A R R Ê T N° 147
Sofia, le 05 juillet 2018
AU NOM DU PEUPLE
La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, première section pénale, en audience publique tenue le vingt juin deux mille dix-huit, composée de :
PRÉSIDENT : KAPKA KOSTOVA
MEMBRES : ROUJENA KERANOVA
ROUMEN PETROV
avec la participation du greffier Zoïa Yakimova, et en la présence du procureur Athanasse Guebrev, a entendu le rapport du juge Roujena Keranova,affaire pénale N° 575/2018.
La cour suprême de cassation est la troisième instance judiciaire saisie du pourvoi formé par le défenseur du prévenu A.D.G. contre l’arrêt N° 116 du 22.03.2018, rendu par la Cour d’appel de Sofia dans l’affaire pénale de droit commun N° 1315/2017.
Il est allégué au pourvoi que l’arrêt d’appel confirmant le jugement rendu par la première instance, est rendu en la présence de violations de procédure substantielles, car les conclusions sur l’auteur de l’acte ne sont pas étayées de preuves. L’approche appliquée en matière d’évaluation des preuves est contestée et il est invoqué que la cour se fonde sur des éléments de preuve inopérants – procès-verbal de constatations. Des arguments de non-conformité de l’acte du procureur aux exigences de l’article 246 du CPP sont également présentés.
Les demandes adressées portent sur l’annulation de l’arrêt et le renvoi de l’affaire au procureur pour établissement d’un acte d’accusation conforme aux dispositions de l’article 246 du CPP, et alternativement, pour l’acquittement du prévenu A.D.G. des charges retenues contre lui.
Le prévenu A.D.G.et son défenseur, régulièrement convoqués, ne se sont pas présentés à l’audience de la Cour de cassation.
D.O., partie civile et accusateur privé, régulièrement convoqué, ne s’est pas présenté. Son mandataire maintient le mal fondé du pourvoi en cassation.
Les prévenus G.K. et K.Z. et leur défenseur, régulièrement convoqués, ne se sont pas présentés.
Le procureur du Parquet de la Cour suprême de cassation a conclu au caractère non fondé du pourvoi en cassation.
La Cour suprême de cassation, première section pénale, après avoir examiné les arguments des parties et procédé à un contrôle dans les limites posées par l’article 347, alinéa 1 du CPP, a établi ce qui suit :
Par jugement N° 448/25.01.2017, rendu par le Tribunal régional de Blagoevgrad dans l’affaire pénale de droit commun N° 338/2014, A.D.G.a été reconnu coupable et condamné pour avoir commis le 11.08.2010 une infraction au titre de l’artile 142, alinéa 2, point 2, en liaison avec l’alinéa 1, en liaison avec l’article 20, alinéa 2 du CP et a été condamné pour ces faits au titre de l’article 55, alinéa 1 du CP, à une peine de privation de liberté de deux ans.
Par ce même jugement le prévenu A.D.G. a été reconnu coupable et condamné pour l’infraction commise le 11.08.2010 au titre de l’article 142a, alinéa 1 en relation avec l’article 20, alinéa 2 du CP et pour ces faits il lui a été infligé une peine de probation prévoyant comme mesure probatoire l’enregistrement obligatoire à l’adresse de résidence actuelle deux fois par semaine pour une durée de dix mois et des rencontres périodiques obligatoires avec un agent de probation pour une durée de dix mois.
Sur le fondement de l’article 23, alinéa 1 du CP la cour a infligé au prévenu A.D.G. une peine globale la plus lourde, à savoir un an de privation de liberté, dont l’exécution a été reportée par une période de probation de trois ans au titre de l’article 66, alinéa 1 du CP.
Cette peine est appliquée aussi aux prévenus G.K. et K.Z.
La responsabilité civile des trois condamnés est engagée et ils sont tenus de verser solidairement à D.O., partie civile, les sommes de 5 000 et 2 000 leva au titre d’indemnité pour préjudice moral causé par les insfractions commises au titre de l’article 142, alinéa 2, point 2 du CP et de l’article 142a, alinéa 1 du CP.
Par l’arrêt présentement attaqué, la Cour d’appel de Sofia a partiellement modifié le verdict comme suit :
- elle a acquitté les trois prévenus de l’infraction au titre de l’article 142, alinéa 2, point 2 en relation avec l’article 20, alinéa 2 du CP ;
- elle a annulé l’emprisonnement ferme initialement prononcé à l’encontre du prévenu K.Z. et a prononcé un régime pénitentiaire « général ».
- elle a annulé le placement de ce prévenu dans un établissement pénitentiaire pour y purger sa peine privative de liberté.
- pour le reste le verdict a été confirmé.
Le pourvoi en cassation déposé au nom du prévenu A.D.G. contre l’acte judiciaire ainsi rendu est mal fondé.
Les arguments du demandeur au pourvoi relatifs à des violations de procédure substantielles concernant l’établissement et la communication des chefs d’accusation occupent une place principale dans la contestation de l’arrêt d’appel. La prétention est étayée par des citations détaillées des motifs de la décision interprétative N° 2/2002 de l’APChP de la Cour suprême de cassation dans l’affaire en matière commerciale N° 2/2002, en résumant que l’acte d’accusation souffre de ces vices.
Les allégations ainsi maintenues ne peuvent pas être partagées. L’acte d’accusation du 14.11.2014 satisfait aux exigences de l’article 219, alinéa 3 du CPP et permet au prévenu A.D.G. d’organiser sa défense dans cette phase de la procédure pénale.
Le reproche de limitation du droit à la défense du prévenu de connaître les infractions dont il est accusé et sur la base de quelles preuves il en est accusé, liées dans le pourvoi à la qualité de l’acte d’accusation, est infondé.
La lecture de l’acte du procureur ne révèle pas des écarts de la norme de l’article 246 du CPP. Dans le cadre de l’accusation en fait et en droit sont indiqués les faits indispensables pour tracer les éléments constitutifs des faits incriminés. Dans la partie des circonstances de l’acte d’accusation le procureur a indiqué les infractions commises par les trois prévenus agissant ensemble et les a concrétisées de manière suffisamment détaillée par les circonstances de temps, de lieu et de mode de commission des actes. Les faits concernant le prévenu A.D.G. sont décrits de la manière concrète requise – en reflétant les actes qu’il a commis. Aussi la présente formation de juges estime-t-elle que l’acte d’accusation contient suffisamment d’éléments de fait permettant aux prévenus, y compris à A.D.G., de comprendre l’accusation, de réaliser pleinement leur défense, et à la cour – de rendre une décision correcte.
Pour répondre aux principales objections de la défense, par lesquelles elle a contesté les conclusions de la juridiction de première instance sur l’auteur des faits, la Cour d’appel a analysé elle-même les éléments de preuve et les moyens pour leur établissement et cette analyse est objectivée dans la décision.
La Cour d’appel s’est pleinement acquittée de ses obligations de vérifier le bien-fondé du jugement qui n’est pas passé en force de chose jugée. Elle a accepté que lors de la visite du lieu du crime (un bâtiment d’exploitation), ainsi que lors de sa documentation ont été commis des violations de procédure qui compromettent le procès-verbal établi comme source de preuves et pour cette raison elle l’a exclu de l’ensemble des preuves à examiner. Ceci étant, l’objection maintenue que la cour a apprécié le procès-verbal de constatations comme preuve valable, est inexplicable.
Le demandeur au pourvoi allègue que le droit de défense du prévenu est limité car le prévenu D.O. n’a pas été immédiatement interrogé devant la cour et son interrogatoire au cours de l’enquête préliminaire a été réalisé sans la participation de A.D.G..
Les pièces du dossier indiquent que le témoin D.O. a été interrogé au cours de l’enquête préliminaire aux termes de l’article 223 du CPP. L’interrogatoire a été mené avant l’inculpation des prévenus et pour cette raison il n’y a pas de violation formelle de l’exigence énoncée à l’article 223, alinéa 2 du CPP. La juridiction de première instance a fait preuve de la diligence processuelle due pour assurer la présence du témoin à l’audience, mais sans résultat. Ceci étant, à la dernière audience tenue le 25.01.2017, la cour a appliqué la procédure prévue par l’article 281, alinéa 1, point 4 du CPP. De plus, à cette audience le défenseur du prévenu A.D.G. et des deux autres prévenus a expressément exprimé son accord pour que soient lues les dépositions du témoin D.O., faites au cours de l’enquête préliminaire devant un juge. La déclaration faite à ce sujet est sans équivoque et elle doit donc être traitée aussi comme une renonciation au droit garanti par l’article 6, §, « d » de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Ensuite, les dépositions du témoin D.O. ne sont pas l’unique source de preuves, sur la base de laquelle sont formées les conclusions de la cour concernant les faits. Les dépositions du témoin ont fait l’objet d’une confrontation détaillée avec les autres sources de preuves, mais la vérification ainsi réalisée n’a pas fini par faire hésiter la cour sur l’objectivité des conclusions. Dans l’arrêt attaqué ces dépositions sont logiquement liées à l’information probante communiquée par les témoins N.V., K.K. et B.M.. Il convient de noter ici que la juridiction d’appel a correctement accepté comme mal fondées les objections de la défense contre le crédit donné aux dépositions des témoins en question. Il est vrai qu’ils sont des agents de police, mais l’on ne pourrait pas déduire uniquement sur cette base un intérêt éventuel de l’issue de l’affaire. La loi de procédure n’introduit pas d’interdiction générale pour les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur de se présenter comme témoins dans un procès, leur participation étant limitée par la disposition de l’alinéa 2 de l’article 118 du CPP, dont l’hypothèse n’est pas présente en l’espèce. Dans tous les autres cas leurs dépositions doivent être appréciées de façon générale et dans le respect des exigences de la loi de procédure concernant leur valeur et leur poids. En l’espèce les trois fonctionnaires de la police ont été envoyés pour vérifier sur place, après que la victime D.O. avait téléphoné au commissariat de police de Bansko pour signaler les actes commis à son encontre. Les dépositions commentées ont introduit au procès les perceptions directes des témoins sur le lieu de l’acte, l’état de la victime (enfermé dans un bâtiment d’exploitation, menottes aux mains et marques visibles de blessures), ainsi que sa déclaration au sujet des auteurs des atteintes perpétrées. Dans leur partie finale les dépositions des témoins reproduisent des faits probants, qui de par leur nature, en dérivent. Ces mêmes faits sont utilisés par la cour de façon limitée, à savoir, pour la vérification des preuves primaires, sans s’y substituer.
L’instance inférieure a minutieusement vérifié l’authenticité des sources de preuves vocales, en poursuivant leurs cohérence, leur logique, leur caractère probant et non contradictoire. Les dépositions des témoins ont été examinées non seulement du point de vue de leur contenu effectif, mais aussi dans le contexte des moyens de preuve écrits et des conclusions d’expert dans les expertises accueillies. En rapport avec cela la cour a commenté les données relatives aux lésions traumatiques présentes chez D.O., évoquées dans l’expertise médico-légale, le procès-verbal concernant le véhicule et les constatations faites – les souillures établies (taches rouge-brun) ; la conclusion de l’expertise biologique qui a constaté la présence de sang sur les objets saisis ; la conclusion de l’expertise ADN qui permet d’établir que le sang des prélèvements effectués est bien celui de la victime D.O..
Le jugement attaqué (p. 7 et suivantes) contient des précisions détaillées sur les parties des explications des prévenus que la cour a créditées et les raisons pour lesquelles elle l’a fait. L’appréciation est effectuée en tenant compte du principe que les explications fournies par les prévenus constituent aussi bien un moyen de preuve qu’un moyen de défense.
L’approche procédurale pertinente de la cour d’appel en l’espèce lui a permis de parvenir à des conclusions convaincantes et non contradictoires concernant l’objectivité et la suffisance des éléments de preuve, sur la base desquelles elle a conclu à la culpabilité et la responsabilité du prévenu A.D.G. et de ses complices.
Bref, le contrôle effectué par la Cour de cassation n’a pas établi la présence de violations des règles de procédures qui sont prétendues dans le pourvoi et qui puissent compromettre les éléments de fait et de droit pertinents accueillis par l’instance inférieure.
La légalité interne de l’acte judiciaire attaqué, déclarée dans le pourvoi, est sans aucune argumentation. Se fondant sur les preuves en l’espèce, l’instance inférieure a fait ses conclusions motivées sur tous les éléments, objectifs et subjectifs, des infractions, au titre de l’article 142, alinéa 2, point 2 du CP et de l’article 142a, alinéa 1 du CP.
Ne sont pas soulevés non plus des arguments spécifiques, tant concernant le moyen de cassation au titre de l’article 348, alinéa 1, point 3 du CPP, que contre l’engagement de la responsabilité civile du prévenu A.D.G., auxquels la formation de juges de cassation doive répondre.
Sur la base de ce qui précède et se fondant sur l’article 354, alinéa 1, point 3 du CPP, la Cour suprême de cassation, première section pénale
ARRÊTE :
MAINTIENT l’arrêt N° 116/22.03.2018 rendu la Cour d’appel de Sofia dans l’affaire pénale de droit commun N° 1315/2017.