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26/06/2019 | ANDORRE | N°033-2019

Andorre | Courtage – droit à commission – agent immobilier – intervention - évolution de la jurisprudence – prise en compte de la réalité sociale -


TRIBUNAL SUPERIOR DE JUSTÍCIA
Sala Civil

TSJC.- 033-2019

ARRET


Au nom du peuple andorran.

Andorre la Vella, le 26 juin 2019.

Réunie la chambre civile de la Cour supérieure de justice d'Andorre, sous la présidence du magistrat M. Albert ANDRÉS PEREIRA, et les magistrats M. Vincent ANIÈRE et M. Carles CRUZ MORATONES, a adopté la décision suivante :


FAITS

I.- Le 29.11.18 , le tribunal de Batlles a rendu un jugement par lequel était décidé:
" 1 .- Débouter la société AAA de l’action intentée contre BBB, et CCC.<

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2.- condamner la partie demanderesse aux dépens de BBB, y compris les honoraires d'avocat et avoué.
3.- condamner B...

TRIBUNAL SUPERIOR DE JUSTÍCIA
Sala Civil

TSJC.- 033-2019

ARRET


Au nom du peuple andorran.

Andorre la Vella, le 26 juin 2019.

Réunie la chambre civile de la Cour supérieure de justice d'Andorre, sous la présidence du magistrat M. Albert ANDRÉS PEREIRA, et les magistrats M. Vincent ANIÈRE et M. Carles CRUZ MORATONES, a adopté la décision suivante :


FAITS

I.- Le 29.11.18 , le tribunal de Batlles a rendu un jugement par lequel était décidé:
" 1 .- Débouter la société AAA de l’action intentée contre BBB, et CCC.

2.- condamner la partie demanderesse aux dépens de BBB, y compris les honoraires d'avocat et avoué.
3.- condamner BBB aux dépens de CCC, y compris les honoraires d'avocat et avoués. "

II.- Contre cette décision, la représentation processuelle de AAA interjette appel, et conformément aux arguments exposés dans ses conclusions écrites présentées le 19.03.19 , demande que la décision datée du 29.11.18 soit révoquée dans le sens que soit intégralement admis sa réclamation initiale, tout en condamnant BBB à lui payer le montant de la facture de DDD du 20 juin 2017, numéro 0081/07, pour un montant de 31 350 euros, au titre des honoraires pour son intervention dans la vente du local industriel situés dans la rue ••••, plus les intérêts légaux produits depuis qu’intervenait la réponse à la demande, plus les dépens compte tenu de sa mauvaise foi, y compris les honoraires d’avocats et avoués.
Subsidiairement, au cas où soit décidé que la condamnation de BBB devait intervenir pour le prix final de la vente, soit 510.000 €, celui-ci devrait être condamné à payer 25 500 € plus (Taxes indirectes) pour un montant total de 26 647,75 € plus les intérêts légaux à compter de la réponse à la demande et les frais de procédure, y compris les honoraires de l'avocat et de l'avoué concernés, en première et en deuxième instance.

III.- Le 4.4.19, la représentation processuelle de CCC, a soumis à la cour sa réponse écrite aux conclusions, demandant la confirmation de la décision de première instance et que les dépens de deuxième instance soient mis à la charge de AAA et BBB, honoraires d’avocat et avoués compris.

Le 9.4.19, la représentation processuelle de M. BBB répliquait par écrit en sollicitant la confirmation de la décision du Tribunal de Batlles du 29.11.18 et la condamnation de la partie requérante aux dépens de la seconde instance, y compris les frais d’avocat et d’avocat.

A exercé les fonctions de Magistrat rédacteur, M. Carles CRUZ MORATONES.


FONDEMENTS DE DROIT

PREMIER. - Dans la procédure examinée, la partie demanderesse AAA (titulaire de l’établissement commercial EEE) poursuit la condamnation de BBB au paiement de la commission pour son intermédiation dans une vente pour la somme de 31.350 €. La partie défenderesse a appelé en garantie Mr. CCC titulaire de l’établissement commercial FFF qui a définitivement négocié la vente.

Le jugement rendu rejette complètement la demande et condamne le demandeur aux dépens, celui-ci, est également condamné à payer les frais de justice de l’appelé en garantie.

Contre cette décision, seul le demandeur interjette appel.

SECOND.- Faits prouvés

1) Monsieur BBB chargeait AAA en janvier 2016 verbalement et sans exclusivité la vente d’un local se trouvant à EEE. Le prix de vente était fixé à 600 000 € non négociables, une commission de 5% (30 000 €) et n'avait pas de durée déterminée.
2) Au cours du même mois de janvier 2016, EEE a présenté le local en question à CCC en question à M. XY, qui a signé un document attestant qu’il avait visité le local.
3) Au mois de juin 2016, le fils de M. BBB, titulaire formel du local en question chargeait sa vente à une autre société immobilière avec laquelle il avait eu d'autres contacts (FFF). Celui-ci a encore montré le local a M. XY et après avoir demandé plusieurs informations complémentaires à l'agence, il a été décidé de l'acquérir le 27.6.17 pour un prix de 510 000 € avec une commission de 15 000 € pour l’agent immobilier.
4) Il n’est pas établi qu'après la première visite de M. XY au mois de janvier 2016, EEE se chargerait d’une quelconque autre gestion sur le local ou bien qu’il devait recontacter le futur acheteur.

TROISIÈME.- Application du droit dans le Jugement. Pertinence

Ces faits, qui n’ont pas été discutés par les parties à ce stade sont ceux sur lesquels se fonde l’appel. Exactement l’appelant soutient que la première visite a été essentielle, pour M XY, et que celle-ci aurait déclenchée de décisions d’achat, il était ajouté que EEE avait découvert le client, et que sans son intervention jamais le local n’aurait été vendu.

Cet argument ne peut être partagé par la Cour. La partie se fonde sur un postulat qui devait en réalité être prouvé : que son intervention a été réellement essentielle pour la vente à Mr. XY. Toutefois, ceci n’a pas été prouvé. Tout d’abord, comme est déjà indiqué dans le jugement d’instance, Mr XY avait déjà eu des contacts avec FFF au sujet d'autres biens immobiliers à vendre (septembre 2016). Par ailleurs il s’était écoulé de nombreux mois (depuis janvier 2016) sans que la propriété du local nait eu de nouvelles de l’agent immobilier EEE au sujet de l’offre de vente ; en troisième lieu FFF a du rechercher de l’information (superficie du local qui a été mesurée avant la vente). En quatrième lieu, parce que le prix était sensiblement inférieur au prix que demandait EEE une année auparavant et pour le propriétaire l’opération était aussi plus attractive étant donné que la commission était inférieure et en dernier lieu parce que Mr. XY avait des relations avec FFF pour d’autres offres.

En conséquence, on peut conclure que le seul agissement de Janvier 2016 de EEE de visite du bien n’a pas été décisif un an et demi plus tard quand le contrat de vente est intervenu grâce à l’intervention de FFF. On ne peut oublier que le mandat verbal de vente qui a eu lieu au mois de janvier 2016 n’a pas été d’exclusivité au bénéfice de EEE, et dans ces cas il est notoire et probable que le vendeur offre le même produit de vente à plusieurs agences et ceci ne pouvait être ignoré par FFF.

QUATRE.- Caractère évolutif de la jurisprudence . Intervention de l'agent immobilier

Il convient de mentionner tout particulièrement la jurisprudence invoquée dans son recours par la partie qui interjette appel, en particulier les Arrêts STJC 159/02 et 086/01.

Dans la première on peut lire :
" II.- Il ressort clairement des faits susmentionnés que Mme XXX a rempli toutes les obligations de son mandat à compter du moment où elle a contacté un acheteur intéressé qu’elle l’a fait visiter les lieux et a effectué toutes les démarches nécessaires pour permettre l’achat entre les parties du bien. Bien qu'après des négociations dans des conditions très sombres, la vente a été réalisée par l'intermédiaire de l'agence YYY, qui est par la suite intervenue dans toutes les actions entreprises par Mme. XXX, et ceci à un prix inférieur à celui fixé par celle-ci, il est clair que la personne qui était à l'origine de la transaction et sans laquelle la vente n'aurait pas pu être faite était Mme XXX. Puisqu’elle a été la première a découvrir les acheteurs intéressés et leur a montré l'endroit.

III.- Dans le contrat de courtage, pour que l'agent soit légitimé à réclamer la commission convenue, il est nécessaire que son intervention opère, même si pas de façon unique, au moins comme un des facteurs qui ont déterminé la conclusion du contrat de vente •••"

Dans le cas mentionné il en résultait que l’intermédiaire a obtenu des futurs acheteurs tous les documents nécessaires à la conclusion du contrat, inclus les pouvoirs notariés en sa faveur et en plus disposé de l’accord du conseil d’administration de la société vendeuse qui autorisait la vente. En plus elle a chargé un avocat de la rédaction du contrat et a convoqué les parties pour une date certaine, sans que celles-ci ne comparaissent. La vente a été conclue plus tard (on ignore la date) au travers d’un autre agent immobilier.

Ce n'est pas le cas en l’espèce. Ici, nous n'avons pas cette activité préparatoire de la part de l'intermédiaire, ni l'autorisation expresse en sa faveur de procéder à la vente. Nous n'avons qu'une seule visite sur le local et aucun autre engagement ne sera pris dans l'année et demi qui suivra jusqu’à la vente avec une autre agence.

Pour sa part, dans l’arrêt STJC 086/01 il a été jugé que :
" VI.- Il est courant, lorsqu'un propriétaire veut vendre une propriété, de donner des ordres de vente, sans exclusivité, à plusieurs agences immobilières, et payer une commission à l'agence qui a permis la conclusion du contrat. Pour déterminer l'agence qui a eu une intervention décisive , il faut tout d’abord, rechercher qu’elle a étée la première agence que a permis de révéler le client qui achètera l'unité immobilière, et non celle qui a mené la négociation. La première des obligations de l’agence est de chercher un acheteur et s’il présente pour la première fois une maison à un client potentiel qui plus tard achète le bien, il a rempli son obligation contractuelle et a droit à sa rémunération, même si l'acheteur a pu par la suite acheter le bien directement au propriétaire ou avec une autre agence, étant donné qu'il appartient au vendeur ou aux autres agences chargées de la vente du bien, de vérifier et s'assurer avant d'agir que l'acheteur n’avait jamais eu auparavant des relations avec une autre agence mandaté "

A propos de cet extrait doivent être apportées quelques précisions. La première, qu’il s’agit aussi en l’espèce d’examiner qu’elle a été l’intervention décisive pour la vente.

La deuxième, que les faits du jugement mentionné se produisent en 1999 et que les visites successives au bien en vente se sont produites à quelques jours d’intervalle ce qui laisse à penser qu’il s’agissait d’une continuité entre l’intervention du premier agent et le second. Ici, entre les visites s’est écoulé une année, sans aucune communication par EEE.

Mais ce que nous tenons à mettre en exergue, est que les précisions produites dans l’Arrêt du 24 janvier 2002 (TSJC-086/01) doivent être examinées à la lumière de la réalité actuelle. Cette affaire remontait à 1999 où le travail des agents immobiliers pour la « recherche », « découverte » du client potentiel était beaucoup plus important qu’actuellement. Aujourd’hui, avec l’apparition des communications télématiques i digitaux (internet), les réseaux sociaux, la captation de clients potentiels a une autre dimension, spécialement eut égard de pages web spécialisées de façon que l’information et la publicité apparait avec beaucoup plus de célérité. Le rôle des agents immobiliers ne se concentre plus dans la captation de clients pour faire une visite des lieux (qui maintenant peut être virtuelle) mais à offrir des gestions ou services complémentaires. Avec ceci nous tenons à souligner que la jurisprudence devrait être rythmée avec la réalité sociale qui nous entoure et nous ne pouvons pas donner des lignes directrices génériques qui régissaient la société il y a 20 ans il s’agit de ce qu’on appelle le rôle évolutif de la jurisprudence). Der ceci en découle que nous ne pouvons pas donner l’importance à la première visite sans autre compromis ou intérêt du futur acheteur, comme souhaite la partie demanderesse.

CINQ.- En conséquence, nous devons rejeter l’appel interjeté et confirmer intégralement la décision rendue.

SIX.- Compte tenu du rejet de l’appel il convient d’imposer a la partie appelante, les dépens, conformément aux dispositions du Code 7.51.5.

Nous ne nous prononçons pas sur les coûts engendrés à cette hauteur par M. CCC, puisque le recours ne pouvait pas le concerner

Compte tenu de la législation en vigueur et les usages et coutumes applicables à la présente affaire,

La chambre civile de la Haute Cour de justice d'Andorre,


DECIDE:

REJETER l'appel formé par la représentation procédurale de AAA (EEE) contre la décision rendue par le Hble. Tribunal de Batlles en date 29 novembre 2018, qui nous confirmons dans son intégralité.

Nous imposons le paiement des dépens de BBB à la partie appelante. Nous ne nous prononçons pas sur ceux causés à M. CCC.

Cette décision est ferme et exécutive.

Ainsi, par notre décision, en jugeant définitivement, nous le prononçons, l'ordonnons et le signons.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 033-2019
Date de la décision : 26/06/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ad;tribunal.superieur.justice;arret;2019-06-26;033.2019 ?
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