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15/03/2013 | CADHP | N°RANDOM1104121219

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 15 mars 2013, RANDOM1104121219


Texte (pseudonymisé)
CADHP c. Libye (mesures provisoires) (2013)
Commission africaine des droits de l’homme et des
Libye (mesures provisoires) (2013) 1 RICA 149

peuples c.

Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye
Ordonnance portant mesures provisoires, 15 mars 2013. Fait en anglais
et en français, le texte anglais faisant foi.
Juges X, OUGUERGOUZ, NGOEPE, NIYUNGEKO,
RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON, ORÉ, KIOKO, GUISSE et ABA
Mesures provisoires ordonnées par la Cour dans une action intentée au
nom de Ac B Aa, fils de l’ancien dirigeant libyen,

qui avait été
arrêté par un groupe non lié au gouvernement en Libye.
Mesures provisoires (i...

CADHP c. Libye (mesures provisoires) (2013)
Commission africaine des droits de l’homme et des
Libye (mesures provisoires) (2013) 1 RICA 149

peuples c.

Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye
Ordonnance portant mesures provisoires, 15 mars 2013. Fait en anglais
et en français, le texte anglais faisant foi.
Juges X, OUGUERGOUZ, NGOEPE, NIYUNGEKO,
RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON, ORÉ, KIOKO, GUISSE et ABA
Mesures provisoires ordonnées par la Cour dans une action intentée au
nom de Ac B Aa, fils de l’ancien dirigeant libyen, qui avait été
arrêté par un groupe non lié au gouvernement en Libye.
Mesures provisoires (intégrité du détenu ; accès à un avocat et à sa
famille, 18)
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
Procédure (audiatur et altera pars, 4-5)
Compétence (matérielle, 6)
1. Le 31 janvier 2013, la Cour a reçu une requête introductive d'instance émanant de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « le requérant ») visant la Libye (ci- après dénommée « le défendeur »), alléguant des violations des droits de Ac B Aa (ci-après désigné « le Détenu »), consacrés aux articles 6 et 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») ;
2. La requête a été introduite en vertu de l’article 5(1)(a) du Protocole portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommé « le Protocole »), de l’article 29(3) du Règlement intérieur de la Cour et des articles 84(2), 118(2) et 3 du Règlement intérieur du requérant ;
3. Le requérant déclare avoir reçu une plainte le 2 avril 2012 émanant de Mme Ad Ab Aci-après dénommée « le Plaignant »), au nom du Détenu contre le défendeur, alléguant ce qui suit :
. Le 19 novembre 2011, le Conseil national de transition qui a été reconnu comme étant le Gouvernement de la Libye a placé le Détenu en détention avec mise à l'isolement et sans accès à sa famille, à ses amis ou à un conseil quelconque
Le Détenu n’a été inculpé d’aucune infraction et il n'a été présenté devant aucune juridiction
Le Détenu serait détenu à Zintan, une ville de Libye, mais l’adresse du Centre de détention n’est pas connue ;

150 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Le requérant est préoccupé par le fait que le procès du Détenu est imminent et qu’il encourt la peine capitale, après une période de détention arbitraire et des interrogatoires menés sans la présence d’un conseil.
Tous ces faits constituent une violation des droits du Détenu, consacrés aux articles 6 et 7 de la Charte, raison pour laquelle le requérant indiqué des mesures provisoires demandant au défendeur de s'abstenir de causer tout dommage irréparable au Détenu. Cependant, la Commission n’a reçu aucune réponse du défendeur à ce jour au sujet de ces mesures provisoires
4. Le requérant a conclu en priant la Cour de rendre une ordonnance invitant l’État défendeur à prendre les mesures suivantes :
. Mettre fin à toute action portant sur des procédures légales ou enquêtes qui pourraient causer des dommages irréparables au Détenu ;
. Permettre au Détenu d’avoir immédiatement accès à un conseil, sans plus de délai.
5. Le 22 février 2013, le Greffe a accusé réception de la requête conformément à l’article 34(1) du Règlement intérieur de la Cour : le 12 mars 2013, le Greffe a transmis les copies de la requête au défendeur, conformément à l’article 35(2)(a) du Règlement intérieur de la Cour et a invité celui-ci a lui faire connaître les noms et adresses de ses représentants dans les trente (30) jours de la réception de la requête, conformément à l’article 35(4)(a) du Règlement intérieur ; le Greffe a également invité le défendeur à répondre à la requête dans un délai de soixante (60) jours, conformément à l’article 37 du Règlement intérieur de la Cour.
6. Par lettre datée du 12 mars 2013, le Greffe a informé du dépôt de la requête la Présidente de la Commission de l'Union Africaine, et par son intermédiaire, tous les autres Etats parties au Protocole, conformément à l’article 35(3) du Règlement intérieur de la Cour.
7. Le 12 mars 2013, le Greffe a informé les parties que, compte tenu de la gravité de la situation, la Cour envisageait d’ordonner des mesures provisoires en l'espèce.
8. La Cour fait observer qu’une lecture combinée des articles 27(2) du Protocole et 51 du Règlement intérieur de la Cour lui confèrent le pouvoir d’ordonner de telles mesures provisoires si nécessaire, en cas d'extrême gravité et d'urgence,
9. Lorsqu'elle examine une requête, la Cour doit s'assurer qu’elle a compétence, en vertu des articles 3 et 5 du Protocole
10. Toutefois, avant d’indiquer des mesures provisoires, la Cour ne doit pas être convaincue qu’elle a compétence sur le fond de l'affaire, mais simplement s'assurer qu’elle est compétente prima facie.
11. La Cour relève que l’article 3(1) du Protocole dispose que : « la Cour est compétente pour connaître de toutes les affaires dont elle est saisie concernant l'interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés. »

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12. La Cour souligne également que le défendeur a ratifié la Charte le 19 juillet 1986 et que celle-ci est entrée en vigueur le 21 octobre 1986, et que les instruments de ratification ont été déposés le 26 mars 1987. Par ailleurs, le défendeur a ratifié le Protocole le 19 novembre 2003 et celui-ci est entré en vigueur le 25 janvier 2004 ; et les instruments de ratification ont été déposés le 8 décembre 2003. Le défendeur est donc Partie aux deux instruments.
13. La Cour prend acte du fait que conformément à l’article 5(1)(a) du Protocole le requérant fait partie des entités ayant qualité pour la saisir et fait le constat judiciaire que sur le plan judiciaire les mesures provisoires peuvent être le corollaire du droit à la protection prévu par la ‘ond. Charte et qui ne nécessite pas l'examen des questions portant sur le
14. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que, prima facie, elle est compétente pour connaître de la requête ;
15. La Cour fait également observer que dans sa demande des mesures provisoires, le requérant a demandé au défendeur de :
« S'assurer que le Détenu a accès à ses conseils ;
« S'assurer que le Détenu peut recevoir la visite des membres de sa famille et ses amis ;
- Dévoiler le lieu de détention ;
« Garantir son intégrité physique et son droit d’être jugé dans un délai raisonnable par un tribunal impartial.
16. Compte tenu de la longueur de la durée alléguée de la détention arbitraire, sans accès à un conseil quelconque, à sa famille ou à ses amis et compte tenu du fait que le défendeur n’a pas répondu aux mesures provisoires demandées par le requérant et au vu des principes de justice qui requièrent que toute personne accusée ait droit à un procès équitable et juste, la Cour a décidé d’ordonner des mesures provisoires suo motu.
17. La Cour estime qu’au vu de la requête en l’espèce, il existe une situation d’extrême gravité et d’urgence ainsi qu’un risque de dommages irréparables au Détenu.
18. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’en attendant qu’elle se prononce sur l’objet principal de la requête en l'espèce, les circonstances de l'affaire exigent qu’elle ordonne de toute urgence des mesures provisoires suo motu, conformément aux articles 27(2) du Protocole et 51 de son Règlement intérieur pour préserver l'intégrité physique du Détenu et protéger son droit d’avoir accès à un conseil et à sa famille.
19. La Cour fait observer que les mesures qu’elle ordonne seront nécessairement à caractère provisoires et qu’elles ne préjugent en rien les conclusions sur la base desquelles la Cour se prononcera en ce qui concerne sa compétence, la recevabilité de la requête et le fond de
20. Par ces motifs,
LA COUR, à l’unanimité, ordonne au défendeur de prendre les mesures suivantes :

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1. S'abstenir de toute action portant sur des procédures judiciaires, des enquêtes ou de détention, qui pourraient causer des dommages irréparables au Détenu, en violation des dispositions de la Charte ou des autres instruments internationaux auxquels la Libye est partie ;
2. Permettre au Détenu de se faire assister par un conseil de son choix ;
3. Permettre au Détenu de recevoir la visite des membres de sa famille ;
4. S'abstenir de prendre des mesures susceptibles de porter atteinte à l'intégrité physique et mentale ainsi qu’à la santé du Détenu ;
5. Faire rapport à la Cour dans un délai de quinze jours (15) de la réception, sur les mesures prises pour mettre en œuvre la présente ordonnance.
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
1. Bien qu’ayant voté en faveur des mesures provisoires décidées par la Cour dans le dispositif de son ordonnance, je souhaiterais exprimer ma position relativement à un aspect important de la procédure suivie dans le traitement de la requête introduite par la Commission africaine contre la République de Libye, ainsi que sur certains des motifs de
2. Concernant tout d’abord la procédure, je ferais observer que la requête de la Commission doit en réalité s'analyser comme une demande d'indication de mesures provisoires. Elle est en effet intitulée « requête introduite devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples pour non application de mesures provisoires indiquées » et se résume en une demande faite à la Cour d'indiquer deux mesures provisoires dont la teneur est mentionnée au paragraphe 4 de l’ordonnance. Dans sa requête, la Commission déclare que les faits qu’elle invoque « constituent une violation des droits de la Victime, consacrés aux articles G et 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples » ; dans ses conclusions, elle se contente cependant de prier « la Cour de rendre une ordonnance invitant l'Etat défendeur à prendre les mesures suivantes [...] ». Il s’agit donc là clairement d’une demande en indication de mesures provisoires* que la Cour aurait dû communiquer à l'Etat défendeur immédiatement après sa réception ; en principe, elle aurait également dû inviter ce dernier à communiquer ses observations éventuelles au sujet de cette demande en fixant un bref délai à cet effet.
3. La requête de la Commission est datée du 8 janvier 2013 et a été reçue au Greffe de la Cour le 31 janvier 2013. Ce n’est que le 12 mars
1. Demandées par la Commission, les mesures provisoires ne sauraient donc être considérées comme ayant été ordonnées suo motu by the Court, c'est-à-dire d'office, comme la Cour l'indique aux paragraphes 16 et 18 de l'ordonnance (voir les deux options alternatives prévues par l'article 51(1) du Règlement).

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2013 que le Greffe a communiqué la requête à l'Etat défendeur et l’a notamment invité à y répondre dans un délai de soixante (60) jours, conformément à l’article 37 du Règlement intérieur de la Cour (paragraphe 5 de l’ordonnance) ; le même jour, le Greffe a également informé les Parties que « compte tenu de l'extrême gravité et l'urgence de la situation, la Cour envisageait d’ordonner des mesures provisoires en l’espèce » (paragraphe 7).
4. Le respect du principe du contradictoire (Audiatur et altera pars) ainsi que l'urgence caractérisant l'indication de mesures provisoires commandaient toutefois que la requête soit servie le plus rapidement possible à l'Etat défendeur et que celui-ci soit invité à présenter tout aussi rapidement ses observations éventuelles sur la demande de mesures provisoires. Dans l'affaire Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. République du Kenya (requête No. 006/ 2012), la Commission africaine avait présenté une demande de mesures provisoires reçue au Greffe de la Cour le 31 décembre 2012 et celui-ci avait communiqué copie de cette demande à l'Etat défendeur le 7 janvier 2013, en l’invitant à présenter ses observations éventuelles au sujet de celle-ci dans un délai de trente (30) jours, dans cette affaire, la Cour a rendu son ordonnance en indication de mesures conservatoires le même jour que la présente ordonnance.
5. En l'espèce, la République de Libye n’a pas été mise en mesure de répondre aux allégations contenues dans la requête de la Commission africaine. Cela aurait pu se justifier sur la base de l'extrême urgence si la Cour avait statué dans un délai relativement bref après l’introduction de la demande de mesures provisoires par la Commission africaine. Or, il s'est écoulé plus de deux (2) mois entre la date de la requête (8 janvier 2013) et la date à laquelle la Cour a pris son ordonnance en indication de mesures provisoires (15 mars 2013). Rien dans le dossier de l'affaire ne permet d'établir que, durant ce laps de temps relativement long, l'Etat défendeur n’a pas déjà pris tout ou partie des mesures demandées à la Cour par la Commission dans la présente requête ainsi que dans la demande de mesures provisoires adressée par la Présidente de la Commission à la République de Libye le 18 avril 2012, le risque est donc que tout ou partie des mesures ordonnées par la Cour soient sans objet. Comme elle l’a fait à propos de la requête No. 006/2012 susmentionnée, la Cour aurait en conséquence dû demander à la République de Libye de présenter ses observations éventuelles aux fins de s'assurer que tout ou partie des mesures à ordonner à cette dernière n'avaient pas déjà été mises en œuvre par celle-ci ; la Cour aurait ainsi pu statuer sur la base d'informations les plus récentes possibles relativement à la situation au sujet de laquelle les mesures provisoires lui ont été demandées.
6. Concernant maintenant la motivation de l’ordonnance, la Cour a traité la question de sa compétence prima facie au niveau personnel (ratione personae) seulement (paragraphes 12 à 14), mais ne s'est pas assurée qu’elle avait également compétence prima facie au niveau matériel (ratione materiae), à savoir que les droits auxquels il s’avérerait nécessaire d'éviter un dommage irréparable, sont prima facie garantis par les instruments juridiques auxquels est partie l'Etat défendeur. || aurait suffi à la Cour d'indiquer que, en l'espèce, les droits

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en question sont bien garantis par les articles 6 et 7 de la Charte africaine à laquelle est partie la République de Libye et dont la violation est alléguée par la Commission africaine et de conclure que la compétence matérielle de la Cour est également établie prima facie.
7. Enfin, au paragraphe 17 de l’ordonnance, la Cour considère qu'il « existe une situation d’extrême gravité et d’urgence, ainsi qu’un risque de dommages irréparables au Détenu », sans véritablement en apporter la démonstration. || s'agit pourtant là de conditions cumulatives importantes prévues par l’article 27(2) du Protocole et auxquelles l’ordonnance aurait dû consacrer des développements plus élaborés que ceux contenus à son seul paragraphe 16.
8. Nonobstant toutes les observations susmentionnées, j'adhère pleinement aux mesures ordonnées par la Cour en faveur de Monsieur Ac B Aa.


Synthèse
Numéro d'arrêt : RANDOM1104121219
Date de la décision : 15/03/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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