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30/03/2012 | CADHP | N°RANDOM565188581

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 30 mars 2012, RANDOM565188581


Texte (pseudonymisé)
110 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Ag Ai Ae et autres c. Afrique du Sud
(compétence) (2012) 1 RICA 110
Ag Ai Ae et autres c. République Sud-africaine
Décision du 30 mars 2012. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges B, _AKUFFO, GUINDO, OUGUERGOUZ,
RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON et ORÉ
N’a pas siégé conformément à l’article 22 : C
La requête a été rejetée, au motif que l’État défendeur n'avait pas déposé
la déclaration prévue à l’article 34(6) permettant aux particuliers et aux


ONG de saisir directement la Cour.
Compétence (déclaration en vertu de l’article 34(6), 10)
Opinion indi...

110 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Ag Ai Ae et autres c. Afrique du Sud
(compétence) (2012) 1 RICA 110
Ag Ai Ae et autres c. République Sud-africaine
Décision du 30 mars 2012. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges B, _AKUFFO, GUINDO, OUGUERGOUZ,
RAMADHANI, TAMBALA, THOMPSON et ORÉ
N’a pas siégé conformément à l’article 22 : C
La requête a été rejetée, au motif que l’État défendeur n'avait pas déposé
la déclaration prévue à l’article 34(6) permettant aux particuliers et aux
ONG de saisir directement la Cour.
Compétence (déclaration en vertu de l’article 34(6), 10)
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
Compétence (rejet par le Greffe, 1)
1. Par la requête en date du 20 février 2012, Mr Ag Ai Ae, ressortissant de la République fédérale du Nigeria, a introduit auprès de la Cour, en son propre nom et au nom des membres de sa famille résidant en Afrique du Sud, une requête contre la République Sud-africaine, pour violations des articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 18 et 19 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, des dispositions de la Charte africaine relative aux droits et au bien-être de l’enfant et des articles 7, 10, 12, 13, 14, 17, 19, 23, 24 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
2. En vertu du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après le Protocole) et de l’article 8(2) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après le Règlement), le Juge Bernard M. Ngoepe, membre de la Cour de nationalité Sud-africaine,
3. En vertu des dispositions de l’article 34(1) du Règlement intérieur de la Cour, le Greffier, par lettre en date du 28 février 2012, a accusé réception de la requête.
4. Dans la même lettre, le Greffiler a demandé davantage d'éclaircissements au requérant sur la communication que celui-ci a déposée auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), étant donné que l’article 29(6) du Règlement intérieur de la Cour dispose qu’[a]jux fins d'examiner une requête introduite devant elle par un individu ou une ONG concernant

Uko et autres c. Afrique du Sud (compétence) (2012) 1 RJCA 110 111
une communication devant la Commission, la Cour s'assurera que cette communication a fait l’objet d’un retrait formel ».
5. Par lettre en date du 8 mars 2012, le Greffier a informé le requérant qu’en attendant que celui-ci fournisse des éclaircissements sur la communication qu’il a déposée auprès de la Commission, le Greffe a procédé à l’enregistrement de sa requête.
6. À ce jour, le requérant n’a pas répondu à la lettre en date du 28 février 2012 à lui adressée par le Greffier.
7. Quoi qu'il en soit, la Cour observe d’abord que, conformément à l’article 5(3) du Protocole, elle « peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d'’introduire des requêtes directement devant elle, conformément à l’article 34(6) de ce Protocole
8. La Cour note par ailleurs que l’article 34(6) du Protocole dispose qu’« [à] tout moment, à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».
9. Par lettre en date du 30 mars 2012, le Greffier a demandé au Conseiller juridique de la Commission de l’Union africaine de l’informer si la République Sud-africaine avait fait la déclaration exigée par l’article 34(6) du Protocol.
10. Par courriel en date du 12 avril 2012, le Conseiller juridique de la Commiission de l’Union africaine a informé le Greffier que la République Sud-africaine n’avait pas fait la déclaration.
11. La Cour observe que la République Sud-africaine n’a pas fait la déclaration prévue par l’article 34(6) du Protocole.
12. En vertu des articles 5(3) et 34(6) du Protocole, la Cour n’a manifestement pas compétence pour connaître de l'affaire introduite par Ag Ai Ae et autres, contre la République Sud- africaine.
13. Par ces motifs,
LA COUR,
A l’unanimité,
Décide qu'en vertu des articles 5(3) et 34(6) du Protocole, elle n’a manifestement pas compétence pour connaître de l'affaire introduite par Ag Ai Ae et autres contre la République Sud- africaine, et que l'affaire est par conséquent rayée du rôle de la Cour.
Opinion individuelle : OUGUERGOUZ
1. Je suis d’avis que la requête introduite contre la République d’Afrique du Sud par Monsieur Ag Ai Ae et autres doit être rejetée.

112 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Toutefois, l’incompétence ratione personae de la Cour étant manifeste en l'espèce, cette requête n'aurait pas dû donner lieu à une décision de la Cour ; elle aurait dû être rejetée de p/ano par une simple lettre du Greffier (voir mon raisonnement sur ce point dans mes opinions individuelles jointes aux décisions rendues dans les affaires Ab Ah c. République du Sénégal, An Ak'o Aa c. Parlement panafricain et Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. République du Gabon et Am Ac Aj X & Mr et Mme A de Ao c. République d’Afrique du Sud, ainsi que dans mon opinion dissidente jointe à la décision rendue dans l'affaire Al Af Ad c. République du Cameroun et République fédérale du Nigéria).
2. Je ne suis en effet pas favorable au traitement judiciaire d’une requête individuelle dirigée contre un Etat partie au Protocole qui n’a pas fait la déclaration facultative d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour pour connaître des requêtes émanant d'individus ou d'organisations non-gouvernementales, ou contre un Etat africain non partie au Protocole ou non membre de l'Union africaine, comme cela a été le cas relativement à plusieurs requêtes déjà traitées par la Cour.
3. En accordant un traitement judiciaire à la présente requête introduite contre l’Afrique du Sud, la Cour ne tient ainsi pas compte de l'interprétation, pourtant correcte à mes yeux, qu’elle avait initialement donnée de l’article 34(6) du Protocole dans le paragraphe 39 de son tout premier arrêt relatif à l'affaire Ab Ah c. République du Sénégal ; dans cette décision, la Cour avait en effet rappelé ce qui suit :
« la seconde phrase de l’article 34(6) du Protocole prévoit que [la Cour] « ne reçoit aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration » (souligné ajouté). Le terme « reçoit » ne doit cependant être entendu ni dans son sens littéral, comme renvoyant au concept de « réception », ni dans son sens technique comme renvoyant au concept de « recevabilité ». Il doit plutôt être interprété à la lumière tant du texte que de l’esprit de l’article 34(6) pris dans son intégralité et en particulier de l'expression « déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant d'individus ou d’ONG] » figurant dans la première phrase de cette disposition. Il ressort donc clairement de cette lecture que l’objet de l’article 34(6) susmentionné est de régler les conditions pour que la Cour puisse connaître de telles requêtes, à savoir l'exigence du dépôt d’une déclaration spéciale par l’État partie concerné, et de tirer les conséquences de l'absence d’un tel dépôt par cet État ».
4. Il est clair qu’en accordant un traitement judiciaire à une requête et en rendant une décision à son égard, la Cour « connaît » bel et bien de cette requête au sens où elle a interprété le verbe « connaître à la fin du paragraphe 39 susmentionné, c’est-à-dire qu’elle procède en fait à l'examen de cette requête, même si cet examen se termine par un constat d’incompétence ; or, selon l'interprétation qu’elle a ainsi donnée de l’article 34(6) du Protocole, la Cour ne devrait pas procéder à l'examen d'une requête si l'Etat partie concerné n’a pas déposé la déclaration facultative.

Uko et autres c. Afrique du Sud (compétence) (2012) 1 RJCA 110 113
5. Dans le traitement judiciaire de la présente affaire, la Cour a par ailleurs décidé de ne pas communiquer la requête de Monsieur Ag Ai Ae et autres à l’Afrique du Sud, ni même d'informer cet Etat du dépôt de la requête. L'adoption par la Cour d’une décision judiciaire dans de telles conditions constitue une atteinte au principe du contradictoire (Audiatur et altera pars), principe qui doit s'appliquer à tout moment de la procédure. Cette entorse à l'équité et l'égalité des autant plus remarquable que la requête de Monsieur Ag Ai Ae et autres a, dès sa réception, fait l’objet d’une publicité sur le site électronique de la Cour.
6. La non-communication de la requête à l'Afrique du Sud a également privé celle-ci de la possibilité d'accepter la compétence de la Cour par la voie du forum prorogatum (sur cette question, voir mon opinion individuelle dans l'affaire Ab Ah c. République du Sénégal).


Synthèse
Numéro d'arrêt : RANDOM565188581
Date de la décision : 30/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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