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15/05/2006 | BURKINA FASO | N°33

Burkina Faso | Burkina Faso, Cour d'appel de bobo-dioulasso, 15 mai 2006, 33


Texte (pseudonymisé)
Les dispositions de l’article 93 AUDCG relatives au délai de congé de 06 mois ne s’appliquent qu’au contrat de bail à durée indéterminée. En l’espèce, le contrat de bail a plutôt stipulé une durée de trois ans renouvelable. Aucune disposition légale n’ayant prévu de délai congé dans ce type de contrat, c’est à bon droit que le premier juge a fait application de la clause contractuelle selon laquelle le preneur devait informer le bailleur dans un délai de 03 mois. Ce préavis ayant observé, le moyen tiré de son non respect ne saurait prospérer.
Pour justifier

la résiliation, le locataire invoque, conformément à la clause de résiliation, des...

Les dispositions de l’article 93 AUDCG relatives au délai de congé de 06 mois ne s’appliquent qu’au contrat de bail à durée indéterminée. En l’espèce, le contrat de bail a plutôt stipulé une durée de trois ans renouvelable. Aucune disposition légale n’ayant prévu de délai congé dans ce type de contrat, c’est à bon droit que le premier juge a fait application de la clause contractuelle selon laquelle le preneur devait informer le bailleur dans un délai de 03 mois. Ce préavis ayant observé, le moyen tiré de son non respect ne saurait prospérer.
Pour justifier la résiliation, le locataire invoque, conformément à la clause de résiliation, des raisons techniques qualifiées d’impératives. Si le caractère technique des installations envisagées ne peut être discuté, l’on peut par contre s’interroger sur leur caractère impératif. En outre, le locataire étant un exploitant avisé de la téléphonie mobile, il se devait de prendre toutes les mesures idoines pour inspecter les lieux avant de s’engager. Dès lors, la résiliation du contrat étant intervenue en dehors de considérations techniques impératives, il convient de la déclarer abusive comme l’a justement fait le premier juge.
ARTICLE 93 AUDCG ARTICLE 1760 CODE CIVIL BURKINABÈ ARTICLE 536 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ARTICLE 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D'APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre civile et commerciale (X A), Arrêt n° 33 du 15 mai 2006, CELTEL Burkina c/ C Ac)
LA COUR,
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 02 avril 2002 madame C Ac donnait à bail à la société CELTEL Burkina un immeuble situé au secteur n° 1 de Bobo-Dioulasso moyennant un loyer mensuel de 700.000 F. Ce bail consenti pour une durée de trois ans renouvelables par tacite reconduction prévoyait une clause de résiliation tenant soit au retrait de l’agrément dont bénéficie CELTEL pour l’exploitation de la téléphonie mobile soit à la survenance de toutes raisons techniques impératives. Le 22 novembre 2005, CELTEL résiliait effectivement le contrat.
Suivant acte d’huissier du 03 août 2004 Madame C Ac assignait la société CELTEL devant le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso en paiement des sommes de : - 14.700.000 F représentant le loyer de la période restant à courir ; - 30.000.000 F à titre de dommages et intérêts ; - et de 8.945.000 F représentant les honoraires d’avocats.
A cet effet Madame C Ac fait valoir que la société CELTEL a unilatéralement mis fin au contrat de bail qui les liait alors qu’elle ne se trouvait pas dans l’un des cas de rupture prévus par leur accord ; que cette résiliation présente un caractère abusif, ce d’autant plus qu’à la demande de CELTEL, elle avait entrepris des travaux d’extension des locaux dont une partie devait être préfinancée par CELTEL. Madame C ajoutait par ailleurs que le bailleur n’a pas respecté le délai de 06 mois consacré par les usages en matière de bail commercial.
En réplique, la société CELTEL explique qu’en raison de la croissance de son réseau, particulièrement à Bobo-Dioulasso, des impératifs d’efficacité, de qualité des prestations, de management et de contrôle de ses activités rendaient indispensable la mise en place d’un dispositif de contrôle 24 h sur 24 et une interconnexion des réseaux informatiques de Ab et Aa ; qu’un tel dispositif nécessitait l’implantation d’un pylône que la configuration du local dont le bail a été résilié ne permet pas de réaliser ; qu’ainsi la résiliation du bail obéit à des impératifs techniques tels que prévus dans le contrat.
Par décision du 03 août 2005, le tribunal recevait l’action de Madame C et condamnait la société CELTEL à lui payer la somme principale de 14.700.000 F représentant le montant du loyer de la période restante à courir puis celle de 10.000.000 F à titre de dommages et intérêts et 4.705.000 F au titre des frais non compris dans les dépens.
Contre cette décision, la société CELTEL interjetait appel par acte du 18 août 2005. La cause inscrite au rôle de la Cour sous le n° 90 du 03 octobre 2005 a été appelée à l’audience du 17 octobre 2005 puis renvoyée à la mise en état ; Le 23 janvier 2006 intervenait la clôture de l’instruction de l’affaire et son renvoi à l’audience du 06 février 2006 ; A cette date succèdera une série de renvois pour divers motifs jusqu’au 03 avril 2006 date à laquelle la cause est débattue puis mise en délibéré pour le 15 mai 2006 ; Advenue cette date la Cour en considération des prétentions et moyens des parties a vidé saisine ainsi qu’il suit :
DISCUSSION
Sur la recevabilité
Attendu que la société CELTEL a intérêt et qualité pour agir ; que son appel interjeté en application des articles 536 et 550 du code de procédure civile mérite d’être déclaré recevable ;
Sur la résiliation du bail
1 – Sur le moyen tenant au non respect du préavis
Attendu que Madame C Ac fait valoir que par lettre en date du 22 novembre 2004, la
Société CELTEL lui notifiait la résiliation du bail pour compter du 28 février 2004 ; que ce délai congé ne respecte pas les dispositions de l’article 93 de l’Acte uniforme OHADA sur le droit commercial qui prévoit plutôt un délai de 06 mois ; qu’il s’en suit que la résiliation doit être déclarée abusive ;
Attendu cependant que les dispositions de l’article 93 ci-dessus cité ne s’appliquent qu’au contrat de bail à durée indéterminée ; qu’en l’espèce le contrat de bail a plutôt stipulé une durée de trois ans renouvelable ; qu’aucune disposition légale n’ayant prévu de délai congé dans ce type de contrat, c’est à bon droit que le premier juge a fait application de la clause contractuelle selon laquelle CELTEL devait informer le bailleur dans un délai de 03 mois ; qu’il s’en suit que B ayant observé ce préavis, le moyen tiré de son non respect ne saurait prospérer.
2 - Sur le moyen fondant la résiliation
Attendu que pour justifier la résiliation, la société CELTEL invoque des raisons techniques qualifiées d’impératives en ce sens que les locaux loués sont exigus et contiennent des puits perdus, les rendant impropres et inadaptés à l’implantation d’un pylône devant permettre l’installation d’un contrôleur de base GSM ;
Attendu qu’il résulte de l’alinéa 2 de l’article II du contrat de bail, la possibilité pour CELTEL de résilier ledit contrat à tout moment à charge pour elle de prévenir le propriétaire…. ;
Attendu cependant que si le caractère technique des installations envisagées ne peut être discuté, l’on peut par contre s’interroger sur leur caractère impératif ; qu’en effet si l’on s’en tient à la définition du Larousse, le caractère impératif d’une chose tient en ce que cette chose s’impose comme une nécessité absolue ;
Attendu en l’espèce que depuis le 22 novembre 2004 CELTEL a donné congé à son bailleur madame C Ac, invoquant des raisons impératives ; que cependant jusqu’au dépôt de ses conclusions devant le premier juge l’implantation du pylône n’avait pas été réalisée ; que la situation est restée telle jusqu’au 03 avril 2006 date des plaidoiries devant la Cour ; que si comme le soutient B, la raison invoquée avait un caractère impératif, autrement dit s’imposait comme une nécessité absolue, l’installation du pylône aurait déjà eu lieu ;
Attendu d’autre part que le bail dont s’agit est d’une durée déterminée de 03 ans renouvelable ; qu’il a été renouvelé en février 2004 soit moins d’un an avant la décision de donner congé ; qu’en plus la société CELTEL étant un exploitant avisé de la téléphonie mobile, elle se devait de prendre toutes les mesures idoines pour inspecter les lieux avant de s’engager ; qu’ en effet c’est en connaissance de l’exiguïté des lieux et de la présence de puits perdus dans la Cour qu’elle s’est engagée ; Que ces faits qui existaient aussi bien au moment de la conclusion que du renouvellement du contrat ne sauraient être considérés comme des circonstances survenues au cour du contrat.
Que dès lors la résiliation du contrat étant intervenue en dehors de considérations techniques impératives, il convient de la déclarer abusive comme l’a justement fait le premier juge ; et en conséquence, ce, conformément à l’article 1760 du code civil, condamner CELTEL à payer au bailleur la somme de 14.700.000 F représentant le manque à gagner, résultant de la non occupation des lieux loués pendant la durée du bail restant à courir.
Sur les dommages et intérêts
Attendu que le bailleur, mme C Ac sollicitait le paiement de la somme de 30.000.000 F à titre de dommages et intérêts, expliquant avoir à la demande de CELTEL, entrepris des travaux d’extension qui restent inachevés ; Attendu que le premier juge lui a accordé la somme de 10.000.000 F ;
Attendu que l’article 1760 du code civil prévoit la condamnation du preneur au paiement de dommages et intérêts en cas de résiliation fautive par ce dernier ; Attendu en l’espèce que CELTEL ne conteste pas avoir demandé à madame C Ac l’extension du local, que cette extension inachevée causant un préjudice à celle-ci, c’est à bon droit que le premier juge a condamné CELTEL au paiement de la somme de 10.000.000 F ;
Attendu que madame C Ac et son conseil sollicitent la prise en charge par CELTEL des frais non compris dans les dépens ; Attendu que l’article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire donne la faculté au juge de décider dans ce sens en tenant compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée ;
Attendu qu’il résulte des faits de l’espèce que B a manifestement fait preuve de mauvaise foi, en résiliant abusivement un bail qui venait il y a à peine un (01) an d’être reconduit pour, une durée de (03) trois ans ; que cette situation ayant nécessité de nombreux déplacements à son cocontractant et à son conseil, il convient de condamner CELTEL au paiement de la somme de 2.200.000 F au titre de ces frais ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement, en matière commerciale, en cause d’appel et en dernier ressort ;
EN LA FORME
Déclare l’appel recevable en application des articles 536 et 550 du code de procédure civile.
AU FOND
- confirme le jugement n° 161 rendu le 30/8/2005 par le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso - condamne la société CELTEL Burkina à payer à dame C Ac et à son conseil la somme de 2.200.000 F au titre des frais et honoraires exposés et non compris dans les dépens. - condamne la société CELTEL aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bobo-dioulasso
Numéro d'arrêt : 33
Date de la décision : 15/05/2006

Analyses

DROIT COMMERCIAL GENERAL - BAIL COMMERCIAL - CONTRAT A DUREE DETERMINEE - TACITE RECONDUCTION - RESILIATION PAR LE LOCATAIRE - ASSIGNATION EN PAIEMENT POUR RESILIATION ABUSIVE - ACTION BIEN FONDEE (OUI) - APPEL - RECEVABILITE (OUI) CAS D'UN BAIL A DUREE DETERMINEE - CONGE - PREAVIS DE 3 MOIS - VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 93 (NON) - RESILIATION DU CONTRAT - CLAUSE DE RESILIATION - NON RESPECT DES CONDITIONS ET RAISONS - RESILIATION ABUSIVE (OUI) - BAIL RESTANT A COURIR - PAIEMENT DES LOYERS (OUI) - DOMMAGES ET INTERETS (OUI) - CONFIRMATION DU JUGEMENT


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bf;cour.appel.bobo-dioulasso;arret;2006-05-15;33 ?
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