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10/02/2020 | BULGARIE | N°1203-2019

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, Deuxième chambre pénale, 10 février 2020, 1203-2019


ARRET no. 3

Sofia, 10 février 2020

AU NOM DU PEUPLE

La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, Deuxième chambre pénale, à l’audience du dix-sept janvier deux mille vingt, composée de :

PRESIDENTE : ELENA AVDEVA
MEMBRES : TEODORA STAMBOLOVA, PETIA CHICHKOVA

Avec la participation de la greffière NEDEVA,
En présence du procureur DOLAPTCHIEV,
A entendu l’affaire pénale de cassation 1203/19 rapportée par la juge STAMBOLOVA,
et, afin de statuer, a considéré ce qui suit :

La procédure est ouverte au titr

e de l’art. 422, alinéa 1, point 5 du CPP.

Par ordonnance no. 2032/22.05.19, rendue dans l’affaire pénale privée...

ARRET no. 3

Sofia, 10 février 2020

AU NOM DU PEUPLE

La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, Deuxième chambre pénale, à l’audience du dix-sept janvier deux mille vingt, composée de :

PRESIDENTE : ELENA AVDEVA
MEMBRES : TEODORA STAMBOLOVA, PETIA CHICHKOVA

Avec la participation de la greffière NEDEVA,
En présence du procureur DOLAPTCHIEV,
A entendu l’affaire pénale de cassation 1203/19 rapportée par la juge STAMBOLOVA,
et, afin de statuer, a considéré ce qui suit :

La procédure est ouverte au titre de l’art. 422, alinéa 1, point 5 du CPP.

Par ordonnance no. 2032/22.05.19, rendue dans l’affaire pénale privée 1823/19 sur le fondement de l’art. 306, alinéa 1, point 1 du CPP, le Tribunal de grande instance de Sofia (TGI de Sofia), Chambre pénale, 13e formation de jugement, a admis aux fins de l’exécution, par rapport au citoyen bulgare condamné R.L.Y., une peine totale de privation de liberté de 5 ans au titre de deux condamnations prononcées dans l’affaire pénale de droit commun 636/12 par le Tribunal pénal spécialisé, et dans une procédure d’urgence no. 1031/16 par le Tribunal de grande instance de Madrid, 3e chambre, jugement no. 217/06.04.17. En vertu de l’art. 59, alinéa 1 du CP, le temps de la détention provisoire de Y., dans le cadre de la condamnation prononcée par la juridiction espagnole, a été déduit. Sur le fondement de l’art. 25, alinéa 2 du CP, le temps de la peine purgée sur les deux condamnations a été déduit. Un régime initial strict de détention a été ordonné concernant l’exécution de la peine totale prononcée de privation de liberté.

Sur recours d’Y., déposé par l’intermédiaire de son défenseur mandaté, la Cour d’appel de Sofia, Chambre pénale, 4e formation de jugement, a ouvert l’affaire pénale privée d’appel 662/19 d’après le rôle de cette juridiction. Par arrêt no. 297/10.07.19, la décision du TGI de Sofia a été modifiée comme suit : la peine de 5 ans de privation de liberté, infligée au condamné au titre de la condamnation no. 217/06.04.17 du TGI de Madrid, 3e Chambre, dans une procédure d’urgence no. 1031/16 pour des faits commis le 06 novembre 2009, passée en force de chose jugée le 27 juin 2017, a été confondue avec la peine de 6 ans de privation de liberté, infligée au titre de la condamnation no. 15/13.07.17 de la Cour suprême du Royaume d’Espagne, 2e formation de jugement, affaire no. PO-5/16, pour des faits commis durant la période du 13 au 14 octobre 2015, passée en force de chose jugée le 13 juillet 2017, et la peine la plus forte de privation de liberté de 6 ans a été prononcée, à exécuter dans les conditions d’un régime initial strict. Par l’arrêt cité, le juge a statué que la peine, prononcée à la suite d’un accord conclu dans l’affaire pénale de droit commun 636/12 d’après le rôle du Tribunal pénal spécialisé, pour des faits commis avant le mois de novembre 2009 – une peine totale de 4 ans de privation de liberté, passée en force de chose jugée le 30 mai 2012 – soit exécutée séparément, dans les conditions d’un régime initial strict.

Dans le délai de six mois prévu par la procédure pénale, à compter de la date à laquelle la décision de justice a acquis force de chose jugée (10 juillet 2019), le 18 décembre 2019 à la CSC a été déposée une demande du 02 décembre 2019, signée par un adjoint du procureur général, du Parquet près la Cour suprême de cassation, au titre de l’ordonnance no. RD-08-1512/26.11.19 autorisant le remplacement du procureur général de la République de Bulgarie par cet adjoint. La demande fait valoir un moyen de cassation tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 1 du CPP. L’accent principal y est mis sur le fait que la formation qui a jugé l’affaire pénale privée d’appel 662/19 et qui a confondu les peines infligées au titre des deux condamnations espagnoles précitées (admises aux fins de l’exécution par ordonnance du TGI de Sofia, affaire pénale privée 568/19, rendue dans une procédure au titre de l’art. 457 du CPP : cette ordonnance, conformément à laquelle les peines prononcées distinctement par les juridictions espagnoles doivent être exécutées séparément, a été confirmée dans cette partie par l’arrêt no.148/08.04.19 de la Cour d’appel de Sofia, Chambre pénale, 8e formation de jugement, affaire pénale privée d’appel 293/19), n’a pas pris en compte la déclaration de la République de Bulgarie au titre de l’art. 9, point 1, lettre a), et de l’art. 10 de la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 du Conseil de l’Europe (CTPC). Aux termes de cette convention, l’Etat d’exécution, la République de Bulgarie, est lié par la nature juridique et la durée de la sanction telles qu’elles résultent de la condamnation prononcée par l’Etat de condamnation. En réunissant en une peine totale les peines infligées par les juridictions espagnoles, en l’absence d’une décision distincte de confusion des peines conformément aux règles de la législation espagnole, la juridiction d’appel statuant sur l’affaire pénale privée d’appel 662/19 a violé la loi car elle a appliqué de manière erronée l’art. 25, alinéa 1 en lien avec l’art. 23, alinéa 1 du CP. Il est demandé que la procédure pénale soit rouverte, que l’arrêt rendu dans l’affaire pénale privée d’appel 662/19 par la Cour d’appel de Sofia soit annulé et que l’affaire soit renvoyée pour examen par une autre formation de jugement de la juridiction d’appel.

A l’audience devant la CSC, le représentant du Parquet près la Cour suprême de cassation soutient la demande. La personne condamnée, régulièrement citée, ne comparaît pas. Son représentant mandaté, Me P., avocat, fait valoir que la demande est irrecevable et que par conséquent elle doit être rejetée dans la mesure où elle ne relève pas du champ du contrôle de cassation au titre de l’art. 422, alinéa 1, point 5 du CPP. Dans ses observations écrites, le défenseur soutient la thèse selon laquelle une fois admises aux fins de l’exécution en République de Bulgarie, les condamnations prononcées en Espagne sont assimilées à des condamnations bulgares et peuvent être confondues sous réserve des conditions de l’art. 23 du CP. Cela ne met pas en question, ni ne révise la volonté autonome du juge espagnol de qualifier l’activité du condamné et d’individualiser les peines à appliquer pour chacun des faits. Selon la thèse avancée, l’application de l’art. 23 du CP, respectivement de l’art. 25 en lien avec l’art. 23 du CP, n’est pas liée à l’individualisation de la peine, mais à son exécution.

La Cour suprême de cassation, Deuxième chambre pénale, après avoir pris en compte le recours et les moyens y formulés, après avoir examiné les positions exprimées par les parties lors de l’audience et après avoir pris connaissance elle-même des éléments du dossier en l’espèce, dans les limites de ses compétences dans cette procédure, considère comme établi ce qui suit :

En tout premier lieu, la juridiction suprême en matière pénale estime qu’il y a lieu de se prononcer sur l’irrecevabilité de la demande, soulevée par le défenseur. Il faut souligner là-dessus qu’il n’y a pas de doute que la demande a été non seulement déposée dans le délai requis de six mois à compter de la date à laquelle la décision attaquée est passée en force de chose jugée – un délai devant être respecté dans la mesure où il est allégué dans le document par lequel est saisie la présente juridiction que l’état de la personne condamnée a empiré – mais qu’elle est aussi recevable au regard de la procédure. En effet, conformément à l’art. 419, alinéa 1 du CPP, sont susceptibles de contrôle au titre du chapitre 33 du CPP également les ordonnances relevant de l’art. 341, alinéa 1 du CPP. Parmi les actes explicitement indiqués dans la disposition précitée du Code de procédure pénale, figurent également les actes au titre de l’art. 306, alinéa 1, point 1 du CPP, tels que ceux rendus dans l’affaire pénale privée 1823/19 par le TGI de Sofia et dans l’affaire pénale privée d’appel 662/19 par la Cour d’appel de Sofia.

En termes substantiels, la demande de réouverture est fondée, bien que non entièrement par rapport à tous les moyens soulevés.

Afin de répondre à la principale exception soulevée, exigeant la réouverture de la procédure en raison de la violation du droit matériel en ce qui concerne la clarification correcte et le règlement de l’affaire considérée, la Cour a demandé et reçu le dossier de la procédure de transfèrement au titre de l’art. 457 du CPP, affaire pénale privée 568/19 d’après le rôle du TGI de Sofia, Chambre pénale, 13e formation de jugement. Conformément à l’ordonnance no. 849/27.02.19, rendue dans cette affaire, les peines prononcées distinctement par les juridictions espagnoles doivent être exécutées séparément ; l’ordonnance a été confirmée dans cette partie par l’arrêt no. 148/08.04.19 de la Cour d’appel de Sofia, Chambre pénale, 8e formation de jugement, affaire pénale privée d’appel 293/19. La réponse à apporter à la question soulevée dans cette procédure est fonctionnellement liée avec la présente procédure.

Dans cet ordre d’idées, il est évident que la remise d’Y. aux autorités bulgares aux fins de l’exécution des peines infligées de 5 et de 6 ans de privation de liberté, a été effectuée aux termes de la CTPC car à la date de lancement de la procédure de transfèrement par le ministère de la Justice du Royaume d’Espagne, soit le 09 mai 2018 (lettre no. 0TEBU E./18 du 09 mai 2018 du ministère de la Justice du Royaume d’Espagne au ministère de la Justice de la République de Bulgarie, no. de réf. 99-N-T-32/18 du 16 mai 2018, jointe au dossier de transfèrement présenté dans l’affaire pénale privée 568/19), la République de Bulgarie n’avait pas encore introduit la Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (DC 2008/909, modifiée par la Décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès).

Notons seulement par besoin d’exhaustivité que d’après l’information publiée sur le site en ligne du Réseau judiciaire européen (RJE) en matière pénale, depuis le 11 décembre 2014 en Espagne est en vigueur une loi transposant les dispositions de la décision-cadre. Conformément à l’art. 29, « Mise en œuvre », paragraphe 1 de la décision-cadre, les Etats membres de l’UE doivent prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses dispositions avant le 5 décembre 2011. Il ressort de la date ainsi fixée pour la mise en œuvre de la DC 2008/909 par les Etats membres, conformément à l’art. 26 « Relations avec d’autres accords et arrangements », paragraphe 1, qu’elle remplace les dispositions correspondantes de la CTPC et de son protocole additionnel du 18 décembre 1997. La loi bulgare sur la reconnaissance, l’exécution et la communication de jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté, qui transpose les exigences de la DC 2008/909, modifiée par la DC 2009/299, a été adoptée par la 44e Assemblée nationale le 29 mai 2019 et publiée au Journal officiel, no. 45/07.06.19, en vigueur à partir du 01 janvier 2020. Indépendamment du fait que la République de Bulgarie a transposé les exigences de la décision-cadre à une étape plus tardive, il y a lieu de relever que conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui est obligatoire pour toute entité de l’UE, y compris pour les juges nationaux, en ce qui concerne l’interprétation du droit de l’UE, depuis la date d’expiration du délai de mise en œuvre de la DC 2008/909 la partie bulgare est tenue de respecter le principe d’interprétation conforme (arrêt de la CJUE du 16 juin 2005, Maria P., C-105/03, point 43, arrêt de la CJUE du 08 novembre 2016, А.О., C-554/14, point 61, et également l’arrêt interprétatif no. 3/12.04.17, rendu à l’occasion de cette dernière affaire – affaire interprétative no. 3/16 d’après le rôle de la CSC, révisant le point 3 de l’arrêt interprétatif no. 3/12.11.13). Ce principe est obligatoire par rapport aux décisions-cadres adoptées conformément à la Sixième partie du précédent Traité de l’UE, telles que la DC 2008/909. Conformément au principe de l’interprétation conforme, lorsque la législation nationale est appliquée, le juge national, qui effectue cette interprétation, doit le faire de la façon la plus précise à la lumière de la formule utilisée et de l’objet de la décision-cadre afin d’aboutir au résultat recherché. La jurisprudence constante de la CJUE ne laisse aucune place au doute quant à l’interprétation correcte de la DC 2008/909 aussi bien par rapport au droit applicable à l’exécution de la peine que par rapport à l’effet juridique des décisions-cadres.

Etant donné le dernier point de ce qui précède, il y a lieu de relever en outre que les décisions-cadres, en tant qu’actes du droit dérivé de l’UE, reposent sur la confiance mutuelle dans les systèmes juridiques des Etats membres de l’UE, la Bulgarie et l’Espagne étant de tels Etats. Du point de vue de la DC 2008/909, cela signifie concrètement que les décisions de l’autorité judiciaire dans l’Etat d’émission doivent être respectées et qu’en principe, le changement d’une peine, infligée par l’autorité compétente de l’Etat d’émission, n’est pas admis, qu’il s’agisse d’une révision ou d’une adaptation, sauf si sa durée ou sa nature sont incompatibles avec la législation nationale de l’Etat d’exécution. Il est nécessaire de souligner également que le transfèrement et l’exécution de la peine par l’Etat d’exécution d’après la décision-cadre doivent contribuer à atteindre l’objectif de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, mais avant d’y arriver, l’Etat d’émission – dans l’affaire considérée, c’est le Royaume d’Espagne – dispose de la compétence souveraine y compris de ne pas réaliser le transfèrement de la personne condamnée, si après le retour de celle-ci dans l’Etat d’exécution – en l’occurrence la République de Bulgarie – au lieu d’atteindre l’objectif, l’autorité d’exécution risque de la faire retourner dans le milieu criminel de son pays. Afin d’expliquer ces circonstances, un Manuel sur le transfèrement des personnes condamnées et le transfert des peines privatives de liberté dans l’UE a été publié (Journal officiel de l’UE, no. C-403 du 29 novembre 2019), qui mérite d’être cité étant donné l’examen d’ensemble de cette problématique, bien que ce manuel ait été inconnu à l’époque des jugements prononcés par les juridictions dans le cadre de la procédure, dont la réouverture est demandée. La référence à ce document ne fait qu’appuyer la position de cette Cour.

Plus loin, dans le contexte de la réflexion sur la problématique exposée ci-dessus, afin de statuer sur la question dont elle est saisie, cette Cour porte attention aux documents suivants du dossier de transfèrement dans l’affaire pénale privée 568/19 du TGI de Sofia, en raison de leur importance pour trancher correctement l’affaire :
- Arrêt de la Cour suprême, Tribunal central des mineurs avec une fonction de surveillance sur les prisons, rendu le 14 décembre 2017 à [ville], en lien avec la procédure de confusion des deux condamnations espagnoles du condamné Y. – prison Madrid III, conformément auquel le juge a approuvé « la proposition de confusion des peines de la prison précitée concernant la personne condamnée R.L.Y., afin qu’elle puisse bénéficier d’une libération conditionnelle, sur la base des faits indiqués au point 1 du présent arrêt » ;
- Extrait du Code pénal du Royaume d’Espagne : art. 73 et art. 75. Conformément à l’art. 73, « Quiconque est coupable de deux ou plusieurs crimes ou délits se verra infliger l’ensemble des peines correspondant aux différentes infractions, afin qu’elles soient exécutées simultanément, si c’est possible, en raison de leur nature et de leurs effets ». Art. 75 : « Lorsque l’ensemble ou une partie des peines correspondant aux différentes infractions ne peuvent être purgées simultanément par la personne condamnée, l’ordre de leur gravité respective sera suivi aux fins de leur exécution successive, si cela est possible » ;
- Le contenu des dispositions précitées est reproduit également au paragraphe 3 de la lettre du 03 septembre 2018, envoyée par le ministère espagnol de la Justice en réponse à la lettre du ministère bulgare de la Justice sollicitant de l’information supplémentaire sur le transfèrement de R.Y. ; à la fin, la partie espagnole a indiqué que « ...aux fins de la libération conditionnelle éventuelle, le droit pénitentiaire stipule que lorsque le prisonnier a été condamné deux fois ou plus, la somme des peines actuelles sera considérée comme un tout. Dès lors, la somme totale des périodes des peines infligées est : 11 ans de privation de liberté » ;
- Compte rendu succinct du Secrétariat général des institutions pénitentiaires, Centre pénitentiaire Madrid III – Valdemoro, d’après lequel, à compter du 17 juillet 2017, la personne condamnée Y. purge une « peine totale de 11-00-00 » ;
- Compte-rendu détaillé de l’entité : ministère de la Justice du Royaume d’Espagne du 03 septembre 2018, intitulé « Calcul normal » : il y est de nouveau indiqué que la personne condamnée Y. purge une « peine totale de 11-00-00 ».

Tous ces documents ne sont pas cités comme une fin en soi. Leur contenu permet de conclure que malgré l’existence de deux peines de 5 et 6 ans de privation de liberté du condamné Y., pour des infractions contre la santé publique, celui-ci est remis aux fins de l’exécution d’une peine totale de 11 ans de privation de liberté. Telle est la volonté de l’Etat d’émission, le Royaume d’Espagne, que la République de Bulgarie doit respecter en sa qualité d’Etat d’exécution. Le fait que la personne condamnée doit purger les peines s’élevant au total à 11 ans de privation de liberté est également indiqué dans la proposition du procureur général de la République de Bulgarie concernant le règlement de questions dans la procédure au titre de l’art. 457 du CPP, en lien avec laquelle procédure l’affaire pénale privée 568/19 a été ouverte par le TGI de Sofia. Il est hors de doute que c’est la durée totale de la peine de privation de liberté qui doit être purgée (déduction faite de la durée concernée de la détention provisoire) et qui doit être prise en compte par l’Etat d’exécution, qui, conformément à la CTPC et à la décision-cadre (art. 17, paragraphe 3), peut ordonner la libération anticipée par rapport à la peine restant à purger.

Par conséquent, la formation jugeant l’affaire pénale privée d’appel 662/19 de la Cour d’appel de Sofia, en confondant les peines des deux condamnations espagnoles, a commis une violation du droit matériel. Le juge n’a nullement pris en compte les documents du dossier de transfèrement qui indiquent qu’en l’occurrence il n’est pas question d’exécution de la peine, mais de sa détermination. Dans ce cas, l’Etat d’exécution ne peut pas rejuger la question de la peine, déjà jugée par l’Etat d’émission.

Ceci étant, en réponse à la partie de l’argumentation, exposée dans le mémoire en défense écrit quant à l’application des dispositions concernant les nombreuses infractions, il y a lieu de relever qu’il n’y a pas de doute qu’après l’adaptation de la condamnation étrangère dans la procédure au titre de l’art. 457 du CPP, c’est le droit de l’Etat d’exécution qui s’applique à l’exécution de la peine (art. 17, paragraphe 1 de la DC 2008/909). En cas de deux peines ou plus, par rapport auxquelles il existe les conditions de l’art. 25 du CP, permettant de déterminer une peine totale au condamné Y. pour les nombreuses infractions commises par lui et pour lesquelles il a été condamné par ordonnance validant l’accord conclu dans l’affaire pénale de droit commun 636/12 d’après le rôle du Tribunal pénal spécialisé, rien n’empêche que ces peines soient confondues avec les peines appliquées par les juridictions espagnoles dans le cadre de l’affaire pénale précitée. En effet, conformément à l’art. 8, alinéa 2 du CP, transposant les exigences de la DC 2008/675 du Conseil du 24 juillet 2008 relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats membres de l’UE à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (DC 2008/675), une condamnation définitive, rendue dans un autre Etat membre de l’UE pour des faits constituant une infraction pénale aux termes du Code pénal bulgare, doit être prise en compte dans chaque procédure pénale ouverte contre la même personne en République de Bulgarie. La Cour d’appel de Sofia doit également tenir compte de la jurisprudence de la CJUE, qui est obligatoire pour les juges nationaux des Etats membres de l’UE : l’arrêt du 21 septembre 2017, affaire C-171/16, rendu sur un renvoi préjudiciel du Tribunal d’instance de Sofia, concernant une procédure de confusion de peines au titre de l’art. 25 en lien avec l’art. 23 du CP. Sur la première question dans son arrêt, la CJUE (cinquième chambre) a indiqué que la DC 2008/675 « doit être interprétée en ce sens qu’elle est applicable à une procédure nationale ayant pour objet l’imposition d’une peine privative de liberté totale prenant en compte la peine infligée à une personne par le juge national ainsi que celle imposée dans le cadre d’une condamnation antérieure prononcée par une juridiction d’un autre Etat membre à l’encontre de la même personne pour des faits différents ». Ceci n’entre en aucune manière en collision avec le fait que, dans la mesure où il est question d’une peine de privation de liberté de 11 ans au total, prononcée dans le cadre des deux condamnations espagnoles, cette peine doit être purgée avec cette durée.

Inspirée par ces motifs, la présente juridiction doit rouvrir la procédure pénale en appel aux fins d’une confusion correcte des peines infligées au condamné Y., conformément à la législation en vigueur bulgare et européenne et à la jurisprudence de la CJUE concernant son interprétation.

Eu égard à cela, sur le fondement de l’art. 425, alinéa 1, point 1 en lien avec l’art. 422, alinéa 1, point 5 en lien avec l’art. 354, alinéa 3 en lien avec alinéa 1, point 4 en lien avec l’art. 348, alinéa 1, point 1 du CPP, la Cour suprême de cassation, Deuxième chambre pénale,

A RENDU L’ARRET SUIVANT :

ROUVRE l’affaire pénale privée d’appel 662/19 d’après le rôle de la Cour d’appel de Sofia.
ANNULE l’ordonnance no. 297/10.07.19, rendue par la Cour d’appel de Sofia dans l’affaire pénale privée d’appel 662/19.
RENVOIE l’affaire pour un nouvel examen par une autre formation de jugement de la juridiction d’appel.

L’arrêt est définitif.

PRESIDENT :

MEMBRES : 1/

2/


Type d'affaire : Arrêt

Références :

Origine de la décision
Formation : Deuxième chambre pénale
Date de la décision : 10/02/2020
Date de l'import : 08/02/2021

Numérotation
Numéro d'arrêt : 1203-2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2020-02-10;1203.2019 ?
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