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21/03/2008 | BURKINA FASO | N°028

Burkina Faso | Burkina Faso, Cour d'appel de ouagadougou, 21 mars 2008, 028


Texte (pseudonymisé)
conséquent la novation ne peut se présumer ni de la pratique des banques, ni d'une nouvelle convention née entre les parties tant que l'intention novatrice ne ressort pas de façon expresse, que pour qu'il y'ait novation, « il ne suffit pas d'augmenter ou de diminuer la dette, de fixer un termes plus long ou plus court, et d'ajouter ou de retrancher une hypothèque ou une autre sûreté, ou même de changer l'espèce de l'obligation... » (Cass. Req, 8 nov. 1875, DP 1876, 1, 4385), que dans le cas de l'espèce, le protocole transactionnel du 23 février 2006 vient changer le montant de la

dette en l'augmentant et en y ajoutant une sûreté, sans inte...

conséquent la novation ne peut se présumer ni de la pratique des banques, ni d'une nouvelle convention née entre les parties tant que l'intention novatrice ne ressort pas de façon expresse, que pour qu'il y'ait novation, « il ne suffit pas d'augmenter ou de diminuer la dette, de fixer un termes plus long ou plus court, et d'ajouter ou de retrancher une hypothèque ou une autre sûreté, ou même de changer l'espèce de l'obligation... » (Cass. Req, 8 nov. 1875, DP 1876, 1, 4385), que dans le cas de l'espèce, le protocole transactionnel du 23 février 2006 vient changer le montant de la dette en l'augmentant et en y ajoutant une sûreté, sans intention de nover ; qu'il ne saurait dès lors être conclu que ce protocole s'est substitué aux deux premières conventions signées entre les parties, convention dont les dispositions non modifiées restent d'application. L'appelante soutient que l'article 20 de la convention de consolidation qui est une reprise de la convention d'ouverture de crédit stipule que les parties conviennent expressément que tout litige non réglé à l'amiable, sera définitivement tranché par voie d'arbitrage conformément au règlement de la Cour Commune de justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA ; que par ailleurs, l'acte de cautionnement solidaire du 7 décembre 2004 qui fait partie intégrante des conventions soumet, en son article 22, le règlement des différends par la voie arbitrale, qu'enfin, l'article 13 de l'Acte uniforme OHADA sur le droit de l'arbitrage précise que lorsqu'un litige, dont le tribunal arbitral est saisi en vertu d'une convention arbitrale, est porté devant la juridiction étatique, celle-ci doit, si l'une des parties en fait la demande, se déclarer incompétent et dans le cas où le tribunal arbitrale n'est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention arbitrale ne soit manifestement nulle ; qu’au regard de ce qui précède, elle prie la Cour d’infirmer le jugement querellé pour violation des articles 1271 alinéa 1 et 1273 du code civil et statuant à nouveau, déclarer les juridictions commerciales burkinabè incompétentes en raison de la clause arbitrale figurant dans les conventions des parties et les renvoyer à mieux se pourvoir. La SOBUREX sollicite sur le fondement de l'article 6 nouveau de la loi du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Ad Aa, la condamnation de la BIB à lui payer, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la somme de quatre vingt millions (80.000.000) FCFA au regard des frais énormes exposés pour assurer sa défense. En réplique la BIB conclut à la confirmation pure et simple du jugement attaqué en expliquant que la SOBUREX lui reste devoir la somme de huit milliards quarante deux millions cent trente neuf mille quatre cent cinquante six (8.042.139.456) FCFA, une créance dont l'existence ne fait l'objet d'aucun doute et pour le recouvrement de laquelle elle a engagé avec succès une procédure d'injonction de payer. La BIB fait valoir que contrairement à la lecture que l'appelante fait de l'article 1273 du code civil, il n'est pas nécessaire que l'intention de nover soit exprimée en termes formels, une telle intention pouvant être recherchée dans les faits de la cause par le juge ; que sur ce point, il est admis par la doctrine autorisée et moderne que l’« acte » doit être entendu comme désignant l'opération juridique - le negotium et non l'instrumentum et « une intention tacite doit être considérée comme suffisante, pourvu qu'elle soit certaine ; la preuve peut en être trouvée non seulement dans l'analyse du texte de l'acte mais aussi dans le contexte » (Terré, Simler et Lequette, Droit civil, les obligations, 6è` éd. Dalloz 1996, p. 1062, n° 1334) ; qu'ainsi, lorsque la novation n'est pas expressément contenue dans l'instrument de l'acte, les juges se réfèrent à certains éléments de fait tels que l'incompatibilité entre les deux obligations successives, c'est- à-dire entre celle crée et celle éteinte, la non survivance des privilèges et hypothèques de l'ancienne créance au profit de la nouvelle, pour constater l'intention de nover dans l'engagement des parties ; que dans le cas d'espèce, les juges ont fort justement relevé l'incompatibilité entre chaque convention de consolidation et son prédécesseur car il est
juridiquement inadmissible qu'après la consolidation des engagements d'un client dans un nouveau contrat de prêt, ce dernier demeure tenu à la fois par l'ancienne dette et par la nouvelle ; qu'en outre elle n'a pas réservé le cautionnement du 7 décembre 2004 qui accompagnait l'ancienne créance pour le paiement de la nouvelle, objet du protocole d'accord du 23 février 2006, exigeant de la SOBUREX qu'elle fournisse un nouveau cautionnement à l'article 6 du protocole ; que cette attitude des parties est conforme à l'article 1278 du code civil qui prévoit qu'en cas de novation, « les privilèges et hypothèques de l'ancienne créance ne passent point à celle qui lui est substituée, à moins que le créancier ne les ait expressément réservés » que c'est au regard de ces éléments que les premiers juges ont, à bon droit, relevé l'existence d'une novation par création de nouvelles conventions en application de la première hypothèse de l'article 1271 du code civil. L'intimée soutient que seul reste en vigueur, dans ses rapports avec la SOBUREX, le protocole d'accord de règlement transactionnel du 23 février 2006 sur le fondement duquel la procédure d'injonction de payer et qui n'a pas prévu l'arbitrage comme mode de règlement des différends qui pourront naître au cours de son exécution ; que dans ces conditions c'est la loi qui règle la question de la compétence notamment l'article 3 de l'Acte uniforme OHADA sur le recouvrement simplifié et les voies d'exécution qui précise que la requête à fin d'injonction de payer est adressée à la juridiction compétente du domicile ou du lieu ou demeure effectivement le débiteur, que c'est donc à bon droit que le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, dans le ressort duquel se trouve le siège social de SOBUREX, a retenu sa compétence ; que surabondamment il convient de relever que l'article 7 du protocole d'accord du 23 février 2006 prévoit que ledit protocole sera soumis à l'homologation du Tribunal de grande instance de Ouagadougou et l'acte de cautionnement solidaire fourni par le gérant de la SOBUREX qui fait partie intégrante du protocole, précise en son article 6.2 que les litiges découlant du contrat seront tranchés par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou ; qu'il résulte de ces dispositions l'intention clairement exprimée des parties de soumettre tout litige aux juridictions burkinabè ; qu'il plaira à la Cour d'en convenir et de confirmer le jugement attaqué ayant condamné la SOBUREX à lui payer la somme de huit milliard deux cent quarante neuf cinquante cinq mille trois cent quatorze (8.249.055.314) FCFA, la créance étant certaine, liquide et exigible. MOTIVATION EN LA FORME Attendu que l'appel a été interjeté dans le délai prévu à l'article 15 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement, ainsi dans la forme prescrite à l'article 550 du code de procédure civile ; qu'il convient de déclarer l'appel recevable ; AU FOND Sur la compétence Attendu qu'il est constant que la SOBUREX a obtenu de la BIB un prêt d'un montant de cinq milliards six cent millions (5.600.000.000) FCFA, remboursable en 36 mensualités dans le cadre d'une convention de crédit moyen terme conclue le 5 avril 2004, que face à la défaillance du débiteur, une nouvelle convention de consolidation du prêt accordé est intervenue le 29 novembre 2004 entre les parties, portant le montant de la dette à six milliards sept cent cinquante un millions trois cent vingt six mille quatre cent quarante six
(6.751.326.446) FCFA, remboursable en 60 mensualités ; que toujours dans la même logique, les parties ont signé un protocole d'accord transactionnel le 23 février 2006 consolidant l'ensemble des engagements de la SOBUREX à l'égard de la BIB à hauteur de huit milliards six cent soixante millions sept cent soixante cinq mille cinq cent soixante huit mille (8.660.765.568) FCFA, payable en quatre vingt quatre (84) mensualités ; Attendu que dans la convention initiale tout comme dans la convention de consolidation du prêt, les parties ont entendu soumettre les litiges non réglés à l'amiable à l'arbitrage de la CCJA à Abidjan (cf. article 20 des conventions) ; Attendu que le premier juge pour retenir sa compétence, fait valoir que les clauses d'arbitrage invoquées par A pour décliner la compétence du tribunal sont inopérantes car contenues dans des contrats éteints par le jeu de la novation conformément à l'article 1271 du code civil et que le protocole d'accord du 23 février 2006, seul en vigueur entre les parties, ne contient aucune clause d'arbitrage ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, le juge a fait une mauvaise application de la loi ; qu'en effet, pour qu’il y'ait novation au sens de l'article 1271 du code civil, on exige l'extinction d'une obligation, la naissance d'une autre, l'intention de nover et enfin un élément nouveau caractérisant la nouvelle obligation, et qui consiste dans le changement de parties, d'objet ou de cause ; que dans le cas d'espèce, la convention initiale du 5 avril 2004 consacrait un prêt de cinq milliards six cent millions (5.600.000.000) FCFA de la BIB à la SOBUREX remboursable en trente six (36) mois ; que la convention de consolidation du 29 novembre 2004 concerne la même dette ; que les obligations contenues dans les conventions successives des parties ne sont nullement incompatibles ; Attendu qu'en cas d'emprunt, il ne suffit pas, pour opérer une novation, de modifier les modalités de remboursement, les seuls changements du taux des intérêts et des délais de paiement, voire les changements dans les sûretés, étant impropres à caractériser à eux seuls une novation et ce, quelle que soit l'intention des parties (cf. Cass. 1ère civ. 20 nov. 1967, Rec. Dalloz Sirey 1969, note N. Ab, p. 321 ; Cass. 1ère civ. 2 déc. 1997, Rec. Dalloz 1998, note C. Ac, p. 549) ; Attendu que pour le premier juge le protocole d'accord transactionnel signé en dernier lieu entre les parties s'est substitué à la convention de prêt comme source des obligations de SOBUREX ; Mais attendu que sauf intention contraire des parties, la transaction n'emporte pas novation ; que la transaction bien qu'étant un nouvel accord de volontés, ayant trait aux obligations issues d'un précédent contrat, ne remplace pas celui-ci et ne constitue pas une source nouvelle de droits et d'obligations ; à moins que les parties aient voulu changer la cause de leurs relations contractuelles (intention novatoire) ; Attendu par conséquent que l'existence d'une transaction n'interdit pas d'invoquer les dispositions du contrat originaire qui demeure la source des relations entre les parties qui doivent l'exécuter de bonne foi conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil (cf. Cass. 1ère civ., 21 janv. 1997, Rec. Dalloz 1997, note L. Aynès, 22e cahier, sommaires commentés) ; Attendu que c'est donc à bon droit que la SOBUREX s'est prévalue de la clause compromissoire prévue à l'article 20 de la convention d'ouverture de crédit moyen terme pour soulever l'incompétence du Tribunal de grande instance ; Attendu qu'en passant outre, le premier juge a violé les dispositions de l'article 13 de l'Acte uniforme OHADA sur l'arbitrage qui prévoit, en présence d'une clause arbitrale, que la juridiction étatique doit se déclarer incompétente, à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ;
Attendu qu'au regard de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, déclarer les juridictions commerciales burkinabè incompétentes en application de l'article 13 alinéa 2 de l'Acte uniforme OHADA ; Sur les frais exposés Attendu qu'en vertu de l'article 6 nouveau de la loi 1093 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Ad Aa, le juge peut, dans toutes les instances, sur demande expresse et motivée, condamner la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et ce sans égard pour la convention qui lie le justiciable à son avocat Attendu que dans ses dernières conclusions, la SOBUREX réclame au titre des frais exposés la somme de quatre vingt millions (80.000.000) F CFA qui correspondrait aux dépenses faites pour assurer sa défense Attendu cependant que la demanderesse n'apporte pas les justificatifs de la somme réclamée ; Attendu que le barème indicatif des frais et honoraires des avocats du 20 décembre 2003 précise en son article 33 que les avocats du demandeur et du défendeur ont droit à des honoraires fixes de quatre cent (400.000) FCFA en appel, qu'en application de cette disposition et faute pour la SOBUREX de prouver les frais réclamés, il convient de lui allouer ladite somme et la débouter du surplus de sa demande PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Déclare l'appel recevable ; Infirme le jugement attaqué ; Statuant à nouveau, déclare les juridictions commerciales étatiques incompétentes ; Renvoie les parties à mieux se pourvoir ; Condamne la BIB aux dépens ; La condamne à payer à la SOBUREX les frais exposés et non compris dans les dépens d'un montant de quatre cent (400.000) FCFA.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de ouagadougou
Numéro d'arrêt : 028
Date de la décision : 21/03/2008

Analyses

PROCÉDURE SIMPLIFIÉE DE RECOUVREMENT DES CRÉANCES - INJONCTION DE PAYER - CONVENTION DE CRÉDIT MOYEN TERME - CONVENTION DE CONSOLIDATION DU PRÊT - PROTOCOLE D'ACCORD TRANSACTIONNEL - DÉCISION D'INJONCTION DE PAYER RENDUE SUR OPPOSITION - APPEL - RECEVABILITÉ (OUI) EXCEPTION D'INCOMPÉTENCE DU TGI - CONVENTION INITIALE - CLAUSE D'ARBITRAGE - EXTINCTION DES CONTRATS - NOVATION - VIOLATION DES CONDITIONS DE L'ARTICLE 1271 CODE CIVIL - CONVENTIONS SUCCESSIVES - DÉFAUT D'INTENTION NOVATOIRE - INCOMPATIBILITÉ DES OBLIGATIONS (NON) - VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 13 AUA - INFIRMATION DU JUGEMENT - INCOMPÉTENCE DES JURIDICTIONS COMMERCIALES BURKINABÉ (OUI)


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bf;cour.appel.ouagadougou;arret;2008-03-21;028 ?
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