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04/10/2013 | CADHP | N°004/2013

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 04 octobre 2013, 004/2013


Texte (pseudonymisé)
320 RECUEIL DE JURISPRUDENCE
Ah Ag Aa C Ai
(2013) 1 RICA 320

DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Faso (mesures provisoires)

Ah Ag Aa C Ai Aj
Ordonnance portant mesures provisoires, 4 octobre 2013. Fait en anglais
et en français, le texte français faisant foi.
Juges B, NGOEPE, NIYUNGEKO, _ OUGUERGOUZ,
RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON, ORÉ, GUISSE, A et ABA
Le rédacteur en chef d’un journal avait été condamné à un an de prison et
à une amende pour diffamation. La Cour a conclu à la majorité
qu’ordonner la libération immédiate de M. Aa

préjugerait du fond de
l’affaire. La Cour n'a donc ordonné que des mesures provisoires portant
sur l'accè...

320 RECUEIL DE JURISPRUDENCE
Ah Ag Aa C Ai
(2013) 1 RICA 320

DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Faso (mesures provisoires)

Ah Ag Aa C Ai Aj
Ordonnance portant mesures provisoires, 4 octobre 2013. Fait en anglais
et en français, le texte français faisant foi.
Juges B, NGOEPE, NIYUNGEKO, _ OUGUERGOUZ,
RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON, ORÉ, GUISSE, A et ABA
Le rédacteur en chef d’un journal avait été condamné à un an de prison et
à une amende pour diffamation. La Cour a conclu à la majorité
qu’ordonner la libération immédiate de M. Aa préjugerait du fond de
l’affaire. La Cour n'a donc ordonné que des mesures provisoires portant
sur l'accès aux soins de santé et aux médicaments prescrits.
Compétence (compétence prima facie préalable à des mesures
provisoires, 13)
Mesures provisoires (libération, 19, 20 ; soins médicaux adéquats, 22)
Opinion individuelle : RAMADHANI, TAMBALA et THOMPSON
Mesures provisoires (libération, 1-4)
I Objet de la requête
1 Le requérant Ah Ag Aa, rédacteur en Chef de l'hebdomadaire du Ai Aj dénommé L’Ad, a introduit une requête datée du 14 juin 2013, reçue au Greffe de la Cour le 17 juin 2013, et enregistrée sous le numéro 004/2013.
2. Le requérant est représenté par les avocats Maître Yakaré Oulé (Nani) Jansen et Maître John R. W. D. Jones.
3. Le Tribunal de Grande instance de Ouagadougou se prononçant sur l’action pénale a condamné le requérant poursuivi pour diffamations à un an d'emprisonnement ferme et au paiement d’une amende de 1 500 000 FCFA (3 000 dollars EU). Se prononçant sur l’action civile, le même Tribunal dans le même jugement a condamné le requérant à payer aux parties civiles la somme de 4 500 000 FCFA pour les dommages et intérêts (9 000 dollars EU) et 250 000 FCA de frais de procédure (500 dollars EU).
4. Le requérant soutient que sa condamnation à une peine de prison, au paiement d’une amende substantielle de dommages civils et des frais de procédure violent son droit à la liberté d'expression, qui est protégé par les différents traités auxquels le Ai Aj est partie. En particulier, le requérant allègue la violation de ses droits en vertu de l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples,

Aa c. Ai Aj (mesures provisoires) (2013) 1 RJCA 320 321
et de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
5. Sur le fond, le requérant demande à la Cour ce qui suit
« 1. Dire pour droit que la condamnation du requérant, en particulier sa peine de prison ainsi que la condamnation à payer une amende importante, des réparations civiles et les frais de procédure, sont en violation du droit à la liberté d'expression 2. Constater que les lois du Ai Aj sur la diffamation criminelle et l’injure sont contraires au droit à la liberté d'expression ou, à défaut, dire pour droit que la peine d'emprisonnement pour diffamation constitue une violation du droit à la liberté d'expression, et ordonner au Ai Aj de modifier sa législation en conséquence 3. Ordonner au Ai Aj d’indemniser le requérant notamment pour compenser la perte de ses revenus et de ses profits et lui octroyer une réparation pour souffrance morale »
6. Dans sa requête, le requérant, immédiatement placé en détention sollicite en même temps les mesures provisoires « consistant à exiger du Ai Aj de procéder à sa libération immédiate, ou subsidiairement, de lui fournir des soins de santé adéquats »
Il Procédure devant la Cour
7. Par lettre en date du 10 juillet 2013, adressée au Conseil du requérant, le Greffier, a, en application du paragraphe 1 de l’article 34 du Règlement intérieur de la Cour (ci-après le Règlement), accusé réception de la requête
8. Par une autre lettre en date du 10 juillet 2013 adressée au Ministre des Affaires étrangères du Ai Aj, le Greffier a communiqué une copie du de la requête Dans à cette l’État même défendeur, lettre, en le application Greffier a demandé de l’article à 35(2) l'Etat défendeur Règlement d’indiquer, dans les trente (30) jours de la réception de la
requête, les noms et adresses de ses représentants conformément à l’article 35(4) du Règlement, et de répondre à la requête dans un délai de soixante (60) jours, conformément à l’article 37 du Règlement
9. Par une lettre en date du 10 juillet 2013, adressée au Président de la Commission de l’Union africaine, le Greffier lui a communiqué, et à travers lui, au Conseil Exécutif de l’Union africaine et aux autres Etats parties au Protocole portant création de la Cour (ci-après le Protocole) une copie de ladite requête, en application de l’article 35(3) du Règlement
10. Par Note verbale en date du 18 juillet 2013 adressée à la Cour, l'Ambassade du Ai Aj, Mission permanente auprès de l’Union africaine à Ac Ae, a accusé réception de la lettre du Greffier mentionnée au paragraphe précédent
II Compétence prima facie de la Cour
11. Comme cela a été indiqué plus haut (paragraphe 6), le requérant demande à la Cour d’ordonner des mesures provisoires
12. Lorsqu'elle examine une requête, la Cour doit s'assurer qu’elle a compétence pour connaître de l'affaire, en application des articles 3 et 5 du Protocole

322 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
13. Toutefois, avant d'indiquer des mesures conservatoires, la Cour ne doit pas s'assurer de manière définitive qu’elle a compétence sur le fond de l'affaire, mais a simplement besoin de s'assurer qu’elle a, prima facie, compétence.
14. Le paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole dispose que « [IJa Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concerné ».
15. Par ailleurs, le Ai Aj a ratifié la Charte le 6 juillet 1984, et le Protocole le 31 décembre 1998, et est donc partie à ces deux instruments : il a également déposé le 28 juillet 1998 la déclaration de reconnaissance de la compétence de la Cour pour connaître des requêtes émanant des individus et des organisations non- gouvernementales, au sens de l’article 34(6) du Protocole.
16. A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a compétence prima facie pour connaître de la requête.
IV. Les mesures provisoires demandées
17. Aux termes de l’article 27(2) du Protocole, « Dans les cas d'extrême gravité ou d’urgence et lorsqu'il s’avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour ordonne les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes ».
18. La première mesure provisoire demandée par le requérant est sa mise en liberté immédiate.
19. La Cour note que l'examen de la mesure ici demandée, correspond en substance à une des demandes au fond de l'affaire, à savoir que sa peine de prison constitue en soi une violation du droit à la liberté d'expression ; de l'avis de la Cour l'examen de cette demande conduirait inévitablement à préjuger du fond de l'affaire
20. Pour cette raison, la Cour ne saurait faire droit à la demande du requérant d’être libéré immédiatement, au titre d’une mesure provisoire,
21. La deuxième mesure provisoire demandée par le requérant est, en cas de non-libération immédiate, d’ordonner que l’État défendeur lui fournisse des soins de santé adéquats. Il indique en effet que depuis son incarcération, sa santé s'est dégradée et qu’il a besoin de soins et de médicaments appropriés.
22. La Cour note que l’État défendeur ayant été dûment informé de ces allégations ne les a nullement contestées. De l’avis de la Cour, il apparaît que le requérant est confronté à une situation susceptible de lui causer des dommages irréparables. La Cour estime en conséquence que le requérant est fondé à accéder à tous les soins médicaux que nécessite son état de santé.
23. Par ces motifs,
LA COUR

Aa c. Ai Aj (mesures provisoires) (2013) 1 RJCA 320 323
(i) A la majorité (les Juges, Af, Ab et Thompson étant dissidents),
Rejette la demande de mise en liberté immédiate du requérant ;
Fait droit à la demande concernant la fourniture de soins et de médicaments qu’exige son état de santé durant tout le temps qu'il sera en détention
Ordonne, par voie de conséquence, à l’État défendeur de fournir au requérant les soins et médicaments nécessaires à son état de santé ; Ordonne en outre à l’État défendeur de faire rapport à la Cour dans les quinze (15) jours à compter de la réception de la présente ordonnance, sur les mesures prises par lui pour mettre en oeuvre celle-ci.
Opinion individuelle commune : RAMADHANI, TAMBALA et THOMPSON
1. Nous avons eu le privilège de lire le projet d’Ordonnance relatif aux mesures provisoires. Nous avons toutefois de grandes difficultés à comprendre le raisonnement de la majorité, qui consiste à ne pas accepter la première demande du requérant qui est « la libération immédiate ». Certes, le requérant ne demande pas à être libéré sans plus. Il demande une libération provisoire en attendant que la Cour statue sur la requête qu’il a introduite devant elle.
2. Il n’y a aucune raison que cela ne puisse pas se faire, d'autant plus que lorsque le défendeur a reçu notification signification de la requête, qui inclut la demande de mesures provisoires, n’a émis aucune objection.
3. Faire droit à cet aspect de la requête qui demande des mesures provisoires ne saurait en aucune manière affecter ou porter atteinte au fond de la requête. En revanche, si la requête est rejetée, le requérant sera simplement renvoyé en prison pour purger sa peine.
4. Le refus de faire droit à cette requête causera un tort irréparable. Certes, chaque affaire doit être abordée selon ses propres circonstances, mais il est généralement admis que la liberté individuelle ne peut pas être remplacée par des réparations d’ordre financière. En l'espèce, la libération du requérant contribuera, dans une large mesure, à répondre à sa demande en médicaments et en soins.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 004/2013
Date de la décision : 04/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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