La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2020 | CADHP | N°035/2017

CADHP | Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 22 septembre 2020, 035/2017


Texte (pseudonymisé)
AFRICAN UNION UNION AFRICAINE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
SIJ AONA CHACHA MACHERA
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 035/2017
22 SEPTEMBRE 2022 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées.
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVA NT .…. LA COUR DE CÉANS
IV. DEMANDES DES PARTIES
V SUR LA COMPÉTENCE
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
VII. SUR LE FOND
A. Violation allé

guée du droit à ce que sa cause soit entendue
1 Allégation relative à la condamnation du Requérant sans déclaration...

AFRICAN UNION UNION AFRICAINE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
SIJ AONA CHACHA MACHERA
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 035/2017
22 SEPTEMBRE 2022 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées.
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVA NT .…. LA COUR DE CÉANS
IV. DEMANDES DES PARTIES
V SUR LA COMPÉTENCE
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
VII. SUR LE FOND
A. Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue
1 Allégation relative à la condamnation du Requérant sans déclaration
préalable de culpabilité
il, Allégation relative à une déposition sans prestation de serment
iii. Allégation relative à l’admission de pièces et de témoignages
iv. Allégation relative à la présence de témoins à décharge
B. Allégation relative à la violation d’autres droits de l'homme.
VIII. SUR LES RÉPARATIONS
IX. SUR LES FR12S13E13R16É18R20X23D24POSITIF 12
13
13
16
18
20
23
24
24 La Cour, composée de : Blaise TCHIKAYA, Vice-président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN
ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Dumisa
B. NTSEBEZA, Modibo SACKO et Dennis D. ADJEI — Juges ; et de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement
intérieur de la Cour! (ci-après désigné « le Règlement »), la J uge Imani D. ABOUD,
Présidente de la Cour et de nationalité tanzanienne, s’est récusée.
En l’affaire :
SI] AONA CHACHA MACHERA
Assurant lui-même sa défense
contre
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
Représentée par :
LM. Gabriel P. C, Al Bc, Bureau du Solicitor General ;
iL M. Ba Y, Al Bc adjoint, Bureau du Solicitor General ;
ii. M. Aw B, Av As, Bureau du Solicitor General ; et
iv. Mme Ah Bb Z, Av As, Bureau du Solicitor General.
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
! Article 8(2) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
L LES PARTIES
1. Le sieur Aa Ax Bj Aci-après dénommé « le Requérant »)
est un enseignant tanzanien qui, au moment du dépôt de la présente
Requête, purgeait une peine de trente (30) ans de réclusion à la prison
centrale de Butimba, dans la région de Mwanza, après avoir été reconnu
coupable de crime contre nature sur son élève, âgé de douze (12) ans. Il
allègue la violation de son droit à un procès équitable au cours des
procédures devant les juridictions nationales.
2. La Requête est dirigée contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après
dénommée «l’État défendeur»), qui est devenue partie à la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée la
« Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. Elle a
également déposé, le 29 mars 2010, la Déclaration prévue à l’article 34(6)
du Protocole, par laquelle elle accepte la compétence de la Cour pour
recevoir des requêtes émanant d'individus et d’organisations non
gouvernementales (ci-après désignée « la Déclaration »). Le 21 novembre
2019, l’État défendeur a déposé auprès du P résident de la Commission de
l’Union africaine un instrument de retrait de sa Déclaration. La Cour a
décidé que le retrait de la Déclaration n’avait aucune incidence, ni sur les
affaires pendantes, ni sur les nouvelles affaires introduites devantelle avant
sa prise d’effet un an après le dépôt de l'instrument y relatif, à savoir le 22
?Ay An Ai c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 004/2015, Arrêt du 26 juin 2020 (fond et réparations), 88 37 à 39.
Il. OBJ ET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. Il ressort du dossier devant la Cour que le 8 août 2007, le Requérant, aurait
demandé à l’un de ses élèves, âgé de douze (12) ans, de se rendre à son
domicile. Le Requérant entendait, du moins l’a-t-il fait croire, infliger un
châtiment corporel par bastonnade à l'élève, pour n’avoir pas donné les
bonnes réponses dans plusieurs exercices. Il se serait, par contre,
déshabillé et aurait également déshabillé l'élève et par la suite eu des
rapports sexuels contre nature avec lui.
4, Le Requéranta été mis en accusation le 13 août 2007 pour crime contre
nature, prévu et réprimé par l’article 154(a) du Code pénal de l’État
défendeur.
5. Il a été déféré devant le Tribunal de district de Musoma à Mwanza le 4
octobre 2007, dans l’affaire en matière pénale n° 276/2007 eta été reconnu
coupable puis condamné à trente (30) ans de réclusion le 21 mai 2008.
6. Le17février2009, le Requéranta introduitun recours devantla Haute Cour
siégeant à Mwanza, dans l'appel en matière pénale n° 31/2009, qui a été
rejeté le 5 août 2011.
7. Le Requérant a ensuite formé un recours devant la Cour d'appel de
Tanzanie siégeantà Mwanza, dans l'appel en matière pénale n° 223/2011 3
Par son arrêt du 30 juillet 2013, ladite Cour a rejeté ce recours dans son
intégralité.
8. Le 23 septembre 2013, le Requérant a déposé un recours en révision de
l’arrêt de la C our d’appel dans la requête en matière pénale n° 17/2013, qui
fut rejeté, le 22 août 2017 au motif qu’il était dénué de tout fondement.
3 Le dossier n'indique pas la date à laquelle le Requérant a saisi la Cour d’appel de son recours.
B. Violations alléguées
9. Outre l’allégation selon laquelle l’État défendeur a violé ses propres
obligations prévues à l’article 1 de la Charte, le Requérant allègue
également que l’État défendeur a violé ses droits suivants :
Le droit à la non-discrimination, inscrit à l’article 2 de la Charte ;
ii Le droit à l'égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi, garanti
à l’article 3 de la Charte ;
ii. Le droità la vie, inscrit à l’article 4 de la Charte ;
iv. Le droit au respect de la dignité inhérente à l'être humain et
l'interdiction de l’esclavage, de la traite des esclaves, de la torture,
des peines et traitements cruels, innumains ou dégradants, inscrit à
l’article 5 de la Charte ;
v. Le droit la liberté et à la sécurité, inscrit à l’article 6 de la Charte ;
vi. Le droit à ce que sa cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la
Charte ;
vii. Le droit à l'information, inscrit à l’article 9 de la Charte ;
10. Le Requérantallègue également la violation des droits protégés par l’article
12 (égalité des êtres humains), l’article 13 (égalité devant la loi), l’article 15
(droit à la liberté individuelle), l’article 23 (droit à une juste rémunération),
l’article 24 (droit de propriété) ainsi que l’article 107B (indépendance du
pouvoir judiciaire) de la Constitution de l'État défendeur.
11. Dans ses observations sur les réparations, le Requérant allègue en outre
la violation par l’État défendeur de l’article 3 (droit à l’égalité devant la loi et
à l’égale protection de la loi), de l’article 5 (respect de la dignité), de l’article
7 (droità un procès équitable), de l’article 8 (droit à la liberté de conscience
etde religion), de l’article 9 (droit à l'information età la liberté d'expression),
l’article 14 (droit de propriété), de l’article 15 (droit au travail), de l’article 16
(droit à la santé), de l’article 17 (droit à l'éducation), de l’article 18
(protection de la famille et des groupes vulnérables), de l'article 19 (droit de
tous les peuples à l'égalité etaux mêmes droits) et de l’article 26 (obligation pour l’État de garantir l'indépendance des tribunaux et de créer des
institutions nationales des droits de l'homme), droits inscrits dans la Charte.
Il. — RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
12. La Requête a été déposée le 8 novembre 2017.
13. Le 22 février 2018, le Greffe a envoyé une notification au Requérant,
l'informant qu’il devait déposer des conclusions détaillées sur les
réparations demandées.
14. Le 7mai2018, le Requéranta déposé ses observations sur les réparations.
15. La Requête et les observations du Requérant ont été notifiées à l’État
défendeur le 6 septembre 2018.
16. Les Parties ont déposé leurs observations sur le fond et sur les réparations
dans les délais prescrits par la Cour.
17. Les débats ont été clos le 19 juillet 2022 et les Parties en ont été dûment
informées.
IV. DEMANDES DES PARTIES
18. Le Requérant formule les demandes suivantes :
i Rétablir la justice là où elle a été bafouée en annulant la déclaration de
culpabilité ainsi que la peine prononcées à l’encontre du Requérant et ordonner sa remise en liberté.
ï. Accordertoute autre réparation et mesure que la Cour estime appropriées,
compte tenu de la situation du Requérant.
19. Dans ses observations sur les réparations, le Requérant demande à la
Cour d’ordonner ce qui suit à l’État défendeur :
ii Verser au Requérant son salaire, majoré des augmentations annuelles
pour la période comprise entre le 24 mai 2008 et la date de la fin de son
contrat;
ï. Verser au Requérant les salaires de base non payés, majorés d”intérêts,
au taux de 25 %.
ii. Verser au Requérant une compensation d’un montant total de 900.000.000
shillings tanzaniens à titre de réparation pour la souffrance physique et le
traumatisme psychologique qu’il a subis et pour la perte de revenus ainsi
que les souffrances endurées par sa famille en raison de la perte de ses
revenus.
20. Le Requérant demande en outre à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de
lui remettre les documents relatifs à son emploi, notamment son contrat, la
lettre de licenciement, le procès-verbal de la réunion au cours de laquelle
la décision de mettre fin à ses services a été prise, son bulletin de salaire
ettout autre document relatif à son emploi.
21. Dans son mémoire en réponse, l’État défendeur demande à la Cour de
conclure comme suit en ce qui concerne la compétence de la Cour et la
recevabilité de la Requête :
i. Dire que l’honorable Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
n’est pas compétente pour connaître de cette Requête.
ïi. Déclarer la Requête irrecevable.
ii. Rejeter la Requête.
22. Ence qui concerne le fond de la Requête, l’État défendeur demande ce qui
suità la Cour :
i. Dire que l’État défendeur n’a pas violé les droits du Requérant garantis par
les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(1) et 9(1) de la Charte ;
ii. Dire que l’État défendeur n’a violé aucun des droits du Requérant inscrits
dans la Charte ou garanti par la Constitution de la République-Unie de
Tanzanie.
23. En réponse aux observations du Requérant sur les réparations, l’État
défendeur demande à la Cour de :
i. Dire que le Requérant n’a pas droit à des réparations ;
ïi. Dire que le procès du Requérant devant les juridictions nationales
tanzaniennes, qui a abouti à la déclaration de culpabilité et à la peine
prononcées à son encontre, était conforme aux lois nationales, à la Charte
et aux autres instruments internationaux pertinents ;
ii. Dire que la demande de réparation formulée par le Requérant est sans
objet et dépourvue de tout fondement, du fait qu’elle ne satisfait pas aux
exigences inscrites dans les principes et les conditions préalables qui
régissent l’octroi de réparations ;
iv. Rejeter la demande de réparation avec dépens ;
v. Ordonner toute autre réparation ou mesure que la Cour estime juste et
appropriée.
V. … SUR LA COMPÉTENCE
24. La Cour relève que l’article 3 du Protocole est libellé comme suit :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous
les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et
l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l'homme etratifié par les États
concernés.
la Cour décide.
25. La Cour fait en outre observer qu'aux termes de la règle 49(1) du
Règlement, « [la Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence [...] conformément à la Charte, au Protocole et au présent
Règlement ».*
26. Sur la base des dispositions précitées, la Cour est tenue de procéder à
l'appréciation de sa compétence et de statuer sur les éventuelles
27. La Cour constate qu’en l’espèce, l’État défendeur a demandé, sans fournir
de plus amples informations, que la Cour se déclare incompétente pour
statuer en l'espèce.
28. Après avoir procédé à l'examen de sa compétence, la Cour conclut ce qui
suit:
Elle a la compétence matérielle, étant donné que la Requête porte
sur une allégation de violation des articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(1) et 9(1)
de la Charte que l’État défendeur a ratifiée, et que la Cour a
compétence pour interpréter et appliquer la Charte, conformément à
l’article 3(1) du Protocole.
ï. La Cour a la compétence personnelle, dans la mesure où l’État
défendeur est partie au Protocole et a déposé la Déclaration prévue
à l’article 34(6) dudit Protocole, ce qui a permis au Requérant de
saisir la Cour conformément à l’article 5(3) du Protocole. En ce qui
concerne le paragraphe 2 du présent arrêt, la Cour rappelle qu’elle
a déjà décidé que le retrait de ladite Déclaration n'a aucun effet
rétroactif et qu’il n’a non plus aucune incidence sur les affaires
pendantes devant elle avant le dépôt de l'instrument de retrait de la
Déclaration et sur les nouvelles affaires introduites avant sa prise
d’effet5 La présente Requête, introduite avant le dépôt, par l’État
défendeur, de son avis de retrait, n’en est donc pas affectée.
4 Article 39(1), du Règlement de la Cour du 2 juin 2010.
5 Ay An Ai c. République-Unie de Tanzanie, $$ 35 à 39.
ii. La Cour a la compétence temporelle dans la mesure où les violations
alléguées ont été commises après la ratification de la Charte, du
Protocole et après le dépôt de la Déclaration par l’État défendeur.
En outre, les violations alléguées sont continues par nature, la
condamnation du Requérant étant maintenue sur la base de ce qu’il
considère comme une procédure inéquitable.S
iv. La Cour a la compétence territoriale, étant donné que les faits sur
lesquels se fondent les violations alléguées se sont produits sur le
territoire de l’État défendeur.
29. Compte tenu de tout ce qui précède, la Cour estime qu’elle est compétente
pour connaître de la présente Requête.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
30. Aux termes de l’article 6(2) du Protocole, « [Ia Cour statue sur la
recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à
l’article 56 de la Charte ».
31. Conformément à la règle 50(1) du Règlement,” « [Ia Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle
conformément aux articles 56 de la Charte et 6, alinéa 2 du Protocole, et
au présent Règlement ».
32. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions de
l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
6 Ayant droits de feus Ar Ao, Am Ab alias Ablasse, At Ao, Bi Be et Mouvement burkinabè des droits de l'homme et des peuples c. Bg Aq (exceptions préliminaires) (21 juin 2013), 1 RJ CA 204, 88 71 à 77.
7 Article 40 du Règlement de la Cour du 2 juin 2010.
Les Requêtes introduites devant la Cour doivent remplir toutes les
conditions ci-après :
a. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b. Être compatibles avec l'Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou insultants
à l'égard de l’État concerné et ses institutions ou de l’Union
africaine ;
c. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
d. Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
e. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
f. Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte’.
33. Sans fournir de plus amples informations, l’État défendeur a demandé à la
Cour de conclure que la Requête est irrecevable. Toutefois, conformément
à la règle 49(1) du Règlement, [Ia Cour procède à un examen préliminaire
de la recevabilité d’une requête conformément à la Charte, au Protocole,
etau [...] Règlement.
34. La Cour constate, à la lecture du dossier, que le Requéranta été clairement
identifié par son nom, conformément à la règle 50(2)(a) du Règlement.
35. La Cour relève également que les demandes formulées par le Requérant
visent à protéger ses droits garantis par la Charte. En outre, l’un des objectifs de l’Acte constitutif de l'Union africaine, tel qu'il esténoncé en son
article 3(h), est la promotion et la protection des droits de l’homme et des
peuples. En conséquence, la Cour considère que la Requête est
compatible avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et avec la Charte et
estime qu’elle satisfait à l'exigence de la règle 50(2)(b) du Règlement.
36. La Requête ne contient aucun terme outrageant ou insultant à l’égard de
l’État défendeur, comme l’exige la règle 50(2)(c) du Règlement.
37. La Requête n’est pas fondée exclusivement sur des nouvelles diffusées par
les moyens de communication de masse, mais plutôt sur des pièces de
procédure émanant des juridictions nationales de l’État défendeur,
conformément à la règle 50(2)(d) du Règlement.
38. S'agissant de l'épuisement des recours internes, la Cour note que l'affaire
du Requérant a été jugée par trois juridictions nationales, à savoir le
Tribunal de district de Musoma à Ad dans l'affaire en matière pénale
n° 276/2007, la Haute Cour siégeant à Mwanza dans l’appel en matière
pénale n° 31/2009 et la Cour d’appel de Tanzanie, la plus haute autorité
judiciaire de l’État défendeur, dans l’appel en matière pénale n° 223/2011
et la requête en matière pénale n° 17/2013, dans laquelle un recours en
révision de la décision de la Cour d'appel a été rejeté. La Cour conclut donc
que le Requérant a épuisé les recours internes, conformément à la règle
50(2)(e) du Règlement.
39. La Cour fait observer que la décision finale de la Cour d’appel de Tanzanie,
à savoir la requête en matière pénale n° 17/2013 aux fins de révision de la
décision de la Cour d'appel, a été rendue le 22 août 2017 et que le
Requérant a déposé sa Requête devant la Cour de céans le 8 novembre
2017. La Cour estime que la période de 2 mois et 17 jours qui s’est écoulée
avant que la Requête ne soit introduite devant elle constitue un délai
raisonnable et que, de ce fait, l'exigence de la règle 50(2)(f) du Règlement
a été satisfaite.
40. Parailleurs, la Requête ne concerne pas une affaire qui a déjà été réglée
parles parties conformémentaux principes de la Charte des Nations Unies,
de l’Acte constitutif de l’Union africaine et des dispositions de la Charte, ce
qui la rend conforme à la règle 50(2)(g).
41. La Cour rejette donc l’exception d’irrecevabilité de la Requête soulevée par
l’État défendeur, ayant constaté que toutes les conditions de recevabilité
sont réunies et que la présente Requête est recevable.
42. La Cour relève que le Requérantallègue la violation des articles 12, 13, 15,
23, 24 et 107B de la Constitution de l’État défendeur. Toutefois,
conformément à sa jurisprudence, pour déterminer si l’État s’est conformé
à la Charte ou à tout autre instrument relatif aux droits de l'homme qu’il a
ratifié, la Cour n’applique pas le droit interne en la matière. En
conséquence, la Cour n'entend pas appliquer les dispositions de la
Constitution de l’État défendeur citées par le Requérant.
43. La Cour note par ailleurs que le Requérant allègue que la manière dont les
juridictions internes de l’État défendeur ont statué sur son affaire était
erronée tant en droit qu’en fait et que, de ce fait, les droits garantis aux
articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(1) et 9(1) de la Charte ont été violés.
44, La Cour considère cependant que même si le Requérantallègue la violation
de plusieurs droits prévus par la Charte, sa Requête porte essentiellement
sur la violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue, droit
inscrit à l’article 7(1) de la Charte. En conséquence, la Cour examinera en
premier lieu la violation alléguée de l’article 7(1) de la Charte, avant de se
pencher sur les autres droits de l'homme dont la violation estalléguée.
8 Ak Ae c. République-Unie de Tanzanie (fond), $ 28. Bf Ac Ag et autre c. République-Unie de Tanzanie (fond) $ 39.
A. Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue
45. La Cour fait observer, à la lecture de la Requête, que quatre griefs
essentiels sont formulés par le Requérant à l'encontre des juridictions
nationales dont les actions ou omissions auraient violé son droit à ce que
sa cause soit entendue, droit protégé par l'article 7(1) de la Charte. Ces
griefs sont les suivants :
ii La Cour d'appel a commis une erreur, en n’ayant pas relevé
d'erreur dans les décisions de la juridiction de première instance
qui, selon le Requérant, l’avait condamné avant de le déclarer
coupable.
ii La Cour d'appel a commis une erreur en n’ayant pas pris note du
fait que le tribunal de première instance avait admis à tort la
déposition du témoin à charge PW1, qui avait déposé sans prêter serment.
iii. La Cour d'appel a commis une erreur de droit et de fait, pour n’avoir
pas relevé l'admission illégale par le Tribunal de première instance
des pièces à conviction P1 et P2 comme preuves ainsi que du
témoignage de PW6.
iv. La Cour d'appel a commis une erreur, en n’ayant pas tenu compte
de l’allégation du Requérant selon laquelle le Tribunal de première
instance n’avait pas facilité la comparution des témoins à décharge.
46. La Cour procédera à l'examen de ces quatre (4) griefs à la lumière de
l’article 7(1) de la Charte.
i. Allégation relative à la condamnation du Requérant sans déclaration
préalable de culpabilité
47. Le Requérant soutient que la Cour d'appel a commis une erreur en droit et
en fait pour n’avoir pas reconnu que le fait que la juridiction de première
instance aitrendu un jugement et prononcé une peine avant de reconnaitre
au préalable le Requérant coupable avait entraîné un déni de justice à son endroit et était contraire à la règle 66(1)(a) du Règlement intérieur de la
Cour d’appel.
48. Il affime également qu’en l'absence de cette reconnaissance de
culpabilité, les décisions ultérieures de la Haute Cour et de la Cour d'appel
« étaient sans aucun fondement » et avaient été prises contrairement à la
loi, en violation de la règle 66(1)(e) du Règlement intérieur de la Cour
49. L’État défendeur fait valoir que l’appel en matière pénale n° 31 de 2009,
l’appel en matière pénale n° 223 de 2011 et la requête en matière pénale
n°17 de 2013 avaient été rejetés, au motif qu’ils n'étaient nullement fondés.
En outre, la Cour d’appel a eu raison de considérer que le Requérant a été,
à juste titre, condamné par le tribunal de première instance et que la
condamnation a fait suite à l'établissement de preuves, au-delà de tout
doute raisonnable, que le Requérant avait commis le crime dont il était
accusé.
50. L’État défendeur affirme en outre que la Cour d'appel avait eu raison de
considérer que le Requérant avait été reconnu coupable par le Tribunal de
première instance et que cette reconnaissance de culpabilité se fondait sur
des preuves au-delà de tout doute possible. L'État défendeur fait donc
valoir qu’il n'y a pas eu déni de justice, contrairement à ce qu’affirme le
Requérant.
51. La Cour relève dans les observations du Requérant qu’il avait été lésé par
le fait allégué que le tribunal ne l’avait pas préalablement « reconnu
coupable » avant de prononcer une peine à son encontre et que cette
omission avait rendu son jugement incomplet et entrainé une injustice à
son égard. Toutefois, au regard du dossier devant la Cour de céans, l’arrêt
de la Cour d'appel dans la requête en matière pénale n° 17 de 2013,
décision qui, selon le Requérant, est en violation de droits inscrits à l’article 7(1) de la Charte pour n’avoir pas pris acte du fait que sa culpabilité n'avait
pas été établie avant sa condamnation, a statué comme suit :
La décision de la Cour [qui fait] l’objet du présent examen indique
clairement, dans sa partie introductive, que le Requérant a été reconnu
coupable par le Tribunal de district de Musoma [..]Il est, donc évident que
le Requérant avait été reconnu coupable par le tribunal et que cette
reconnaissance de culpabilité était fondée sur des éléments de preuve
irréfutables du crime dont le Requérant était accusé.”
52. La Cour de céans relève en outre qu'il ressort du dossier de la procédure
devant le Tribunal de première instance que, le 21 mars 2008, le juge de
première instance avait tiré la conclusion suivante :
En l'espèce, le Ministère public a apporté des preuves au-delà de tout
doute raisonnable et je déclare par la présente l'accusé coupable du crime
dont il est accusé : crime contre nature [sic] c/s154(1)(a) du Code pénal,
Cap 16 (R.E 2002).
53. Outre ce qui précède, la Cour de céans note, à la lecture du dossier, que
le Requérant a été autorisé, le jour même de la reconnaissance de sa
culpabilité, à s'exprimer devant le tribunal sur des circonstances
atténuantes éventuelles avant sa condamnation qui est intervenue à une
date ultérieure, à savoir le 21 mai 2008. Au vu de ces éléments, la Cour
estime que l'affirmation du Requérant selon laquelle il n’avait pas été
reconnu coupable avant d’être condamné n’est pas fondée.
54. En conséquence, la Cour rejette l'allégation du Requérant selon laquelle
son droit à ce que sa cause soit entendue, garanti par l’article 7(1) de la
Charte, a été violé.
9 Pages 11 et12 de l’arrêt rendu dans la requête en matière pénale n° 17/2013.
10 Page 12 du dossier d'appel de l'appel en matière pénale n° 223/2011.
ii. Allégation relative à une déposition sans prestation de serment
55. Le Requérant conteste la décision de la Cour d'appel concernant son
recours en révision au motif que les juges avaient commis une erreur en
droit et en fait pour n'avoir pas constaté que la juridiction d'instance avait,
à tort, admis en preuve la déposition du témoin à charge PWI, faite sans
qu’il ait prêté serment. Selon le Requérant, cet était de fait constitue une
violation des droits consacrés à l’article 7(1) de la Charte.
56. L'État défendeur réfute l’allégation du Requérant et soutient que la Cour
d'appel avait, à juste titre, refusé d'examiner le deuxième moyen du recours
en révision soulevé parle Requérant, car autrement, elle aurait été appelée
à réévaluer les preuves produites par le témoin à charge PW1. Selon l’État
défendeur, cette démarche aurait été contraire à la loi, car dans le cadre
d’une révision, la Cour d’appel ne siège pas pour réévaluer les preuves. En
outre, l’État défendeur constate « que le témoin à charge PWI1 étant un
enfant de 12 ans, son témoignage a été recueilli après l'application de la
procédure de « voir-dire », conformément à l’article 127(2) de la Loi sur les
moyens de preuve, Chapitre 6 du Recueil des lois de la Tanzanie ».
57. La Cour relève que le Requérant affirme que dans le cadre de la Requête
en matière pénale n°17 de 2013, la Cour d’appel avait omis de constater
que le Tribunal de première instance avait, à tort, admis en preuve la
déposition faite par le témoin à charge PW1 sans toutefois avoir prêté
serment conformément aux exigences de l’article 127(2) de la Loi sur les
moyens de preuve.
58. La Cour relève en outre que l’article 127(2) de la Loi sur les moyens de
preuve prévoit ce qui suit :
Lorsque, dans une affaire pénale ou toute autre cause, un enfant en bas
âge est appelé à témoigner, le tribunal est d'avis que cet enfant ne
comprend pas la nature d’un serment et sa déposition peut être recueillie
sans qu’il n'ait à prêter serment ou à faire une déclaration solennelle, si de
l'avis du tribunal, dont l’opinion doit être consignée dans le dossier, l'enfant
est doté d’une intelligence suffisante qui justifie la réception de sa
déposition et qu’il comprend le devoir de dire la vérité.
59. Au regard de la disposition ci-dessus, la Cour fait observer qu’une
juridiction de première instance est autorisée à recevoir le témoignage d’un
enfant en bas âge sans que celui-ci ne soit tenu de prêter serment ou de
faire une déclaration solennelle, si ladite juridiction estime que l'enfant est
doté d’une intelligence suffisante qui justifie la réception de son témoignage
et que l'enfant comprend le devoir de dire la vérité.
60. Il ressort du dossier devant la Cour de céans que, comme l’a relevé la
Haute Cour dans l'appel en matière pénale n°31/2009, le Tribunal de district
a évalué la crédibilité du témoin à charge PW1, un enfant âgé de douze
(12) ans. Le juge du Tribunal de district a en effet déclaré ce qui suit :
J'ai évalué la victime (PW1) à l’aune des critères d'intelligence et de devoir
de dire la vérité, de véracité de ses propos, sa connaissance des faits, sa
fiabilité et je suis arrivé à la conclusion qu’il s’agit d’un témoin fiable. Il a
fondu en larmes lors de sa déposition, preuve que l'infraction a été
commise à son encontre par l'accusé.
61. La Cour de céans relève également que la Haute Cour a fait observer que
« la déposition du témoin à charge PW1 a été suffisamment évaluée par le
juge de première instance qui a conclu, à juste titre, qu’elle était corroborée
par celles des témoins à charge PW2 à PW6 et du témoin à décharge
DW2 ». En outre, dans l'appel en matière pénale n°223/2011, la Cour
d’appel a fait observer que même si la déposition du témoin à charge PW1
a été recueillie sans qu’il ait prêté serment, son témoignage a été corroboré
par d’autres témoins. La Cour d’appel a ainsi tiré la conclusion suivante :
« Assurément, face à tous les éléments de preuve ci-dessus, nous ne trouvons … rien à reprocher aux juridictions inférieures, dans le cadre de ce … deuxième appel ».
62. Outre ce qui précède, dans la décision de la Cour d'appel sur le recours en révision dans la requête en matière pénale n° 17/2013, la Cour a refusé de réévaluer les preuves produites par le témoin à charge PW1 et a souligné que les moyens de révision allégués (qui incluent la contestation du témoignage du témoin à charge PW1) ne figuraient pas au nombre des moyens de révision prévus à l’article 66(1) du Règlement intérieur de la Cour d'appel. De plus, la Cour d’appel s’est prononcée comme suit : «
nous ne sommes pas disposés à statuer sur notre propre décision, car elle est claire : les preuves rapportées par tous les témoins ont été examinées etla Cour a conclu que les témoins étaient crédibles et qu'il n’y avait rien
à reprocher aux juridictions inférieures »,.!
63. Au vu de ce qui précède, la Cour de céans conclut que le Tribunal de
première instance, la Haute Cour et la Cour d’appel (à deux reprises) ont
bel et bien pris note de la préoccupation du Requérant quantà la déposition
du témoin à charge PWI1 ety ont apporté une réponse.
64. En conséquence, la Cour rejette les allégations du Requérant et conclut
que le droit à ce que sa cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la
Charte, n’a pas été violé.
iii.Allégation relative à l’admission de pièces et de témoignages
65. Le Requérant soutient que la Cour d'appel a commis une erreur de droit et
de fait pour n'avoir pas, comme lui, relevé que l'admission en preuve des
pièces à conviction P1 et P2 ainsi que de la déposition du témoin à charge
PW6 par la juridiction d’instance étaitillégale.
!! À la page 13 du jugement rendu dans le Requête pénale n°17/2013.
66. L'État défendeur réfute l’allégation du Requérant et fait valoir que
l’allégation selon laquelle les pièces à conviction P1 et P2 ainsi que la
déposition du témoin à charge PW6 avaient été admises en preuve de
manière contraire à la loi ne figure au nombre d'aucun motif de révision,
prévu par la règle 66(1) du Règlement intérieur de la Cour d’appel. Pour
cette raison, la Cour d’appel a, à juste titre, rejeté cette allégation.
67. La Cour relève que le Requérant, sans fournir de plus amples informations,
allègue que dans la requête en matière pénale n°17/2013, la Cour d’appel
n'a pas tenu compte du fait que le Tribunal de première instance avait,
contrairement à la loi, admis en preuve les pièces à conviction P1 et P2.
Malgré cette allégation d'ordre général, la Cour note, au regard du dossier,
que dans l’appel en matière pénale n° 223/2011, la Cour d’appel a fait état
de ce que le Requérant contestait la crédibilité de la pièce à conviction P1,
qui était une lettre du témoin à charge PWI1 adressée à sa mère.
68. La Cour d’appel a en outre relevé que le Requérant n’avait pas contesté la
crédibilité de la pièce à conviction P1 lors de son premier appel devant la
Haute Cour et elle a conclu ce qui suit : « || est maintenant trop tard pour
contester la lettre à ce stade car, en pratique, nous n’examinons pas des
questions qui n’ont jamais été soulevées devant les juridictions
inférieures et examinées par elles ».!
69. Outre ce qui précède, dans la décision rendue sur le recours en révision
dans la Requête en matière pénale n° 17/2013, la Cour d’appel a estimé
que « … la décision de la Cour indique clairement qu’elle a examiné les
éléments de preuve produits par tous les témoins et la lettre figurant aux
pages 3 à 6 du jugement et qu’elle est parvenue à la conclusion que les
témoins étaient crédibles et qu’il n’y avait rien à reprocher aux juridictions
2 À la page 5 du jugement rendu dans l'Appel en matière pénale n° 223/2011.
13 À la page 5 du jugement rendu dans la Requête en matière pénale n°223/2011.
inférieures. En conséquence, nous déclinons l'invitation à réévaluer les
preuves et l’admissibilité des pièces à conviction à ce stade, car cela
équivaudrait à réexaminer notre propre décision en appel ».!“
70. À la lumière de tout ce qui précède, la Cour estime que la Haute Cour et la
Cour d'appel (à deux reprises) ont suffisamment examiné la question de
l’admissibilité des pièces à conviction dans l’action engagée par le
Requérant ainsi que la déposition du témoin à charge PW6. Rien de ce qui
a été fait par les juridictions nationales à cet égard ne justifie l'intervention
de la Cour de céans. La Cour estime donc que l’allégation du Requérant
selon laquelle la Cour d'appel n’a pas tenu compte du fait que la réception
desdites preuves était contraire aux lois est sans fondement, et rejette en
conséquence l’allégation selon laquelle le droit du Requérant à ce que sa
cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la Charte, a été violé.
iv.Allégation relative à la présence de témoins à décharge
71. Le Requérant allègue que le Tribunal de première instance n’a pas facilité
la présence à l’audience des témoins à décharge. II affirme que la Cour
d’appel a commis une erreur, pour n’avoir pas pris en compte ces
allégations. Cet état de fait serait, selon le Requérant, constitutif d’une
violation de l’article 7(1) de la Charte.
72. L'État défendeur conteste l’allégation du Requérant. Il soutient que
l’allégation selon laquelle le Tribunal de première instance n’avait pas
facilité la comparution du témoin cité par le Requérant est une idée
formulée après coup dans le recours en révision, étant donné que cette
question n'avait jamais été soulevée par le Requérant dans l’appel.
14 À la page 13 du jugement rendu dans la Requête en matière pénale n°17/2013.
73. L'État défendeur affirme en outre que même si le Requérant avait indiqué
au Tribunal de première instance qu’il avait l'intention de citer cinq témoins,
après que le témoin à décharge DW2 eut fait sa déposition, il (le R equérant)
a demandé à conclure la présentation de ses moyens à décharge, mais le
Tribunal lui a accordé encore plus de temps pour citer les trois témoins. Par
la suite, le 25 avril 2008, le Requérant a informé le Tribunal de première
instance qu'il n'avait plus de témoins à citer et n'a pas non plus demandé
au tribunal de citer à comparaitre les témoins qu’il comptait appeler à la
barre.
74, La Cour prend note de l’allégation du Requérant selon laquelle la Cour
d’appel avait commis une erreur, pour n’avoir pas tenu compte du fait que
le Tribunal de première instance n'avait pas facilité la présence à l’audience
des témoins à décharge.
75. La Cour note qu’il ressort du dossier d'appel dans l'affaire pénale n°
223/2011!° que le 18 mars 2008, le Requérant a demandé à clore la
présentation de ses moyens à décharge après que deux témoins à
décharge ont fait leurs dépositions. Le Ministère public ne s'y est pas
opposé, notant que l'accusé (le Requérant) avait formulé cette demande
de son plein gré.
76. || ressortégalement du dossier soumis à la Cour de céans que le Requérant
n'a pas soulevé l’allégation susmentionnée en tant que moyen d'appel
devant la Haute Cour dans l’appel en matière pénale n° 31/2009 ni devant
la Cour d’appel dans l’appel en matière pénale n° 223/2011. Le Requérant
a soulevé cette question en tant que moyen d’appel pour la première fois
dans son recours en révision de la décision de la Cour d'appel dans l'affaire
pénale n° 17/2013.
15 À la page 35 du dossier d'appel dans la Requête pénale n°223/2011.
77. Dans la décision sur le recours en révision dans l'affaire en matière pénale
n° 17/2013, la Cour d’appel a noté ce qui suit :
Les parties (ii) et (iii) du moyen n° 8 déclenchant la révision [sic] ne doivent
pas retenir notre attention. Elles concernent le fait que le juge de première
instance n’a pas délivré de citation à comparaitre pour obliger le témoin
cité par le Requérant (alors témoin à décharge) à se présenter devant le
Tribunal [.…] En premier lieu, la décision de la Cour n’indique pas que ces
moyens ont été soulevés devant elle. Il s’agit de nouvelles questions
soulevées à ce stade, ce qui est inapproprié […] La décision de la Cour
dans l'affaire Az Bh c. la République fait autorité, en ce qu’une partie
n’est pas autorisée à soulever une nouvelle question à ce stade. Ces
moyens ne sont pas fondés. Ils sont donc également rejetés.!°
78. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que la Cour d'appel a
effectivement examiné l’allégation du Requérant selon laquelle le Tribunal
de première instance n’avait pas facilité la présence à l’audience des
témoins à décharge. La position de la Cour de céans est qu’aucun élément
dans le dossier et dans les conclusions de la Cour d’appel, telles que
réaffirmées ci-dessus ne démontre que la Cour d'appel avait commis une
erreur comme l’allègue le Requérant. En revanche, celui-ci a présenté deux
témoins à décharge et a volontairement demandé au Tribunal de première
instance d’autoriser la défense à clore la présentation de ses moyens à
décharge. En conséquence, la Cour estime que l’allégation du Requérant
n’est pas fondée et conclut que le droit du Requérant à ce que sa cause
soitentendue etinscrità l’article 7(1) de la Charte n’a pas été violé par l’État
défendeur.
79. Ayant constaté qu’aucune des quatre principales allégations du Requérant
dans la Requête concernant la violation de son droit à ce que sa cause soit
entendue et inscrit à l'article 7(1) de la Charte n’a été étayée, la Cour
conclut que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1) de la Charte.
16 À la page 14 du jugement rendu dans la requête pénale 17/2013.
B. Allégation relative à la violation d’autres droits de l’homme
80. Le Requérant allègue également que l’État défendeur a violé ses droits
garantis par les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 9(1) de la Charte.
81. L'État défendeur conteste l’allégation du Requérant et lui demande d’en
apporter la preuve irréfutable. L'État défendeur fait valoir qu’il ressort de
ses observations qu’il n’a pas violé les droits du Requérant prévus aux
articles 1, 2. 3, 4, 5, 6 et 9(1) de la Charte.
82. La Cour note que le Requérantn’a pas présenté d'observations spécifiques
ni apporté de preuves que l’État défendeur avait failli aux obligations qui
sont les siennes au titre de la Charte (article 1 de la Charte) et qu’il aurait
été victime de discrimination (article 2 de la Charte) : qu’il n'aurait pas été
traité de manière égale devant la loi ou qu’il n’aurait pas bénéficié d’une
égale protection de la loi (article 3 de la Charte), qu’il a été porté atteinte à
son droit à la vie (article 4 de la Charte), qu’il a été porté atteinte à son droit
à la dignité (article 5 de la Charte), qu’il a été porté atteinte à son droit à la
liberté et à la sécurité de la personne (article 6 de la Charte) ou qu’il a été
porté atteinte à son droit de recevoir des informations (article 9(1) de la
Charte).
83. Compte tenu de ces circonstances, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de
conclure à une quelconque violation des articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 9(1) de
la Charte par l’État défendeur.
84. Les demandes de réparation présentées par le Requérant figurent aux
paragraphes 18 à 20 ci-dessus et celles de l’État défendeur en réponse aux
observations du Requérant sur les réparations sont reprises au paragraphe
23 ci-dessus.
85. Aux termes de l’article 27(1) du Protocole « [IJorsqu’elle estime qu’il y a eu
violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les
mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement
d’une juste compensation ou l'octroi d’une réparation ».
86. Ayant constaté que l'État défendeur n’a violé aucun des droits du
Requérant, la Cour rejette les demandes de réparation formulées par ce
dernier.
IX. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
87. Le Requérant n’a formulé aucune demande relative aux frais de procédure.
88. L'État défendeur demande que les frais de la procédure soient mis à la
charge du Requérant.
89. La Cour relève que la règle 32(2) ‘” du Règlement dispose que « [à] moins
que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de
procédure, le cas échéant ».
90. La Cour décide, au regard de cette disposition, que chaque Partie supporte
ses frais de procédure.
17 Article 30(2) du Règlement intérieur de la Cour du juin 2010.
X. DISPOSITIF
91. Parces motifs :
LA COUR,
À l’unanimité,
Sur la compétence
Rejette l’exception d’incompétence ;
Sur la recevabilité
ii. Rejette l'exception d'irrecevabilité de la Requête.
iv. Déclare la Requête recevable.
Sur le fond
v. Dit que l'État défendeur n’a pas violé les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6,
7(1) et 9(1) de la Charte.
Sur les réparations
vi. Rejette les demandes de réparations.
Sur les frais de procédure
vi. Ordonne que chaque partie supporte ses frais de procédure.
Ontsigné :
Blaise TCHIKAYA, Vice-président gs
Tujilane R. CHIZUMILA, J uge Lay Au
Ap X, J uge ES
Dumisa B. NTSEBEZA, Jug Juge ; Ju | a.
Aj Af AG El, Juge ;
Fait à Bd, ce vingt-deuxième jour du mois de septembre de l’an deux mille vingt-


Synthèse
Numéro d'arrêt : 035/2017
Date de la décision : 22/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award