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26/06/2012 | CADHP | N°RANDOM398218517

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 26 juin 2012, RANDOM398218517


Texte (pseudonymisé)
Ah c. Tunisie (compétence) (2012) 1 RJCA
Ah Ak Al c. Tunisie (compétence) (2012)
RJCA 117

117 117
1

Ah Ak Al c. République tunisienne
Décision du 26 juin 2012. Fait en anglais et en français, le texte français
faisant foi.
Juges A, AKUFFO, MUTSINZI, NGOEPE, GUINDO,
OUGUERGOUZ, RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON et ORÉ
La Cour a rejeté la requête au motif que l’État défendeur n’avait pas fait la
déclaration prévue à l’article 34(6), autorisant les particuliers et les ONG
à la saisir directement. La Cour a estimé qu’elle ne pouvait p

as ordonner
les mesures provisoires demandées puisqu'elle n’était pas compétente
Compétence (statut d’observateur...

Ah c. Tunisie (compétence) (2012) 1 RJCA
Ah Ak Al c. Tunisie (compétence) (2012)
RJCA 117

117 117
1

Ah Ak Al c. République tunisienne
Décision du 26 juin 2012. Fait en anglais et en français, le texte français
faisant foi.
Juges A, AKUFFO, MUTSINZI, NGOEPE, GUINDO,
OUGUERGOUZ, RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON et ORÉ
La Cour a rejeté la requête au motif que l’État défendeur n’avait pas fait la
déclaration prévue à l’article 34(6), autorisant les particuliers et les ONG
à la saisir directement. La Cour a estimé qu’elle ne pouvait pas ordonner
les mesures provisoires demandées puisqu'elle n’était pas compétente
Compétence (statut d’observateur du requérant auprès de la
Commission ; déclaration en vertu de l’article 34(6), 11)
Mesures provisoires (compétence prima facie, 12)
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
Compétence (rejet par le Greffe, 1)
1. Par lettre datée du 31 mai 2012, M. Ah Ak Al, (ci- après désigné « le requérant »), par l'intermédiaire de son avocat, a informé le Greffe de la Cour de son intention de déposer une requête devant la Cour, accompagnée d’une demande de mesures provisoires, contre la République de Tunisie (ci-après désignée « le défendeur »). 2. Le 1er juin 2012, le Greffe de la Cour a reçu la requête, accompagnée d’une demande de mesures provisoires.
3. Conformément aux dispositions de l’article 34(1) du Règlement intérieur de la Cour, le Greffier, par lettre datée du 7 juin 2012, a accusé réception de la requête et a enregistré celle-ci au rôle. Dans la même lettre, le Greffier a demandé au requérant de convaincre la Cour que la requête était conforme aux exigences de l’article 34 du Règlement, en particulier en ce qui concerne l'épuisement des voies de recours internes.
4. Par lettre datée du 12 juin 2012, le requérant a répondu à la lettre du Greffier datée du 7 juin 2012, et a soumis des copies de jugements de la Cour d’appel de Tunis, comme preuve de l'épuisement des voies de recours internes.

118 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
5. Par lettre du 14 juin 2012, le requérant a communiqué des informations complémentaires relatives à l'épuisement des voies de recours internes.
6. La Cour relève d’abord qu’en vertu de l’article 5(3) du Protocole, elle « peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission, d'introduire des requêtes directement devant elle, conformément à l’article 34(6) de ce Protocole ».
7. La Cour relève encore que l’article 34(6) du Protocole dispose ainsi : « À tout moment, à partir de la ratification du présent Protocole, l’État doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un État partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».
8. Par lettre datée du 18 juin 2012, le Greffier a demandé au Conseiller juridique de la Commission de l’Union africaine, d'indiquer si la République tunisienne avait fait la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole.
9. Par courriel en date du 19 juin 2012, le Conseiller juridique de l’Union africaine a informé le Greffier que la République tunisienne n’avait pas déposé ladite déclaration.
10. La Cour constate que la République tunisienne n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 34(6).
11. En vertu des articles 5(3) et 34(6) du Protocole, il est évident que la Cour n’est manifestement pas compétente pour connaître de la requête introduite par M. Ah Ak Al contre la République de Tunisie.
12. Pour qu’elle puisse rendre une ordonnance indiquant des mesures provisoires, la Cour doit être convaincue qu’elle a compétence prima facie pour connaître de l'affaire, ce qui n’est pas le cas en l'espèce, comme elle l’a indiqué au paragraphe 11 ci-dessus.
13. Par ces motifs,
LA COUR, à l'unanimité :
| Décide qu’en vertu des articles 5(3) et 34(6) du Protocole, elle n’est manifestement pas compétente pour connaître de la requête introduite par M. Ah Ak Al contre la République de Tunisie ;
ii. Décide que compte tenu du paragraphe (i) ci-dessus, elle ne peut pas faire droit à la demande par le requérant de mesures provisoires.
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
1. Je suis d'avis que la requête introduite contre la République de Tunisie par Monsieur Ah Ak Al, ainsi que la demande en indication de mesures provisoires qu'il a présentée, doivent être

Ah c. Tunisie (compétence) (2012) 1 RJCA 117 119
rejetées. Toutefois, l'incompétence ratione personae de la Cour étant manifeste en l'espèce, cette requête et cette demande n'auraient pas dû donner lieu à une décision de la Cour ; elles auraient dû être rejetées de plano par une simple lettre du Greffier (voir mon raisonnement sur ce point dans mes opinions individuelles jointes aux décisions rendues dans les affaires Ac Aj c. République du Sénégal, Aq An'o Ab c. Parlement panafricain, Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. République du Gabon, Delta International Investments SA, Mr AGL de Ar et Mme de Ar c. République d'Afrique du Sud, Ai Ap Af c. République d'Afrique du Sud et Ad Ao Ag c. République du Soudan, ainsi que dans mon opinion dissidente jointe à la décision rendue dans l'affaire Aa Ae Am c. République du Cameroun et République fédérale du Nigéria).
2. Je ne suis en effet pas favorable au traitement judiciaire d’une requête individuelle dirigée contre un Etat partie au Protocole qui n’a pas fait la déclaration facultative d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour pour connaître des requêtes émanant d'individus ou d'organisations non-gouvernementales, ou contre un Etat africain non partie au Protocole ou non membre de l’Union africaine, comme cela our. a été le cas concernant plusieurs requêtes déjà traitées par la
3. En accordant un traitement judiciaire à la requête introduite contre la Tunisie, la Cour ne tient ainsi pas compte de l'interprétation, pourtant correcte à mes yeux, qu’elle avait initialement donnée de l’article 34(6) du Protocole dans le paragraphe 39 de son tout premier arrêt relatif à l’affaire Ac Aj c. République du Sénégal ; dans cette décision, la Cour avait en effet rappelé ce qui suit :
«la seconde phrase de l’article 34(6) du Protocole prévoit que [la Cour] «ne reçoit aucune requête en application de l’article 5 (3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration » (souligné ajouté). Le terme « reçoit » ne doit cependant être entendu ni dans son sens littéral, comme renvoyant au concept de « réception », ni dans son sens technique comme renvoyant au concept de « recevabilité ». || doit plutôt être interprété à la lumière tant du texte que de l’esprit de l’article 34(6) pris dans son intégralité et en particulier de l'expression « déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant d’individus ou d'ONG] » figurant dans la première phrase de cette disposition. I| ressort donc clairement de cette lecture que l’objet de l’article 34(6) susmentionné est de régler les conditions pour que la Cour puisse connaître de telles requêtes, à savoir l'exigence du dépôt d’une déclaration spéciale par l'Etat partie concerné, et de tirer les conséquences de l'absence d’un tel dépôt par cet État ».
4. || est clair qu’en accordant un traitement judiciaire à une requête et en rendant une décision à son égard, la Cour « connaît » bel et bien de cette requête au sens où elle a interprété le verbe « connaître » à la fin du paragraphe 39 susmentionné, c'est-à-dire qu’elle procède en fait à l'examen de la requête, même si cet examen se termine par un constat d’'incompétence ; or, selon l'interprétation qu’elle a ainsi donnée de l’article 34(6) du Protocole, la Cour ne devrait pas procéder à l'examen d’une requête si l'Etat partie concerné n’a pas déposé la déclaration facultative.

120 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
5. Dans le traitement judiciaire de la présente affaire, la Cour a par ailleurs décidé de ne pas communiquer la requête de Monsieur Ah Ak Al à la Tunisie, ni même d'informer cet Etat du dépôt de la requête. L'adoption par la Cour d’une décision d'incompétence dans de telles conditions constitue une atteinte au principe du contradictoire (Audiatur et altera pars), principe qui doit s'appliquer à tout moment de la procédure.
6. La non-communication de la requête à la Tunisie a également privé celle-ci de la possibilité d'accepter la compétence de la Cour par la voie du forum prorogatum (sur cette question, voir mon opinion individuelle dans l’affaire Ac Aj c. République du Sénégal précitée).



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 26/06/2012
Date de l'import : 13/04/2022

Numérotation
Numéro d'arrêt : RANDOM398218517
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