La ville de Sofia, le 24 octobre 2016
AU NOM DU PEUPLE
LA COUR SUPRÊME DE CASSATION de la République de Bulgarie, Première chambre pénale, lors d’une audience publique tenue le vingt-six septembre deux mille seize ; en composition suivante :
PRÉSIDENT : NIKOLAY DARMONSKI
MEMBRES :
MINA TOPUZOVA
HRISTINA MIHOVA
en présence du greffier Mariyana Petrova et du procureur Marinova auprès du Parquet général de la Cour suprême de cassation, a entendu le rapport du juge Hristina Mihova sur le pourvoi pénal Nº 850 selon le registre de 2016, et avant de statuer, a considéré ce qui suit :
Le pourvoi en cassation devant la Cour suprême de cassation est formé sur protestation du procureur de la ville de Sofia à l’encontre du jugement Nº 190, rendu le 27 juin 2016 par la deuxième instance sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 2584/2016, selon le registre du Tribunal d’arrondissement de Sofia, qui sert à annuler le jugement de la première instance rendu sur l’affaire pénale de caractère général Nº 17261/2015 selon le registre du Tribunal de district de Sofia.
La protestation de cassation et son complément relèvent des arguments relatifs à la présence du moyen de cassation au titre de l’article 348, al. 1, point 1 du Code de procédure pénale, en affirmant que la deuxième instance, après avoir fait crédit aux explications du prévenu, présentant sur le fond des aveux, qui avait suggéré au témoin M. de ne répéter à personne ce qui s’était passé dans son bureau le 8 avril 2011, a considéré à tort que celui-ci n’avait pas accompli l’infraction au titre de l’article 290 du Code de procédure pénale, et par la suite l’a acquitté. Les règles de la logique formelle aurait été violées ce qui représentait une violation des règles procédurales au titre de l’article 14, al. 1 du Code de procédure pénale entraînant une violation de la loi matérielle. On réclame l’annulation de la condamnation rendue par la deuxième instance et le renvoi de l’affaire pour réexamen par une autre chambre du Tribunal d’arrondissement de Sofia.
Dans l’audience tenue devant la Cour suprême de cassation le représentant du Parquet auprès de la Cour suprême de cassation réitère la protestation de cassation en exprimant son avis que la deuxième instance a commis une violation de la loi matérielle par son interprétation erronée et non conforme aux règles de la logique formelle et non formelle des faits et des éléments de preuve collectés dans le cadre de l’affaire. On demande à la Cour de faire droit à la protestation en annulant le jugement de la deuxième instance et en renvoyant l’affaire pour réexamen par une autre chambre du Tribunal d’arrondissement de Sofia.
Par contre, le défenseur du prévenu K. I. K. plaide devant la Cour suprême de cassation pour ne pas faire droit à la protestation déposée par le procureur de la ville de Sofia et pour laisser en vigueur le jugement rendu par le Tribunal d’arrondissement de Sofia.
Dans ses derniers propos le prévenu K. K. demande à la Cour suprême de cassation de laisser en vigueur le jugement d’acquittement.
LA COUR SUPRÊME DE CASSATION, première chambre pénale, après avoir délibéré sur les raisons des parties, a procédé à la vérification dans les limites imposées par l’article 347, al. 1 du Code de procédure pénale, avant de constater ce qui suit:
Par le jugement Nº 3134 rendu le 27 avril 2016 sur l’affaire pénale de caractère général Nº 17261/2015, le Tribunal de district de Sofia a déclaré coupable le prévenu K. I. K. pour le fait que le 8 avril 2011 à [localité], dans son bureau à la Commission publique des jeux de hasard, en tant qu’instigateur et avec la complicité de son employée subordonnée E. M. /auteur de l’acte/, a incité celle-ci, en la poussant délibérément à ne révéler à personne ce qui s’était passé ce jour-là dans son bureau, et à produire de faux témoignages dans le cadre de la procédure précontentieuse Nº 65/2012 selon le registre de la Direction des affaires intérieures de Sofia, ce qui constitue une infraction au titre de l’article 290, al. 1 du Code de procédure pénale, en résultat, M., en sa qualité de témoin dans la procédure précontentieuse Nº 65/2012 selon le registre de la Direction des affaires intérieures de Sofia, lors de l’interrogatoire tenu le 4 avril 2012 dans les locaux de ladite Direction, devant l’autorité compétente représentée par l’agent enquêteur N. V. attaché au secteur 01 « Investigation d’infractions criminelles » auprès du service « Procédure précontentieuse » de la Direction des affaires intérieures de Sofia, a consciemment dissimulé la vérité et a confirmé une contre-vérité relative aux coups assenés par K. à P. S., en déclarant: « Je n’ai pas vu K. à frapper P., je n’ai vu personne frapper P. », par conséquent, en vertu de l’article 290, al. 1, en liaison avec l’article 20, al. 3, en liaison avec l’article 54 du Code de procédure pénale, le Tribunal a infligé une peine de probation au prévenu, avec des mesures de probation: « Inscription obligatoire à l’adresse actuelle » pour une durée de six mois, avec une fréquence de deux fois par semaine, « Rencontres périodiques obligatoires avec un employé de probation » pour une durée de six mois, ainsi que « Travail d’intérêt général non rémunéré » d’une durée de 100 heures.
Par le jugement de la deuxième instance attaqué, statué le 27 juin 2016 sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 2584/2016, le Tribunal d’arrondissement de Sofia a annulé le jugement de la première instance et a déclaré non coupable le prévenu K. K., en l’acquittant des charges portées contre lui.
Lors de la vérification du jugement attaqué, la Cour suprême de cassation n’a pas constaté de violations commises par la deuxième instance relevant de la catégorie des violations visées dans la protestation déposée par le procureur de la ville de Sofia qui auraient imposé l’annulation de l’acte de justice rendu par la deuxième instance et le renvoi de l’affaire pour réexamen.
En statuant le jugement, la deuxième instance n’a pas violé les règles de collecte et d’appréciation des éléments de preuve, d’autant moins que le principe visé à l’article 14 du Code de procédure pénale, portant sur la prise de décision sur la base de la conviction intérieure. Dans les motifs de son acte de justice la deuxième instance a précisé qu’elle adoptait complètement les constatations factuelles de la première instance, tout en exposant ses raisons de faire crédit aux explications fournies par le prévenu K., auxquelles le Tribunal de district de Sofia n’a pas fait confiance. Sur le fond ces explications ont été appréciées par la deuxième instance comme des aveux du fait que le prévenu K. avait demandé au témoin M. de ne pas raconter ce qui s’était passé dans son bureau le 8 avril 2011, parce qu’il avait honte de son acte et qu’il ne voulait pas revenir sur cet incident. Le Tribunal d’arrondissement de Sofia a à raison considéré que les explications du prévenu K. n’étaient pas en contradiction avec le reste des preuves et surtout avec les déclarations du témoin M., aucun obstacle procédural n’empêchait donc de les juger fiables. L’autorité de contrôle n’a d’aucune manière violé les règles de la logique formelle, n’a pas interprété à tort les sources de preuve et ne leur a pas conféré un contenu que celles-ci ne possédaient pas. Le fait que la deuxième instance a abouti à des conclusions juridiques différentes sur la base des mêmes moyens de preuve, ne représente pas une violation des principes des articles 13 et 14 du Code de procédure pénale. Dans l’exercice de ses fonctions prévues par la disposition de l’article 339, al. 3 en liaison avec l’article 305, al. 3 du Code de procédure pénale, la chambre de la deuxième instance a exposé en détail ses arguments sur l’appréciation des éléments de preuve. Pour cette raison, la chambre de cassation considère que l’affirmation énoncée dans la protestation de cassation visant les violations commises par la deuxième instance, lors de l’appréciation des éléments de preuves, est infondée.
Le reproche principal adressé par le représentant du parquet porte en effet sur le fait que la deuxième instance a à tort appliqué la loi matérielle en considérant que l’auteur de l’infraction n’avait pas commis une infraction au titre de l’article 290, al. 1, en liaison avec l’article 20, al. 3 du Code de procédure pénale du point de vue subjectif, bien que du point de vue factuel ladite juridiction ait considéré comme un fait établi que le prévenu K. avait demandé au témoin M. de ne pas raconter ce qui s’était passé dans son bureau à la date incriminée.
Il convient de mentionner en premier lieu que pour considérer qu’il y a infraction au titre de l’article 290, al. 1 du Code de procédure pénale, il est nécessaire de constater, sur la base de l’ensemble des preuves, que l’auteur de l’acte a consciemment affirmé à l’oral ou par écrit une contre-vérité ou a dissimulé la vérité devant une autorité judiciaire ou une autre autorité compétente. Pour commettre une telle infraction, avec complicité par instigation, il est nécessaire que les faits de l’affaire prouvent que l’instigateur a incité l’auteur de l’acte à affirmer une contre-vérité ou à dissimuler la vérité devant une autorité judiciaire ou une autre autorité compétente. Une autorité compétente au titre de l’article 290 du Code de procédure pénale est celle qui est habilitée à interroger des témoins dans le cadre d’une procédure et dans l’exercice de ses compétences à constater la vérité sur des faits concrets. Cela provient du fait que l’infraction au titre de l’article 290, al. 1 du Code de procédure pénale a pour objet de défense les relations sociales liées à l’application normale de la justice. La révélation de la vérité objective des faits est importante pour la mise en œuvre de l’action de la justice, dans le but de la bonne application de la loi. Pour cette raison, il est indispensable que l’autorité judiciaire ou l’autorité autorisée à collecter des preuves verbales dispose de témoignages objectifs et fiables. Comment et devant quelles personnes sont diffusés ces faits, demeure en dehors des objectifs de défense de l’objet au titre de l’article 290 du Code de procédure pénale. Par conséquent, pour accomplir l’infraction, l’instigateur doit être conscient que par son action il incite l’auteur à faire de faux témoignages devant une autorité habilitée à interroger des témoins, et non pas devant d’autres personnes. Cela exige la présence de preuves dont on peut tirer la conclusion que l’instigateur a objectivement exercé une certaine influence sur l’auteur (par une contrainte physique ou psychologique, abus de pouvoir ou une autre dépendance, sous la forme de conseil, demande etc.) pour que celui-ci se décide à recourir au faux témoignage, pas devant n’importe qui, mais devant une autorité judiciaire ou une autorité autorisée à collecter des témoignages.
Dans le cas concret, pour considérer que le prévenu K. a incité le témoin M. à faire de faux témoignages, il faut constater sur la base des éléments de preuve de l’affaire que celui-ci a exercé une influence sur elle pour qu’elle agisse de cette manière devant une autorité judiciaire ou un organisme d’investigation, notamment devant le responsable de l’enquête dans le cadre de la procédure précontentieuse Nº 65/2012 de la Direction des affaires intérieures de Sofia, pour aboutir aux charges énoncées dans l’acte d’accusation. La deuxième instance a à raison considéré que cette conclusion ne peut pas être tirée sur la base de l’ensemble des preuves collectés dans le cadre de l’affaire. Contraire à toute logique s’avère l’affirmation /énoncée dans l’acte d’accusation ainsi que dans la protestation de cassation/ qu’au 8 avril 2011, la date de l’incident qui a eu lieu dans le bureau du prévenu, celui-ci a pu imaginer qu’un an plus tard une procédure pénale serait engagée à son encontre en liaison avec le cas concret et que le témoin M. serait interrogée en qualité de témoin. Le fait qu’un an après l’incident dans le bureau du prévenu, sans aucune influence exercée de sa part sur le témoin, sous une forme quelconque, celle-ci a déposé de faux témoignages devant l’agent enquêteur, ne permet pas de considérer que M. a été incitée par K. à agir de cette manière. Les témoignages déposés par le témoin M. devant le tribunal de première instance démontrent que la cause de faire de faux témoignages devant l’agent enquêteur consiste non seulement dans le fait que le prévenu lui a demandé le 8 avril 2011 de ne pas révéler ce qui s’était passé dans son bureau, mais aussi dans le fait qu’elle se sentait dépendante de lui dans son travail, parce que chacun qui le contredisait se trouvait licencié. Il y a incitation à l’infraction lorsque l’instigateur agit activement dans le but d’inciter l’auteur à commettre l’infraction. Les conceptions, opinions, sentiments et perceptions subjectifs de l’auteur l’ayant motivé à commettre l’infraction sont sans aucune importance, s’il n’a subi aucune influence de la part de l’instigateur par l’un des procédés mentionnés ci-dessus. Dans le cas concret, il n’y aucune preuve, y compris des preuves tirées des déclarations du témoin M., sur le fait que le prévenu a exercé une influence sur elle pour qu’elle dissimule la vérité ou qu’elle affirme une contre-vérité devant une autorité judiciaire ou une autre autorité compétente, y compris devant l’agent enquêteur, selon les charges portées à l’encontre du prévenu. En cas d’absence de comportement actif de la part du prévenu K. dans le but de l’accomplissement d’une infraction, celui-ci ne devrait pas être poursuivi en justice.
Comme il manque de preuves démontrant l’accomplissement de l’acte du point de vue objectif, il n’est pas nécessaire d’examiner la question du point de vue subjectif. Les raisonnements de la deuxième instance exposés dans les motifs du jugement en ce qui concerne l’incohérence de l’acte, sont corrects et légaux, ce qui rend infondée l’affirmation du requérant portant sur la violation de la loi matérielle.
Vu les arguments indiqués ci-dessus, la Cour suprême de cassation a considéré que la deuxième instance, en statuant l’acte de justice attaqué, n’a pas commis une violation de la loi matérielle imposant l’annulation du jugement et le renvoi de l’affaire pour réexamen, pour cette raison il ne serait pas fait droit à la protestation de cassation.
Considérant les éléments précités et en vertu de l’article 354, al. 1, point 1 du Code de procédure pénale, la Cour suprême de cassation, première chambre pénale,
ARRÊTE
LAISSE EN VIGUEUR le jugement de la deuxième instance statué le 27 juin 2016 sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 2584/2016 selon le registre du Tribunal d’arrondissement de Sofia.
L’ARRÊT est définitif.
PRÉSIDENT :
MEMBRES :