La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2021 | BULGARIE | N°1510-2019

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, Chambre commerciale, 03 février 2021, 1510-2019


ARRET
no. 101
Sofia, 03 février 2021

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPREME DE CASSATION, Chambre commerciale, formation de jugement de la 1e section commerciale, à son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt, composée de :

PRESIDENT :
EMIL MARKOV

MEMBRES :
IRINA PETROVA
DESSISLAVA DOBREVA

Avec la participation de la greffière Ina Andonova, après avoir entendu l’affaire commerciale no. 1510 d’après le rôle de 2019, rapportée par la juge Dobreva, afin de statuer, a considéré ce qui suit :

Procédure au titr

e de l’art. 290 du CPC.
La procédure a été ouverte sur pourvoi de PRISTA AUTO AD, formé contre l’arrêt no. 484/27...

ARRET
no. 101
Sofia, 03 février 2021

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPREME DE CASSATION, Chambre commerciale, formation de jugement de la 1e section commerciale, à son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt, composée de :

PRESIDENT :
EMIL MARKOV

MEMBRES :
IRINA PETROVA
DESSISLAVA DOBREVA

Avec la participation de la greffière Ina Andonova, après avoir entendu l’affaire commerciale no. 1510 d’après le rôle de 2019, rapportée par la juge Dobreva, afin de statuer, a considéré ce qui suit :

Procédure au titre de l’art. 290 du CPC.
La procédure a été ouverte sur pourvoi de PRISTA AUTO AD, formé contre l’arrêt no. 484/27.02.2019, affaire commerciale d’appel no. 4105/2018 de la Cour d’appel de Sofia, annulant l’arrêt no. 1089/01.06.2018, affaire commerciale no. 2099/2017 du Tribunal de grande instance de Sofia, rendu sur les actions ayant pour motif juridique l’art. 74 de la Loi sur le commerce, intentées par B.B.N., P.B.N. et B.B.N., représentés par leur mère et représentant légal, A.P.D., contre PRISTA AUTO AD, par lequel arrêt du TGI de Sofia étaient annulées cinq décisions de l’assemblée générale des actionnaires de la société, prises le 15 juin 2017.

Le pourvoi formé par PRISTA AUTO AD avance un moyen de cassation tiré de l’art. 281, point 3 du CPC : contradiction avec la loi matérielle. Il est allégué que l’arrêt attaqué a appliqué incorrectement la disposition de l’art. 177 de la Loi sur le commerce et son interprétation concernant la participation de copropriétaires d’actions aux travaux de l’assemblée générale. Sont invoqués des arguments faisant valoir que la règle de l’art. 177 de la Loi sur le commerce (LC) empêche la participation individuelle d’un copropriétaire aux travaux de l’assemblée générale, en l’absence d’un mandataire commun désigné par tous. L’exercice imparfait des droits conjoints afférents aux actions ne peut pas être avancé comme motif de protection contre le refus de la société d’en tenir compte. Il est invoqué que la juridiction d’appel a incorrectement fait l’analogie entre l’exercice des droits de membre, afférents à une part sociale en copropriété dans une société à responsabilité limitée (OOD), au sens de l’art. 132 de la Loi sur le commerce, et l’exercice des droits de membre afférents à une action en copropriété dans une société par actions (AD). Le demandeur en cassation souligne la nature différente des deux types de sociétés commerciales. Il fait valoir que même si l’on admet que chaque copropriétaire possède le droit individuel de participer à l’assemblée générale, sa participation ne serait réduite qu’à une voix consultative. Lors du vote des points de l’ordre du jour, les voix individuelles des différents copropriétaires seront dépourvues de pertinence juridique du point de vue de la société et ne seront pas pris en compte lors du comptage des résultats du vote. A cet égard, on fait valoir que le motif retenu dans l’arrêt d’appel est incorrect, notamment que lors de l’exercice par le copropriétaire de droits non pécuniaires de membre, dont la participation à l’assemblée générale et l’exercice du droit de vote, une exception est faite à la disposition de l’art. 177 LC relative à la désignation d’un mandataire commun, dans la mesure où, dans le cas contraire, des droits personnels de la catégorie des droits irrévocables pourraient se trouver limitées. Compte tenu des considérations ainsi exposées, il est demandé que l’arrêt attaqué soit annulé et que les frais et dépens engagés devant les trois instances soient remboursés.

Les défendeurs B.B.N., P.B.N. et B.B.N., par l’intermédiaire de leur mère et représentant légal A.P.D., ont déposé une réponse au pourvoi en cassation. Ils y expriment la position que l’arrêt de la Cour d’appel de Sofia a été rendu conformément à la loi et qu’il doit être confirmé. Les arguments avancés font valoir que la juridiction d’appel a correctement examiné et analysé les différents droits que la participation au capital attribue à chaque actionnaire, qu’il soit ou non propriétaire individuel d’une action ou copropriétaire. Bien que l’exercice du droit de vote soit réalisé ensemble par tous les copropriétaires de l’action, cela ne signifie pas que tous les autres droits doivent être exercés de cette manière. La participation à l’assemblée générale offre à l’actionnaire la possibilité d’exercer les droits de contrôle qu’il possède, ainsi que de se prononcer avec une voix consultative. On cite à l’appui l’arrêt no. 62/28.06.2017, affaire commerciale no. 298/2016 de la 1e section commerciale de la CSC, qui a admis qu’aux fins de l’introduction d’une action en protection des droits de membre dans une société par actions, il est considéré qu’il existe une qualité pour agir pour une partie des cohéritiers d’actions nominatives, qui possèdent des fractions indivises de chaque action. Sur la base de cette solution, une conclusion est tirée indiquant qu’il y des droits de l’actionnaire copropriétaire qui ne peuvent pas être exercés au titre de l’art. 177 de la LC. On s’oppose à la comparaison, effectuée par le demandeur en cassation, entre les règles d’exercice des droits de membre dans une société à responsabilité limitée et celles d’exercice des droits de membre dans une société par actions. Les défendeurs au pourvoi estiment que les dispositions citées par le demandeur ont en réalité un sens analogue. La conclusion de la juridiction d’appel selon laquelle leur non admission à participer à l’assemblée générale a porté atteinte à leurs droits de contrôle et de gestion, n’a pas pour origine la disposition de l’art. 132 LC, mais le caractère de leur qualité de membre en tant que coactionnaires. Selon le moyen avancé lorsque, dans la masse successorale, se trouvent des actions existantes, ces actions doivent être réparties entre les cohéritiers proportionnellement à leurs parts dans la succession, par analogie à l’héritage de créances, et non comme des biens en copropriété. A cet égard, on cite à l’appui les dispositions de l’art. 172 et l’art. 172а, alinéa 4 des Règles d’organisation de l’activité du Dépositaire central AD. Il est indiqué que l’héritage d’actions entraîne avec soi l’héritage de la qualité de membre et non de la chose elle-même, le titre. La réponse contient également une demande de remboursement des frais de procédure devant l’instance de cassation.

Lors de l’audience publique, les représentants des parties soutiennent les positions exprimées dans le pourvoi, respectivement dans la réponse au pourvoi en cassation. Le représentant du demandeur en cassation met en avant une jurisprudence au titre de l’art. 290 du CPC, formée depuis le prononcé de l’ordonnance au titre de l’art. 288 du CPC et figurant dans l’arrêt no. 47/31.07.2020, affaire commerciale no. 673/2019 de la 2e section commerciale, et dans l’arrêt no. 58/10.08.2020, affaire commerciale no. 101/2019 de la 1e section commerciale de la CSC.

Par ordonnance no. 132/04.03.2020, compte tenu de l’appréciation d’existence d’un critère sélectif supplémentaire relevant du point 3 de l’art. 280, alinéa 1 du CPC, le pourvoi en cassation contre l’arrêt no. 484/27.02.2019, affaire commerciale d’appel no. 4105/2018 de la Cour d’appel de Sofia, a été déclaré recevable dans son intégralité sur la question de droit matériel : « Le propriétaire de fractions indivises d’actions a-t-il le droit de participer individuellement à l’assemblée générale des actionnaires, sans qu’il soit nécessaire de donner des pouvoirs, avec les autres copropriétaires de ces actions, à un mandataire commun au titre de l’art. 177 de la LC ? »

La Cour suprême de cassation, Chambre commerciale, formation de jugement de la 1e section commerciale, après avoir pris en compte les moyens du pourvoi et les allégations des parties, et après avoir vérifié les éléments de l’affaire en vertu de ses compétences au titre de l’art. 290, alinéa 2 du CPC, a considéré ce qui suit :

Par l’arrêt attaqué, la Cour d’appel de Sofia a annulé l’arrêt no. 1089/01.06.2018, affaire commerciale no. 2099/2017 du Tribunal de grande instance de Sofia, rendu sur les actions introduites par B.B.N., P.B.N. et B.B.N., représentés par leur mère et représentant légal A.P.D., contre PRISTA AUTO AD, au titre de l’art. 74 de la LC, annulant cinq décisions, prises par l’assemblée générale des actionnaires le 15 juin 2017. Il est indiqué dans les motifs de l’arrêt d’appel que la copropriété d’actions et la délégation de pouvoirs de représentation devant la société n’annule pas le droit de chacun des copropriétaires à participer personnellement aux travaux de l’assemblée générale et à voter, à condition que l’exercice de ce droit ne diffère pas de celui des autres. On cite à l’appui des arrêts rendus par la CSC, à savoir : l’arrêt no. 423/10.06.2004, affaire civile no. 1432/2003 de la Chambre commerciale, et l’arrêt no. 127/10.02.2015, affaire commerciale no. 3197/2013 de la Chambre commerciale, 2e section commerciale, ainsi que l’analogie entre les dispositions de l’art. 132 de la LC et de l’art. 177 de la LC. Le juge a admis que l’exercice du droit de vote exige des copropriétaires de former une voix unique sur chacune des décisions de l’assemblée générale soit en votant à l’unanimité, soit en formant une majorité, car, dans le cas contraire, les voix individuelles des actionnaires ne pourraient pas être pris en compte et il y aurait lieu d’admettre que le droit de vote des copropriétaires n’a pas été dûment exercé. Il est indiqué en outre dans les motifs de l’arrêt que le refus de permettre aux demandeurs de participer individuellement à l’assemblée générale du 15 juin 2017, même en l’absence d’un représentant commun mandaté par tous les copropriétaires, constitue une violation importante de leurs droits à participer à la gestion de la société, voilà pourquoi les décisions prises par l’assemblée générale sont irrégulières et par conséquent doivent être annuler.

Sur la question de droit soulevée :
Sur la question sur laquelle le pourvoi en cassation a été admis en l’espèce, après l’adoption de l’ordonnance no. 132/04.03.2020 au titre de l’art. 288 du CPC, la CSC, 1e section commerciale, a proposé une solution dans son arrêt no. 58/10.08.2020, affaire commerciale no. 101/2019. Elle a admis dans l’acte cité que seuls des actionnaires avec le droit de vote peuvent participer aux travaux de l’assemblée générale. Comme les copropriétaires d’actions n’ont pas un tel droit individuel conformément à l’art. 177, hypothèse 2 de la LC, leur non-participation aux travaux de l’assemblée générale, en l’absence d’un représentant commun mandaté, ne constitue pas une violation de leur droit de vote en tant que membres. Le droit de participation à l’assemblée générale, en l’absence des prérequis d’exercice du droit de vote, n’est pas protégé par la loi.

Les motifs exposés dans l’arrêt no. 58/10.08.2020, affaire commerciale no. 101/2019 de la CSC, 1e section commerciale, doivent être partagés dans leur intégralité. A titre complémentaire, on peut présenter les arguments suivants :
La disposition de l’art. 177 de la LC définit les actions comme indivises. Lorsque l’action est détenue par plusieurs personnes, ceux-ci exercent les droits afférents à celle-ci ensemble, par l’intermédiaire d’un mandataire commun désigné. Après la modification de l’art. 178 de la LC (JO no. 88/2018), l’art. 177 de la LC s’applique par rapport aux actions nominatives.

Afin de comprendre le sens de cette disposition, il faut procéder à une interprétation historique. La règle de l’indivision des actions a existé dans les dispositions de l’art. 148, alinéa 2 de la LC et de l’art. 172, alinéa 1 de LC (1897, abrogée, JO no. 78/28.11.1951), qui, de leur côté ont été empruntés au § 207 de l’ancienne loi allemande sur le commerce et au § 164 de l’ancienne loi hongroise sur le commerce. L’art. 148, alinéa 2 de la LC (1897, abrogée) dispose que les actions sont indivises et cette disposition est reprise par l’art. 172, alinéa 1 de la LC (1997, abrogée) : les actions nominatives et au porteur, sur lesquelles est inscrit un montant égal, doivent être considérées comme indivises. Sur le plan historique, dans le droit objectif national bulgare, l’idée de l’indivision de l’action demeure liée de manière immanente à la nature juridique et à l’organisation de la société par actions.

Sur un plan juridique comparé, la règle de l’art. 177 de la LC coïncide presque entièrement avec le § 63 de la loi allemande sur les sociétés par actions (1937) et le § 69 de la loi allemande actuelle sur les sociétés par actions (1965). Ce dernier prévoit que lorsque plusieurs personnes possèdent une action, elles ne peuvent exercer les droits afférents à cette action que par un représentant commun ; ces personnes répondent solidairement des obligations nées de la propriété de l’action. Lorsque la société souhaite faire une déclaration de volonté à l’égard des copropriétaires et ceux-ci n’ont pas désigné un représentant commun, il suffit que la déclaration ait abouti à un seul des copropriétaires. Si la copropriété a pour origine une succession, cette règle n’est applicable qu’un mois après l’ouverture de la succession. Le contenu du § 69 de la loi sur les sociétés par actions peut être consulté à : https ://n-lex.europa.eu/.

La doctrine bulgare et allemande admettent que l’indivision de l’action concerne non seulement l’impossibilité qu’elle soit divisée en fractions plus petites que sa valeur nominale inscrite dans les Statuts (art. 165, alinéa 1, point 3 de la LC), mais aussi l’impossibilité de diviser les différents droits afférents à l’action entre différentes personnes. Par conséquent, lorsque l’action est détenue par plus d’une personne, ces personnes n’exercent qu’ensemble les droits liés à cette action, dans le cadre de sa valeur nominale. Le sens de l’exercice conjoint des droits afférents à l’action est de protéger la société contre l’insécurité que présume la copropriété de l’action, et contre le danger social potentiel que cette copropriété ne bloque l’organisation de la société par actions, ainsi que de protéger le capital de la société. Voilà pourquoi cette dernière est censée garder ses distances vis-à-vis des relations entre copropriétaires et de leurs différends éventuels liés à la copropriété, comme d’ailleurs elle reste en principe à distance vis-à-vis des actionnaires (dont le nombre est souvent important), en comparaison avec les autres formes d’association régies par la Loi sur le commerce (société en nom collectif, société par commandite, société à responsabilité limitée). La société par actions possède au plus haut degré les caractéristiques d’une société de capitaux, dont l’illustration est l’absence d’un besoin que les actionnaires contribuent à son fonctionnement : la seule obligation de ces derniers est de payer les apports dus en contrepartie des actions qu’ils ont souscrites : art. 188 de la LC. Une autre caractéristique, c’est la possibilité de transférer librement les droits d’actionnaire, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire au Registre du commerce et Registre des personnes morales à but non lucratif (la seule chose importante pour la société est que le transfert soit inscrit dans le livre des actionnaires), la responsabilité limitée des actionnaires quant aux obligations de la société, etc.

La spécificité juridique et l’organisation de la société par actions en tant que société de capitaux fonde la thèse, soutenue tant en théorie que dans l’arrêt no. 58/2020, affaire commerciale no. 101/2019, rendu par la CSC, 1e section commerciale, selon laquelle la règle de l’art. 177 de la LC revêt un caractère impératif. Une thèse, entièrement partagée par la présente formation de jugement également. Tout écart d’elle, fût-il convenu dans les Statuts de la société par actions, serait nul. L’application de la disposition, cependant, ne doit pas être entendue comme une possibilité pour la société de s’affranchir, par l’intermédiaire de ses organes, de l’exécution de ses obligations : par exemple le paiement de dividendes pour l’action détenue en copropriété (ensemble à tous les propriétaires), lorsqu’une décision a été prise pour cela, l’inscription dans le livre des actionnaires, la communication de documents écrits établis en vue de l’assemblée générale (ensemble à tous), lorsque les copropriétaires n’ont pas désigné un mandataire commun. Comme chacun des copropriétaires de l’action se trouve dans une relation de membre avec la société, les organes de celle-ci sont tenus, en remplissant leurs obligations, d’assurer l’exercice des droits afférents à chaque action.

L’action donne droit à une voix dans l’assemblée générale (art. 181, alinéa 1 de la LC), qui naît du paiement de l’apport, sauf dispositions contraires (art. 228, alinéa 1 LC). L’assemblée générale est composée des actionnaires ayant le droit de vote et du point de vue de la société, ce sont les personnes inscrites dans le livre des actionnaires : argument tiré de l’art. 185, alinéa 2 de la LC et de l’art. 179 de la LC. Si l’action est détenue par plus d’une personne, comme il a été indiqué plus haut, il y a lieu d’inscrire dans le livre des actionnaires tous ses copropriétaires. Lorsque les copropriétaires de l’action souhaitent exercer leur droit de vote (le droit le plus essentiel parmi le groupe de droits non pécuniaires), afin de préserver l’organisation interne de la société par actions, ils ne peuvent le faire que s’ils donnent par écrit des pouvoirs à un représentant commun, conformément à la disposition de l’art. 177, hypothèse 2 de la LC, en lien avec l’art. 226 de la LC. La façon dont ce représentant est désigné (à l’unanimité ou avec une majorité simple ou qualifiée) est sans importance pour la société. Il suffit que le représentant commun soit présenté aux organes de la société par actions avec une procuration écrite, délivrée par l’ensemble des copropriétaires. La loi ne limite pas le nombre des représentants en cas d’action détenue en copropriété. Il est possible de désigner plus d’un représentant commun ou différents représentants pour chaque action d’un paquet d’actions détenu en copropriété.

L’assemblée générale est l’organe qui forme la volonté de la société et, en tant que telle, elle a la compétence exclusive de prendre des décisions liées à son existence (art. 221 de la LC). Afin d’éviter tout blocage de l’activité de la société, le droit de vote doit être clairement exercé, de manière catégorique et non ambiguë, ce qui est garantie par la disposition de l’art. 177, hypothèse 2 de la LC en cas de copropriété de l’action/des actions. La loi assure l’équilibre entre les intérêts de la société et ceux des différents actionnaires et garantit la possibilité, pour chacun d’entre eux, d’exercer réellement ses droits, sans pour autant entraver la formation de la volonté et la prise de décisions par cet organe collectif (l’assemblée générale). Afin de pouvoir exercer leur droit de vote, les actionnaires doivent être informés de la convocation de l’assemblée générale, recevoir les documents relatifs aux points de l’ordre du jour, si la rédaction de tels documents a été prévue, être admis à participer au vote. La loi ne protège pas la présence de fait et la participation aux travaux de l’assemblée avec une voix consultative d’actionnaires détenant en copropriété une action, qui n’ont pas désigné un mandataire commun. Les dispositions de l’art. 220, alinéa 2 et alinéa 3 de la LC régissent des hypothèses tout à fait différentes et celles-ci ne doivent pas être appliquées de façon mécanique. Pour les actionnaires avec le droit de vote, le sens de participer aux travaux de l’assemblée générale est d’exercer ce droit et, en déclarant leur volonté, de participer à la prise d’une décision au nom de la société, avec une force contraignante pour l’ensemble des actionnaires, ou, en votant « contre », de participer à la formation d’une volonté de non adoption de la décision. En ce sens, le refus de la société d’admettre la participation de fait d’une partie des copropriétaires de l’action, qui ne peuvent pas exercer individuellement leurs droits afférents à l’action, plus spécialement leur droit de vote, n’entache pas les décisions prises par la société à travers son assemblée générale. Il y a lieu d’indiquer aussi que le cadre juridique ne permet pas de tirer la conclusion d’un droit de vote complexe, renfermant en soi le droit de voix consultative, ni d’admettre qu’une partie des copropriétaires de l’action disposent d’un droit de voix consultative et une autre partie, d’un droit de vote, ou bien que les copropriétaires disposent séparément d’une voix consultative et seulement ensemble, d’un droit de vote.

Sur le fond du pourvoi, la présente formation de jugement de la Cour considère comme suit :

L’arrêt d’appel est irrégulier.
Sur le litige opposant B.B.N., P.B.N. et B.B.N., agissant par l’intermédiaire de leur mère et représentant légal A.P.D., et PRISTA AUTO AD, et ayant pour objet des actions, au titre de l’art. 74 de la LC, en annulation de décisions de l’assemblée générale des actionnaires, prises le 15 juin 2017, il a été constaté que les demandeurs n’ont pas été admis à assister à la réunion, car ils avaient envoyé un mandataire mandaté seulement par eux et non par les autres copropriétaires des actions.

La présente formation de jugement de la Cour partage entièrement la thèse retenue dans l’arrêt d’appel, selon laquelle l’acquisition par succession d’actions nominatives existantes ne mène pas à une répartition automatique des droits y afférents, proportionnellement à la part successorale de chaque héritier, et que par conséquent les demandeurs ne possèdent pas des droits individuels sur un nombre réel d’actions, mais ont acquis, ensemble avec les autres héritiers de B.G.N., des droits sur une fraction indivise, correspondant à leur part de la succession, de chaque action du paquet détenu de son vivant par leur de cujus. Cette thèse a été retenue également dans l’arrêt no. 47/31.07.2020, affaire commerciale no. 673/2019 de la CSC, 2e section commerciale, et dans les motifs de l’arrêt no. 58/10.08.2020, affaire commerciale no. 101/2019 de la 1e section commerciale de la CSC. En ce sens, les allégations des demandeurs (défendeurs au pourvoi en cassation), selon lesquelles, en l’espèce, il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’art. 172 et de l’art. 172а des Règles d’organisation de l’activité du Dépositaire central AD, sont infondées. D’une part, les Règles ne constituent pas un acte réglementaire, et, d’autre part, les dispositions citées concernent les actions dématérialisées, alors que les demandeurs en l’espèce n’ont pas hérité de telles.

Au vu des faits constatés en l’espèce, il y a lieu d’admettre que les actions nominatives existantes, représentant 1/4 du capital de PRISTA AUTO AD, appartenant à B.G.N., après sa mort sont détenues conjointement par les demandeurs ensemble avec Y.P.N., B.B.N. et G.B.N. Les droits découlant de ces actions, notamment le droit de vote, ne sont exercés qu’ensemble, par un représentant commun mandaté. Le représentant mandaté uniquement par les trois demandeurs n’a pas pu exercer le droit de vote afférent aux actions. Sa non admission à participer à l’assemblée générale des actionnaires de PRISTA AUTO AD n’a pas donné lieu à l’adoption de décisions irrégulières. Les arguments du pourvoi, concernant la thèse incorrecte de l’arrêt d’appel, selon laquelle en cas d’exercice, par le copropriétaire d’une action, de son droit non pécuniaire gestionnaire de membre de participer personnellement aux travaux de l’assemblée générale, une exception doit être faite à la disposition de l’art. 177 de la LC, relative à la désignation d’un mandataire commun, dans la mesure où dans le cas contraire son droit personnel et irrévocable serait restreint, sont fondés. Comme il a été indiqué plus haut, le droit de gestion de l’actionnaire, c’est son droit de vote et seul ce droit est protégé par la loi contre des violations, et non son droit de participation de fait aux travaux de l’assemblée générale (l’exercice du droit de voix consultative). L’absence d’un représentant commun dûment mandaté, capable d’exercer au nom de tous les copropriétaires le droit de vote afférent à chacune des actions, n’oblige pas la société de garantir la présence d’une partie seulement des copropriétaires à l’assemblée générale. Le refus d’accès à la réunion ne constitue pas une violation entachant les décisions prises par cette assemblée, susceptible de conduire à leur annulation.

Au vu de ce qui précède, la conclusion s’impose qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt et, étant donné qu’il n’est pas nécessaire de prendre de nouvelles mesures ou de répéter les mesures déjà effectuées, l’instance de cassation est tenue de statuer sur le fond du litige. Les actions introduites par B.B.N., P.B.N. et B.B.N., représentés par leur mère et représentant légal A.P.D., contre PRISTA AUTO AD, au titre de l’art. 74 de la LC, doivent être rejetées comme infondées. L’arrêt du Tribunal de grande instance de Sofia, rendu dans l’affaire commerciale no. 2099/2017, doit être confirmé.

A l’issue du litige, les frais pour les procédures devant les trois instances doivent être remboursés au demandeur en cassation sur le fondement de l’art. 78, alinéa 3 du CPC. Pour chaque procédure, des honoraires d’avocat, d’un montant de 1 200 leva, ont été payés et, pour la procédure devant cette instance, une taxe d’Etat d’un montant de 70 leva. Les frais s’élèvent au total à 3 670 leva.

Par ces motifs et sur le fondement de l’art. 293, alinéa 1, en lien avec l’alinéa 2 du CPC, la Cour suprême de cassation, formation de jugement de la 1e section commerciale,

DECIDE :

ANNULE l’arrêt no. 484/27.02.2019, rendu dans l’affaire commerciale d’appel no. 4105/2018 par la Cour d’appel de Sofia, et dit à sa place :

CONFIRME l’arrêt no. 1089/01.06.2018, rendu dans l’affaire commerciale no. 2099/2017 par le Tribunal de grande instance de Sofia, rejetant les actions introduites par B.B.N., P.B.N. et B.B.N., représentés par leur mère et représentant légal A.P.D., contre PRISTA AUTO AD, actions au titre de l’art. 74 de la LC en annulation des décisions prises le 15 juin 2017 par l’assemblée générale des actionnaires.

CONDAMNE B.B.N. EGN [EGN] P.B.N. EGN [EGN] et B.B.N. EGN [EGN], représentés par leur mère et représentant légal A.P.D. EGN [EGN], à verser à PRISTA AUTO AD, EIK [EIK], la somme de 3 670 leva.

L’arrêt n’est pas susceptible de recours.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 1510-2019
Date de la décision : 03/02/2021
Type d'affaire : Arrêt

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2021-02-03;1510.2019 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award