La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2016 | BULGARIE | N°71

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, Deuxième chambre pénale, 28 juillet 2016, 71


Sofia, le 28 juillet 2016

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPRÊME DE CASSATION de la République de Bulgarie, Deuxième chambre pénale, lors d’une audience publique tenue le dix-huit mars deux mille seize; en composition suivante :

PRÉSIDENT : BILYANA CHOCHEVA
MEMBRES :
1. ZHANINA NACHEVA
2. BISER TROYANOV
en présence du greffier Kristina Pavlova et du parquet représenté par Maria Mihaylova, a examiné le rapport du juge Troyanov sur l’affaire pénale Nº 123 selon le registre de 2016.

Le pourvoi en cassation est formé sur la requête déposée par

le prévenu A. M. A. par l’intermédiaire de son défenseur Maître E. P., à l’encontre de la condamnatio...

Sofia, le 28 juillet 2016

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPRÊME DE CASSATION de la République de Bulgarie, Deuxième chambre pénale, lors d’une audience publique tenue le dix-huit mars deux mille seize; en composition suivante :

PRÉSIDENT : BILYANA CHOCHEVA
MEMBRES :
1. ZHANINA NACHEVA
2. BISER TROYANOV
en présence du greffier Kristina Pavlova et du parquet représenté par Maria Mihaylova, a examiné le rapport du juge Troyanov sur l’affaire pénale Nº 123 selon le registre de 2016.

Le pourvoi en cassation est formé sur la requête déposée par le prévenu A. M. A. par l’intermédiaire de son défenseur Maître E. P., à l’encontre de la condamnation Nº 9 du 1 juillet 2015 rendue sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 294/2014 par la Cour d’appel de Plovdiv, Deuxième chambre pénale, demandant alternativement l’annulation de la condamnation et l’acquittement du prévenu ou le renvoi de l’affaire pour réexamen, ou enfin l’adoucissement de la peine.

Le prévenu invoque tous les moyens de cassation en vertu de l’article 348, al. 1, points 1 à 3 du Code de procédure pénale. Il affirme que l’accusation n’est pas prouvée de manière incontestable ainsi qu’il n’est pas clair sur la base de quels éléments de preuve le juge a considéré que le prévenu avait prôné le mouvement salafiste de l’islam. Il estime être condamné pour ses convictions religieuses et non pas pour la diffusion d’une idéologie antidémocratique. Le jugement répressif rendu par la deuxième instance n’aurait toujours pas fourni de réponse à une série d’oppositions non résolues par l’acte de justice statué par la première instance. Les experts auraient donné leurs conclusions sur la base d’éléments qui auraient été joints à l’affaire sans être conformes à l’ordre procédural. Les condamnations seraient manifestement injustes.

Lors de l’audience tenue devant l’instance de cassation le prévenu ne prend pas position. Son défenseur Maître P. entretient le pourvoi en cassation sur les raisons y invoquées et réitère ses arguments.

Le représentant du Parquet général de la Cour suprême de cassation estime que le pourvoi en cassation introduit est infondé et que les accusations sont bien prouvées. La deuxième instance n’a pas commis de violations graves de la procédure tandis que la loi matérielle est correctement appliquée. La peine infligée à l’accusé A. M. A. étant conforme aux objectifs visés à l’article 36 du Code de procédure pénale, est équitable. Le représentant du Parquet général de la Cour suprême de cassation suggère à la cour de confirmer l’acte de justice rendu par la deuxième instance.

La cour suprême de cassation, après avoir délibéré sur les arguments énoncés dans la requête, ainsi que sur les raisons évoquées par les parties, effectué le contrôle de cassation dans les limites légales, a considéré ce qui suit :
Par le jugement Nº15 du 19 mars 2014 sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 330/2012, le Tribunal de grande instance de Pazardzhik a déclaré coupable le prévenu A. M. A. pour trois infractions:
1) en vertu de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale (à cause du fait que dans la période de mars 2008 à avril 2011, à [localité] et à [localité], a prôné verbalement une idéologie antidémocratique, notamment l’idéologie du mouvement salafiste de l’islam, consistant en opposition aux principes de démocratie, séparation des pouvoirs, libéralisme, état de droit et primauté de la loi, droits fondamentaux de l’homme, tels que l’égalité des hommes et des femmes, et la liberté de religion), le prévenu s’est vu infliger une peine de privation de liberté pour une durée d’un an.
2) en vertu de l’article 109, al. 2 en liaison avec l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale (à cause du fait que de mars 2008 au 6 octobre 2010, le prévenu a été affilié à une organisation exerçant son activité dans les régions S., B. et P., dirigée par S. M. M, avec des membres: A. M. S., N. D. D., H. H. SCH., B. A. U., A. R. A., I. A. D., M. F. K., YU. I. G., N. A. G., A. H. H. et A. I. H., cette organisation ayant pour objectif d’accomplir des infractions au titre du chapitre 1 du Code de procédure pénale, notamment prôner une idéologie antidémocratique), le prévenu s’est vu infliger une peine de privation de liberté pour une durée d’un an.
3) en vertu de l’article 164, al. 1, proposition 1 du Code de procédure pénale (à cause du fait que dans la période de 2007 à avril 2011, à [localité] et à [localité], a prôné verbalement la haine religieuse se manifestant par l’hostilité et la négation de tout ce qui n’est pas conforme à l’idéologie du salafisme, par la diffusion d’idées religieuses au cours des prières de vendredi dans les mosquées, cours, prêches, rencontres dans des cafés), le prévenu s’est vu infliger une peine de privation de liberté pour une durée d’un an ainsi qu’une amende de cinq mille levs.

Aux termes de l’article 23 du Code de procédure pénale, le prévenu A. M. A. s’est vu infliger une peine générale, notamment la plus sévère, de privation de liberté pour une durée d’un an, à laquelle a été additionnée l’amende de cinq mille levs. Aux termes de l’article 68 du Code de procédure pénale, le tribunal de grande instance a mis à exécution la peine de privation de liberté pour une durée de trois ans imposée au prévenu A. sur la base du jugement répressif entré en vigueur le 20 novembre 2004 sur l’affaire pénale de caractère général Nº 905/2004 du Tribunal de grande instance de Pazardzhik. Le tribunal a fixé l’exécution de la peine de privation de liberté par emprisonnement en régime initial sévère en vertu de l’article 61, point 2 de la Loi sur l’exécution des peines et la détention provisoire.

Par le même jugement répressif le Tribunal de grande instance de Pazardzhik a déclaré coupables les accusés S. M. M. et A. M. S. pour leur participation à l’infraction au titre de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale, en leur infligeant des sanctions consistant en une amende de trois mille levs pour chacun, ainsi que pour l’infraction au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale (le premier en tant qu’organisateur et le deuxième en tant que membre de l’organisation), en condamnant le prévenu M. à une peine privative de liberté d’un an, et le prévenu S – à une peine privative de liberté de dix mois, tandis que le sursis à l’exécution des peines plus sévères a été fixé à trois ans en vertu de l’article 66 du Code de procédure pénale. En vertu de l’article 109 du Code de procédure pénale, les autres membres du groupe: les accusés N. D. D., H. H. SCH., B. A. U., A. R. A., I. A. D., M. F. K., YU. I. G., N. A. G., A. H. H. et A. I. H. ont été déchargés de toute responsabilité pénale en ce qui concerne l’infraction qu’ils ont commise, en vertu de l’article 78a du Code de procédure pénale, tout en leur infligeant des sanctions administratives consistant en une amende de deux mille levs pour chacun.

Par le jugement Nº 9 du 1er juillet 2015 sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 294/2014, la Cour d’appel de Plovdiv, Deuxième chambre pénale, a augmenté les sanctions encourues par le prévenu A. M. A. les faisant passer d’une peine privative de liberté d’un an et six mois (en vertu de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale) à une peine privative de liberté de deux ans (en vertu de l’article 164, al. 1 du Code de procédure pénale), et a majoré la peine générale en vertu de l’article 23 du Code de procédure pénale en la remplaçant par une peine privative de liberté pour une durée de deux ans.

La deuxième instance a acquitté les accusés S. M. M. et A. M. S. de l’accusation en vertu de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale et a exonéré les deux accusés de responsabilité pénale pour l’infraction commise au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale, en leur infligeant des sanctions administrative en vertu de l’article 78a du Code de procédure pénale consistant en une amende de quatre mille levs (pour l’accusé M.) et une amende de trois mille levs (pour l’accusé S., en sa qualité de membre de l’organisation).

Le contrôle de cassation est effectué dans les limites de la requête introduite par l’accusé A. M. A., le seul des douze accusés qui est en droit de contester par le pourvoi en cassation l’acte de justice rendu par la deuxième instance.

Par l’application de la règle en vertu de l’article 78a du Code de procédure pénale, les accusés, à l’exception du requérant, ne disposent pas de droit individuel de former un pourvoi en cassation, aux termes de l’article 346, points 1 et 2 du Code de procédure pénale, pour cette raison la condamnation qui leur est infligée par la deuxième instance est définitive et n’est pas susceptible de contrôle de cassation individuel.

Tous les treize accusés de la procédure pénale sont donc déclarés coupables par la deuxième instance pour l’infraction au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale. Du point de vue objectif, l’accomplissement de cette infraction revêt une particularité se manifestant par la présence de complicité indispensable (obligatoire) entre les auteurs. Par conséquent, si les arguments invoqués par le requérant A. en ce qui concerne l’acte commis sont bien fondés au point d’imposer l’annulation ou la modification de l’acte rendu par la deuxième instance, l’examen correct de l’affaire impose alors l’annulation ou la modification de ces parties dudit acte qui se rapportent aux participants à la même infraction qui n’ont pas fait appel du jugement. Ainsi, les conséquences de l’intervention de cassation s’étendent-elles au-delà du cadre du contrôle de cassation, les moyens juridiques appliqués à l’égard du requérant profitant également aux accusés n’ayant pas fait appel du jugement, en vertu de l’article 347, al. 2 du Code de procédure pénale (indépendamment des possibilités juridiques offertes, et portant manquées, ou de l’absence légale de telles).

Examiné sur le fond, le pourvoi en cassation introduit par l’accusé A. M. A. est bien-fondé.

En examinant l’affaire et en statuant l’acte de justice, la deuxième instance a commis des violations graves de la procédure en ce qui concerne les droits du requérant, d’autre part, des questions essentielles à l’objet de l’affaire étant dépourvues de motivation, l’acte rendu par la deuxième instance est susceptible d’annulation, tandis que l’affaire peut être renvoyée pour réexamen.
L’accusé A. M. est déclaré coupable pour trois infractions, dont deux sont contre l’État, au titre de l’article 108, al. 1 et l’article 109, al. 2 du Code de procédure pénale, tandis que la troisième, au titre de l’article 164, al. 1 du Code de procédure pénale, représente une violation de la liberté de croyance.

1. Les motifs de poursuite judiciaire en vertu de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale sur la base desquels l’accusé A. est traduit en justice, portent sur le fait que ce dernier a prôné une idéologie antidémocratique. La disposition de la règle juridique revêt un caractère particulier dans la mesure où l’idéologie concrètement indiquée est assortie d’autres idéologies, formulées de manière abstraite ou indéfinies (en ce qui concerne leur nombre, dénomination ou caractéristiques) [1].

L’infraction au titre de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale est un acte contre l’État. Son objet porte sur les relations sociales liées à la sécurité de l’État et au régime de gouvernance et de construction de l’État bulgare reposant sur la démocratie. Cela suppose que l’infraction porte sur l’exposé, l’éloge, la propagande et la diffusion de conceptions et d’idées antidémocratiques sans que celles-ci aient forcément une dénomination concrète. Dans cet ordre d’idées, la loi fait référence à la notion « prône » [2].

La question essentielle de l’affaire consiste dans le fait qu’il incombe à la juridiction responsable de relever les idées, les conceptions et les raisons de l’auteur qui portent atteinte au fondement de la société démocratique contemporaine mise en place dans notre pays. C’est pour cette raison que cet acte est déclaré criminel, parce que les idées prônées visent à nier, détruire, mettre en péril ou anéantir ce fondement démocratique.

Lorsque les convictions exposées ne font pas partie des idéologies antidémocratiques ancrées de manière incontestable dans la vie contemporaine, la chambre responsable a du mal à justifier ses raisons lui permettant de considérer que les idées incriminées vont à l’encontre des conceptions démocratiques contemporaines et du fondement de la société.

L’accusation a indiqué que la juridiction responsable avait considéré sans une ombre de doute que l’idéologie antidémocratique prônée par le prévenu A. s’appelait salafisme. Cette « idéologie » cependant ne fait pas partie des idéologies considérées de manière incontestable comme antidémocratiques, d’autant plus que le salafisme est défini par les experts comme un mouvement religieux [3]. Vu la base religieuse spécifique de celui-ci, il persiste dans l’affaire le problème le plus sérieux relatif à l’application correcte de la loi matérielle, à savoir, si les idées et les conceptions prônées ne sont pas une expression de la liberté de religion, ancrée dans les traités internationaux auxquels la Bulgarie est partie (article 9, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales [4]), dans la Constitution (article 13, al.1; article 37, al.1), ainsi que dans d’autres actes normatifs relevant du droit national bulgare [5].

La deuxième instance n’a pas réussi à donner une réponse à la question essentielle relative à l’application de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale, notamment, si le salafisme représente une idéologie et, au cas où la réponse est positive, en quoi consiste son caractère antidémocratique. Les motifs évoqués [6] ne donnent pas une idée catégorique et univoque sur l’essence du mouvement d’idées en tant qu’idéologie antidémocratique. Au contraire, on met en valeur des différences relevant surtout des rites et des rituels du domaine familial et de la vie de l’islam « traditionnel » pratiqué dans notre pays. Dans le monde démocratique contemporain la diversité de croyances religieuses ne constitue pas une infraction, non moins que l’existence d’hérésies (sectes) ou de différences dogmatiques au sein d’une religion.

Le fait qu’il manque de motifs sur la base desquels la deuxième instance considère que les idées prônées par le prévenu A. sont antidémocratiques, suppose que l’analyse judiciaire se manifeste plutôt contre un mouvement d’idées contemporain de l’islam sunnite [7], et non pas contre le comportement de l’auteur de l’infraction. C’est à ce fait que s’oppose le requérant qui se dit condamné d’avoir prôné des convictions islamistes religieuses et non pas des idées et des opinions antidémocratiques [8]. L’État peut, par des moyens juridiques, s’opposer à toute manifestation antidémocratique ou contre l’État, même si celle-ci repose sur la religion [9], si cette manifestation est en mesure de mettre en péril la sécurité de l’État, la stabilité fonctionnelle de ses organes de gestion ou l’intégrité territoriale.

Dans le cadre de l’accusation en vertu de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale, la deuxième instance a été tenue de fournir des motifs révélant quelles idées du « mouvement salafiste de l’islam » prônées par l’accusé A. [10] sont considérés comme antiétatiques, c.-à-d. s’opposant aux principes de démocratie, séparation des pouvoirs, libéralisme, état de droit et primauté de la loi, égalité des hommes et des femmes et liberté de religion, ainsi que quelles sont les idées qui prônent la mise en place d’un État de charia. Dans cet ordre d’idées, la cour d’appel aurait donc dû procéder à une vérification attentive, minutieuse et profonde de tous les éléments de preuve collectés avant de faire sa conclusion motivée. Elle aurait pu également recourir aux compétences spécifiques des experts pour formuler un argument juridique formel prouvant que le salafisme est une idéologie antidémocratique, telle qu’elle a été incriminée par l’accusation soutenue par le parquet; le comportement de l’auteur de l’infraction ne permettant de tirer que des faits et des éléments révélant des signes de poursuite judiciaire à part entière. D’autre part, pour savoir si les idées prônées par le prévenu A. M. A. sont antidémocratiques, il est nécessaire d’exposer les moyens juridiques requis basés sur la conviction intérieure du juge et sur les éléments de preuve collectés et vérifiés au cours de la procédure.

On constate le manque de motifs requis pour un acte de justice rendu par la deuxième instance révélant le comportement criminel de l’auteur de l’infraction ainsi que la manifestation concrète de l’idéologie antidémocratique prônée qui dépasse les limites de la liberté de religion garantie et ancrée dans la constitution (article 37, al. 1 de la Constitution). Il y a violation grave de procédure au titre de l’article 348, al. 3, point 2 du Code de procédure pénale qui a également une influence sur l’application de la loi matérielle. Le jugement de la deuxième instance attaqué est susceptible d’annulation, l’affaire devant être renvoyée pour réexamen par une autre chambre de la même instance.

Un deuxième contrôle s’impose également en ce qui concerne l’accusation en vertu de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale à l’encontre du prévenu A. M. A. Le jugement de la deuxième instance statué par la Cour d’appel de Sofia dans sa partie relative à l’acquittement par laquelle les prévenus S. M. M. et A. M. S. sont déclarés innocents en vertu de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale, est devenu définitif et n’est pas susceptible de contrôle de cassation dont l’étendue est limitée par le pourvoi introduit par le prévenu A. (et en absence de protestation).

2. En général, le raisonnement de la deuxième instance relatif au fait que la manifestation criminelle au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale représente une manière spécifique et formelle de préparation visant à assurer la réalisation future d’une autre activité criminelle, plus dangereuse, qui de plus est orientée contre l’État (motifs, pages 297-300).

L’infraction peut exister individuellement, l’acte accompli étant réalisé par le fait de la formation et la gestion de l’organisation ou du groupe [11]. « Lorsque l’organisation ou le groupe commencent à exercer une activité dans le cadre des objectifs étant à l’origine de leur création, s’effectuent les infractions respectives.... il y a alors un ensemble effectif de faits... » [12].

Il n’est pas obligatoire qu’une association criminelle au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale ait un nom. Il est pourtant nécessaire que l’objectif antiétatique de cette association (groupe, organisation) qui suscite un autre problème essentiel relatif à l’application de la loi, notamment, de quelle manière les relations professionnelles entre les imams, dont la plupart sont en service au bureau de la Religion musulmane, sont orientées vers l’objectif antiétatique indispensable à l’accomplissement de l’infraction et la participation du requérant A. M. A. dans une telle organisation criminelle.

Comme indiqué ci-dessus, dans le cadre de l’affaire n’est pas donnée une réponse claire présentée de manière convaincante et catégorique à la question si le mouvement salafiste de l’islam est une idéologie antidémocratique. Y a-t-il des différences essentielles par rapport à la doctrine de la religion islamiste? De quelle manière le salafisme (wahhabisme) prêche des différences dans les cinq piliers établis par le dogme de l’islam sunnite [13] ou dans certains d’entre eux? Quel est le rôle de l’« effort religieux » (jihad) dans les idées du salafisme [14], d’une part, et de l’islam, d’autre part, et y a-t-il des différences? Comment l’organisation criminelle au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale a-t-elle exercé une activité différente de la Religion musulmane enregistrée dans notre pays? Il est nécessaire de distinguer l’activité criminelle de chacun des prévenus de l’activité religieuse exercée par la plupart d’eux dans le cadre de la fonction qu’ils ont occupée, notamment muftis, imams, prêcheurs etc.

En vertu de l’article 109 du Code de procédure pénale l’organisation criminelle est une association de deux ou de plusieurs personnes réunies pour accomplir une activité criminelle antiétatique durable et solide [15]. Les raisons exposées par la cour dans le cadre de l’activité illégale de « l’organisation » ne témoignent pas d’une analyse de droit pénal [16].
Le lien entre le contenu des livres (y compris les articles, les brochures, etc.) commentés par les experts, et les activités antiétatiques réalisées par l’organisateur et les membres de l’organisation criminelle n’est pas explicité.

Tout cela impose l’annulation du jugement de la deuxième instance dans sa partie relative à la condamnation, qui sert à confirmer l’acte de justice rendu par la première instance, en ce qui concerne la participation du prévenu A. M. A. à l’organisation criminelle au titre de l’article 109, al. 2 du Code de procédure pénale en vertu de l’article 354, al. 3, point 2 du Code de procédure pénale.

Le motif d’annulation pourtant profite également aux autres prévenus pour lesquels la procédure pénale est arrêtée aux termes de l’article 78a du Code de procédure pénale, et qui, à cause de l’interdiction au titre de l’article 346, point 2 in fine du Code de procédure pénale, n’ont pas fait appel du jugement de la deuxième instance, mais ont été traduits en justice en vertu de l’article 109, al. 1 et 2 du Code de procédure pénale avec le requérant.

Il s’agit d’une manifestation particulière de la disposition de l’article 347, al. 2 du Code de procédure pénale qui dans le cas concret s’applique à tous les complices indispensables du requérant dans l’accomplissement de l’infraction dont ils sont accusés (l’infraction au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale se réalise dans le cadre d’une complicité indispensable (obligatoire)). La deuxième instance estime qu’indépendamment des limites du contrôle de cassation imposées par la requête de l’accusé A., c’est le jugement de la deuxième instance qui est susceptible d’annulation totale dans sa partie relative à la condamnation, mais aussi l’acte de justice de la première instance confirmé, tout comme les sanctions administratives imposées aux autres participants en vertu de l’article 78a du Code de procédure pénale. Puisque l’issue correcte de l’affaire impose l’examen conjoint de la condamnation entre tous les participants au procès et que les motifs d’annulation de l’acte à l’égard du requérant profitent également à ses complices dans la même infraction, lors d’un réexamen alors ceux-ci peuvent déclarer de nouveau leurs oppositions relatives à l’application correcte de la loi.

On estime non conforme à l’esprit de la loi l’adoption de la démarche contraire consistant en annulation du jugement de la deuxième instance uniquement dans la partie relative au prévenu A., laissant aux autres prévenus (condamnés), se trouvant dans l’impossibilité de défendre leurs droits suivant l’ordre de cassation, le moyen de prétendre, à l’issue de l’affaire, à la réouverture devant le parquet d’appel en vertu de l’article 70 de la Loi sur les infractions et sanctions administratives. Le parquet n’est pas engagé suite aux prétentions qui lui sont adressées et dispose donc de compétences autonomes à apprécier tout seul s’il faut demander la réouverture de la procédure. Il incombe à un autre organe judiciaire indépendant à apprécier si cette demande est bien-fondée, qui n’est pas tenu de respecter les prescriptions actuelles de l’instance de cassation, en vertu de l’article 355, al. 1, points 1 et 2 du Code de procédure pénale (par manque de contrôle d’instance régulier). Au cas où l’autre juridiction n’adopte pas lesdites prescriptions, les autres condamnés seront placés en situation juridique inégale par rapport à celle du requérant A. Les raisons juridiques de réouverture de l’acte de justice suivant l’ordre du chapitre trente-trois du Code de procédure pénale ne sont pas non plus réunis, parce que la procédure exclut les procédures terminées au titre de l’article 78a du Code de procédure pénale (argument en vertu de l’article 420, al. 2 du Code de procédure pénale).

3. Le fait que l’accusé A. M. A. a prôné la haine sur la base religieuse, étant un comportement dangereux pour la société en vertu de l’article 164, al. 1 du Code de procédure pénale, n’est pas suffisamment spécifié par la deuxième instance pour satisfaire aux exigences d’une condamnation. La cour a de nouveau eu recours à la démarche générale appliquée aux deux autres infractions.

La deuxième instance n’a pas précisé les faits et les circonstances sur la base desquels a déterminé l’infraction réalisée par le prévenu A. en vertu de l’article 164, al. 1 du Code de procédure pénale. Elle a tout simplement conclu que le prévenu « ...a prôné verbalement la haine sur la base religieuse consistant en hostilité et négation de tout ce qui n’est pas conforme à l’idéologie du salafisme, par la diffusion d’idées religieuses au cours des prières de vendredi dans les mosquées, cours, prêches, rencontres dans des cafés » [17]. La cour n’a pas pris soin de décrire sur la base de quelles actions concrètes du prévenu elle a abouti à cette conclusion. Quelles sont les preuves qui servent à motiver cette conclusion, la cour n’a pas donné de réponse à cette question et n’a pas indiqué de preuves. On ne trouve pas non plus de réponse à la question quelles sont les idées religieuses qui servent à prôner la haine.

L’accomplissement de l’infraction consiste en prêche de haine sur la base religieuse. Pour l’accomplissement de l’infraction il n’est pas suffisant que la cour indique que le salafisme étant une idéologie antidémocratique, celle-ci contient en elle-même la haine à l’égard de tout ce qui n’est pas conforme à son idéologie. L’objet immédiat de l’infraction et la structure de l’acte du point de vue objectif ont une étendue plus vaste par rapport à l’infraction contre l’État au titre de l’article 108, al. 1 du Code de procédure pénale (dont la forme d’infraction est identique). L’infraction au titre de l’article 164, al. 1 du Code de procédure pénale peut s’étendre également à d’autres mouvements religieux, des hérésies (sectes), mais aussi à toute religion mondiale existante, même des croyances qui ne sont pas pratiquées depuis longtemps ou qui ont très peu de partisans. Il est suffisant que l’infraction « prêche de la haine » soit ancrée dans les croyances religieuses ou qu’elle s’appuie à des dogmes ou des postulats religieux, pour que le concept d’infraction soit réalisé.

L’acte de la deuxième instance souffre d’un défaut majeur, notamment l’absence de motifs. Il n’est pas clair sur la base de quels prêches du prévenu A. et par quelles expressions linguistiques sont exprimées les idées de haine, étant donné que l’objet de l’infraction au titre de l’article 164 du Code de la procédure pénale sont les relations sociales liées à l’exercice légal des droits et des libertés constitutionnels des citoyens bulgares, en particulier, ceux de croyance religieuse.

La violation de procédure au titre de l’article 348, al. 3, point 2 du Code de procédure pénale porte atteinte directement au droit du prévenu de savoir pour quelle raison il est condamné, quel comportement de haine fondée sur les convictions religieuses est à l’origine de sa condamnation étant même accrue par la deuxième instance. Il est donc nécessaire d’annuler la condamnation imposée et de renvoyer l’affaire pour réexamen par une autre chambre de la même juridiction.

La deuxième instance a sous-estimé une série d’oppositions de défense introduites par le prévenu A. M. A. ou les a laissées sans réponse de fond, dirigeant les réflexions dans un autre sens.

4. La défense du prévenu A. a avancé que dans l’acte de condamnation l’organisation « A. U. a-I. » qui n’aurait pas été enregistrée conformément aux lois bulgares, a été jugé criminelle. Dans les motifs énoncés à la condamnation rendue par la deuxième instance l’association criminelle des prévenus est appelée désormais l’« ORGANISATION » (terme également utilisé par la première instance). Selon la défense le prévenu aurait été condamné pour son affiliation à « une autre organisation sans nom », dont il n’est pas accusé.
La défense prétend qu’il n’y a pas de modification de l’accusation ce qui porte atteinte au droit de l’accusé de savoir contre quelle accusation il doit se défendre.

La deuxième instance n’a pas donné une réponse sur le fond à l’opposition qui lui a été adressée. Sur les pages 422-424 des motifs, la cour a indiqué que « dans toutes les parties de l’acte d’accusation on parle d’une organisation », celle-ci étant financée par la fondation saoudite dont le logo figurait sur les papiers. La cour d’appel n’a pas donné de réponse à la question pourquoi l’accusation indique comme criminelle une organisation ayant un nom concret, tandis que dans les motifs énoncés dans les actes de justice attaqués cette association criminelle au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale est abandonnée au profit du nom commun l’« ORGANISATION ». En évitant le fond de la question, la cour ne donne pas de réponse claire et catégorique sur le bien-fondé de l’opposition énoncée qui porte sur l’absence de motifs au titre de l’article 348, al. 3, point 2 du Code de procédure pénale.

5. La cour a négligé l’opposition par laquelle le défendeur du prévenu A. demande pourquoi les juridictions responsables ont considéré que c’était en mars 2018 qu’avait débuté l’activité criminelle au titre de l’article 109, al. 2 du Code de procédure pénale. À la page 329 des motifs la deuxième instance a indiqué que « la mise en place de l’organisation et l’affiliation des autres prévenus en tant que membres ont eu lieu en mars 2008, à la réunion-colloque qui s’est tenue à I... ».

L’acte d’accusation (feuilles 9-11) indique qu’à cette réunion en mars 2008 organisée à [localité], en Turquie, n’ont assisté que les prévenus: S. M., I. D., A. H., A. H., H. SH. et le témoin M. A. Le prévenu A. M. A. n’est pas mentionné comme participant. Même lors de la deuxième réunion organisée à I. du 9 au 13 mai 2008 à laquelle ont assisté les prévenus: S. M., A. H., A. S., A. A. et les témoins A., M. Z. et H. H. (feuilles 11-12). C’est logique parce qu’à cette réunion n’ont participé que des personnes ayant fait leurs études de théologie à [localité], S. a. Quand est-ce que le prévenu A. a adhéré à l’« organisation » ? - le parquet ne l’indique pas même dans la description détaillée de son activité fournie sur les feuilles 29-45 de l’acte d’accusation.

La deuxième instance n’a pas non plus précisé des éléments de preuve relatifs à l’adhésion du prévenu A. à l’organisation criminelle. Dans les motifs joints à la condamnation (pages 353), la cour a indiqué qu’« à l’organisation.... ont également adhéré les autres prévenus, à l’exception du prévenu U., qui en est devenu membre à partir de mars 2009 ». La cour d’appel n’a pas rempli ses obligations consistant en une nouvelle vérification objective, globale et complète de tous les faits et éléments de l’affaire qui servent à révéler l’activité criminelle de l’auteur de l’infraction et qui font partie des signes d’infraction. La violation de l’article 13, al. 1 et de l’article 14, al. 1 du Code de procédure pénale entraîne une atteinte importante des droits procéduraux du prévenu, en vertu de l’article 348, al. 3, point 1 du Code de procédure pénale. La question relative à l’adhésion de l’accusé A. à l’organisation criminelle au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale demeure ouverte, en suspens et non étayée par les preuves nécessaires.

6. Malgré les motifs largement exposés (au total sur 466 pages), la deuxième instance n’a pas examiné en profondeur et dans leur ensemble les éléments de preuve collectés. Celle-ci s’est contentée de faire un compte rendu d’une partie des témoignages des témoins, a incorporé à l’acte de justice l’ensemble des conclusions des experts (y compris les évaluations personnelles de certains experts y exposées), sans pour autant parvenir à fournir une analyse approfondie des preuves. Les preuves d’accusation n’étant pas confrontées aux preuves d’acquittement, le requérant a à raison considéré que les éléments de preuve à décharge avaient été négligés et qu’il manquait l’examen analytique obligatoire auquel la juridiction responsable était tenue de procéder. En cas d’éléments de preuve contradictoires, celle-ci est tenue de préciser lesquels sont jugés fiables, et pour quelles raisons, tandis que pour les autres - pourquoi sont rejetés.

7. La question controversée relative au fait si l’accusé A. était le détenteur de carte Nº.... de prêcheur [18], délivrée par le Grand mufti, et si la durée de validité de celle-ci coïncide avec la durée incriminée par le parquet ? L’opposition s’est avérée importante pour la défense qui la réitère par le pourvoi en cassation, en ce qui concerne la thèse de défense qui repose sur le droit du requérant de prêcher dans la mosquée « A. B.» dans le quartier résidentiel [quartier] de Pazardzhik. La cour a négligé son obligation de collecter et de vérifier tous les éléments de preuve relatifs à l’affaire en établissant ce fait de manière incontestable [19].
La même logique est suivie pour la mise en place de la base factuelle de l’affirmation que la clé USB trouvée dans le domicile du témoin M. A. contenant neuf fichiers de prêches en turc, aurait appartenu au prévenu A. L’opposition de la défense insistant sur la non-possession a été laissée sans réponse et sans conséquences.

8. Par l’arrêt Nº 56 rendu lors de l’audience à huis clos tenue le 11 février 2015 [20], la Cour d’appel de Plovdiv n’a pas approuvé une partie des offres de preuve des requérants, sans pour autant en fournir une motivation. Elle a tout simplement indiqué que les demandes d’interroger de nouveaux témoins n’étaient pas jugées pertinentes à l’objet de l’affaire, et en ce qui concerne les autres demandes - que c’était des faits notoires; que l’interrogatoire réitéré des témoins S. D. et Y. M. ne devrait pas être accepté; que le refus d’une expertise théologique effectuée par l’expert H., ainsi que l’admission de la réexpertise effectuée par l’expert G., ne se rapportaient pas à l’objet de l’affaire; la demande d’élaboration d’une expertise linguistique et stylistique des témoignages fournis par le témoin A. est rejetée parce que considérée irrecevable. Dans l’arrêt, ces refus ne sont pas étayés d’arguments et ne révèlent pas les moyens juridiques réels qui ont permis à la cour de ne pas recevoir les offres de preuve. Pour cette raison, en élaborant les motifs à la condamnation la chambre a été tenue de prendre position et d’exposer complètement ses raisons pour les rejets statués. La cour d’appel a ainsi privé les parties du droit de connaître les motifs réels pour le rejet de leurs offres de preuve, cette violation de procédure est importante du fait que celle-ci n’est pas corrigée. Les droits procéduraux des prévenus leur permettant de prouver leur thèse de défense et de contester la condamnation, ainsi que la pertinence des conclusions de la première instance, sont également violés. Les prévenus sont privés à tort de leur droit d’apporter des preuves devant la deuxième instance qui est la dernière instance jugeant sur les faits et procédant à l’analyse des preuves. Pour savoir si la cour a fait un rejet bien-fondé, il faut se référer aux motifs exposés dans l’acte de justice respectif ou enfin à la condamnation (respectivement la décision), faute de motifs, la conviction intérieure du juge a demeuré inconnue.

L’acte de justice rendu par la deuxième instance souffre également d’autres défauts qui ne représentent pas de graves violations de procédure.

La cour d’appel a essayé de répondre aux oppositions de la défense portant sur le fait que les prévenus étaient condamnés pour leurs convictions religieuses, en présentant sur les pages 389 à 398 des motifs des réflexions juridiques générales, dont la plupart représentent un compte rendu des décisions Nº 5/1992, Nº 2/1998 et Nº12/2003 de la Cour constitutionnelle, sans pour autant tenir compte des arguments énoncés par les parties [21].

La cour a considéré de façon contradictoire l’importance de l’ordonnance Nº 79/27.01.2009 émise par le condamné N. D. (mufti régional de S.) au sujet de l’enterrement de musulmans sans cercueil etc., et la place de cette ordonnance en tant que partie de l’idéologie salafiste suivie, d’une part, et du rite interprété de manière identique par la commission de fatwa auprès du Grand mufti (décision du 12 mars 2009), d’autre part (motifs, pages 161, 314-315, 349 et 372-373).

La cour d’appel de Plovdiv a adopté une approche différente à l’égard des trois accusés condamnés de l’accomplissement indépendant d’une infraction de la même nature. Le jugement rendu par la deuxième instance a acquitté les accusés S. M. M. et A. M. S. de leur accusation en vertu de l’article 108, al.1 du Code de procédure pénale (motifs, page 293), mais l’accusé A. M. A. est condamné pour le même type d’infraction, sans pour autant fournir des arguments précisant pourquoi ses droits procéduraux ne sont pas violés.

À la page 398 des motifs la deuxième instance a conclu qu’ « en exerçant leur activité les accusés s'étaient écartés des pratiques officielles de l’islam et avaient confronté les musulmans qui ne partageaient pas leur idéologie ». La cour n’a précisé ni les « pratiques officielles », ni les « pratiques informelles ». Il demeure inconnu quel élément de preuve a servi pour conclure que « les non musulmans sont déclarés ennemis contre lesquels il faut mener une guerre armée » (motifs, pages 399). Il n’est pas clair non plus sur la base de quelles preuves la cour considère que les accusés ont recouru à la « violence » en tant qu’objectif non autorisé (page 402); et pourrait-on juger correcte la conclusion (motifs, page 313) que l’«islam radical » a interdit aux Roms de croire en superstitions et en magies, ce qui est antidémocratique, antiétatique et porte atteinte aux droits et libertés de religion des citoyens bulgares.

L’acte rendu par la deuxième instance est susceptible d’annulation totale dans sa partie pénale et répressive (la partie de l’acquittement n’étant pas contestée, reste en vigueur). L’affaire devrait, par conséquent, être renvoyée pour réexamen par une autre chambre, en suivant, lors du réexamen, les prescriptions visant à écarter les violations de procédure et à appliquer correctement la loi matérielle.

Le jugement rendu par la deuxième instance est annulé également à l’égard des accusés n’ayant pas fait appel du jugement qui sont complices du prévenu A. M. A. dans l’infraction au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale, pour cette raison ceux-ci doivent être convoqués en qualité de prévenus lors du réexamen par la Cour d’appel de Plovdiv, tandis que les sanctions administratives qui leur ont été infligées sont annulées en conséquence de l’application de l’article 347, al. 2 du Code de procédure pénale.

Vu l’issue de la procédure de cassation, l’argument invoqué par le requérant au sujet de l’injustice flagrante de la condamnation en vertu de l’article 348, al. 1, point 3 du Code de procédure pénale, n’est pas susceptible d’examen.
La cour suprême de cassation, sur la base des moyens exposés et en vertu de l’article 354, al. 1, point 4 en liaison avec l’alinéa 3, point 2 du Code de procédure pénale et l’article 347, al. 2 du Code de procédure pénale

A R R Ê T E:

ANNULE le jugement Nº 9 du 1er juillet 2015 sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 294/2014, de la Cour d’appel de Plovdiv, Deuxième chambre pénale, dans sa partie pénale et répressive, statué à l’encontre du prévenu A. M. A., au sujet de ses condamnations en vertu de l’article 108, al. 1, l’article 109, al. 2 et l’article 164, al. 1 du Code de procédure pénale, ainsi qu’à l’égard de tous ses complices dans l’infraction au titre de l’article 109 du Code de procédure pénale auxquels sont infligées des sanctions administratives en vertu de l’article 78a du Code de procédure pénale.

RENVOIE l’affaire pour réexamen par une autre chambre de la Cour d’appel de Plovdiv.

L’arrêt n’est pas susceptible de recours.

PRÉSIDENT : MEMBRES :

[1] L’idéologie fasciste étant la seule idéologie précise, est mise en avant sur une base commune du point de vue objectif de l’infraction. C’est un avantage dans le processus de fournir des preuves, parce que les conceptions fascistes étant établies du point de vue historique et social en tant qu’antidémocratiques, sont rejetées de manière inconditionnelle dans la société démocratique contemporaine. La situation est pourtant tout à fait différente dans le cas de toute « autre » idéologie antidémocratique qui n’est pas prévue au préalable par la loi.
[2] La jurisprudence considère que l’infraction peut être également accomplie sans l’usage de la parole, notamment par « l’exposition et la publication sur Internet d’articles, images, symboles, vidéoclips, appels » (Décision Nº 80/2009 sur l’affaire pénale Nº 34/2009 de la Cour suprême de cassation, Première chambre pénale). Ainsi, les sites Internet, la presse et les émissions télévisées représentent un moyen, une méthode ou un outil de démonstration des idées. « La prêche peut s’exprimer également par « la représentation de signes distinctifs, initiales ou symboles d’organisations fascistes ou antidémocratiques dans des endroits auxquels ont accès d’autres personnes » (Décision Nº 16/1985 sur l’affaire pénale Nº 11/1985 de la Cour suprême de cassation, Deuxième chambre pénale).
[3] C’est sur cette question que porte l’exposé des experts S.E. et I. D. de l’Expertise complexe (feuilles 88-159, volume VII complété).
[4] « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »
[5] Loi sur les croyances (Promulgué au JO, Nº 120 du 29 décembre 2002).
[6] La cour a à plusieurs reprises mentionné dans les motifs les caractéristiques du salafisme (wahhabisme), en tant que mouvement de l’islam sunnite (par exemple, pages 56 et 116), tout en fournissant la présentation la plus complexe sur la page 314 des motifs: « L’intégration salafiste de l’islam porte sur l’éradication des rites traditionnels dans le but de supprimer l’ignorance (jahl) – recueil devant les tombes et leur entretien, lecture du C. aux enterrements, préparation à la fête de l’Aid el-Kebir, imposant à leur place de nouvelles fêtes, telles que la célébration de l’anniversaire du prophète »; célébration de deux fêtes (Ramadan et hajj), mais non pas des autres fêtes laïques célébrées par l’État; les bras croisés devant la poitrine pendant la prêche (motifs, page 116); interdiction à la femme de sortir de chez elle sans l’autorisation de son mari, dans tous les cas où son ordre n’est pas contraire à la religion (motifs, page 117); en cas d'insoumission de la part de la femme, celle-ci peut subir une petite raclée par son mari dans le but plutôt de l’humilier que de la blesser (motifs, pages 60, 119 et 120); une position intransigeante vis-à-vis des autres religions, rejet de la démocratie et de la laïcité, la foi dans la mise en place de la charia dans le monde entier (motifs, page 383). La plupart des questions sont théologiques et portent sur les croyances religieuses des musulmans en Bulgarie, tandis que pour les autres il faut faire une analyse minutieuse et profonde pour savoir si elles portent atteinte à la liberté de religion (et représentent une infraction en vertu du chapitre trois du Code de procédure pénale) ou si elles visent à créer dans la société des sentiments antidémocratiques à l’égard de l’État bulgare laïque contemporain.
[7] Dans le cadre de l’affaire il est précisé que l’islam sunnite comprend quatre écoles (mazhab) dans l’interprétation des principes de la charia (fiqh) qui diffèrent par leurs fondateurs – hanifisme, malikisme, chaféisme et hanbalisme, le dernier mazhab comprenant le wahhabisme et le salafisme. Différentes écoles existent également chez les chiites (jafarisme etc.). La religion musulmane ne s’identifie pas seulement avec la tradition hanifiste de l’islam sunnite protégée pendant la période ottomane sur les terres bulgares, l’islam sunnite étant traditionnel pour la région de B., toutes les autres variétés de l’islam sont erronées, antidémocratques et antiétatiques.
[8] La réflexion figurant à la page 310 des motifs du jugement rendu par la deuxième instance et stipulant que « le salafisme wahhabite incorpore une forte tendance hanbalite qui entre en contradiction avec la tradition hanéfite diffusée en Bulgarie » est une réflexion théologique qui ne transforme pas le salafisme en mouvement religieux criminel.
[9] C’est dans le même ordre d’idées que sont prévues les restrictions imposées à la liberté de religion en vertu de l’article 9, al. 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’en vertu de l’article 37, al. 2 de la Constitution de la République de Bulgarie: « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui constituent des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
[10] Cf. pages 63-64, 137, 138-144, 146-147, 345-348 et 385-386 des motifs du jugement rendu par la deuxième instance.
[11] Arrêt Nº 25/1977 sur l’affaire pénale Nº 20/1977 de la Cour suprême de cassation, Deuxième chambre pénale.
[12] Ibidem, cf. l’arrêt interprétatif Nº 23 du 15 décembre 1977 sur l’affaire pénale Nº 21/1977 de l’Assemblée générale des chambres pénales réunies de la Cour suprême de cassation.
[13] Les cinq piliers de l’islam sunnite: chahada, salat (prière, namaz), hajj (pèlerinage), saoum ou siyam (jeûne, abstention), zakat (aumône).
[14] Dans la conclusion de l’Expertise complexe, volume VІІ complété (feuille 156). « En effet, le sujet du jihad fait partie des sujets les plus traités de la littérature religieuse analysée, mais c’est en général caractéristique pour la version examinée du salafisme ».
[15] Cf. l’arrêt interprétatif de l’Assemblée générale des chambres pénales réunies de la Cour suprême de cassation.
[16] La deuxième instance a estimé que son activité ne peut être légale pour les raisons suivantes: 1) absence d’immatriculation en vertu de la Loi sur les croyances religieuses et la Constitution; 2) le financement était effectué par le transfèrement physique de ressources à travers les frontières par l’intermédiaire d’étudiants et de pèlerins (hadji) qui étaient de retour de formation ou hadj qui a eu lieu à S. A.; 3) les accusés n’ont pas informé le bureau de la Religion musulmane de leur participation au colloque à I. et n’ont pas demandé un congé (motifs, pages 263-264).
[17] Page 294 des motifs du jugement rendu par la deuxième instance.
[18] Copie, feuille 509 sur le pourvoi pénal de caractère général. Nº 294/ 2014, volume І.
[19] Y compris la lettre portant la référence départ Nº 01-1-1/71 du 18.02.2014 du Grand mufti, feuilles 625-626 sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 294/2014, volume ІІ.
[20] Cf. feuilles 583-587 sur le pourvoi pénal de caractère général Nº 294/2014, volume ІІ.
[21] On a fait deux conclusions résumées au sujet des accusés sans qu’elles soient défendues de manière analytique: « ... par leur activité les accusés ont porté atteinte à un principe constitutionnel essentiel » (motifs, page 391) et « ... les accusés en tant que partisans d’une communauté de religion illégale ont renoncé à se conformer » à des principes essentiels du droit international et « en ont profité pour avancer leurs conceptions antidémocratiques ». (Ibidem, page 398).


Synthèse
Formation : Deuxième chambre pénale
Numéro d'arrêt : 71
Date de la décision : 28/07/2016
Type d'affaire : Arrêt

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2016-07-28;71 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award