergence présumée de l'avis de l’expert avec la position du requérant, nous sommes d’avis que, même si les déclarations d’un témoin expert contiennent des éléments qui pourraient appuyer les arguments de l’une des parties, cela ne constitue pas en soi, un parti pris qui pourrait disqualifier l'expert. En tout état de cause, comme c'est la norme avec tous les témoignages, la Cour n’admet normalement que les témoignages de témoins experts qui sont conformes à l'objectif pour lequel ils sont requis et elle évalue la déposition au regard de l’ensemble des éléments de preuve, en tenant compte des principes reconnus du pouvoir discrétionnaire en matière judiciaire. Pour ces raisons, la Cour aurait dû admettre le témoignage du témoin expert.
48. À notre humble avis, les motifs pour lesquels la majorité de la Cour a refusé d'admettre l'intervention du témoin expert du requérant sont tout à fait inacceptables, d'autant plus que les questions pour lesquelles le requérant souhaitait l'appeler à la barre concernent des dispositions législatives et réglementaires de droit interne, qui sont considérées comme étrangères à la Cour et qui sont particulières à l’État défendeur. La Cour ne pouvait donc pas s'arroger le pouvoir d’omniscience pour interpréter ces dispositions. En outre, la compétence de la Cour, en vertu de l’article 3(1) du Protocole, ne s’étend pas à l'interprétation du droit interne. Nous rejetons donc les raisons invoquées pour rejeter le témoin expert. Nous rejetons également l'interprétation de l’article 45(1) de la Cour, qui équivaut à créer nouvel article en dehors des procédures normales de la Cour.
3 Pangus Morales c. Guatemala (Réparations, 2001), par. 71.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 455
49. En conséquence, nous soutenons que l'expert du requérant aurait dû être entendu car pour aider la Cour à déterminer si l’arrestation, la détention et la saisie des biens du requérant étaient conformes ou non aux procédures pénales prévues par la législation pénale nationale, ce qui constitue le point fondamental dans l'affaire en l'espèce. Heureusement pour le requérant. À part la simple affirmation avec aplomb que l'arrestation, la détention et la saisie de ses biens étaient conformes à la loi, le défendeur n’a rien apporté de concret pour contredire l’exposé systématique des faits par le requérant, aux dispositions de la Loi portant Code de procédure pénale et renforcer sa thèse. Le résultat a été qu'aucune véritable contestation ne s’est ensuivie de la part des parties autour de cette question. Cela étant, la Cour a été, fort heureusement, sauvée d’une situation où elle aurait eu besoin d’une assistance à travers le témoignage d’un expert, ce qui aurait pu arriver si le défendeur avait présenté avec diligence des arguments contraires. À notre avis, une Cour ne doit pas interdire à une partie, avec légèreté ou de manière systématique, de présenter le témoignage d’un expert ; elle pourrait ne pas se retrouver nécessairement dans la situation heureuse dans laquelle elle s'est retrouvée par pur hasard.
VIII. Les éléments de preuve
50. Ayant conclu que la requête est recevable, nous exposons ici notre opinion sur le fond de l'affaire. Même si cela peut sembler inutile puisque l'affaire a déjà été examinée sur le fond, nous allons aborder le fond de la requête.
51. Le requérant affirme qu’il a été arrêté, interrogé, détenu, inculpe et emprisonné illégalement, contrairement aux dispositions du Code de procédure criminelle. !| allègue également la violation de ses droits pourtant garantis par la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
52. Lors de l'audience publique consacrée à cette affaire, la Cour a entendu les témoignages suivants :
ii Le requérant a témoigné au sujet des événements qui ont conduit à son arrestation illégale alléguée, à sa détention et à son interrogatoire ainsi que sa mise en accusation sous les charges de meurtre, enlèvement, vol à main armée et viol, de même que la saisie illégale alléguée (par la Police) de biens lui appartenant.
i. M. Ap Yh Bi, actuellement Commissaire de police régional à lIringa, qui était le commandant du Département des enquêtes criminelles (OCCID) d'Arusha au moment où les événements qui constituent la base des plaintes du requérant sont allégués avoir eu lieu. Il a rapporté les divers incidents criminels qui avaient eu lieu entre juillet et septembre 2007 à Bj et, en particulier sur l'incident ayant provoqué la détention, l’interrogatoire et la mise en accusation du requérant devant le Tribunal.
iii. Salvas Xw Au, actuellement affecté au poste de police de Muleba et Commissaire de police, était inspecteur de police à Bj au moment des événements allégués qui constituent la base des plaintes du requérant. || était chargé de la perquisition menée au domicile du requérant le 12 septembre 2007. || a relaté la procédure

456 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
qui avait été suivie après la saisie des biens du requérant, en relation alléguée avec les crimes pour lesquels celui-ci et son épouse ont finalement été inculpés. Selon le témoin, il a supervisé le processus de perquisition, même s’il n’y a pas participé personnellement.
iv. M. Cm Bn Bf, actuellement commandant de la Division des enquêtes criminelles du district de Xp et Commissaire de police adjoint. || était affecté au Département de la police judiciaire à Bj avec le grade d’inspecteur de police adjoint à l’époque où les faits qui constituent la base de la requête en l'espèce ont eu lieu. Il a rapporté la façon dont il a dirigé la perquisition du domicile du requérant et procédé à la saisie des biens, qui auraient été liés aux crimes dont le requérant et son épouse ont finalement été inculpés.
v. M. Ye Xh, actuellement commissaire de police et commandant régional de la police dans la région de Geita et dont le grade était commissaire de police à Bj était responsable régional des services de police criminelle au moment des événements qui constituent la base de la requête en l'espèce. Selon le témoin, il était chargé de la prévention des crimes et il supervisait l'administration du Département des enquêtes criminelles. || a indiqué qu’à ce titre, il a eu à gérer plusieurs dossiers de police concernant le requérant, en particulier concernant les incidents d’enlèvement, de viol et de vol à main armée qui ont eu lieu dans le quartier de Njiro à Bj, respectivement le 24 août 2007 et le 12 septembre 2007 et pour lesquels le requérant a été mis en accusation. Celui-ci aurait refusé d'assister au procès, provoquant le retrait de la procédure et le rétablissement de celle-ci plus tard. Le témoin a également déposé sur sa gestion de l'affaire no 993/2007 dans laquelle le requérant était accusé de meurtre mais acquitté par la suite, faute de preuves.
vi. M. Xg Ai, régisseur adjoint des services pénitentiaires à la prison centrale d'Arusha, qui, au moment des événements qui constituent la base des requêtes du requérant, était inspecteur de prison adjoint et il était affecté au département de la réception à la prison centrale d’Bj. Il a indiqué s'être occupé du requérant pendant que celui-ci se trouvait en garde à vue, notamment en facilitant sa comparution devant le Tribunal et il a expliqué comment le refus allégué du requérant de comparaître a été géré.
53. Par ailleurs, nous reconnaissons la valeur probante des documents qui ont été déposés par les parties à l'étape appropriée de la procédure et qui n’ont pas été contestés ou remis en question, ainsi que ceux que la Cour a déclarés recevables, selon le cas.
IX. Évaluation des éléments de preuve
54. Étant donné que le requérant a un intérêt direct dans l’affaire, son témoignage est utile dans la mesure où il fournit davantage d'informations sur les violations alléguées et leurs conséquences. C’est une jurisprudence bien établie au sein de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, que l’intérêt d’une personne dans le dénouement d’une affaire ne suffit pas, en soi, pour la disqualifier en tant que témoin.“ Dans la plupart des cas, en particulier celles portant sur la violation alléguée des droits de l'homme, les seuls témoins qui sont
4 At Ck c. Equateur (fond), Cour interaméricaine des droits de l'homme, 12 novembre 1997, Série C, no 35, par. 32.

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prêts à prendre des risques pour témoigner sont souvent ceux qui ont un intérêt personnel dans l'affaire. Ainsi, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a déclaré que le témoignage de la victime a une « portée unique », la victime étant parfois la seule personne qui peut fournir les informations nécessaires.®
55. S'agissant des dépositions des témoins du défendeur, dans l'ensemble et à la lecture du dossier, notre avis est qu’ils étaient intéressés et qu’ils tendaient à justifier leurs actions, probablement illégales. || nous semble que leurs actions relatives aux questions sur lesquelles ils ont témoigné constituent une indication de leur penchant, dans leurs esprits respectifs, à considérer comme évident que le requérant doit être tenu responsable des incidents allégués de crimes qui se sont passés à Bj et qu'il fallait tout simplement jeter sur lui autant de charges que possible, dans l’espoir que certaines d’entre elles finiraient par tenir. Malgré cette action concertée, leurs témoignages comportaient des contradictions.
56. Les témoins Ap Yh Bi et Cm Bn Bf ont rapporté plusieurs cas d'actes criminels survenus avant le 12 septembre 2007, lorsque l'incident dans lequel le requérant est allégué avoir été impliqué a eu lieu. Selon M. Bi, malgré le fait que d’autres suspects avaient été identifiés comme ayant participé à ces incidents, seul le requérant avait été mis en accusation pour ces affaires criminelles. Le témoin Ye Xh a cependant affirmé que d’autres suspects avaient été inculpés de ces crimes et que leurs affaires avaient suivi le cours normal mais aucune information n’a été fournie à la Cour concernant ces autres affaires. I! n'existe aucune preuve que les poursuites contre les autres suspects inculpés initialement en même que le requérant ont continué. Même le défendeur n’a pas mentionné ces cas.
57. En ce qui concerne la perquisition, en supposant que des agents de police peuvent à des perquisitions dans la propriété du requérant sans ordre de recherche ou de mandat de perquisition, les témoins Ap Yh Bi, Af Xw Au et Cm Bn Bf ont eu beaucoup de mal à expliquer pourquoi un bordereau ou une attestation de saisie n’ont jamais été délivrés concernant les biens saisis, comme l'exige le code de procédure criminelle et ils l’ont reconnu devant la Cour. Il est évident qu’un tel bordereau n’a jamais été établi.
58. En outre, le témoin Ap Yh Bi a admis qu’un mandat d'arrêt n’a jamais été délivré à l'égard du requérant à partir du 12 septembre 2007, lorsque l'incident allégué au cours duquel un crime dans lequel le requérant aurait été impliqué a été commis, jusqu’à ce qu’il soit détenu le 26 octobre 2007, alors qu’il s'était rendu au poste de police pour se renseigner à propos de sa femme et encore plus tard, jusqu’au 8 novembre 2007, date à laquelle il a été traduit devant un magistrat. À notre avis, cela témoigne de l'intention, de la part de la police de faire fi des procédures prévues lors de l'arrestation de suspects ainsi que la disposition qui prévoit que les suspects doivent
5 Be Xv AL Av (Réparations, 1998), par. 73.

458 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
être présentés à un magistrat dans les 24 heures de leur arrestation comme l’exige la Section 32(1) du Code de procédure criminelle. Pour ces raisons, même lorsqu'il est devenu évident que les « preuves » que la police avait montées contre le requérant en ce qui concerne les diverses accusations ne seraient pas recevables, comme l’a admis le témoin Ye Xh durant son contre-interrogatoire par le conseil du requérant, il y a eu encore des tentatives répétées pour concocter des preuves, afin de s'assurer que la charge de meurtre portée contre le requérant serait confirmée. Ces manœuvres ont cependant échoué, puisque le requérant a été finalement acquitté de cette accusation en mai 2013.
59. Le témoignage de Xg Ai, régisseur à la prison centrale d'Arusha n’a pas non plus permis d'établir, de façon convaincante, que le requérant avait refusé de comparaître devant le Tribunal pour répondre des affaires criminelles dont il était accusé, pour justifier sa longue période de détention pendant plus de cinq ans et demi. Le témoin a semblé avoir une mémoire sélective et il ne pouvait se rappeler que les mouvements du requérant (ou l’absence de ceux-ci), en ce qui concerne les accusations criminelles auxquelles celui-ci faisait face, selon les allégations portées contre lui, mais pratiquement rien de ses autres mouvements en rapport avec les diverses requêtes qu’il avait introduites, sauf pour la requête no 16 de 2011, à l'égard de laquelle, le défendeur a tenté, en vain, de prouver, par des témoignages suspects, que le requérant était présent à l'audience lorsque la requête a été retirée, alors que selon les propres écritures du défendeur et les preuves documentaires dans le dossier, il n'en était rien.
60. Pour récapituler brièvement, le requérant allègue avoir été arrêté, interrogé, détenu, inculpé et écroué illégalement, en violation des articles 13(1) (a) et (b), 3(a), (b) et (c), 32(1), (2) et (3), 33, 38(1), (2) et (3), 50(1) et 52(1), (2) et (3) du Code de procédure pénale, chapitre 20 des lois de la Tanzanie. Ces dispositions régissent le mandat d'arrêt, la détention des personnes arrêtées, le devoir de la police de signaler les personnes appréhendées, le pouvoir d'émettre un mandat de perquisition ou d'autoriser des recherches, ainsi que les périodes pour questionner ou interroger les suspects. Selon le requérant, son arrestation illégale et sa détention alléguées, les charges multiples portées contre lui et sa mise en détention en rapport avec les affaires pénales multiples montées contre lui ont violé ses droits inscrits à l’article 15(1) et (2)(a) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, violé son droit à la liberté ainsi que la garantie que personne ne doit être privé de cette liberté sauf dans les circonstances et selon les procédures prévues par la loi et que la saisie illégale de ses biens à cet égard est contraire à son droit à la propriété, consacré à l’article 24(1) et (2) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie. Le requérant allègue encore la violation de ses droits consacrés aux articles 3, 5, 6, 7(1), 14 et 26 de la Charte africaine.
61. L'article 3 de la Charte africaine dispose en effet, que toutes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant la loi et l'égale

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protection de la loi. Quant à l’article 5, il prévoit le droit de chaque individu au respect et à la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. L'article 6 prévoit le droit de chaque individu à la liberté et à la sécurité de sa personne et que nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement fixées par la loi. L'article 7(1) de la Charte garantit le droit de chaque individu à ce que sa cause soit entendue ainsi que le droit à une procédure régulière. L'article 14 de la même Charte garantit le droit de propriété et qu’il ne peut y être porté atteinte que conformément aux dispositions des lois appropriées. L'article 26 de la Charte enjoint aux Etats parties à la Charte de garantir l'indépendance des tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion et de la protection des droits et des libertés garantis par la Charte.
62. Pour les besoins de la présente opinion dissidente, nous examinons à présent si les actions du défendeur dans l'arrestation, l'’interrogatoire, la détention, les charges et l’'emprisonnement du requérant et la saisie de ses biens étaient en conformité ou non avec la Loi portant Code de procédure pénale et avec la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, et encore plus important, conformes aux dispositions précitées de la Charte africaine.
63. La question centrale est celle de l'intégrité de la procédure et de la légalité de l'arrestation, de la détention, de l’interrogatoire, de la garde à vue au poste de police et de son emprisonnement en attendant le procès. D’emblée, il faut rappeler que le requérant aurait été arrêté lorsqu'il s'est présenté lui-même au poste de police pour s’enquérir du motif de détention de sa femme. || est pour le moins étrange qu’aucun mandat d’arrêt n’ait été délivré à aucun moment à l'encontre du requérant pendant une période de deux mois, alors qu’il a été allégué devant la Cour qu’il était en cavale et que la police était à sa recherche. En l’absence d’un mandat d'arrêt, la Police pouvait arrêter le requérant, tant que les autres procédures requises étaient strictement respectées comme celle qui exige qu’il soit présenté devant un magistrat dans les 24 heures. || n’y avait donc aucune raison et aucune n’a été fournie à la Cour pour ne pas l'avoir déféré devant un magistrat et pour l'avoir maintenant en garde à vue au poste de Police pendant 14 jours, en violation du Code de procédure criminelles de la Charte africaine. En outre, les charges portées contre lui dans ces affaires étaient chaque fois modifiées et elles s'aggravaient d'année en année. Depuis le moment où le requérant a été arrêté et mis en examen avant d’être emprisonné en attendant son procès entre le 26 octobre 2007 et le 3
64. Il ressort de notre examen des éléments de preuve documentaires et des dépositions en preuve présentées, que le défendeur n’a pas réussi à prouver que l'arrestation et la détention du requérant pendant quatorze (14) jours avant son procès était légale, c’est pour nous un grave sujet de préoccupation. Etant donné qu’il s’agit d’une question touchant à la liberté du requérant, la présomption est en faveur de celui-ci et il incombe au défendeur de réfuter les allégations du requérant concernant les actions illégales que constituent son

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arrestation, son interrogatoire, sa détention ainsi que les accusations de crimes graves portées contre lui. Les éléments de preuve documentaires, mais surtout les preuves testimoniales nous amènent à la conclusion que le défendeur ne s'est pas déchargé du fardeau de la preuve et en conséquence, la présomption jouant en faveur du requérant, nous n'avons aucune hésitation à conclure qu’il a été arrêté interrogé et inculpé illégalement. Dès lors qu’il s'agit de la liberté de la personne, la charge de la preuve que l'arrestation de l’intéressé (e) était légale incombe au Ministère public.
65. Suite aux actions du requérant, comme nous l’avons indiqué plus haut, nous dégageons les conclusions suivantes :
66. Le droit du requérant à l'égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi (article 3 de la Charte) n’a pas été violé (sic) respecté, étant donné que les procédures requises pour l'arrestation, l'interrogatoire et la mise en examen n’ont pas été respectées.
67. Le droit du requérant au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la protection contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 5 de la Charte) a été violé.
68. Le droit du requérant à la liberté et à la sécurité de sa personne et à ce que nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement fixées par la loi. En particulier, nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement (article 6 de la Charte).
69. L'article 7(1) de la Charte africaine dispose que :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :
(a) Le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ;
(b) Le droit à la présomption d’innocence jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;
(c) Le droit à la défense, y compris celui de se faire assister pak un défenseur de son choix ;
(d) Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale ».
70. L'article 26 de la Charte est libellé ainsi :
« Les États parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l'indépendance des Tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion et la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte ».
71. Ces deux dispositions de la Charte entrent en jeu lorsqu'il s’agit d'évaluer la durée excessive des procédures disparates dans les poursuites pénales engagées contre le requérant, ainsi que le traitement réservé à ses tentatives d'obtenir réparation devant les tribunaux de l’État défendeur pour la violation alléguée de ses droits fondamentaux inscrits dans la Constitution et dans les lois applicables en République-Unie de Tanzanie. Le résultat est que le requérant est resté à croupir en prison pendant cinq ans sans procès.

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72. Ayant eu le sentiment, et nous sommes d’accord avec le requérant sur ce point, que ses droits avaient été violés, il a demandé réparation pour la violation de ses droits par différentes procédures, en vertu des articles 7(1) (a) et 26 de la Charte africaine. L'objet principal de ces requêtes était le respect des droits du requérant, mais en raison de l'approche trop technique des tribunaux, il n’a pas pu obtenir ces réparations. L'évolution de la jurisprudence à travers le monde exige que dans le traitement des questions touchant aux droits fondamentaux, les tribunaux ne devraient pas recourir à des subtilités juridiques qui ne garantissent pas que justice soit rendue, au contraire elles tendent à l'empêcher de suivre son cours. En effet, cela est tellement important que certains pays, comme l'Inde, permettent une compétence « épistolaire » par laquelle les recours concernant le respect des droits fondamentaux ne doivent pas suivre un format spécifique ; ce qui est important, c'est le contenu des documents et ces recours sont recevables dès qu’ils portent sur de possibles violations des droits fondamentaux.
73. La Cour souscrit également à cette orientation jurisprudentielle, étant donné qu’en l'espèce, elle a décidé que les requérants ne doivent pas indiquer les dispositions particulières de la Charte africaine dont la violation est alléguée, celles-ci pouvant être déduites des violations alléguées.
74. En ce qui concerne le défendeur, la promulgation de la loi sur le respect des droits et des devoirs fondamentaux était évidemment destinée à préciser les procédures pour la mise en application des droits énoncés aux articles 12 à 29 de la Constitution de la République- Unie de Tanzanie. Même si, en théorie, une telle procédure existe, la requête en l'espèce a démontré qu’il subsiste des lacunes dans son application, ce qui est préjudiciable à tout justiciable se trouvant dans la situation dans laquelle s'est retrouvé le requérant en l'espèce. Celui- ci en a fait l’amère expérience, étant donné que ses tentatives pour faire reconnaître ses droits fondamentaux depuis 2007 n’ont abouti à rien.
75. Les articles 7(1)(b) à (d) de la Charte sont pertinents en ce qui concerne les affaires criminelles dont devait répondre le requérant. La question ici est de savoir si délai écoulé avant que ses requêtes ne soient traités[sic] était raisonnable. Le temps qui s'est écoulé entre sa détention en 2007 jusqu’en 2013 quand il a été acquitté de l'accusation de meurtre n’est pas, à notre avis, un délai raisonnable. Cela est d'autant plus vrai si l’on considère les actions presque répréhensibles du défendeur, consistent à retirer puis à rétablir les charges. || revenait au défendeur consiste à retirer les affaires contre le requérant à partir du moment où les preuves contre celui-ci étaient insuffisantes, peu importe le caractère odieux des crimes allégués, plutôt que de le garder indéfiniment en détention tout en essayant d'obtenir des preuves contre lui. L'état de droit exige que les procédures prévues doivent être suivies. Il est significatif de relever que, selon les dépositions de Ap Bi, qui était témoins du défendeur, que celui-ci attendait la fin du procès devant la Cour pour s'occuper des affaires portées contre le requérant. Lorsque la Cour lui a demandé de préciser ce qu'il voulait dire, le témoin a répondu qu’il était question de préparer

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d'autres charges criminelles contre le requérant et rien qui pourrait porter atteinte à la personne de celui-ci. Nous relevons simplement que les poursuites pénales ne sont pas un jeu à mener de manière fantaisiste ou dans un esprit de vengeance, pour sa propre satisfaction. 76. La liberté de la personne humaine est sacro-sainte et, à notre avis, toute action de la part de l’État qui limite cette liberté doit remplir les critères inscrits dans la Charte, dans l'esprit et la lettre de celle-ci. Lorsqu'une personne est incarcérée en attendant son procès, le sens de la justice exige que le procès soit clôturé dans un délai optimal, afin de permettre à la personne concernée de connaître son sort et, encore plus important, pour éviter une période de détention anormalement longue à une personne probablement innocente, ce qui est le pendant de la présomption d’innocence.
77. L’article 26 de la Charte est également pertinent en l'espèce. Il dispose, en effet, que :
« Les États parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l'indépendance des Tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion et la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte ».
78. Nous accueillons la requête du requérant, au motif que les recours internes ont été indûment retardés et prolongés et cela est une indication qu’il y a encore beaucoup de choses à améliorer pour assurer une protection adéquate des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale.
79. S'agissant du grief relatif à la garantie du droit de propriété (article 14 de la Charte), nous sommes d’avis qu’en apparence, sur la base du dossier, la saisie des biens du requérant ne s’est pas déroulée conformément à la loi. Toutefois, ce point est sans objet, étant donné que son jugement du 30 avril 2013 dans l'affaire, pénale n°712 de 2009, la Cour a ordonné la restitution du requérant, après avoir constaté que le Ministère public n’avait pas prouvé ses allégations contre le requérant sur cette question. Nous n’en dirons pas plus sur cet aspect de la requête.
80. Comme il s'agit d’une une opinion dissidente, même si nous aurions autrement été enclins à accorder au requérant une compensation ou une indemnisation en plus des frais de la procédure, de tels ordres dans les circonstances de l'espèce ne seraient qu’un coup d'épée dans l’eau (brutum fuimen) et nous ne voulons dons[sic] pas nous prêter à un tel exercice inutile.
81. Sur les mesures demandées
En conclusion :
82. Ayant conclu à la recevabilité de la requête et que la Cour a compétence pour examiner les demandes, nous faisons les constatations suivantes :
1. Le défendeur a violé les articles 3, 5, 6, 7(1) (a) et (d) et 26 de la Charte.

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2. Point n’est besoin de tirer une conclusion au sujet de la violation alléguée de l’article 14 de la Charte du fait que la question est sans intérêt pratique.
3. Le constat judiciaire d’une violation équivaut en soi à une forme de réparation.
4. Le défendeur doit prendre des mesures pour évaluer et traiter toute lacune éventuelle survenant dans la mise en œuvre de la loi sur les droits et devoirs fondamentaux et y remédier.
Opinion individuelle : NGOEPE
1. Certes, je souscris à la conclusion dégagée par la majorité. Toutefois, je pense qu’il est nécessaire d’exprimer mon point de vue sur la décision prise sur la recevabilité de la déposition de Prof. Ye Cr Yk, professeur de droit à l’Université de Dar es-Salaam, que le requérant entendait citer comme témoin expert.
2. Je fais partie de la minorité qui s’est prononcée contre cet arrêt. Avec tout le respect qui est dû, je m'inscris toujours en faux contre la décision prise par la majorité sur ce point et je partage et soutiens la position défendue dans l’opinion dissidente des Juges S. A.B. Akuffo - Présidente, Thompson et X AM, qui est jointe à la décision de la majorité.
3. Je souscris également aux raisons avancées dans l'opinion dissidente de la minorité, jointe à la décision de la majorité. Je ne vais donc pas m'’attarder davantage sur la question de la recevabilité des dépositions des témoins, à l'exception de quelques observations.
4. L’objection à la déposition du professeur au motif qu’il n’est pas un expert ne peut pas tenir :
4.1. Ce type d’argument ne peut être avancé qu’après la déposition du témoin et se fonder sur celle-ci pour le qualifier d'expert ou non.
4.2. Si la Cour estime qu’il ou elle n'est pas un expert, les preuves qu’il présente seront rejetées.
4.3. Si la Cour estime que c’est un expert, la prochaine étape consistera à décider du poids, le cas échéant, à accorder à sa déposition.
5. Il est donc difficile de comprendre comment on peut avancer l’argument qu’un témoin n’est pas un expert, avant de lui avoir donné l’occasion de prouver qu’il est expert ou qu'il ne l’est pas ; certainement pas, même sur la base d’un Curriculum vitae.

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Opinion dissidente : OUGUERGOUZ
1. J'ai voté contre le dispositif de l’arrêt car je considère que la requête de Monsieur Ah Xs Aa a satisfait à la condition de l'épuisement des voies de recours internes posée par l’article 56(5) de la Charte africaine et qu’elle est en conséquence recevable.
2. Cette question de l'épuisement des voies de recours internes doit en l'espèce être appréciée à la lumière des droits dont la violation est alléguée par le requérant.
3. Dans sa requête, le requérant, qui a été détenu du 26 octobre 2007 au 13 mai 2013,! allègue notamment la violation de son droit fondamental à la liberté, tel que garanti par la Constitution tanzanienne, ainsi que la violation à son égard de certaines dispositions du Code de procédure pénale tanzanien relatives à l'arrestation, la détention,
4. Bien que le requérant n’ait expressément mentionné aucune disposition de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ou d’un autre instrument juridique international ratifié par la Tanzanie, il ne fait aucun doute que les violations qu’il allègue concernent notamment son droit à la liberté ainsi que son droit à un procès équitable.
5. Il convient de faire observer ici que, dans sa lettre du 20 février 2012, en réponse à une lettre du Greffier de la Cour en date du 13 février 2012 lui demandant de montrer qu’il avait épuisé les voies de recours internes, le requérant a indiqué que la procédure d’examen de sa plainte était anormalement longue et qu’elle était contraire à l’article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après, la « Charte africaine »), dont il a cité le texte intégral dans sa lettre.
6. Dans sa Réplique en date du 15 mai 2013, le Conseil du requérant a également invoqué les articles 3, 5, 6, 7(1), 14 et 26 de la Charte africaine (Réplique, para. 4).
7. Dans sa Duplique en date du 23 juillet 2013, l'Etat défendeur a qualifié l’invocation de ces dispositions de la Charte africaine par le requérant de « nouveaux faits » ou de « nouvelles questions » qui n’ont pas été plaidés ou invoqués dans la requête initiale (Duplique, paras. 5 et 16).
8. C’est là une qualification à laquelle je ne saurais souscrire dans la mesure où, en invoquant certains articles de la Charte africaine, le requérant ne fait qu’expliciter les droits prétendument violés par l'Etat défendeur et renvoyer aux dispositions de la Charte africaine qui les garantissent.
9. Ce faisant, le requérant ne fait rien de plus que répondre à l'exception préliminaire de l’Etat défendeur tirée de l'absence de référence dans la requête à un instrument juridique international auquel
1 Ce qui correspond à une période de détention de 5 années, 6 mois et 18 jours.
2 « the Applicant has pleaded/sought new reliefs which were not pleaded in the original Application » (Duplique, para. 16).

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il est partie. C’est d’ailleurs ce que l'Etat défendeur semble admettre implicitement lorsqu'il conclut à propos de cette mention des articles de la Charte africaine que « [t]jhis also will prejudice the Preliminary objection raised by the Respondent in the reply to the effect that the jurisdiction of the Court cannot be moved by citing provisions of the Constitution of the Ad Cb AP Cd alone [...] » (Duplique, para. 5 in fine).
10. L’invocation par le requérant d’une violation par l'Etat défendeur de l’article 7 de la Charte africaine n’était pas sans entraîner des conséquences importantes sur le contenu de l'arrêt que la Cour était appelée à rendre. L'article 7 consacre en effet le droit de l'individu à un procés équitable et ce droit est généralement défini par référence à un nombre plus ou moins important de garanties ou exigences procédurales. Dans le catalogue des droits de la personne humaine, ce droit fait en conséquence l’objet d’une des plus longues formulations, si ce n’est la plus longue, comme en témoignent l’article 7 de la Charte africaine et l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
11. Il s’agit là d’un droit procédural par excellence car il est garant de l’effectivité de tous les droits substantiels consacrés par la Charte africaine. C’est le seul droit de la personne dont le respect effectif conditionne à son tour l’effectivité du contrôle de la mise en oeuvre de tous les autres droits consacrés par la Charte africaine.
12. C’est en effet aux États parties et à leurs appareils exécutifs et législatifs qu’il appartient en premier lieu d'assurer l'application effective des dispositions de la Charte africaine ; en cas de violation de leurs obligations, c'est à leurs appareils judiciaires qu’il appartient au premier chef de redresser la situation. Ce n’est qu’après l’échec des procédures judiciaires internes, et donc à titre subsidiaire, que la Charte africaine et son Protocole (comme d’ailleurs tous les autres traités internationaux relatifs aux droits de l'homme) prévoient l'intervention des organes qu’ils instituent.
13. La règle de l'épuisement des voies de recours internes fait ainsi du droit à un procès équitable une espèce de « droit charnière » ou de « droit pivot », un droit qui sert d’une certaine manière d’interface entre les ordres juridiques internes et l’ordre juridique international. C’est donc le poids qualitatif de ce droit qui explique en grande partie le poids quantitatif qu’il occupe dans la Charte africaine et les autres conventions internationales de protection des droits de l'homme.
14. En son article 7, la Charte africaine définit ce droit dans les termes qui suivent :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :
a) le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ;
b) le droit à la présomption d’innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;
c) le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ;

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d) le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale.
2. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n’a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise. La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant ».
15. Depuis son établissement en 1987, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après, la « Commission africaine ») n’a pas manqué d'interpréter extensivement cette disposition et lui a même consacré une résolution entière. Lors de sa 11eme Session Ordinaire (Tunis, Tunisie, 2 au 9 mars 1992), elle a en effet adopté une résolution intitulée « Résolution sur la procédure relative au droit de recours et à un procès équitable »* et dans laquelle elle considère notamment que :
« 2. [Ie droit à un procès équitable comprend, entre autres, ce qui suit :
a) Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue et tous les individus sont égaux devant les juridictions pour la détermination de leurs droits et obligations ;
b) Les personnes arrêtées seront informées lors de leur arrestation, et dans une langue qu’elles comprennent, des motifs de leur arrestation ; elles devront également être rapidement informées de oute retenue contre elles ;
c) Les personnes arrêtées ou détenues comparaîtront rapidement devant un juge ou tout autre responsable légalement investi d’un pouvoir judiciaire ; soit elles auront droit à un procès équitable dans un délai raisonnable, soit elles seront relaxées ;
d) Les personnes accusées d’un délit pénal sont présumées innocentes jusqu’à l'établissement de la preuve du contraire par un tribunal compétent ;
e) Dans la détermination des chefs d’inculpation contre les individus, ces derniers auront le droit :
i) De disposer suffisamment de temps et de facilités pour la préparation de leur défense, et de pouvoir communiquer, en toute discrétion avec un avocat de leur choix ;
il) d’être jugé dans les délais raisonnables ;
iii) d’interroger les témoins à charge et de pouvoir convoquer et interroger les témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
iv) de bénéficier de l'assistance gratuite d’interprète s'ils ignorent la langue utilisée par la Cour.
3. Les personnes accusées d’un délit auront le droit de faire appel devant une juridiction supérieure ».
3 Lors de sa 52ème Session ordinaire, tenue du 9 au 22 octobre 2012 à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), la Commission a également adopté une résolution intitulée « Résolution sur la nécessité d'élaborer des lignes directrices sur les conditions de la garde à vue et de la détention préventive en Afrique » et a chargé son Rapporteur spécial sur les prisons et les conditions de détention en Afrique d'élaborer de telles lignes directrices ainsi que des outils pour sa mise en œuvre effective

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16. La Cour pourrait donc utilement s'inspirer de cette déclaration et de la jurisprudence de la Commission africaine aux fins de l'interprétation et de l'application de l’article 7 de la Charte africaine. Les articles 60 et 61 de la Charte africaine relatifs aux principes applicables autorisent également la Cour à s'inspirer des dispositions pertinentes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que de l'interprétation qui en a été faite par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies.
17. Je soulignerais ici que, dans la présente espèce, la Cour a été saisie de la violation alléguée de plusieurs droits du requérant, dont son droit à un procès équitable. Il était donc difficile pour la Cour d’examiner l'exception d’irrecevabilité soulevée par l'Etat défendeur relativement à l'épuisement des voies de recours internes sans connaître du fond de l'affaire concernant le droit susmentionné.
18. Concernant maintenant cette règle de l'épuisement des voies de recours internes, il est vrai que, comme l’a à juste titre souligné l'Etat défendeur tant dans ses écritures qu’à l’audience, « the exhaustion of local remedies is a fundamental consideration in the admissibility test » (Mémoire en réponse, para. 49 ; Am Bz, 2 December 2013, p. 8, lignes 33-34). La Cour en a également convenu aux paragraphes 142-144 de l'arrêt en s'appuyant sur la jurisprudence constante de la Commission africaine en la matière.
19. La Commission africaine a ainsi très tôt souligné que
« [Ia condition relative à l'épuisement des voies de recours internes est fondée sur le principe qu’un gouvernement devrait être informé des violations des droits de l'homme afin d’avoir l’opportunité d’y remédier avant d’être appelé devant une instance internationale ».*
Selon elle encore, la condition de l'épuisement des recours internes assure
« que la Commission africaine ne devienne pas un tribunal de première instance, une fonction qui ne lui est pas dévolue et pour laquelle elle ne dispose pas de moyens adéquats ».5
20. Cette règle doit toutefois être appliquée avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif, étant donné le contexte de protection des droits de l’homme. || est donc généralement admis que certaines circonstances particulières peuvent dispenser le requérant de l'obligation d’épuiser les voies de recours internes qui s'offrent à lui.
21. Se référant tant à la lettre qu’à l’esprit de l’article 56(5) de la Charte africaine, la Commission a ainsi déclaré recevable un grand nombre de communications sur la base de ce qui a été désigné comme « the
4 Communications No. 25/89, 47/90, 56/91, 100/93 (1995) (Jointes), Free B Assistance Group, Lawyers Committee for AI AJ, Union Interafricaine des Droits de l'Homme, Les Témoins de Bu c. Zaire, paragraphe 45 de la décision adoptée par la Commission en octobre 1995 durant sa 18th Session ordinaire, tenue à Praia (Cap Vert).
5 Communication No. 74/92, Commission nationale des droits de l'Homme et des libertés c. Tchad, paragraphe 28 de la décision adoptée par la Commission en octobre 1995 durant sa 18th Session ordinaire, tenue à Praia (Cap Vert).

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principle of constructive exhaustion of local remedies ».° Elle a par exemple déclaré des communications recevables en raison du fait que la procédure s’était anormalement prolongée.
22. Dans sa décision relative à la communication Sir Yi An Ca AL Bl, la Commission a considéré que les recours internes ne devaient pas seulement exister mais qu’ils devaient également être « disponibles, efficaces et satisfaisants ». Elle considère le recours comme « disponible » lorsque l’auteur de la communication peut l’introduire sans empêchement, comme « efficace » lorsqu'il offre des chances de succès et comme « satisfaisant » lorsqu’il permet de réparer la violation alléguée.”
23. Dans la pratique de la Commission africaine et des autres organes judiciaires et quasi-judiciaires internationaux, il est tenu compte non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique interne, mais également du contexte juridique et politique général dans lequel ils se situent ainsi que de la situation personnelle du requérant.
24. En l'espèce, il appartenait à la Cour d'examiner en particulier si les voies de recours offertes au requérant étaient « efficaces » et ce, par une répartition équitable du fardeau de la preuve entre le requérant et
25. Dans la jurisprudence de la Commission africaine, de la Commission interaméricaine et de la Cour européenne, c’est à l'Etat défendeur qui invoque le non-épuisement des voies de recours internes, qu’il appartient de prouver que le requérant n’a pas utilisé une voie de recours qui était à la fois disponible et effective ; le recours doit en effet être susceptible de remédier aux griefs en cause et d’offrir une chance raisonnable de succès à la victime de la violation alléguée.
26. Ainsi selon la Cour européenne,
« l’article 35 $ 1 de la Convention prévoit une répartition de la charge de la preuve. Pour ce qui concerne le Gouvernement, lorsqu'il excipe du non- épuisement, il doit convaincre la Cour que le recours était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c'est-à-dire qu’il était accessible, était susceptible d'offrir au requérant le redressement de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès ».8
27. Une fois que le gouvernement concerné s’est acquitté de cette obligation en montrant qu’il existait encore une voie de recours appropriée et effective, accessible au requérant, il appartient à ce dernier de démontrer que, soit cette voie de recours a en fait été
6 Communication No. 232/99, John D. Bc c. Bd, paragraphe 19 de la décision adoptée par la Commission à sa 28th Session ordinaire tenue à Ac AKXyAS, du 20 octobre au 6 novembre 2000 ; voir aussi Communication No. 288/2004, Cf Bq c. Republique du Zimbabwe, paragraphes 49, 63, 66, 74-77 de la décision adoptée par la Commission durant sa 51eme Session ordinaire tenue à Cv AKBl) du 18 avril au 2 mai 2012.
7 Communications 147/95 et 149/96, Sir Yi An Ca AL Bl, paragraphes 31 et 32 de la décision adoptée par la Commission le 11 mai 2000 durant sa 270me session ordinaire tenue à Alger (Algérie).
8 Affaire Xj c. Italie (No. 2), requête No. 10249/03, Grande Chambre, Arrêt du 17 septembre 2009, para. 71

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épuisée, soit qu’elle était pour une raison ou pour une autre inappropriée et ineffective.
28. La Cour européenne permet également au requérant d’invoquer certaines circonstances particulières le dispensant de cette exigence comme par exemple la passivité totale des autorités nationales face à des allégations sérieuses selon lesquelles des agents de l'Etat ont commis des fautes ou causé un préjudice, par exemple lorsqu'elles n’ouvrent aucune enquête ou ne proposent aucune aide. Dans ces conditions, la charge de la preuve se déplace à nouveau, et c'est à l'Etat défendeur de montrer quelles mesures il a prises eu égard à l'ampleur et à la gravité des faits dénoncés.
29. En bref, ce qu’il faut déterminer ici est si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l'espèce, le requérant a fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes disponible dans le système judiciaire de l'Etat défendeur.
30. J'estime que dans la présente espèce le requérant a effectivement fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours disponibles dans l’ordre juridique interne tanzanien et que l’Etat défendeur n’a pour sa part pas apporté la preuve que le requérant n’a pas utilisé une voie de recours qui était à la fois « disponible et effective ».
31. Dans les motifs du présent arrêt, la Cour a formulé ses conclusions relativement à cette question fondamentale dans cinq paragraphes (paras. 141, 145, 148, 151 et 152), en se concentrant exclusivement sur le comportement du requérant. Elle n’a pas procédé, comme elle aurait dû le faire, à une évaluation du comportement des autorités judiciaires de l'Etat défendeur et, ce faisant, elle n’a pas réparti équitablement le fardeau de la preuve entre les Parties à l'instance.
32. C’est ce que je me propose de montrer dans les développements qui suivent ; je le ferais en insistant particulièrement sur les échanges fournis de correspondances entre le Greffe de notre Cour et le requérant, relativement à cette question de l'épuisement des voies de recours internes.
33. La requête a été reçue au Greffe de la Cour le 30 septembre 2011 ; elle n’a toutefois été enregistrée qu’à la fin du mois de février 2012 et n’a été communiquée à l'Etat défendeur que le 27 juin 2012, soit près de 9 mois après sa réception. Un tel délai s'explique notamment par le fait que le requérant a été à plusieurs reprises invité à montrer que les exigences de l’article 34 du Règlement de la Cour étaient remplies.
34. Le Greffier a en effet accusé réception de la requête par lettre du 4 octobre 2011, dans laquelle il a invité le requérant, aux fins d'enregistrement de sa requête, à montrer que les exigences de l’article 34 du Règlement de la Cour étaient bien remplies en l’espèce.

470 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
35. Par lettre datée du 20 octobre 2011,° le requérant a répondu que sa requête satisfaisait à ces exigences et a proposé de le prouver en fournissant les copies d’une dizaine de documents dont quelques lettres adressées au Ministre de l’Intérieur, au Ministre de la Justice, à la Commission nationale des droits de l'homme et de la bonne gouvernance, et au Procureur général de Tanzanie, ainsi que les réponses apportées à ces lettres.
36. Le 13 février 2012, le Greffier de la Cour a accusé réception de ladite lettre et, aux fins d’enregistrement de la requête, a demandé au requérant de montrer que les exigences du paragraphe 4 de l’article 34 du Règlement de la Cour, «et en particulier l'épuisement des voies de recours internes », étaient satisfaites.
37. Le requérant a répondu à cette demande par lettre en date du 20 février 2012, reçue au Greffe le 22 février 2012. Dans cette lettre manuscrite, signée par apposition d’une empreinte digitale, le requérant a indiqué qu’il a informé de la violation de ses droits le Ministre de l'Intérieur, le Ministre de la Justice et le Procureur général de Tanzanie mais que ces derniers n'avaient encore entrepris aucune action. Il a précisé que les lettres en réponse reçues de ces derniers, les 27 février 2008, 9 janvier 2009 et 28 septembre 2010, respectivement, apportaient «la preuve de la prolongation anormale de tels recours internes ».
38. Il a en outre précisé avoir saisi, en procédure d’urgence (« Supported by certificate of urgency »), la High Court de Tanzanie à Bj de la violation de ses droits constitutionnels (Criminal Application No. 16 of 2011 reçue par le Greffier de district le 19 mai 2011) mais que sa demande n’avait pas été examinée en raison de l'absence du quorum de trois (3) juges requis par le AH AJ and Duties Enforcement Act No. 33 of 1994 (An Act to provide for the procedure for enforcement of constitutional AH AJ, for duties and
39. Il a conclu que la « procédure d’examen de sa plainte était « anormalement longue » et qu’elle était donc contraire à l’article 7 de la Charte africaine dont il a cité le texte intégral dans sa lettre.
9 Cette lettre a été reçue au Greffe de la Cour le 13 février 2012, soit près de quatre mois plus tard.
10 Voir le paragraphe 1 de sa Section 10 intitulée « Constitution of the High Court » et qui dispose que : « For the purposes of hearing and determining any petition mad under this Act including references made to it under section 9, the High Court shall be composed of three Judges of the High Court, save that the determination whether an application is frivolous, vexatious or otherwise fit for hearing may be made by a single judge of the High Court ». La Section 9, intitulée « Where a matter arises in a subordinate court », dispose pour sa part ce qui suit : « Where in any proceedings in a subordinate court any question arises as to the contravention of any of the provisions of sections 12 to 29 of the Constitution, the presiding Magistrate shall, unless the parties to the proceedings agree to the contrary or the Magistrate is of the opinion that the raising of the question is merely frivolous or vexatious, refer the question to the High Court for decision; save that if the question arises before a Bs As, the Magistrate shall refer the question to the Court of a resident Magistrate which shall determine whether or not there exists a matter for reference to the High Court”.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 471
40. Par lettre du 27 février 2012, le Greffier de la Cour a informé le requérant que sa requête avait été enregistrée ; ce n’est que quatre (4) mois plus tard, le 27 juin 2012, que la requête a été communiquée à l'Etat défendeur, conformément à une décision prise en ce sens par la Cour lors de sa 25eme session ordinaire (1126 juin 2012).
41. Par lettre du 25 avril 2012, le Greffier de la Cour a demandé au requérant de lui communiquer copie des lettres et de tout autre document, y compris des jugements, démontrant qu’il avait bien épuisé les voies de recours internes.
42. Dans sa réponse manuscrite en date du 2 mai 2012, le requérant a rappelé que la High Court de Tanzanie à Bj n’avait pas toujours pas constitué le quorum de trois (3) juges requis par le AH AJ and Duties Enforcement Act No. 33 of 1994 susmentionné et avait donc violé l’article 30(3) de la Constitution. "!
43. Le requérant a également souligné qu’il a introduit un recours devant la High Court de Tanzanie aux fins de faire respecter ses droits fondamentaux garantis par la Constitution et qu’il était détenu depuis cinq (5) années. Il a en outre souligné qu’en dépit des promesses faites par le Ministère de l'Intérieur, le Ministère de la Justice et le Procureur général de Tanzanie, aucune action n’avait encore été entreprise.
44. || a enfin indiqué qu’il n’avait toujours pas reçu copie du mandat de perquisition (« Search warrant ») et du procès-verbal de saisie (« Certificate of seizure ») de son véhicule et de son équipement audio/ video/studio, qu’il avait demandé au Regional Crime Officer d’Bj par une lettre en date du 18 janvier 2011.
45. Par lettre en date du 21 mai 2012, le Greffier de la Cour a demandé au requérant les copies de sa lettre du 19 février 2012 adressée au Ministre de l’intérieur et copiée à la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance de Tanzanie, de ses deux lettres des 8 février 2010 et 15 juillet 2010 adressées à l’Bg Yg’s Chambers, Public Prosecution Division, de la réponse reçue le 5 octobre 2011 à son recours Criminal Application No. 16 of 2011 introduit devant la High Court de Tanzanie‘? ainsi que de tout autre document qu'il souhaiterait produire.
46. Le requérant a répondu par lettre datée du 25 mai 2012, en réitérant le fait que la High Court de Tanzanie n’avait toujours pas constitué le quorum de trois (3) juges nécessaire pour l'examen de sa Criminal Application No. 16 of 2011 ; il a joint à sa lettre les copies des trois lettres demandées, à savoir :
11 Le paragraphe 3 de l’article 30 de la Constitution tanzanienne de 1977 prévoit que « Any person claiming that any provision in this part of this Chapter or in any law concernng his right or duty owed to him has been, is being or is likely to be violated by any person anywhere in the Ad Cb, my institute proceedings for redress in the High Court ».
12 Dans ce recours introduit le 19 mai 2011 contre l'Attorney General de Tanzanie et relatif aux affaires criminelles pendantes devant la High Court de Tanzanie à Bj, le requérant alléguait la violation par la Police des articles 13(1), 14, 15(1) (2) et 30 (3) de la Constitution, et la violation des Sections 13(1) (a) et (b), (3)(a), (b) et (c), 32(1), (2) et (3), 33, 50(1) et 52(1) et (2) du Code de procédure pénale.

472 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
- sa lettre du 19 février 2008, adressée au Ministre de l’intérieur, avec copie à la Commission des droits de l'homme et de la bonne gouvernance de Tanzanie, dans laquelle il se plaignait des agissements de Monsieur Ap Bi, Commandant de la Division des enquêtes criminelles du District d’Bj ; 13
« sa lettre du 8 février 2010 adressée à l’Bg Yg’s Chambers, Public Prosecutions Division, dans laquelle il prétendait que les poursuites dans les affaires criminelles No. 912/2007, No. 931/2007, No. 933/2007, No. 1027/2007, No. 1029/2007 et No. 883/2008, avaient été engagées contre lui illégalement, c’est-à-dire en l'absence de rapport des services de police ou du Département en charge des affaires criminelles ; 14 et de
« sa lettre du 15 juillet 2010, également adressée à l'Attorney General’s Chambers, Public Prosecutions Division, dans laquelle le requérant, se référant à la Criminal Application No. 6 of 2010 introduite sur la base de l’article 90(1)(c)(4) du Code de procédure pénale, demandait la fin des poursuites dans les affaires criminelles No. 915/2007, No. 931/ 2007, No. 933/2007, No. 1027/2007, No. 1029/2007, No. 883/2008, No. 712/2009 et No. 716/2009 ; à l'appui de sa demande, il soutenait que les poursuites devaient être engagées sur la base de faits concrets et suffisamment détaillés et que le Director of Public Prosecution ne pouvait en tout état de cause pas le poursuivre du moment qu'il n'existait pas de « First Information Reports » le mettant en cause, qu’il n'avait pas été interrogé par un officier de police conformément aux Sections 50(1) et 51(1) du Code de procédure pénale, qu’il était détenu en violation des Sections 32 et 33 du Code de procédure pénale, et qu’il avait été détenu quatorze (14) jours, entre le 26 octobre 2007 et le 8 novembre 2007, sans que l'officier de police ait fait rapport au juge compétent ; le requérant demandait en conséquence au Director of Public Prosecution de veiller à ce que la procédure ne souffre d'aucun abus.
47. A sa correspondance du 25 mai 2012, le requérant a également annexé les copies de :
« la réponse faite le 27 février 2008 par le Ministre de l'Intérieur à sa lettre du 19 février 2008, l'informant que son dossier était en cours d'examen et qu’il sera informé des suites qui seront données à ses plaintes ;
« la réponse faite le 25 mars 2008 par la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance de Tanzanie à sa lettre du 19
13 Monsieur Bi aurait abusé de sa position et aurait illégalement saisi son véhicule et son équipement audio/vidéo/studio sous prétexte que cet équipement aurait été volé. Monsieur. Bi l’aurait également à tort accusé d’un meurtre et de quatre vols à main armé (affaires criminelles No. 915/2007, No. 931/2007, No. 933/2007, No. 1027/2007 et No. 1029/2007). Dans cette lettre, il invoquait la violation de ses droits constitutionnels à la protection de sa liberté, de sa personne, de sa propriété et au respect par la Police d’une procédure équitable relativement à l'enquête et à
14 Dans cette lettre, le requérant prétendait également que les affaires No. 712/2009 et No. 716/2009 avaient été montées de toutes pièces par le Responsable des poursuites de la région d’Bj et qu’elles avaient été enregistrées alors qu’il était absent de la Cour. || informait en outre l’Bg Yg’s Chambers, Public Prosecutions Division, qu’il avait décidé de saisir la High Court de Tanzanie à Bj sur la base de l’article 90(1)(c)(4) du Code de procédure pénale, et ce, aux fins d’examiner les raisons pour lesquelles il avait été inculpé en l'absence de rapport de police.

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février 2008, lui conseillant de suivre le traitement de son dossier par le Ministère de l'Intérieur qui en était déjà saisi ;
sa lettre du 22 décembre 2008 au Ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles, dans laquelle il se plaignait d’avoir été inculpé en l’absence de tout rapport de police et lui demandait son assistance dans le traitement de ses plaintes ;
la réponse faite le 9 janvier 2009 par le Ministère de la Justice et des Affaires constitutionnelles à sa lettre du 22 décembre 2008, lui conseillant de suivre le traitement de son dossier par le Ministère de l'Intérieur qui en était déjà saisi ;
sa lettre du 18 septembre 2009 au Ministre de l'Intérieur l’informant qu’en l’absence de réponse aux plaintes portées à son attention par sa lettre du 19 février 2008, il allait saisir les tribunaux ; le priant de se référer aux Registres des archives criminelles (« Criminal Record Offices ») des districts d’Bj et d’Arumeru pour l’année 2007, qui selon lui ne contenaient aucun rapport concernant les crimes qu’il aurait commis ou la saisie de ses biens ; et soulignant que Monsieur Bi abusait de sa position en le maintenant illégalement en détention et en retenant illégalement sa propriété ;
sa lettre du 8 février 2010 au Ministre de l'Intérieur, rappelant sa précédente lettre du 19 février 2008 et lui demandant une nouvelle fois son assistance dans le traitement de ses plaintes ;
la réponse de l’Bg Yg's Chambers, Public Prosecutions Division, en date du 30 mars 2010, dans laquelle il informait le requérant qu’il s'était mis en contact avec son bureau d’Bj « aux fins de s’enquérir de la situation et de prendre toute décision dans l'intérêt de la justice »;
la lettre de l’Bg Yg's Chambers, Public Prosecutions Division, en date du 28 septembre 2010 et en réponse à la lettre du requérant du 15 juillet 2010, dans laquelle il informait ce dernier que son dossier était en cours d’examen, lui demandait de faire preuve de patience et lui promettait de le tenir informé de tout progrès dans le traitement de son dossier ;
sa lettre du 18 janvier 2011 au Regional Crime Officer d’Bj, lui demandant les copies du mandat de perquisition (« Search warrant ») et du procès-verbal de saisie (« Certificate of seizure ») de son véhicule et de son équipement audio/vidéo/studio ;
son recours contre l’Bg Yg de la République Unie de Tanzanie, introduit le 19 mai 2011 devant la High Court de Tanzanie à Bj (Criminal Application No. 16 of 2011) alléguant la violation par la Police de certains de ses droits garantis par les articles 13(1) et 15(1) et (2)(a) de la Constitution et les Sections 13(1) (a) et (b), (3)(a), (b) et (c), 32(1), (2) et (3), 33, 50(1) et 52(1) et (2) du Code de procédure pénale, et demandant une déclaration au titre de la partie Ill du Chapitre 1 de la Constitution tanzanienne ;
sa lettre du 29 juin 2011 au Juge en charge (« Resident Judge ») à la High Court de Tanzanie à Bj, lui demandant la constitution du panel de trois (3) juges aux fins d’examen de son recours Criminal Application No. 16 of 2011 ;;
sa lettre du 14 novembre 2011 au Greffier de district (« District Registrar ») de la High Court de Tanzanie à Bj, lui demandant la date d’audition de son recours Criminal Application No. 16 of 2011 ;
l’Ordonnance rendue le 16 novembre 2010 par un juge de la High Court de Tanzanie à Bj, rayant du rôle le recours Criminal

474 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Application No. 6 of 2010, celui-ci ayant a été déclaré irrecevable car fondé sur une disposition du Code de procédure pénale qui a été abrogée, en l’occurrence la Section 90(1)(c)(4) ; et
« d'une exception préliminaire (« Notice of preliminary objection ») soulevée par l’Bg Yg, ainsi que de la Réponse au fond de ce dernier, et d’un « Counter Affidavit » relativement au recours Criminal Application No. 16 of 2011.
48. Jusqu'à ce stade de la procédure devant la présente Cour, le requérant n’était assisté d'aucun conseil. Par lettre en date du 27 juin 2012, le Greffier a toutefois demandé à l’Union panafricaine des avocats (AO Xa Xq, ci-après le « PALU »), si elle était disposée à assister le requérant dans la procédure devant la Cour ; par lettre du 16 juillet 2012, le PALU a accepté d’offrir son assistance au requérant et, par lettre du 27 juillet 2012, ce dernier a accepté cette assistance. Par lettre du 14 août 2012, le Greffe a demandé à l’Etat défendeur de bien vouloir faciliter les contacts entre le requérant et son Conseil, en l’occurrence le PALU.
49. Le Mémoire en réponse de l'Etat défendeur est daté du 30 août 2012 et a été déposé au Greffe de la Cour le 3 septembre 2012 ; il a été communiqué au Conseil du requérant le 4 septembre 2012, lui demandant de répondre dans un délai de trente (30) jours.
50. Par lettre du 17 octobre 2012, le Conseil du requérant a informé le Greffe qu’il n'avait toujours pas été autorisé à visiter le requérant à la prison d’Bj aux fins de recueillir ses instructions pour la bonne préparation de sa Réplique au Mémoire en réponse de l’Etat défendeur ; il a conséquence demandé une prorogation de trente (30) jours du délai imparti pour le dépôt de ladite Réplique.
51. Après quelques lettres de rappel, la Réplique du requérant, en date du 15 mai 2013, a finalement été déposée au Greffe le 16 mai 2013. Au vu des circonstances de l’espèce, la Cour a décidé de considérer cette Réplique comme étant régulièrement déposée et à autorisé l'Etat défendeur à déposer une Duplique si celui-ci le souhaitait. La Duplique de l'Etat défendeur, en date du 25 juillet 2013, a été déposée au Greffe le 2 août 2013.
52. À la lumière de ce bref survol des documents fournis à la Cour par le requérant pour montrer qu’il avait épuisé les recours internes disponibles et efficaces, il apparaît prima facie que la procédure de ces recours s’est prolongée anormalement. Le requérant a non seulement introduit des recours judiciaires devant la High Court de Tanzanie, mais a également saisi certaines autorités administratives, telles que le Ministère de la Justice ou la Commission nationale des droits de l'homme et de la bonne gouvernance ; cette dernière, à laquelle la Constitution confère pourtant des prérogatives étendues en matière de traitement de plaintes,‘ s’est contentée de renvoyer le requérant au Ministère de l'Intérieur de Tanzanie.
15 En effet, aux termes de l’article 130 de la Constitution de 1977, la Commission peut notamment exercer les fonctions suivantes :
« b) to receive complaints in relation to violation of AI AJ in general;

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53. Le requérant a également signalé certaines anomalies dans le déroulement de la procédure devant les juridictions internes telles que l'absence de quorum de trois (3) juges à la High Court de Tanzanie aux fins d'examen de son recours.
54. |! apparaît donc que le requérant, de surcroît détenu, indigent, vraisemblablement analphabète et sans être assisté d’un avocat, a fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes de l'Etat défendeur.
55. Comme nous l’avons indiqué plus haut aux paragraphes 25-28, c’est en conséquence à l'Etat défendeur de montrer à la présente Cour que le requérant disposait de voies de recours internes accessibles et efficaces.
56. Dans ses écritures et à l’audience, l’Etat défendeur s’est toutefois contenté de souligner l'existence de recours internes encore ouverts ; il ne s’est pas appliqué à montrer leur efficacité.
57. Dans son Mémoire en réponse, l’Etat défendeur a admis dans les termes qui suivent que le requérant a introduit plusieurs recours :
« since the arrest of the applicant and prior to filing this application in the Cc As, the applicant made several applications (petitions) in the High Court of Cd in Bj Br whereby he was contesting the very same issues brought before this Yf As, being : the right to personal freedom and the right to property » (para. 25).
58. Concernant le recours Criminal Application No. 7 of 2007, rejeté par la High Court en raison de son caractère prématuré, l'Etat défendeur a indiqué que « the available B remedy was for the applicant to appeal to the Court of Appeal of Cd » et a cité les dispositions constitutionnelle et législative relatives aux fonctions de la Cour d’appel (Mémoire en réponse, para. 27). Il a conclu que « the applicant did not pursue any of the available B remedies. This being the case it can not pe that local remedies were exhausted » (Mémoire en réponse, para. 29).
59. Concernant le recours Criminal Application No. 47 of 2010, rejeté par la High Court parce qu’il aurait été « mal introduit » (« improperly filed »), l'Etat défendeur a indiqué que le requérant avait deux recours à sa disposition. Le premier recours serait de nature constitutionnelle car selon lui le requérant pouvait « reinstitute the matter under the proper jurisdiction being the Constitutional Court through the AH AJ and Duties Enforcement Act » (Mémoire en réponse, para. 33, c’est moi qui souligne). Le second recours disponible serait d’interjeter appel devant la Court of Appeal de Tanzanie (Mémoire en réponse, para. 34).
c) to conduct inquiry on matters relating to infringement of AI AJ and violation of principles of good governance; (...)
e) if necessary, to institute proceedings in court in order to prevent violation of AI AJ or to restore a right that was caused by that infringement of AI AJ, or violation of principles of good governance;
f) inquire into the conduct of any person concerned and any institution concerned in relation to the ordinary performance of his duties or functions or abuse of the authority of his office ».

476 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
60. L'Etat défendeur a réitéré cette position à l'audience du 4 décembre 2013.° Le premier recours mentionné ne semble pourtant pas disponible au requérant dans la mesure où, aux termes des articles 125 à 128 de la Constitution de 1977, la Cour constitutionnelle de Tanzanie ne peut être saisie que dans des cas tout à fait exceptionnels et pour le règlement de questions très spécifiques.
61. Là encore, sans aucune démonstration, l’Etat défendeur a conclu que « the applicant did not pursue this available B remedy. This being the case it can not be said that the local remedies available to the applicant were exhausted » (Mémoire en réponse, para. 35).
62. Concernant enfin les recours Criminal Application No. 78 of 2010, Criminal Application No. 80 of 2010 et Criminal Application No. 16 of 2011, tous trois retirés à l'initiative du requérant, l'Etat défendeur a souligné ce qui suit, et là encore sans démonstration quant à l'efficacité des recours : « a local remedy was available as withdrawal of an application does not mean its finality. The Applicant could have reinstated the matter. The Applicant did not pursue the matter. Therefore the Applicant did not exhaust this local remedy which was available to him » (Mémoire en réponse, paras. 38, 39 et 41).
63. De manière plus générale, à propos des affaires criminelles dont est l’objet le requérant, l'Etat défendeur a relevé que :
« [i]fthe Applicant is of the view that his Constitutional rights were infringed, there were and and still there are adequate avenues for redress which have been/are available to the Applicant, but have not been exhausted by the Applicant » (Duplique, para. 4);
ou encore que
«the local remedies are available and have been available to the Applicant. The local remedies are effective, adequate, fair and impartial » (Duplique, para. 13).
64. L'Etat défendeur a également fait observer que :
« The criminal cases are at various stages in the High Court of Bj Br, in the Ag Ay As AP Bj and in the District Court of Bj District. The said Courts have not conducted the hearing of the cases facing the Applicant to determine the fate of the Applicant as whether he is guilty or not of the offences/charges facing him. For the cases which are pending in the Ag Ay As and the District Court, the Applicant has to wait for the judgements of the courts of which if he is not satisfied has the remedy/right to appeal to the High Court of Cd as per Section 359(1) of the Criminal Procedure Act [...] » (Mémoire en réponse, para. 47).
Il à en outre relevé ce qui suit :
« The Applicant has in no manner demonstrated/proven that the local remedies have indeed failed him as he chose not to pursue them. Further,
16 « In Miscellaneous Criminal Application Number 47 of 2010, the High Court struck out the Application, the available B remedy included reinstating the matter and the proper jurisdiction being the Constitutional Court through the AH AJ and Duties Enforcement Act. Or to appeal against the decision of the Court to strike out the Application as per Section 4(1) of the Appellate Jurisdiction Act » (c'est moi qui souligne), Am Bz, 4 December 2013, page 31, lignes 7-11.

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the Applicant has not even faulted the system in his application. Indeed, the B system of Cd is very effective and sufficient, since the Constitution of the Ad Cb AP Cd provides/guarantees the independence of Ya in the exercise of its mandate » (Mémoire en réponse, para. 48).
Au vu des nombreux griefs exprimés par le requérant, il est pour le moins difficile de soutenir, comme l’écrit l’Etat défendeur au paragraphe 48 précité de son Mémoire en réponse que « the Applicant has not even faulted the system in his application ».
65. L'Etat défendeur n’a par ailleurs pas pu expliquer à la Cour la raison pour laquelle le quorum de trois (3) juges requis par le AH AJ and Duties Enforcement Act No. 33 of 1994 pour que la High Court de Tanzanie puisse se prononcer sur les recours du requérant, n'avait jamais été réuni.
66. A l'audience, en effet, à une question de la Cour relatif à la constitution de ce quorum, un conseil de l'Etat défendeur s’est contenté de répondre ce qui suit :
« With respect to the question as to whether there was a Need for a Quorum of Three Judges we submit that : Section 10(1) of The AH AJ Ax and Enforcement Act CAP 3 of the Laws of Cd, states that the High Court in hearing a Petition requires a three judge bench, save that for the purposes of making a determination as to whether the Application is frivolous, vexatious or otherwise fit for hearing it may be heard by a single judge. However. in this case, the single judge who terminated the petition in the absence of the Applicant did not make such a determination » (c'est moi qui souligne).
La règle est donc la constitution d’une formation de jugement de trois (3) juges et l’exception la nomination d’un juge unique ; le caractère frivole ou vexatoire du recours du requérant, qui pourrait justifier cette exception, n’a toutefois pas été établi par l'Etat défendeur.
67. En outre, concernant les relations entre les juridictions de l’ordre interne tanzanien et la Cour, l'Etat défendeur a soutenu ce qui suit :
« The Applicant is solliciting this Honourable Court to adjudicate on matters of local jurisdiction. If the Court proceeds to do so it will be in fact usurping the powers of the local municipal courts which is not the jurisdiction of the Honourable Court » (Mémoire en réponse, para. 49).
« Indeed the application before the Honourable Court is the Applicant's list of grievances with the administration of justice in relation to his ongoing cases in the municipal courts. We are of the strong belief that a body of the stature (of) the Cc As on Human and Peoples’ Rights was not established to adjudicate grievances of ongoing cases within the national jurisdiction of State parties » (Mémoire en réponse, para. 12).
68. Soutenir que la Cour ne peut pas connaître de questions en cours d'examen par des juridictions internes est se méprendre sur le véritable rôle de la Cour africaine. La Cour a en effet pour mission de contrôler la bonne exécution des obligations internationales souscrites par un Etat partie ; elle doit toutefois au préalable s'assurer que les juridictions internes de l'Etat aient été en mesure de remédier à la situation litigieuse. C’est là la raison d’être de la règle de l'épuisement des voies de recours internes et il entre dans les prérogatives de la Cour

478 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
d'apprécier, ni plus ni moins, si ces recours répondent à certaines exigences propres à en garantir l’effectivité.
69. Ainsi quant l'Etat défendeur soutient que certaines des affaires criminelles concernant le requérant « have been tried according to the laws governing the criminal proceedings in the Ad Cb AP Cd » (Duplique, para. 9(c)), cela ne suffit pas à exonérer sa responsabilité au titre des obligations internationales qu’il a librement acceptées et cela n'empêche pas non plus la Cour de vérifier que les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale, par exemple, sont conformes aux exigences des normes de droit international applicables à l'Etat défendeur.
70. Or, il s'avère que l’Etat défendeur n’a à aucun moment démontré, ni tenté de démontrer, que les garanties procédurales offertes au requérant étaient conformes à ces exigences, et en particulier à celles de l’article 7 de la Charte africaine.
71. À la lumière de ce qui précède il est clair que bien que les recours internes théoriquement accessibles au requérant n'aient pas été formellement épuisés, l'Etat défendeur n’a pas apporté la démonstration que lesdits recours étaient à la fois « disponibles et effectifs », c'est-à-dire que le requérant pouvait « concrètement » les mettre en cuvre et que ces recours étaient à même de produire le résultat pour lesquels ils ont été établis.
72. Dans les motifs du présent arrêt, la Cour a exposé sa position relativement à cette question fondamentale dans cinq paragraphes (paras. 141, 145, 148, 151 et 152), en se concentrant exclusivement sur le comportement du requérant. Elle n’a pas procédé, comme elle aurait dû le faire, à une évaluation du comportement des autorités judiciaires de l'Etat défendeur et n’a en conséquence pas réparti équitablement le fardeau de la preuve entre les parties à l’instance.- 19
-73. L’Etat défendeur n’a pas non plus apporté la démonstration que la durée des procédures internes était raisonnable eu égard aux circonstances de l'espèce, comme le prévoient par exemple la Charte africaine (article 7 : « droit d’être jugé dans un délai raisonnable ») et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 14 : « droit d’être jugé sans retard excessif »), auxquels est partie l'Etat défendeur. L'article 107A(2) de la Constitution tanzanienne de 1977 est également très clair sur ce point ; il prévoit en effet que :
« In delivering decisions in matters of civil and criminal matters in accordance with the laws, the Court shall observe the following principles, [...] (b) not to delay dispensation of justice without reasonable ground. [...] (e) to dispense justice without being tied up with technical provisions which may obstruct dispensation of justice ».
74. |1 ne suffit pas à l'Etat défendeur d’indiquer par exemple que « the Ya dispenses justice without being tied up with technical provisions which may obstruct dispensation of justice » (Duplique, para. 9(d)) ; il faut également qu’il le démontre relativement à chaque grief invoqué à cet égard par le requérant.
75. Là encore, j'estime que la Cour n’a pas réparti équitablement le fardeau de la preuve entre les parties et s’est montrée trop sévère à l'égard du requérant et pas assez à l'endroit de l'Etat défendeur (paras.

Aa c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RICA 413 479
124-127). Il me paraît donc impératif que la Cour définisse et applique des standards de preuve précis et plus équilibrés relativement à cette condition fondamentale qu’est l'épuisement des voies de recours internes.
76. Cette condition étant selon moi satisfaite dans la présente espèce, il convenait encore de s'assurer que la requête a été introduite dans « un délai raisonnable courant depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine » (article 40(6) du Règlement).
77. Contrairement aux allégations de l'Etat défendeur, il ne s’agit pas là d’une condition qui fait vraiment problème en l'espèce eu égard au libellé non restrictif du paragraphe 6 de l’article 40 du Règlement et à la pratique relativement libérale de la Cour en la matière. En tout état de cause, la date critique pour l'appréciation du caractère raisonnable du délai n’est pas, comme l’a indiqué l'Etat défendeur (Mémoire en réponse, para. 56, Am Bz, 2 December 2013, page 14, ligne 10), la date de son adhésion au Protocole, c’est-à-dire le 10 février 2006, ‘7 mais la date de dépôt de sa déclaration facultative de juridiction obligatoire prévue à l’article 34(6), c'est-à-dire le 9 mars 2010 ; c'est en effet seulement à cette date que les portes de notre Prétoire étaient ouvertes au requérant.
78. En conclusion, la requête de Monsieur Ah Xs Aa remplissait toutes les conditions de recevabilité prévues par l’article 56 de la Charte africaine et aurait en conséquence dû être examinée au fond par la Cour.
17 « Furthermore, the Ad Cb AP Cd deposited its instrument to the Court on 10th February 2006. Therefore the Court was in existence at the time the applicant withdrew or had his applications dismissed or struck out by the municipal courts. The applicant could therefore have instituted his application before this Honourable Court before the elapse of a period of six (6) months; rather he waited over a year to file his application before the Honourable Court » (Mémoire en réponse, para. 56).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 003/2012
Date de la décision : 28/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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