ARRET no. 21
Sofia, 06 juillet 2020
AU NOM DU PEUPLE
La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, Deuxième chambre pénale, à l’audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt, composée de :
PRESIDENTE : GALINA TONEVA
MEMBRES : ELENA AVDEVA, BILIANA TCHOTCHEVA
avec la participation de la greffière I. Ranguelova et en présence du procureur T. Komov, a entendu l’affaire pénale no. 962 d’après le rôle de 2019, rapportée par la juge TCHOTCHEVA, et afin de statuer, a considéré ce qui suit :
La procédure devant la CSC a été ouverte au titre de l’art. 420, alinéa 2, en lien avec l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP, à la demande du condamné D.K.M. sollicitant la réouverture de l’affaire pénale de droit commun no. 770/2007 du Tribunal de grande instance de Varna et l’annulation de la décision de condamnation no. 13/11.02.2008 rendue par celui-ci, entrée en force le 13 novembre 2008, le reconnaissant coupable pour des infractions au titre de l’art. 196, alinéa 1, point 2, en lien avec l’art. 195, alinéa 1, point 3, en lien avec l’art. 194, alinéa 1, en lien avec l’art. 54 du CP et au titre de l’art. 199, alinéa 2, point 2, en lien avec l’alinéa 1, point 4, en lien avec l’art. 198, alinéa 1, en lien avec l’art. 54 du CP, pour lesquelles infractions, dans les conditions de l’art. 23, alinéa 1 du CP, une peine totale de réclusion à perpétuité lui a été infligée. Par arrêt no. 103/30.05.2008 de la Cour d’appel de Varna, rendu dans l’affaire pénale d’appel de droit commun no. 92/2008, la condamnation de première instance a été confirmée. Par arrêt no. 406/13.11.2008 dans l’affaire pénale no. 424/2008, ouverte sur plainte du prévenu M., la CSC, 3e chambre pénale, a maintenu l’arrêt d’appel.
Il est avancé dans la demande que, dans son arrêt définitif, prononcé dans l’affaire D.M. c. Bulgarie (requête no. 34779/09), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), a constaté des violations assez drastiques du droit à un procès équitable commises aussi bien lors de l’enquête préliminaire que lors de la procédure judiciaire. Malgré cela un procureur du service des procédures judiciaires auprès du Parquet près la Cour suprême de cassation a informé le condamné qu’il ne demanderait pas la réouverture de l’affaire devant la CSC et, en réponse, M. a déposé une plainte devant le Comité des ministres. Entretemps, ses avocats ont renoncé à lutter contre le Parquet, et le Comité bulgare d’Helsinki (CBH), qui était intervenu à la procédure devant la CEDH comme tierce partie, lui a envoyé une lettre, le 27 août 2019, lui expliquant qu’à partir de janvier 2019, suite à des amendements à la législation, il pouvait lui-même saisir la CSC, ce qu’il a fait.
La réouverture sollicitée de la procédure pénale est soutenue lors de l’audience publique devant la CSC par le condamné en personne et par son défenseur d’office, qui prend en outre position sur sa recevabilité. La personne condamnée М. déclare en sa propre défense qu’après le refus du procureur général de demander la réouverture de l’affaire, il avait appris du CBH qu’il était possible de chercher à défendre lui-même ses droits devant la CSC. Il sollicite que l’affaire soit rouverte afin qu’il puisse avoir droit à un procès équitable.
Le procureur du Parquet près la Cour suprême de cassation considère que cette demande n’a pas été déposée dans les délais requis et que par conséquent la procédure doit être classée. Au cas où la CSC admettrait que la demande est recevable, il déclare que celle-ci est non fondée.
La Cour suprême de cassation, après avoir pris en considération les moyens avancés par les parties et les éléments du dossier en l’espèce, a constaté ce qui suit :
Par son arrêt du 08 mars 2018, rendu dans l’affaire D.M. c. Bulgarie, la CEDH a reconnu que la République de Bulgarie a commis des violations au titre de l’art. 6 (1) et (3) lettre с) de la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention) lors de la procédure pénale menée contre D.M., qui a abouti à sa condamnation à la réclusion à perpétuité aux termes du jugement rendu dans l’affaire pénale de droit commun no. 770/2007 d’après le rôle du Tribunal de grande instance de Varna. L’arrêt est devenu définitif le 08 juin 2018 en application de la disposition de l’art. 44 (2), lettre b) de la Convention, soit trois mois après la date de l’arrêt, le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la CEDH n’ayant pas été demandé.
Avant d’examiner la demande sur le fond, la CSC doit répondre à la question de savoir si elle a été introduite dans le délai au titre de l’art. 421, alinéa 3 du CPP, notamment dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêt au condamné au titre de l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP.
La possibilité légale pour une personne condamnée de demander elle-même la réouverture sur le fondement de l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP a été créée pour la première fois avec les amendements de l’art. 420, alinéa 2 et de l’art. 421, alinéa 3 du CPP. Cela a été fait via le § 7 des Dispositions transitoires et finales de la Loi portant amendement au Code pénal (publ. Journal officiel no. 7 du 22 janvier 2019), qui ont modifié des textes du Code de procédure pénale, dont le point 21 du paragraphe précité, consistant dans le remplacement, à l’art. 420, alinéa 2, des mots « point 5 » par « points 4-6 ». Respectivement, via le §7, point 22 des Dispositions transitoires et finales de la Loi portant amendement au Code pénal, des modifications ont été apportées à l’art. 421, alinéa 3, phrase 1 du CPP, stipulant notamment que la personne condamnée peut déposer une demande au titre de l’art. 422, alinéa 1, points 4-6 dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêt au titre de l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP.
Avant l’entrée en vigueur de ces amendements, seul le procureur général avait le pouvoir découlant de l’art. 420, alinéa 2 du CPP de demander la réouverture du procès, dans un délai d’un mois à compter de la connaissance de l’arrêt de la CEDH.
Compte tenu des allégations du condamné concernant le développement de son affaire après l’adoption de l’arrêt par la CEDH, la CSC a demandé au Parquet près la Cour suprême de cassation, service des Procédures judiciaires et l’Exécution des peines, l’ensemble du dossier, ainsi que le courrier échangé avec le CBH, intervenu à la procédure comme tierce partie.
Il ressort des éléments du dossier, communiqué par le Parquet près la Cour suprême de cassation, que par une requête du 25 juin 2018, Me S.S., avocate représentant le condamné D.M., a demandé au procureur général d’exercer sa compétence au titre de l’art. 421, alinéa 2 en lien avec l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP, pour demander à la CSC la réouverture de l’affaire pénale de droit commun no. 770/2007 d’après le rôle du Tribunal de grande instance de Varna, ainsi que la suspension de l’exécution de la condamnation définitive.
Par lettre du 06 juillet 2018 (arrivée au Parquet près la Cour suprême de cassation le 09 juillet 2018), la Direction de la Représentation juridique de la République de Bulgarie devant la Cour européenne des droits de l’homme auprès du ministère de la Justice a notifié au procureur général l’arrêt rendu par la CEDH dans l’affaire D.M. c. Bulgarie, devenu définitif le 08 juin 2018, constatant une violation de l’art. 6 (1), en lien avec l’art. 6 (3) de la Convention. La lettre indique que l’exécution des arrêts définitifs fait l’objet d’un suivi de la part du Comité des ministres du Conseil de l’Europe (СЕ) et que la partie bulgare est tenue d’envoyer périodiquement de l’information d’actualité concernant les mesures entreprises. Il est souligné également que dans les cas où la CEDH a constaté une violation du droit à un procès équitable, les mesures individuelles qu’il faut prendre à l’égard du requérant incluent d’habitude la réouverture de la procédure pénale nationale. En conclusion, le ministère de la Justice demande de l’information sur les mesures entreprises aux fins de l’exécution de l’arrêt avant le 08 décembre 2018.
Entretemps, par une requête déposée le 09 juillet 2018, la personne condamnée D.M. elle-même a demandé au procureur général la réouverture de l’affaire pénale de droit commun no. 770/2007 d’après le rôle du Tribunal de grande instance de Varna.
Par lettre du 17 juillet 2018, le procureur du Parquet près la Cour suprême de cassation, service des Procédures judiciaires, a informé le condamné D.M. (avec en copie les avocats S. et M.P.) qu’il manque de motifs pour réaliser la compétence du procureur général au titre de l’art. 422, alinéa 1, point 4 en lien avec l’art. 348, alinéa 1, points 1-3 du CPP, car la violation du la Convention, constatée par la CEDH, n’est pas essentielle pour la procédure pénale réalisée. Il est avancé que la procédure pénale menée à l’encontre de М. a été équitable et le procureur a fait référence, inter alia, au point 71 de l’arrêt de la CEDH où celle-ci admet qu’à titre d’exception, l’équité globale de la procédure n’a pas été compromise par le non-respect initial des droits de l’accusé, ainsi qu’au point 76 où la Cour relève que la violation constatée de l’art. 6 (1) en lien avec (3) de la Convention ne permet pas d’affirmer que le requérant М. a été irrégulièrement condamné, ce qui explique pourquoi on ne lui a pas reconnu des dommages immatériels.
Deux lettres jointes au dossier du Parquet près la Cour suprême de cassation, adressées par la Direction générale des droits de l’homme et état de droit du СЕ (Direction des Droits de l’homme, Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme) le 26 octobre 2018 et le 10 décembre 2018 au représentant permanent adjoint de la République de Bulgarie auprès du СЕ (avec en copie la Direction de la Représentation juridique de la République de Bulgarie devant la CEDH, ministère de la Justice), concernant les mesures individuelles, permettent de voir que les représentants du СЕ ont été informés par le condamné D.M. du refus du procureur du Parquet près la Cour suprême de cassation d’introduire une demande de réouverture de l’affaire. En outre, la lettre du СЕ attire l’attention sur la Recommandation (2000)2 du Comité des ministres du СЕ concernant le réexamen et la réouverture de certaines affaires au niveau interne suite à des arrêts de la CEDH. Dans son examen des motifs du refus, le Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme auprès du СЕ a indiqué que l’un des motifs repose sur l’interprétation erronée du point 71 de l’arrêt de la Cour, et, en ce qui concerne le point 76, il a relevé que la Cour « n’a pas exprimé d’avis concernant le besoin de réouverture ou non de la procédure au niveau interne aux fins des mesures individuelles ». La conclusion est tirée que « le refus du Parquet près la Cour suprême de cassation de soumettre à l’attention de la Cour suprême de cassation la question de la réouverture de la procédure nationale semble problématique étant donné la nature de la violation constatée et le fait que le Parquet est une partie à la procédure pénale dirigée contre le requérant », ainsi que dans « la situation examinée, le contrôle de la part du Parquet n’est pas en mesure de donner suffisamment de garanties en comparaison avec les garanties que présenterait l’examen de la question par un juge ». En conclusion, il est relevé qu’il « semble nécessaire de modifier le Code de procédure pénale en Bulgarie de manière à ce qu’une possibilité soit prévue pour les requérants de se tourner directement vers la Cour suprême de cassation pour solliciter la réouverture d’affaires pénales à la suite d’un arrêt de la Cour européenne ». Cette recommandation a été visiblement mise en œuvre avec l’amendement du CPP, effectué via les Dispositions transitoires et finales de la Loi portant amendement au Code pénal (publ. JO, no. 7/22.01.2019), comme il a été déjà observé.
Le dossier du Parquet près la Cour suprême de cassation contient également la réponse à une lettre envoyée au service des Analyses auprès du Parquet près la Cour suprême de cassation le 10 juillet 2019 par le procureur du Service des Procédures judiciaires qui a rejeté les requêtes du condamné et de son défenseur d’une réouverture de l’affaire pénale de droit commun no. 770/2007 du Tribunal de grande instance de Varna. Il y est indiqué que la lettre ne porte pas de mention du procureur général car la réponse n’a pas été attaquée par les personnes y visées et c’est la raison pour laquelle on n’a pas lancé une procédure de contrôle par un deuxième procureur du même service du Parquet près la Cour suprême de cassation.
Il ressort des éléments du dossier, communiqués par le CBH à la demande de la CSC, que le 23 août 2019, une lettre a été reçue, envoyée par D.M. en lien avec l’affaire devant la CEDH (dans laquelle le CBH s’était constitué comme tierce partie le 06 février 2017, conformément à l’art. 36 (2) de la Convention et de l’art. 44 (3) des règles de la Cour), sollicitant l’assistance du CBH du fait du refus du procureur général de saisir la CSC d’une demande de réouverture de la procédure pénale aux termes de l’art. 421, alinéa 2 du CPP. Dans sa réponse du 27 août 2019 à la personne condamnée, le CBH l’informe (tout en examinant d’autres questions, telle que la procédure au titre de l’art. 46 (4) et (5) de la Convention, en ce qui concerne les modalités de soulever la question de l’exécution de l’arrêt devant la Grande chambre de la Cour) des amendements apportés au CPP en janvier 2019, créant la possibilité pour une personne condamnée de solliciter elle-même la réouverture de son procès sur le fondement de l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP. Après la réception de cette réponse, le prévenu a déposé la présente demande manuscrite de réouverture, adressée à la CSC. La même demande a été envoyée par lettre portant le cachet de la poste du 02 septembre 2019, reçue à la CSC le 04 septembre 2019.
Tout ce qui précède indique clairement qu’après l’entrée en force de l’arrêt de la CEDH D.M. c. Bulgarie du 08 mars 2018 (le 08 juin 2018), constatant des violations au titre de l’art. 6 (1) et (3), lettre (с) de la Convention, la personne condamnée, bien qu’ayant été informée de son adoption, à ce moment n’a pas disposé d’une voie de recours pour initier elle-même la réouverture du procès. Seul le procureur général disposait du pouvoir, mais aussi de l’obligation de faire cela. Toutefois, depuis le moment de sa notification formelle par une lettre de la Direction de la Représentation juridique devant la CEDH auprès du ministère de la Justice (le 09 juillet 2018) jusqu’à l’entrée en vigueur des amendements du CPP (art. 420, alinéa 2 et art. 421, alinéa 3 du CPP, JO no. 22.01.2019), aucune demande de réouverture n’a été préparée et un refus a été même formulé, bien que non explicitement par le procureur général lui-même, mais par un procureur du Service des Procédures judiciaires auprès du Parquet près la Cour suprême de cassation. Il est évident qu’après avoir porté la question de la non-exécution de l’arrêt devant les autorités compétentes du СЕ et après avoir reçu des recommandations à cette occasion, la Bulgarie a amendé son CPP afin d’offrir la possibilité aux requérants, dont М., de saisir eux-mêmes la CSC pour demander la réouverture de leur procès.
En tenant compte de ces éléments, ainsi que du fait que la personne condamnée М. a eu de fait connaissance des amendements législatifs (par la lettre que lui a envoyée le CBH le 27 août 2019), respectivement de la possibilité de demander elle-même la réouverture selon les modalités de l’art. 420, alinéa 2, en lien avec l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP et dans le délai au titre de l’art. 421, alinéa 3 du CPP, durant son séjour à la prison, sans disposer d’accès aux éléments juridiques du dossier, la CSC considère que la requête envoyée par elle, reçue le 04 septembre 2019, n’a pas été déposée au-delà des délais.
Examinée sur le fond, la requête de réouverture est fondée, compte tenu des considérations suivantes :
L’appréciation des motifs de l’arrêt rendu par la CEDH dans l’affaire D.M. c. Bulgarie, montre de manière tout à fait claire que cette Cour a constaté deux violations principales concernant l’équité du procès pénal mené contre la personne condamnée et ces violations se trouvent dans les directions suivantes :
- la restriction inadmissible de son droit à l’assistance d’un avocat, garanti par l’art. 6 (3), lettre с) de la Convention, qui a pris la forme d’une audition de type « entretien libre », menée par deux agents de police le 21 juin 2006, devant lesquels М. a livré des « aveux ». Cela s’est passé pendant qu’il était encore en détention sur des soupçons d’avoir commis l’infraction pour laquelle il a été plus tard condamné, sans avoir accès à l’assistance d’un défenseur, bien qu’il en ait demandé une telle, et sans motifs valables susceptibles de justifier cette restriction, sans données susceptibles de montrer qu’il a renoncé explicitement et sans équivoque à ce droit, en connaissance de cause des conséquences d’un tel choix avisé et intelligent. La CEDH a apprécié cette pratique comme incompatible avec le principe de l’Etat de droit, non seulement comme une violation autonome de la disposition précitée (voir les paragraphes 51, 57-63 de l’arrêt).
- l’utilisation inadmissible des « aveux » en question à la suite d’une déclaration des agents de police durant la procédure pénale, constituant une partie importante des motifs de sa condamnation. En effet, cela a été apprécié comme un effort de contourner les règles procédurales de tenue de l’audition devant l’autorité compétente concernée et de dépôt d’explications, contenant également des aveux, dans le respect des garanties de défense, ce qui conduit à l’impossibilité d’utiliser ces aveux dans la procédure pénale. L’utilisation des « aveux » faits à une étape précoce de la procédure, durant la phase de l’enquête préliminaire, sous forme d’une déclaration des agents de police pendant la phase juridictionnelle, a entaché l’équité globale du procès, ce qui constitue une violation au titre de l’art. 6 (1) de la Convention (voir paragraphes 64-71).
Les violations constatées par la CEDH renvoient non seulement à une pratique durable et inadmissible, manifestée pendant la phase de l’enquête préliminaire et consistant en la tenue d’« entretiens libres » avec les suspects, constituant en fait des auditions conduites au mépris des règles du CPP, mais aussi à l’administration de la preuve par les juges du fond (en l’occurrence, le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel de Varna), qui ont fondé une partie de leurs conclusions de condamnation, en ce qui concerne l’auteur des faits pour lesquels М. a été condamné, sur des éléments de preuve inadmissibles : des « aveux » recueillis contrairement aux règles établies et non devant l’autorité compétente concernée, ainsi qu’en l’absence d’un défenseur, lesquels « aveux », en principe, n’auraient pas dus être examinés pendant la procédure pénale. Toutefois, cela a été fait et on les a inclus dans les éléments de preuve via les déclarations des témoins V.V. et J.K., qui en ont donné le récit.
Dans son arrêt, la CEDH n’a pas prescrit de mesures individuelles susceptibles de corriger les violations constatées de la Convention et a indiqué, au paragraphe 76, qu’elle ne peut pas spéculer sur l’issue qu’aurait l’affaire, si les violations n’étaient pas commises. Cette position et la nature des violations, qui ont produit visiblement un effet important sur l’affaire (dans la mesure où le TGI de Varna, tout comme la Cour d’appel de Varna, ont explicitement examiné les aveux irrecevables de М., dont le récit était donné par les témoins V. et K.), justifient la conclusion de l’existence du moyen prévu par l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP et de l’application d’une approche susceptible de les corriger en exécution des obligations de la République de Bulgarie. La CSC considère que cela peut être effectué de la seule manière possible : par la réouverture de la procédure pénale et l’exclusion, des éléments de preuve, des déclarations des témoins précités, contenant un récit des aveux en questions, respectivement l’appréciation à nouveau des éléments de preuve du dossier, une fois ces déclarations exclues. Malgré la demande du condamné М. de renvoyer l’affaire pour un nouvel examen à la première juridiction, la CSC considère que les violations constatées lors de l’appréciation des éléments de preuve disponibles et, respectivement, l’exclusion des éléments inadmissibles, peuvent être corrigées avec succès par la juridiction d’appel, qui dispose des mêmes compétences.
Compte tenu du fait que l’affaire est pendante devant le Comité des ministres du СЕ, en ce qui concerne l’exécution de l’arrêt de la CEDH, des copies du présent arrêt de la CSC doivent être envoyées à D.M., à la prison de Varna, au ministère de la Justice, Direction de la Représentation juridique de la République de Bulgarie devant la Cour européenne des droits de l’homme, et au Comité bulgare d’Helsinki.
Eu égard à ce qui précède et sur le fondement de l’art. 425, alinéa 1, point 1, en lien avec l’art. 422, alinéa 1, point 4 du CPP, la Cour suprême de cassation, Deuxième chambre pénale,
A RENDU L’ARRET SUIVANT :
ROUVRE L’AFFAIRE PENALE D’APPEL DE DROIT COMMUN no. 92/2008 de la Cour d’appel de Varna, ANNULE l’arrêt no. 103/30.05.2008 confirmant la condamnation no. 13/11.02.2008 prononcée par le Tribunal de grande instance de Varna dans l’affaire pénale de droit commun no. 770/2007, et RENVOIE l’affaire pour un nouvel examen par la Cour d’appel de Varna à partir de l’étape de l’audience.
L’arrêt n’est pas susceptible de recours.
Des copies du présent arrêt doivent être envoyées à D.M. à la prison de Varna, au ministère de la Justice, Direction de la Représentation juridique de la République de Bulgarie devant la Cour européenne des droits de l’homme et au Comité bulgare d’Helsinki.
PRESIDENT : MEMBRES :