ORDONNANCE № 60
Sofia, le 29.01.2018
La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, Collège commercial, Première section, en audience à huis clos, le vingt-neuf janvier deux mille dix-huit, composée de :
PRÉSIDENT : Daria Prodanova
MEMBRES : Emile Markov
Irina Petrova
avec la participation du greffier ………………… et du procureur …………………., après avoir entendu le rapport du juge Emile Markov sur l’affaire commerciale enregistrée sous le numéro 19 au rôle pour 2018, pour se prononcer, a pris en considération ce qui suit :
La procédure est en application de l’article 274, alinéa 3, point 2 du CPC, en liaison avec l’article 396, alinéa 2, 3e phrase du CPC, sur le pourvoi en cassation N° 10997 du 27.11.2017, introduit par le représentant en justice de la société maltaise „Либиан Навигейтър” Л. (Libyan Navigator L.), sous l’autorité du Barreau de Varna, contre les ordonnances N° 434/16.11.17 et N° 437/17.11.2017 de la Cour d’appel de Bourgas, collège commercial, rendues dans l’affaire commerciale N° 318/2017. En vertu de première, rendue dans la procédure d’appel au titre de l’article 396 du CPC, une garantie a été admise pour une créance future de la société de Sofia „Б. Л.” Д. (« B. L. » D.) sur le commerçant maltais, d’un montant de 9 230 362 $ (neuf millions deux cent trente mille trois cents soixante-deux USD) par la saisie de l’automoteur-citerne dénommé „Б.“ (« B. »), battant pavillon de L., port d’immatriculation T. (61 342 TB ; 35 396 TN ; N° d’identification 9356426), se trouvant actuellement dans le port de Bourgas. Par la deuxième ordonnance attaquée la Cour d’appel de Bourgas a fixé un délai de 30 jours, qui commence à courir à partir de la remise de l’acte judiciaire au commerçant de Sofia, afin que ce dernier « puisse entamer une procédure au titre de l’article 417, point 6 du CPC, contre le Libyan Navigator L. concernant la créance susmentionnée, y compris en présentant des éléments de preuve à cet effet, le demandeur ayant dûment reçu des instructions que dans le cas contraire « la garantie serait annulée ».
Les griefs du commerçant maltais, partie requérante en l’espèce, portent aussi bien sur l’irrecevabilité que sur le caractère erroné évident des deux ordonnances attaquées de la Cour d’appel de Bourgas et pour cette raison il demande leur annulation, « ainsi que l’émission d’une ordonnance de saisie conservatoire pour l’annulation de la saisie prononcée du vaisseau. Des moyens sont invoqués que l’irrecevabilité probable des ordonnances attaquées résulte du fait qu’une société civile a été constituée au titre de l’article 357 et suivants de la Loi sur les obligations et les contrats, dont la dénomination complète est „Б. Л.” Д.” (« B. L. » D.) , mais de telles sociétés, bien qu’elles puissent être sujets de droit fiscal, du travail et de la sécurité sociale, ne sont pas dotées de la personnalité juridique, pour pouvoir réellement participer au procès sans la constitution de chacun des associés en tant que partie au procès, et de cette manière pratiquement a été entravé aussi l’engagement de la responsabilité pour les dommages au titre de l’article 403 du CPC. Alors que le caractère erroné évident de ces deux ordonnances de la Cour d’appel de Bourgas, rendues en vertu de l’article 396, alinéa 2, 3e phrase du CPC, en liaison avec l’article 390 du CPC, découlerait du fait qu’elles se fondaient sur deux faux documents : une hypothèque maritime du 14.09.2017 et une attestation du 8.11.2017, ressortirait de la déclaration sous serment subséquente N° 12.135/24.11.2017 du notaire grec I. Andreadaki.
Dans l’exposé relatif à l’article 284 du CPC au pourvoi de cassation, le demandeur « Libyan Navigator L. » justifie le champ d’application du pourvoi en cassation à la fois par la présence des conditions visées à l’alinéa 2, 2e et 3e phrases, de l’article 280 du CPC (la rédaction du texte au J.O. N° 86 du 27.10.2017), ainsi que par le point 3 de l’alinéa 1 du même texte, en soulignant que par ces deux ordonnances attaquées la Cour d’appel de Bourgas s’est prononcé sur les trois questions juridiques d’ordre procédural qui sont d’importance non seulement pour l’issue du procès, mais aussi pour l’application exacte de la loi et l’évolution du droit, à savoir :
1. « Le libellé de l’article 284, alinéa 3, point 1 du CPC, prévoyant d’exposer les moyens de cassation uniquement au titre de l’article 280, alinéa 1 du CPC, constitue-t-il une omission du législateur et doit-il s’appliquer également à l’exposé des moyens au titre de l’alinéa 2, indépendamment de la présence aussi de tels moyens au titre de l’alinéa 1, ou bien, en présence de moyens de cassation uniquement au titre du deuxième alinéa de l’article 280 du CPC, l’exposé de ces derniers dans le pourvoi de cassation est-il exigé ? » ;
2. « Le défendeur au référé dans l’hypothèse de l’article 396, alinéa 2, 3e phrase, du CPC, a-t-il le droit de se pourvoir en cassation dans tous les cas où il existe des moyens de nullité probable ou d’irrecevabilité, ou encore en présence du caractère erronée évident de la garantie admise, indépendamment de la présence de motifs de cassation au titre de l’article 280, alinéa 1 du CPC ? » ;
3. La procédure au titre de l’article 417 du CPC est-elle soumise à l’exigence de garantie au titre de l’article 390 et suivants, en tenant compte du fait qu’elle n’est pas une procédure au fond, mais une procédure d’injonction, c'est-à-dire faisant partie d’une procédure d’exécution, qui évolue, elle aussi, unilatéralement, et dans laquelle le défendeur n’a pas la possibilité de défense dans un procès contradictoire ? »
La Cour de cassation de la République, Collège commercial, Première section estime que, ayant été formé dans le délai de forclusion au titre de l’article 275, alinéa 1 du CPC (concernant les deux actes judiciaires attaqués) et introduit par une personne ayant qualité pour agir devant la Cour d’appel de Bourgas, le présent pourvoi en cassation de la société maltaise « Libyan Navigator L. » devra être jugé admissible.
Les considérations qu’en l’espèce l’on est en présence du champ d’application du pourvoi de cassation, sont les suivantes :
A contrario du texte du § 74 des dispositions transitoires et finales de la Loi modifiant et complétant le CPC (JO N° 86 du 27.10.2017), les procédures ouvertes dans le cadre de pourvois de cassation introduits après l’entrée en vigueur de cette loi, sont examinées selon les nouvelles modalités procédurales énoncées à l’article 280, alinéa 2 du CPC, qui prévoient que l’acte concerné de la juridiction d’appel (décision, ordonnance ou injonction) peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation lorsque sa nullité ou son irrecevabilité est probable, ainsi que lorsque son caractère erroné est évident, « indépendamment des conditions visées à l’alinéa 1 » de ce même texte.
En l’espèce l’on peut constater l’irrecevabilité des deux ordonnances attaquées de la Cour d’appel de Bourgas, rendues au titre de l’article 396, alinéa 2, 3e phrase du CPC, en liaison avec l’article 390 du CPC, compte tenu des éléments suivants :
1. Concernant l’ordonnance N° 434/16.10.2017 objet du pourvoi
L’exigence impérative de l’article 7, alinéa 2, 2e phrase de la Loi du commerce concernant la raison sociale du commerçant (au sens de l’article 1 de cette loi) est qu’elle doit être véridique, ne pas être trompeuse et ne pas porter atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Il n’existe pas cependant de telle exigence réglementaire expresse visant la société qui exerce son activité comme société civile constituée au titre de l’article 357 et suivants de la Loi sur les obligations et les contrats. Or, la règle impérative de l’article 26, alinéa 1 de la Loi sur les obligations et les contrats, à savoir que la transaction ne doit pas porter atteinte aux bonnes mœurs, est également applicable de façon générale au contrat multilatéral de la société civile, alors qu’en l’espèce l’utilisation dans la raison sociale de deux abréviations (« Л. » et « Д. » ) /« L. » et « D. »/ non seulement suggère de manière trompeuse l’existence d’une personne morale au sens de l’article 63, alinéa 3 de la Loi du commerce, mais aussi l’utilisation de l’abréviation de la dénomination en langue étrangère ne fait qu’approfondir le manque de clarté concernant sa forme – s’agit-il d’une société à responsabilité limitée (O.), d’une société anonyme (AД) /AD/, voire d’une société en commandite (КД) /KD/. La Cour d’appel de Bourgas aurait dû prendre en considération les dispositions de l’article 1, alinéas 4 et 3 de la Convention internationale de 1999 sur la saisie conservatoire des navires ( J.O. n° 10 du 3.02.2012 – après sa ratification le 12.01.2001 par une loi adoptée par la 38e Assemblée nationale), pertinentes aux fins de l’admission d’une demande en référé en matière maritime, aux termes desquelles est « créancier » toute personne alléguant une créance maritime, et « personne » - toute personne physique ou morale ou toute société de personnes, de droit public ou de droit privé, y compris un État et ses subdivisions politiques. Il est cependant inadmissible que les associés d’une société civile en vertu de l’article 357 et suivants de la Loi sur les obligations et les contrats soient considérés comme subdivision de l’Etat, et comme c’est un fait notoire que leur association est toujours une association de fait, la demande enregistrée sous le numéro 15731/7.11.2017 au rôle du Tribunal régional de Bourgas, déposée par « Б.Л. » (« B.L. ») (sans même indiquer l’abréviation « Д. » /« D. »/), pratiquement n’était pas appropriée pour saisir le tribunal afin de procéder conformément à l’article 390 du CPC. Aux termes de l’article 26, alinéa 1 du CPC, sont parties à une procédure civile en République de Bulgarie « les personnes au nom desquelles et contre lesquelles est menée la procédure » et cette disposition procédurale est immanente à l’ordre public de notre pays.
2. Concernant l’ordonnance attaquée N° 437/7.11.2017
Conformément à l’article 390, alinéa 3 du CPC, en l’espèce, en vertu de l’alinéa 1, la Cour fixe un délai d’introduction de la demande qui ne peut pas être plus long d’un mois, et si des preuves sur l’introduction de la demande ne sont pas produites dans le délai déterminé, le tribunal libère d’office la garantie. En l’espèce la Cour d’appel de Bourgas a prononcé une autre ordonnance concernant le délai pour la réclamation de ladite future « créance maritime » à cause de son omission de le faire par l’ordonnance précédente N° 343/16/11.2017. Bien que le délai accordé par cet acte judiciaire soit dans les limites du délai légal, l’ordonnance connaîtra le sort de celle que pratiquement elle complète, car sous « future créance maritime » la juridiction d’appel entend qu’il s’agit d’une procédure d’injonction de payer au titre de l’article 417, point 6 du CPC, c'est-à-dire une procédure fondée sur « un acte d’hypothèque au titre de l’article 173, alinéa 3 de la Loi sur les obligations et les contrats ». Cependant, à contrario de la disposition de l’article 417, point 6 du CPC, le délai de forclusion pour la réclamation de la future créance en question s’avère être inadmissiblement prolongé, et l’ouverture de la procédure d’injonction elle-même exclut le besoin de garantie sous l’hypothèse de l’article 390 du CPC, car ladite créance maritime se manifeste comme un événement futur et hypothétique dans la mesure où la procédure d’injonction de payer peut évoluer sans objection du débiteur.
Les deux ordonnances attaquées de la Cour d’appel de Bourgas doivent être annulées comme irrecevables au regard des règles procédurales, et la saisie conservatoire, ordonnée sur leur base, de l’automoteur-citerne „Б.” (« B. ») battant pavillon libyen, dans le port de (localité) devra être considérée illicite. Aux termes de l’article 2, alinéa 4, 2e phrase de la Convention internationale de 1999 sur la saisie conservatoire des navires, la procédure relative à la mainlevée de la saisie conservatoire est régie par la loi de l’Etat dans lequel la saisie a été pratiquée ou demandée. Il ressort de l’irrecevabilité, constatée dans la présente procédure de cassation, des ordonnances de la juridiction d’appel sur la base desquelles a été ordonnée la saisie du vaisseau commercial dans le port maritime bulgare, que la mainlevée de la saisie doit être inconditionnelle, sans que le commerçant – demandeur au pourvoi soit tenu de constituer une garantie.
En exécution de la présente ordonnance de la Cour suprême de cassation, sur le fondement de l’article 346a, alinéa 3 du Code de la navigation commerciale, la mainlevée de la saisie conservatoire de l’automoteur-citerne „Б.” (« B. ») doit être effectuée par le commandant du port de Bourgas.
Par ces motifs, la Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, Collège commercial, Première section
ORDONNE :
ACCUEILLE le pourvoi en cassation contre l’ordonnance N° 434 de la Cour d’appel de Bourgas, Collège commercial, du 16.11.2017, rendue dans l’affaire N° 318/2017.
ANNULE l’ordonnance N° 434 de la Cour d’appel de Bourgas, Collège commercial, du 16.11.2017, rendue dans l’affaire N° 318/2017.
ACCUEILLE le pourvoi en cassation contre l’ordonnance N° 437 de la Cour d’appel de Bourgas, Collège commercial, du 17.11.2017, rendue dans l’affaire N° 318/2017.
ANNULE l’ordonnance N° 437 de la Cour d’appel de Bourgas, Collège commercial, du 17.11.2017, rendue dans l’affaire N° 318/2017.
LIBÈRE INCONDITIONNELLEMENT DE LA SAISIE CONSERVATOIRE au port de Bourgas l’automoteur-citerne „Б.” (« B. ») (BADR), battant pavillon libyen, port d’immatriculation T., numéro d’identification IMO 9356426, 61 342 БТ, 35 396 НТ, indicatifs d’appel 5AWN MMSI[ЕИК].
L’ordonnance n’est pas susceptible de recours.