Par acte d'huissier en date du 28 novembre 2006 notifié à A Ab et déposé au greffe de la Cour d'appel de Ouagadougou, la Banque Internationale du Burkina (BIB) a interjeté appel du jugement rendu le 10 novembre 2006 par le Tribunal de grande instance de Ac en ces termes : «... Déclare l'opposition formée contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 06/2006 du 09 mai 2006 recevable ; La déclare bien fondée, annule l'ordonnance d'injonction de payer n° 09/2006 pour cause de nullité du billet à ordre produit ; Déboute l'opposant de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et de remboursement de frais d'avocat comme étant injustifiées Condamne la BIB aux dépens. ». La BIB explique qu'elle est créancière de A Ab de la somme en principal de quatre vingt quatre millions huit cent vingt neuf mille huit cent trente un (84.829.83 1) FCFA représentant le solde débiteur à la clôture du compte courant n° 11024872801/66 ouvert dans ses livres ; que pour parvenir au recouvrement de sa créance, elle a sollicité et obtenu du président du Tribunal de grande instance de Ac le 9 mai 2006 une ordonnance d'injonction de payer la somme de quatre vingt six millions huit cent dix sept mille sept cent vingt huit (86.817.728) FCFA en principal, frais de greffe et intérêts de droit, en produisant à l'appui de sa requête le relevé du compte courant du débiteur à sa clôture. La BIB fait valoir que le jugement attaqué mérite d'être infirmé en ce qu'il a annulé l'ordonnance d'injonction de payer d'une part, et déclarer recevable la demande reconventionnelle de A Ab en paiement de dommages et intérêts fondés sur l'article 15 du code de procédure civile, d'autre part. L'appelante soutient que pour obtenir la décision d'injonction de payer, elle a produit à l'appui de sa requête le relevé de compte de son client qui fait ressortir un solde débiteur ; qu'à ce stade, le billet à ordre ne faisait pas partie des pièces justificatives ; que c'est seulement lorsque A Ab a, dans son acte d'opposition, contesté le montant de la dette qu'elle a exhibé une copie du billet à ordre souscrit le 30 mai 2004 pour justifier le montant réclamé ; que du reste le montant réclamé est supérieur à celui figurant sur le billet à ordre ; que c'est donc à tort que les premiers juges, se fondant sur l'article 170 du Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif au système de paiement énonçant que le billet à ordre à échéance successive est nul, ont procédé à l'annulation de l'ordonnance d'injonction de payer motif pris de ce qu'il a été rendu sur la base d'un effet de commerce nul ; qu'en statuant ainsi, ils ont méconnu les dispositions de l'article 2 de l'Acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution qui précise que la requête aux fins d'injonction de payer peut être introduite lorsque la créance a une cause contractuelle ou lorsque l'engagement résulte de l'émission ou de l'acceptation de tout effet de commerce, ou d'un chèque revenu impayé faute de provision ; qu'en l'espèce, sa créance a une cause contractuelle puisque découlant d'une convention de compte courant qui le lie à A Ab et non pas de l'émission ou de l'acceptation d'un effet de commerce. S'agissant du deuxième grief fait au jugement et relatif à la demande reconventionnelle de l'intimé, la BIB soutient que le tribunal ne pouvait recevoir cette demande et l'examiner sans violer les dispositions de l'article 2 de l'Acte uniforme susvisé ; qu'en effet ledit article délimite le champ d'application de l'Acte uniforme, dérogeant ainsi aux textes de droit commun notamment ceux relatifs à la responsabilité extracontractuelle ; qu'il s'ensuit que la demande de paiement de dommages et intérêts fondée sur l'article 15 du code de procédure civile est irrecevable en matière d'injonction de payer ; qu'en conséquence de l'infirmation du
jugement attaqué, elle prie la Cour de bien vouloir par évocation, statuer sur sa demande de recouvrement. La BIB fait valoir que dans le cadre d'une convention de compte courant, A Ab a bénéficié de plusieurs concours financiers d'un montant total de soixante millions (60.000.000) de FCFA en principal ; que le 23 juillet 2003, alors que son compte était menacé de fermeture, il a sollicité et obtenu de la Banque que ses engagements d'un montant de quatre vingt un million six cent mille (81.600.000) FCFA soient consolidés avec un rééchelonnement de soixante mensualités (60) payables au crédit du compte ; qu'au regard des difficultés persistantes, elle a adressé, en vain, à A Ab une mise en demeure le 30 septembre 2005 d'avoir à lui payer, sous quinzaine, la somme de quatre vingt quatre millions huit cent soixante dix neuf mille huit cent trente un (84.879.831) FCFA, puis a fini par lui notifier, le 13 avril 2006, la dénonciation et la clôture du compte qui dégageait le solde susvisé au profit de la Banque ; que dès cet instant, elle a entrepris de poursuivre le recouvrement de sa créance par la voie de l'injonction de payer au regard du fait que sa créance est certaine car découlant d'une convention de compte courant, liquide comme ayant un montant déterminé et exigible, une mise en demeure ayant été notifiée au débiteur défaillant ; qu'il convient par conséquent de condamner A Ab à lui payer les sommes de quatre vingt quatre millions huit cent vingt neuf mille huit cent trente un (84.829.831) FCFA en principal, un million neuf cent quatre vingt deux mille huit cent quatre vingt dix sept (1.982.897) FCFA représentant les intérêts de droit pour compter de la date de mise en demeure et cinq mille (5.000) FCFA au titre des frais de greffe. En application de l'article 6 nouveau de la loi 10/93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Ae Aa, la BIB réclame à l'intimé le remboursement de la somme de cinq millions (5.000.000) FCFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, comprenant le frais de déplacement à Ac (sept aller-retour), les frais de téléphone, de dossier ainsi que la rémunération de son avocat. En réplique, A Ab conclut à la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions, exception faite de celles relatives aux dommages et intérêts pour action malicieuse et vexatoire, d'une part, et aux frais exposés et non compris dans les dépens, d'autre part. L'intimé fait valoir que c'est de mauvaise foi que la présente procédure a été intentée à son encontre par la BIB pour une créance non exigible, tout comme les actes de clôture de son compte qui a été débité ; qu'en outre il a été victime d'égarement de connaissement, de promesses de financement faites et non tenues et enfin d'usage de manœuvres malicieuses pour obtenir la signature d'un billet à ordre ; que selon l'article 15 du code de procédure civile, l'action malicieuse et vexatoire, dilatoire ou qui n'est pas fondée sur des moyens sérieux, constitue une faute ouvrant droit à réparation ; que l'action de la BIB est une action malicieuse et vexatoire et n'est fondée sur aucun moyen sérieux ; que c'est pourquoi elle sera condamnée à bon droit à lui payer la somme de quinze millions (15.000.000) FCFA à titre de réparation ; que la Cour voudra, contrairement aux premiers juges y faire droit ; qu'en ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens, il sollicite la condamnation de la BIB à lui rembourser la somme de huit millions (8.000.000) FCFA au titre des honoraires d'avocat et ce en application de l'article 6 alinéa 3 nouveau de la loi 10/93 ADP du 17 mai 1993. DISCUSSION EN LA FORME
Attendu que l'appel de la BIB est recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus respectivement aux articles 15 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d'exécution et 550 du code de procédure civile ; AU FOND Attendu qu'il est constant que A Ab étaient en relation d'affaires avec la BIB depuis au moins le mois d'août 1999 et dont il a bénéficié du concours financier à travers le compte courant n° 11024882801/66 ; qu'à la date du 22 juillet 2003, il sollicitait de la Banque la consolidation de son solde débiteur d'un montant de quatre vingt un millions six cent mille (81.600.000) FCFA ; que c'est ainsi que le 14 avril 2004, un accord de consolidation de la dette de A Ab est intervenu, portant celle-ci à quatre vingt trois millions sept cent quatre vingt six mille cinquante (83.786.050) FCFA remboursable en soixante (60) mensualités et matérialisée par un billet à ordre unique échelonné du 30 mai 2004 au 30 avril 2009, avec comme clause que le non paiement d'une des échéances prévues au tableau d'amortissement, le billet à ordre non encore échu deviendra exigible ; Attendu qu'il n'est pas non plus contesté que A Ab a reçu de la BIB le 30 septembre 2005 puis le 13 avril 2006 respectivement une mise en demeure d'avoir à payer et une notification de résiliation et de clôture du compte courant qui les liait et d'où il résulte un solde définitif de quatre vingt quatre millions huit cent vingt neuf mille huit cent trente un (84.829.83 1) FCFA en faveur de la Banque ; Attendu que le premier juge, épousant les thèses de l'intimé, a rétracté l'ordonnance d'injonction de payer obtenue sur la base d'un billet à ordre à échéances successives qui, au regard de l'article 170 du Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA, est nul ; Mais attendu qu'il convient de relever à la suite d'une doctrine constante (cf. F. Pérochon et R. Ad, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, n° 628 et svts, 4e éd.) que la gravité de la sanction d'un effet de commerce se révèle à travers l'impossibilité qui en découle, pour le porteur de l'effet irrégulier, de se prévaloir d'engagement de nature cambiaire à la charge des divers signataires du titre et qu'il n'en résulte pas au demeurant que l'acte n'ait aucune valeur juridique car ce n'est pas une lettre de change ou un billet à ordre, mais peut-être est-ce une reconnaissance de dette, un commencement de preuve par écrit ou encore l'engagement d'un délégué au profit d'un délégataire ; Attendu qu'en l'espèce, A Ab a obtenu de la banque une consolidation de sa dette déjà ancienne de quelques années et consistant à allonger le délai de remboursement, ce qui ne signifie nullement, ainsi que l'atteste l'acte dénommé « Dénonciation du terme en cas d'impayé » signé par le débiteur que le paiement des échéances convenues est suspendu ; qu'en réalité, le billet à ordre souscrit par le débiteur vaut reconnaissance de dette quand bien même il est nul ; Attendu que c'est à tort que le premier juge a déclarer nulle l'ordonnance d'injonction de payer déférée devant lui ; qu'il y'a lieu par conséquent d'infirmer le jugement sur ce point ; Attendu que la créance de la BIB est certaine, liquide et exigible depuis le 13 avril 2006, date de clôture du compte courant liant les parties ; qu'il convient dès lors de déclarer bonne et valable l'ordonnance d'injonction de payer n° 06/2006 du 9 mai 2006 du président du Tribunal
de grande instance de Ac portant sur la somme de quatre vingt six millions huit cent dix sept mille sept cent vingt huit (84.817.728) FCFA au profit de la BIB ; Attendu que A Ab ayant succombé, il y'a lieu de le condamner aux dépens en application de l'article 394 et subséquemment le débouter de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour action malicieuse et vexatoire de l'article 15 du code de procédure civile ; Attendu que la BIB réclame à l'intimé la somme de cinq millions (5.000.000) FCFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; Mais attendu que la BIB ne fait pas la preuve de ces frais ainsi que le prescrit l'article 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire qui parle de demande expresse et motivée ; que par contre il est indéniable que l'appelante s'est attachée les services d'un avocat ; que le barème indicatif des avocats du 20 décembre 2003 précise en son article 33 que les avocats du demandeur et du défendeur ont droit à des honoraires fixes de quatre cent mille(400.000) FCFA en appel ; qu'en application de cette disposition et faute pour la Banque d'avoir établi la réalité des frais exposés à hauteur de cinq millions (5.000.000) FCFA, il convient de lui allouer ladite somme et la débouter du surplus ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Déclare l'appel de la BIB recevable ; Infirme le jugement attaqué ; Statuant à nouveau, déclare bonne et valable l'ordonnance d'injonction de payer n° 06/2006 du président du Tribunal de grande instance de Ac, portant sur la somme de quatre vingt six millions huit cent dix sept mille sept cent vingt huit (86.817.728) FCFA en principal, intérêts de droit et frais de greffe ; Déboute la BIB de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; Condamne A Ab aux dépens ; Le condamne à payer à la BIB la (400.000) FCFA au titre des dépens.