Arrêt n°19 du 04 ns février 2021
N.J.P
L.G.L
VENTE- VENTE IMMOBILIERE- ALTERATION DES FACULTES MENTALES DU VENDEUR APRES VENTE-CONSTATATION PAR ORDONNANCE JUDICIAIRE- VICE DE CONSENTEMENT (NON)-VENTE PARFAITE-REJET.
L’altération des facultés mentales du vendeur d’un immeuble n’entraîne un vice de consentement et l’annulation du contrat que dès lors que l’ordonnance judiciaire constatant l’incapacité a été prise avant la conclusion du contrat.
C’est à juste titre qu’une Cour d’appel a déclaré parfaite une vente conclue par une personne déclarée incapable majeure et placée sous tutelle par ordonnance judiciaire prise postérieurement à la conclusion du contrat.
C B
Unité-Progrès-Justice
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE
Dossier n°91/2019
Arrêt n°19 du 04 février 2021 L.G.L
Décision attaquée : arrêt n°086 du 22 /11/2018 de la Chambre civile de la Cour d’appel de Aa
La Cour de cassation, Chambre civile, siégeant en audience publique tenue le quatre février deux mille vingt-et-un dans la salle des audiences ordinaires de ladite Cour, composée de :
Monsieur KONTOGOME O. Daniel, Président
PRESIDENT
Madame TOELORI Fatimata et Monsieur OUEDRAOGO R. Jean, tous Conseillers ;
MEMBRES
En présence de Monsieur NIKIEMA Placide, Avocat général ;
Avec l’assistance de Maître DOUGOURI Vincent Kaba, Greffier ;
A rendu l’arrêt dans la cause ci-après :
ENTRE
N.J.P, assisté de la SCPA LOYALTY, Avocat à la Cour ;
Demandeur d’une part
ET
L.G.L, assisté de Maître Marcellin SOME et de Maître SOGODOGO Moussa, Avocats à la Cour ;
Défendeur d’autre part LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 21 mai 2019 par la Société civile professionnelle d’Avocats LOYALTY dont le siège social se trouve à Aa, Arrondissement 12 , Rue ATTIRON Marcel porte n°04 cité AN IV B, Tél 25 37 26 30 / 56 56 45 45 agissant au nom et pour le compte de N.J.P, Ingénieur en bâtiment domicilié à Aa, quartier Samandin, représenté par N.R, ménagère demeurant à Cissin, administratrice légale des biens de N.J.P, contre l’arrêt n°086 du 22/11/2018 de la Chambre civile de la Cour d’appel de Aa, dans la cause opposant son client à L.G.L, commerçant domicilié au secteur 07 de la ville de Aa et ayant pour conseils Maître Marcelin N. SOME, Avocat à la Cour, 11 BP 1916 CSM Ouaga 11, Tél : 50 37 04 43 et Maître Moussa SOGODOGO, Avocat à la Cour, 01 BP 1499 Aa 01, Tél./Fax : 50 38 67 20/21 ;
Vu la loi organique n°18-2016/AN du 26 mai 2016 portant organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi n°22-99/AN du 18 mai 1999 portant Code de procédure civile ;
Vu le rapport du Conseiller ;
Vu les conclusions de l’Avocat général ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï l’Avocat général en ses observations ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Sur la recevabilité
Attendu que le demandeur sollicite l’application de l’article 80 du Code de procédure civile, aux motifs qu’il était dans l’impossibilité de faire son pourvoi dans le délai légal ; qu’il explique que l’arrêt attaqué a été rendu à une date dont il n’a pas été mis au courant ; que le dossier a été appelé et retenu devant la Cour d’appel le 19 avril 2018 en présence des parties, il a été mis en délibéré pour le 17 mai 2018 ; que le délibéré a été successivement prorogé au 21 juin 2018, au 19 juillet 2018, au 23 août 2018 puis au 20 septembre 2018 date à laquelle le dossier ne figurait pas au rôle ; qu’il n’a pas reçu notification d’une nouvelle date de prorogation du délibéré ; qu’il était donc surpris de se voir notifier le 23 mars 2019 l’arrêt n°086 du 22 novembre 2018 soit après l’expiration du délai de recours;
Attendu que l’article 80 du Code de procédure civile dispose que :
«Tout plaideur qui justifiera d’une impossibilité matérielle ou d’un empêchement valable de respecter les délais impartis pourra être relevé de la déchéance encourue » ;
Attendu que les multiples prorogations d’un délibéré peuvent dérouter les parties ; que tel est le cas en l’espèce ; qu’il a fallu la notification de l’arrêt attaqué afin que N.J.P se rende compte qu’une décision a été rendue ; qu’il convient en de telles circonstances, faire application de l’article 80 du Code de procédure civile, en relevant N.J.P de la déchéance;
Attendu que l’arrêt n°086 du 22 /112018 a été notifié le 22 mars 2019 à L.G.L, que ce dernier s’est pourvu en cassation le 21 mai 2019 soit moins de deux mois, que son pourvoi est recevable ;
Au fond
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et de l’arrêt attaqué que L.G.L, a assigné devant le Tribunal de grande instance de Aa A, aux fins de voir confirmer le contrat de vente portant sur l’immeuble formant la parcelle n°C, lot 317 du quartier Samandin de la commune de Aa, Arrondissement de Baskuy à son profit, voir ordonner à N.J.P la remise du titre de jouissance et la signature des différents actes aux fins de mutation et ce sous astreinte de cent mille (100.000) francs CFA par jour de retard et le voir condamner au paiement de la somme de cinq cent mille (500.000) francs CFA au titre de frais non compris dans les dépens ; que le 11 janvier 2017 par jugement n°023, le Tribunal a fait partiellement droit à la demande de L.G.L en déclarant parfaite la vente et en ordonnant à N.J.P, la remise à L.G.L de tout document relatif à la parcelle et la signature des différents actes aux fins de mutation sous astreinte de dix mille (10 000) francs CFA par jour de retard, le Tribunal a en outre condamné N.J.P et N.R aux dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de quatre cent mille (400.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Que sur appel de N.J.P, la Cour d’appel a par arrêt du 22 novembre 2018 décidé ce qui suit :
« Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en dernier ressort :
Déclare l’appel recevable ;
Confirme le jugement attaqué ;
Déboute l’appelant de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute l’intimé de sa demande de frais exposés et non compris dans les dépens ;
Met les dépens à la charge de l’appelant » ;
Que c’est contre cet arrêt que N.J.P s’est pourvu en cassation pour violation des articles 1108 du Code civil et 629 du Code des personnes et de la famille et pour fausse interprétation ou fausse application de la loi ;
Discussion des moyens
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 1108 du Code civil et 629 du Code des personnes et de la famille
Attendu que le demandeur fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 1108 du Code civil et 629 du Code des personnes et de la famille en ce qu’il a déclaré valable
la vente faite par N.J.P alors qu’au moment de la conclusion dudit contrat les
facultés intellectuelles de N.J.P étaient déjà gravement altérées et qu’il était un majeur incapable et qu’au sens de l’article 1108 du Code civil, le consentement doit être libre et éclairé et les parties au contrat saines d’esprit au moment de donner leur accord ;
Que l’article 629 du Code des personnes et de la famille prévoit que l’altération des facultés mentales est une cause naturelle d’incapacité d’exercice ; que l’arrêt doit être cassé au regard des dispositions légales citées ;
Attendu qu’il ressort des constatations faites par les juges du fond que l’incapacité dont se prévaut le demandeur a été constatée par ordonnance judiciaire prise postérieurement à la conclusion de la vente ;
Attendu du reste que cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond ;
Qu'il convient de déclarer ce moyen irrecevable ;
Sur le second moyen tiré de la fausse interprétation ou fausse application de la loi
Attendu que le demandeur fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait une fausse interprétation ou fausse application de l’article 25 du Code de procédure civile en ce
qu’il a retenu que l’état d’incapacité de N.J.P n’était pas établi au moment de la vente et qu’aucun certificat médical ou tout autre document attestant cette situation n’a été fourni et qu’il doit être constaté par conséquent que le consentement au contrat de la vente a été valablement donné ;
Que l'arrêt exige un certificat qui date d’avant la vente, alors qu’il a produit un certificat établi en mars 2012 prouvant que l'incapacité remonte à avril 2010 ;
Attendu que l’article 25 du Code de procédure civile dispose que « Il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention » ;
Mais attendu qu’en l’espèce N.J.P, ne disposait d’aucun certificat médical, d’aucun document attestant de son incapacité quand il vendait sa parcelle, que par conséquent la vente était valable conformément à l’article 1583 du Code civil qui dispose que : « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » ;
Que le certificat médical dont se prévaut N.J.P, a été établi des années plus tard après la vente et ne saurait justifier son incapacité d’agir au moment de la vente ; qu’en décidant comme il l’a fait, l’arrêt a fait une bonne application de la loi ;
Qu'il convient de rejeter le moyen car non fondé ;
PAR CES MOTIFS
En la forme
Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond Le rejette ;
Met les dépens à la charge du requérant;
Déboute le requérant de sa demande de frais exposés et non compris dans les dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre civile de la Cour de cassation du C B, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.