Selon les dispositions de l’article 274 AUDCG, le délai de prescription en matière de vente commerciale est de deux (02) ans. Ce délai court à partir de la date à laquelle l'action peut être exercée.
En l'espèce, l'acheteur reconnaît avoir, au cours du délai de prescription stipulé à l’article 274 précité, émis deux (02) chèques en paiement du reliquat de sa dette issue de la commande du sucre. Ces chèques constituent de ce fait des éléments de reconnaissance du droit du vendeur en tant que créancier par l'acheteur. Ils sont donc interruptifs du délai de prescription de l’article 274 ci-dessus cité et ce, en vertu de l’article 2248 du code civil qui stipule que : "La prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait".
L’argument tiré des articles 68 et 40 de la loi uniforme sur les instruments de paiement dans l’UMOA ne saurait prospérer dans la mesure où lesdites dispositions ne s’appliquent qu’au délai de prescription qu’encourent les actions du porteur contre les endosseurs et autres obligés en matière de chèque.
Donc, à défaut de preuve du paiement de sa dette, l'acheteur ne peut être libéré de son obligation de payer le prix.
ARTICLE 4 AUPSRVE ARTICLE 8 AUPSRVE ARTICLE 15 AUPSRVE ARTICLE 274 AUDCG ARTICLE 13 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ARTICLE 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ARTICLE 2248 CODE CIVIL BURKINABÈ ARTICLE 40 LOI UNIFORME SUR LES INSTRUMENTS DE PAIEMENT ARTICLE 68 LOI UNIFORME SUR LES INSTRUMENTS DE PAIEMENT
(COUR D'APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre civile et commerciale (X A), Arrêt n° 31 du 15 mai 2006, B Aa c/ Ets C Ab)
LA COUR,
I - FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte d’huissier de justice daté du 22 septembre 2003, B Aa a formé opposition à une ordonnance d’injonction de payer rendue par le président du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso au profit des Ac C Ab et assigné ce dernier par devant le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso. Au soutien de son opposition monsieur B Aa soulève deux fins de non recevoir ; la première tirée du défaut de qualité que n’aurait pas le bénéficiaire de l’ordonnance et la seconde tenant à la prescription fondée sur l’article 274 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général. En réplique, monsieur C Ab conclut au rejet des prétentions du demandeur et demande qu’il soit condamné à lui payer le montant du reliquat de sa créance qui est contenu dans l’ordonnance d’injonction de payer ainsi que les frais de greffe et les intérêt échus depuis la notification de l’ordonnance.
Le 21 avril 2004, le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso a rendu le jugement n° 89, dont la teneur suit : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ; - déclare recevable en la forme l’opposition formée par B Aa ; - confirme l’ordonnance n° 237/2003 du 1er août 2003 et condamne en conséquence B Aa à payer à C Ab la somme principale de trente huit millions quatre cent mille francs (38.400.000 F) outre les intérêts de droit ; - condamne B Aa aux dépens. »
Par acte d’huissier de justice daté du 23 avril 2004, monsieur B Aa a interjeté appel du jugement dont dispositif ci-dessus rappelé. Dans ses conclusions d’appel outre les prétentions et moyens déjà développés devant les premiers juges, l’appelant invoque l’extinction totale de son obligation et demande la condamnation de C Ab à lui payer la somme de deux millions de francs (2.000.000 FCFA) au titre des frais non compris dans les dépens. Dans ses conclusions en réplique, l’intimé reprend les mêmes prétentions et moyens déjà développés devant les premiers juges et demande la confirmation du jugement et la condamnation de B Aa à lui payer la somme de trente huit millions quatre cent mille francs (38.400.000 FCFA) ;
II – DICUSSION
1) De la recevabilité de l’appel
Attendu que selon l’article 15 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans un délai qui ne peut excéder trente jours à compter de la date de ladite décision ; Attendu en l’espèce, que le jugement querellé a été rendu sur opposition le 21 avril 2004 suivant la procédure d’injonction de payer organisée par l’Acte uniforme ci-dessus cité ; que l’appel est intervenu le 23 avril 2004 soit trois (03) jours seulement après la décision et dans la forme prescrite par l’article 550 du code de procédure civile ; que dès lors, il doit être déclaré recevable ;
2) Sur le moyen tiré du défaut du droit d’agir
Attendu qu’il est reproché au jugement querellé d’avoir reconnu aux « Ac C Ab », la qualité de personne juridique et par suite le droit d’agir alors qu’il s’agit d’un nom commercial qui n’aurait nullement la personnalité juridique ;
Attendu que s’il est vrai que « les Ac C Ab » est un nom commercial et donc l’appellation en vertu de laquelle monsieur C Ab exploite son activité commerciale, il est tout aussi indéniable que cette appellation se confond à la personne physique de monsieur C Ab qui en est l’exploitant et à qui il n’est dénié aucun des attributs de la personne juridique notamment celui du droit d’ester en justice ; que d’ailleurs l’appelant lui-même a toujours confondu « Ac C Ab » et C Ab dans ses rapports commerciaux avec celui-ci ; que c’est ainsi qu’il n’a eu à redire dans le bon de commande, dans les divers reçus à lui délivrés ou encore dans les chèques qu’il a lui même émis et où figure la mention « Ac C Ab » pour désigner C Ab lui-même ; qu’en rejetant ainsi cette fin de non recevoir, les premiers juges n’ont en rien violé les dispositions de l’article 13 du code de procédure civile ; qu’il y a lieu donc de confirmer le jugement sur ce point ;
3) Sur le moyen tiré de la prescription de l’article 274 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général
Attendu qu’il est en outre reproché au jugement entrepris d’avoir méconnu les dispositions de l’article 274 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général selon lequel le délai de prescription en matière de vente commerciale est de deux (02) ans, alors même et selon l’appelant, il se serait écoulé plus de deux (2) ans entre la livraison de la marchandise vendue et l’action intentée par le vendeur C Ab ;
Attendu cependant que monsieur B Aa reconnaît avoir émis deux (02) chèques du même montant les 20 juin 2002 et 30 juin 2003 en paiement du reliquat de sa dette issue de la commande du sucre ; que lesdits chèques ont bel et bien été émis au cours du délai de prescription stipulé à l’article 274 de l’Acte uniforme précité ; qu’ils constituent de ce fait des éléments de reconnaissance du droit de C Ab en tant que créancier par B Aa et sont donc interruptifs du délai de prescription de l’article 274 de l’Acte uniforme ci-dessus cité et ce, en vertu de l’article 2248 du code civil ; que l’argument tiré des articles 68 et 40 de la loi du 13 décembre 1997 portant loi uniforme sur les instruments de paiement dans l’UMOA ne saurait prospérer dans la mesure où lesdites dispositions ne s’appliquent qu’au délai de prescription qu’encourent les actions du porteur contre les endosseurs et autres obligés en matière de chèque ; qu’en rejetant ce deuxième moyen, les premiers juges ont fait une bonne application des dispositions combinées des articles 274 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général et 2248 du code civil ; qu’ainsi il convient de confirmer le jugement sur ce point ;
4) Sur le moyen tiré de l’extinction de l’obligation de B Aa
Attendu que l’appelant soutient s’être totalement libéré de son obligation de payer le prix en tant qu’acheteur ;
Attendu cependant qu’il ne rapporte aucune preuve du paiement de sa dette ; qu’en revanche, monsieur C Ab le vendeur a donné des explications plausibles et fourni des pièces
à l’appui de ses prétentions notamment les chèques émis par monsieur B Aa ; que les réponses fournies par ce dernier pour denier les chèques en tant qu’élément de preuve de la créance sont inadmissibles en tant que professionnel ; qu’en effet on ne saurait admettre de la part d’un commerçant, qui pour couvrir un autre commerçant, fut-il « son ami », en vienne à émettre un chèque qu’il sait payable à vue, pour en demander qu’on ne lui accorde aucune valeur probante surtout lorsque l’autre partie conteste les circonstances soutenues par le tiré ; qu’en décidant comme ils l’ont fait, les premiers juges ont rendu une bonne décision qui mérite d’être confirmée sans qu’il ne soit besoin d’examiner le dernier chef de demande de monsieur B Aa ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale en cause d’appel et en dernier ressort ;
En la forme
Déclare l’appel recevable en application des articles 15 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 550 du code de procédure civile ;
Au fond
Confirme le jugement n° 89 du 21 avril 2004 rendu par le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso ; Déboute B Aa de sa demande au titre de l’article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au X A ; Condamne B Aa au dépens.