Les pièces justificatives produites par le créancier font-elles la preuve de l’existence d’une créance actuelle et incontestable, susceptible d’ouvrir droit au recours à la procédure simplifiée de recouvrement des créances ?
En l'espèce, la débitrice ne conteste ni le contrat de multiplication de semences de maïs, ni la fiche de pesage. Elle se borne à leur dénier la valeur probante de la créance qui en découle, alors qu'il résulte de ses obligations contenues dans le contrat qu’elle est débitrice du seul fait qu’elle a reçu livraison de la chose pour laquelle elle s’est engagée à payer le prix. En faisant donc droit à la requête du créancier, les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits, et il convient dès lors de confirmer la décision sur ce point.
Par ailleurs, et comme il a été jugé en première instance, la demande en nullité tirée de la violation des articles 4 et 8 AUPSRVE doit être écartée dans la mesure ou l'opposant n’a produit aucun des actes incriminés, alors que selon lui lesdits actes, à savoir l’ordonnance et l’exploit de signification, portent en eux-mêmes les germes de cette nullité.
ARTICLE 4 AUPSRVE ARTICLE 8 AUPSRVE ARTICLE 15 AUPSRVE ARTICLE 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D'APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre civile et commerciale (X A), Arrêt n° 05 du 06 février 2006, SOPROFA c/ B Aa)
LA COUR,
I - FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par suite de l’ordonnance d’injonction de payer n° 82/04 du 15 juillet 2004 rendue par le vice-président du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, la Société de Production des Filières Agricoles, en abrégée SOPROFA, a formé opposition contre ladite ordonnance et assigné B Aa devant le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso le tout par acte d’huissier de justice daté du 06 août 2004. Au soutien de son opposition, la SOPROFA explique que l’ordonnance déférée l’a condamné à payer à B Aa la somme de deux millions trente deux mille neuf cent francs (2.032.900 FCFA) alors même que les pièces
produites par le requérant pour obtenir ladite ordonnance ne prouvent nullement l’existence d’une créance contre elle ; que par ailleurs ladite ordonnance et l’exploit de signification à lui notifiés violent les dispositions des articles 4 et 8 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution ; Suite à l’échec de la tentative de conciliation, le Tribunal a, par jugement n° 252 du 24 novembre 2004, rendu la décision dont la teneur suit : « statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ; - déclare l’opposition de la SOPROFA recevable en la forme, mais au fond l'en déboute ; - condamne en conséquence la SOPROFA à payer à B Aa la somme de deux millions trente deux mille neuf cent francs (2.032.900 FCFA) ; - condamne la SOPROFA aux dépens » ;
Par acte d’huissier de justice daté du 20 décembre 2004, la SOPROFA a interjeté appel dudit jugement ; Dans ses conclusions, outre les prétentions et moyens développés en première instance, SOPROFA demande que monsieur B Aa soit condamné à lui payer une indemnité compensatrice au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens et dont la Cour appréciera le montant ;
Dans ses conclusions en réplique, monsieur B Aa demande à la Cour de statuer ce que de droit sur l’appel de la SOPROFA, de confirmer le jugement attaqué et de condamner enfin la SOPROFA à lui payer la somme de cinq cent mille francs (500.000 F) au titre des frais non compris dans les dépens outre un million de francs (1.000.000 F) à titre de dommages intérêts ;
DISCUSSION
1 – De la recevabilité de l’appel
Attendu que selon l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans un délai qui ne peut excéder trente jours à compter de la date de la décision ;
Attendu que le jugement attaqué a été rendu sur opposition le 24 novembre 2004 suivant la procédure organisée par l’Acte uniforme ci-dessus cité ; que l’appel est intervenu le 20 Décembre 2004 dans la forme prescrite par l’article 550 du code de procédure civile ; qu’il doit être déclaré recevable ;
2 – De l’exception d’irrecevabilité tiré de la violation de l’article 1 AUPSRVE
Attendu que la SOPROFA reproche au jugement attaqué d’avoir fait droit à la requête de monsieur B Aa alors même que les pièces justificatives produites par celui-ci ne font la preuve de l’existence d’aucune créance actuelle et incontestable, susceptible d’ouvrir droit au recours à la procédure simplifiée de recouvrement des créances organisée par l’Acte uniforme précité ;
Attendu que pour justifier sa demande, monsieur B Aa a effectivement produit un document intitulé « contrat de multiplication de semences de maïs SR 21 » non daté mais
signé par les parties en cause ; que ledit contrat stipule en son article 2 que B Aa s’engage à mettre en culture au cours de la campagne 2002/2003 du maïs de la variété SR 21 sur une superficie de cinq (5) hectares et de livrer la totalité de sa production à la SOPROFA qui elle, s’engage à assurer le paiement de la production collectée dans un délai de trente (30) jours après enlèvement ; qu’en outre B Aa a versé au dossier une fiche de pesage de la SOPROFA ; que ladite fiche fait mention de ce qu’il a fourni à la SOPROFA quatre vingt dix neuf (99) sacs de maïs SR 21 à la date du 23 janvier 2003 ;
Attendu que la SOPROFA ne conteste ni le contrat ni la fiche de pesage ; qu’elle se borne à leur denier la valeur probante de la créance qui en résulte ; que cependant il résulte des obligations de la SOPROFA contenues dans le contrat, qu’elle est débitrice de B Aa du seul fait qu’elle a reçu livraison de la chose pour laquelle elle s’est engagée à payer le prix, à savoir les quatre vingt dix neuf (99) sacs de maïs SR 21 ; qu’en faisant droit à la requête de monsieur B Aa les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits ; que dès lors il convient de confirmer la décision sur ce point ;
2 – De l’exception tirée de la violation des articles 4 et 8 de l’AUPSRVE
Attendu que C reproche au jugement attaqué de l’avoir débouté de sa demande en nullité tant de l’ordonnance n° 82 du 15 juillet 2004 que de l’exploit de signification aux motifs qu’elle n’aurait pas rapporté la preuve de cette nullité alors selon lui lesdits actes portent en eux-mêmes les germes de cette nullité ;
Attendu que la SOPROFA n’a produit aucun des actes incriminés à savoir : la requête par suite de laquelle l’ordonnance a été rendue et l’exploit de signification de l’ordonnance portant injonction de payer ; qu’elle soutient que la requête en cause contient des éléments qui ne sont nullement justifiés et que l’exploit de signification ne précise aucun montant concernant les intérêts et frais ; que cependant l’ordonnance querellée a déterminé le montant pour lequel la SOPROFA a été condamnée ; que c’est au vu des documents à lui produits que le juge a rendu sa décision ; qu’il appartenait donc à la SOPROFA de rapporter la preuve que les éléments contenus dans la requête ne sont nullement justifiés ; que par ailleurs la production de l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer aurait pu permettre aux premiers juges de mieux apprécier le bien fondé des griefs invoqués par la SOPROFA ; qu’en prenant l’initiative d’attaquer le jugement en cause et connaissant la motivation des premiers juges sur le rejet de cette demande, la SOPROFA aurait dû pour mieux soutenir sa cause, produire à la Cour l’acte incriminé ; que ne l’ayant pas fait à nouveau, elle n’apporte pas plus de preuve à ses prétentions ; qu’ainsi ce moyen doit être écarté comme il a été jugé en première instance ;
3 – Des demandes de paiement des frais non compris dans les dépens
Attendu que la SOPROFA a succombé à sa cause ; qu’il convient de la débouter de sa demande en paiement des frais non compris dans les dépens conformément à l’article 6 de la loi n° 028/2004/AN du 08 septembre 2004 portant modification de la loi n° 10/93/ADP du 17 Mai 1993 portant organisation judiciaire au X A ;
Attendu en revanche que B Aa est la partie gagnante à la présente cause ; qu’il convient de faire droit à sa demande en paiement des frais et honoraires non compris dans les dépens en ramenant toutefois le montant à la somme de trois cent mille francs (300.000 f
CFA) et condamner la SOPROFA au paiement de ladite somme ;
4 – De la demande de dommages intérêts
Attendu que B Aa demande qu’il lui soit alloué des dommages intérêts d’un million de francs (1.000.000 FCFA) et que la SOPROFA soit condamnée au paiement desdites sommes ; Mais attendu que B Aa n’apporte pas la preuve d’un quelconque préjudice qui mériterait une telle réparation ; qu’il y’a lieu de le débouter de ce chef de demande comme étant injustifié ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en cause d’appel et en dernier ressort ;
En la forme - déclare l’appel recevable ;
Au fond - confirme le jugement n° 252 rendu le 24 novembre 2004 par le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso ; - condamne la SOPROFA à payer la somme de trois cent mille francs (300.000 FCFA) au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens ; - déboute B Aa du surplus de sa demande ; - déboute C de sa demande en paiement des frais non compris dans les dépens ; - condamne SOPROFA aux dépens.