La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2024 | FRANCE | N°22/06476

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 18 avril 2024, 22/06476


N° RG 22/06476 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W7N6
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







70B

N° RG 22/06476 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W7N6

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[M] [D] épouse [I]

C/

[F] [A], [C] [A]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Ludivine MIQUEL de la SELARL AALM
Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 18 AVRIL 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du d

élibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoin...

N° RG 22/06476 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W7N6
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

70B

N° RG 22/06476 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W7N6

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[M] [D] épouse [I]

C/

[F] [A], [C] [A]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Ludivine MIQUEL de la SELARL AALM
Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 18 AVRIL 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Mars 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Olivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

Madame [M] [D] épouse [I]
née le 21 Janvier 1953 à LANDIRAS (33720)
3 Biagaut
33720 LANDIRAS

représentée par Maître Ludivine MIQUEL de la SELARL AALM, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDEURS :

Monsieur [F] [A]
né le 18 Mai 1952 à HYERES (83400)
Menon Ouest
4 rue du XV Août
33720 LANDIRAS
N° RG 22/06476 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W7N6

représenté par Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Madame [C] [A]
née le 28 Février 1958 à BORDEAUX (33000)
Menon Ouest
4 rue du XV Août
33720 LANDIRAS

représentée par Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Madame [M] [D], épouse [I] est propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation et dépendances situé Menon Ouest – 33 720 LANDIRAS, cadastré H996, H997 et H1427 pour une superficie totale de 12 a 91 ca.

Elle considère au regard des actes de propriété qu’il existait un padouen commun anciennement cadastré H1799 lui donnant accès aux anciens chais, sa servitude de passage étant remise en cause et que ses voisins, Monsieur et Madame [A] empiètent par l’édification d’une clôture sur la parcelle H1427 qui est sa pleine propriété.

Aucun accord n’a pu intervenir entre les parties.

Une expertise a été ordonnée le 15 juillet 2019;

L’expert conclut :

Concernant la parcelle H1799 : « Dans les origines de propriété [A]-[G], la parcelle H 1799, devenue notamment H 2127 après division, est propriété des époux [A] depuis 1989. Elle est fonds servant d’une servitude de passage d’accès au chai au profit de la parcelle H 996 appartenant à M. [D]. Dans les origines de propriété [I], une partie de cette parcelle était des emplacements communs aux lots n°4 et 5, soit des parcelles aujourd’hui cadastrées H 2127 et 996. »
« Nous avons vu que la parcelle H 1799 est fonds servant d’une servitude de passage d’accès au chai, anciennement de M. [D] aujourd’hui Mme [I]. Sa localisation n’est en revanche pas précisée : en l’état des éléments en notre possession, nous prenons comme hypothèse une emprise partant de la porte du chai encore existante aujourd’hui et rejoignant la rue par le chemin le plus court, soit longeant les limites Ouest et Nord de la parcelle H 1427. Aussi, sur cette parcelle existent des emplacements communs anciennement aux lots n°4 et 5, situés devant ledit chai et à l’Est du hangar des époux
[A]. »
Concernant la parcelle H 1427 : « Lors de nos investigations, nous avons relevé les éléments existants au droit de la parcelle H 1427. Puis, nous avons identifié l’emprise de la parcelle H 1427 passant par les points I, J, K, R. Nous constatons alors qu’il existe un empiétement des époux [A] sur la propriété de Mme [I], notamment : le portail condamné et ses deux piliers, la clôture en nature de claustra bois sur une longueur de 4,11 m et le mur de clôture en façade de la rue sur 2,65 m. »

Les époux [A] saisissaient le juge de la mise en état d’un incident au fin de constater que Madame [I] n’avait pas qualité pour agir, son droit de propriété étant contesté, ils étaient déboutés de leur demande par ordonnance du 28 juin 2021 confirmé par arrêt de la Cour du 7 juillet 2022.

C’est dans ces conditions que l’affaire est revenue en ordre utile.

***

Au terme de ses dernières conclusions déposées le 1er septembre 2023 Madame [M] [D], épouse [I] sollicite de voir :

Sur le droit de propriété de Madame [I] sur la parcelle H1427
A titre principal,
DECLARER irrecevable les demandes des Consorts [A] au regard de l’autorité de la chose jugée dont est revêtue l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux le 22 juillet 2022, lequel statue sur la propriété de Madame [I] sur la parcelle 1427,

En conséquence,
LES DEBOUTER de l’intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

DECLARER Madame [I] propriétaire de la parcelle H1427,
DECLARER que Madame [I] a été victime d’un empiétement sur sa parcelle cadastrée H1427, sur la commune de Landiras, par les Consorts [A],

En conséquence,

ORDONNER la démolition des constructions érigées par les Consorts [A] sur la parcelle H 1427 appartenant à Madame [I], et notamment :
- Le portail condamné et ses deux piliers,
- La clôture en nature de claustra bois sur une longueur de 4,11 m,
- Le mur de clôture en façade de la rue sur 2,65 m,
ORDONNER la remise en état des lieux, à la charge des Consorts [A],
ASSORTIR la condamnation d’une astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la délivrance de la présente assignation,

ORDONNER aux Consorts [A] de ne plus passer par la parcelle H 1427 pour accéder à leur propriété, sur laquelle il ne dispose d’aucune servitude,

Sur le droit de passage de Madame [I] sur la parcelle H2127

DECLARER que Madame [I] bénéficie d’un droit de passage sur la parcelle H 2127, selon l’acte notarié du 25 mai 1989,

ORDONNER aux Consorts [A] d’en laisser le libre accès à Madame [I], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la délivrance de la présente assignation,

ORDONNER aux Consorts [A] de démolir ou d’enlever toute construction qui aurait pu être édifiée devant la porte d’accès des anciens chais de Madame [I] afin qu’elle puisse jouir de son bien de manière paisible,


Sur l’appropriation d’un espace commun par les Consorts [A]

DECLARER que les Consorts [A] occupent, de manière privative, un espace commun, sur lequel ils ont édifié une piscine,

Les CONDAMNER à régler à Madame [I] la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice de jouissance,
DESIGNER Me [E], Notaire à Podensac, afin d’établir l’acte notarié par lequel il sera constaté l’accord des parties quant à une jouissance exclusive de l’espace commun sous réserve d’une juste indemnisation annuelle par les Consorts [A],

ORDONNER que les frais notariés soient à la charge des Consorts [A],

Sur les préjudices de Madame [I]

CONDAMNER les défendeurs à régler la somme de 7.055,21 € à Madame [I] en réparation de ses préjudices économiques,

En tout état de cause,

ALLOUER la somme de 4.000 € à Madame [I] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER les Consorts [A] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’Huissier,

Au soutien de sa position elle indique que la Cour d’appel par son arrêt du 7 juillet 2022 a reconnu son droit de propriété sur la parcelle H1427, cette décision a autorité de chose jugée et rend irrecevables les prétentions contraires des époux [A].

Elle fait l’analyse de ses titres et pièces, en particulier le document d’arpentage dressé le 5 février 1947 qui divise la parcelle originelle H992 en deux nouvelles parcelles dont la partie Est a été référencée sous le numéro H1427, laquelle est attribuée à Monsieur [IL] [L], l’acte du 25 septembre 1970 rappelle l’origine de propriété de la parcelle H1427 laquelle avait été donné à l’auteur de Madame [I], à savoir Monsieur [IL] [L], par donation le 13 février 1931, l’acte de donation du 25 septembre 1970, portant donation de Mme [L] à Mme [D], de plusieurs parcelles dont la parcelle H1427 et les donations des 18 décembre 1998 et 15 avril 2016, lesquels portent donation de la nue-propriété puis l’usufruit d’un immeuble sis Menon Ouest – 33 720 LANDIRAS, cadastré H996, H997 et H1427 pour une superficie totale de 12 a 91 ca ;

Elle ajoute que le relevé de propriété foncière dressé en 1948, fait apparaître en qualité de propriétaires de la parcelle H1427, Monsieur [IL] [L], grand-père de Madame [M] [I], et Monsieur [P] [ON] et que selon le service départemental des impôts fonciers de la Gironde il s’avère que cette parcelle est issue de la parcelle H 992 (division faite en 1948). La partie Ouest de la parcelle a gardé la même référence cadastrale : H 992 et la partie Est a été référencée H 1427.

Ainsi, la parcelle H992 a été divisée entre 1938 et 1948 en deux parcelles distinctes :
Pour sa partie Ouest qui a conservé la référence cadastrale H992 pour une contenance de 1a 03ca, laquelle était la propriété de Monsieur [Z] [K], auteur des défendeurs,
Pour sa partie Est ayant reçu pour référence cadastrale H1427 pour une contenance de 0a71ca, laquelle est attribuée à Monsieur [IL] [L], auteur de Madame [I].

En conséquence bien qu’aucun des actes produits par elle, et antérieurs à 1970, ne fasse expressément mention de la parcelle H1427, il est évident que les éléments cadastraux, ainsi que le relevé hypothécaire permettent d’en conclure que dès avant l’acte de 1949 sur lequel s’appuie les défendeurs, la parcelle H1427 existait et n’a souffert aucune mutation au bénéfice de Monsieur [K]. Qu’ainsi, il est incontestable que la parcelle H992 mentionnée dans l’acte de 1949 dont ils se prévalent n’est pas la parcelle originaire mais celle issue de la division intervenue entre 1938 et 1948.

C’est le maintien de la dénomination du n° H 992 qui a pu semer la confusion avec la parcelle H 1427 qui en est issue et dont ses auteurs puis elle sont restés propriétaires.

Elle analyse le rapport d’expertise pour conclure que les constructions érigées par les époux [A] empiètent sur sa propriété et demander la démolition sous astreinte du portail, de ses deux piliers, de la clôture en claustra sur une longueur de 4,11 m et du mur de clôture sur 2,65 m.

Elle demande l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi en raison de la privation de la jouissance paisible de la parcelle H 1427.

Elle revendique l’exercice d’une servitude de passage sur la parcelle H2127 qui lui permet d’accéder à ses chais qui sont enclavés et en particulier à une porte qui lui est inaccessible par sa parcelle H1427. Elle soutient qu’au regard de la configuration des lieux et de l’exploitation viticole que possédaient les parents de Madame [I], la servitude de passage était donc utilisée de manière régulière afin qu’il puisse y avoir un accès aux cuves qui se situaient à l’arrière du chai de la parcelle H996. Les défendeurs ne peuvent se contredire en reconnaissant d’abord que les parents de Madame [I] faisaient usage de cette servitude puis en évoquant un non usage trentenaire.

Elle sollicite de voir juger que le padouen commun existe et se retrouve sur les plans cadastraux plus récents et correspond toujours à la partie enclavée entre les parcelles H991, H993 et 1427.
Or les époux [A] y ont fait édifier une piscine. Elle précise ne pas être opposée à la cession de sa propriété sur cette parcelle commune et estime son préjudice de jouissance à la somme de 10.000 €.

Elle propose qu’un acte interprétatif soit dressé pour éviter toutes difficultés ultérieures, l’acte mentionnant :

La parcelle H2127 souffre d’une servitude de passage au profit de la parcelle H996 dont les limites seront reprises sur la base du rapport d’expertise judiciaire,
La parcelle H1427 appartient en propre à Madame [I], celle-ci ne souffrant d’aucune servitude de passage au profit d’une autre parcelle,
Elle détaille son préjudice économique lié aux frais d’huissier (commissaire de justice) d’expertise et d’avocat pour un total de 7.603,76 € et réclame 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Par leurs dernières conclusions déposées le 27 avril 2023, complétées le 15 février 2024 Monsieur [F] [A] et Madame [C] [A] sollicitent de voir :

Rabattre l’ordonnance de clôture en raison du fait qu’ils viennent d’obtenir une attestation de Monsieur [VC] [Y] qui leur paraît déterminante pour l’issue du litige.

- JUGER que Monsieur [O] [S] [Y] et ses ayants-droits ont acquis la propriété de la parcelle H1427 par prescription trentenaire (conclusions du 15 février 2024),

- JUGER que Madame [I] ne démontre aucunement ses prétendus droits de propriété sur la parcelle H1427

En conséquence

- DEBOUTER Madame [I] de sa demande de démolition des constructions érigées par les Consorts [A] sur la parcelle H1427.

- DEBOUTER Madame [I] de sa demande tendant à voir ordonner la remise en état des lieux, à la charge des Consorts [A] et y assortir la condamnation d’une astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la délivrance de l’assignation.

- DEBOUTER Madame [I] de sa demande tendant à voir ordonner aux Consorts [A] de ne plus passer par la parcelle H1427 pour accéder à leur propriété.

- JUGER que la servitude de passage grevant le fonds des époux [A] au bénéfice du fonds appartenant à Madame [I] s’est éteinte par son non-usage le 25 mai 2019.

En conséquence

- DEBOUTER Madame [I] de sa demande tendant à voir ordonner aux Consorts [A] d’en laisser le libre accès à Madame [I], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la délivrance de l’assignation.

- DEBOUTER Madame [I] de sa demande tendant à voir ordonner aux Consorts [A] de démolir ou d’enlever toute construction qui aurait pu être édifiée devant la porte d’accès des anciens chais de Madame [I].

- JUGER que les époux [A] n’occupent aucun espace commun.

En conséquence

- DEBOUTER Madame [I] de sa demande tendant à voir condamner les époux [A] à lui verser 10.000 € en réparation de son préjudice de jouissance.

- DEBOUTER Madame [I] de sa demande de désignation de Me [J], Notaire afin d’établir l’acte notarié par lequel il sera constaté l’accord des parties quant à une jouissance exclusive de l’espace commun sous réserve d’une juste indemnisation annuelle par les époux [A].

En tout état de cause,

- DEBOUTER Madame [I] de toute demande plus ample et contraire.

- CONDAMNER Madame [I] à verser aux époux [A] la somme de 4.000 € au visa de l’article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER Madame [I] à supporter les entiers dépens en ce compris ceux d’expertise et de référé.

- ECARTER l’exécution provisoire de droit. (Conclusions du 15 février 2024)

Pour contester le rapport d’expertise et la qualité de propriétaire de Madame [I] sur la parcelle H1427 ils précisent que postérieurement au dépôt du rapport de l’expert judiciaire, ils sont parvenus à se procurer l’acte notarié du 21 janvier 1949 portant vente par Mesdames [K], [U], et [H] à Monsieur [O] [V] [Y] « d’une construction autrefois à usage de grange et parc située commune de Landiras au lieu-dit Menon paraissant figurer sur le plan cadastral révisé sous le n° 992 et à l’ancien plan sous le n°1382 de la section H occupant une superficie de un are soixante-dix centiares »

Monsieur [Y] a agi depuis cette date en propriétaire de ladite parcelle H 1427. Son petit-fils en atteste, soulignant que son grand père nettoyait les abords du chai en pierre, autrement dit la parcelle litigieuse « lui appartenant ».

Monsieur [Y] a ainsi acquis par possession trentenaire, la propriété de la dite parcelle, propriété qui prévaut sur le titre invoqué par Madame [I].

Ainsi, Madame [I] n’est pas propriétaire de la parcelle litigieuse dont la mention ajoutée en dernière ligne manuscritement dans l’acte de 1970 résulte d’une erreur et qui ne figurait pas dans l’acte du 13 février 1931. Cette parcelle appartenait à Monsieur [Y] qui s’est toujours comporté comme propriétaire de celle-ci.

C’est dans ces conditions qu’ils ont été autorisés par celui-ci à faire usage de cette parcelle tandis que les parents de la demanderesse n’affirmaient aucun droit de propriété.

Ils ajoutent que par acte notarié du 25 mai 1985, ils ont acquis les parcelles cadastrales H1799 et H991, l’acte prévoit que la parcelle H1799 est grevée d’une servitude de passage au profit du
fond bénéficiaire H996 propriété de Monsieur [D], père de Madame [I]. La servitude grevant le fond des consorts [A] est matérialisée par ce schéma comme contournant la parcelle H1427 et non comme un passage pour accéder directement à la rue. Or, on peut s’interroger sur l’intérêt de cette servitude si Monsieur et Madame [D]
étaient propriétaire de la parcelle H1427.

Madame [I] ne justifiant pas de sa propriété elle ne peut invoquer un empiétement sur la parcelle H 1427.

S’il n’est pas contesté que figure dans l’acte de vente du 25 mai 1989 conclue entre les consorts [ON] et les consorts [A] la disposition suivante :

« Il est également ici rappelé que Monsieur [D] propriétaire de l’immeuble cadastrée section H n°996, bénéficie d’une servitude de passage sur la parcelle cadastrée H n°1799, objet de la présente vente, lui permettant d’accéder à une porte ancienne donnant accès à un chai », ils produisent des attestations démontrant l’absence d’usage depuis la vente de sorte que le Tribunal constatera l’extinction de cette servitude par non usage trentenaire.

Ils contestent le caractère de padouen de l’espace dessiné par l’expert de manière unilatérale alors qu’il est compris dans leur titre de propriété comme leur étant propre. Ils précisent y avoir édifié une piscine et avoir effectué à ce titre une déclaration de travaux le 2 avril 2003 sans aucune opposition de Monsieur et madame [D].

Ils soulignent l’absence de préjudice subi par la demanderesse;

***

A l’audience du 15 février 2024, le tribunal a constaté le dépôt de nouvelles écritures et d’une pièce par les défendeurs, en conséquence il a ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire à l’audience du 14 mars 2024, afin de permettre à la demanderesse de répliquer.

***

Par conclusions déposées le 4 mars 2024 Madame [M] [D] épouse [I] considère que les défendeurs font des manoeuvres dilatoires pour retarder l’issue du procès, la nouvelle attestation a été rédigée en août 2023 et pouvait être produite dans les délais de sorte que le rabat de l’ordonnance de clôture était injustifié, en outre cette attestation n’apporte rien aux débats, la raison en est que le postulat de départ adopté par les défendeurs, tel que cela a été démontré précédemment, est totalement erroné puisque la parcelle H1427 issue de la division n’a jamais été la propriété de Monsieur [O] [Y].

DISCUSSION

La demanderesse soutient à juste titre que la question de la propriété de la parcelle H1427 a été définitivement jugée par l’arrêt de la Cour d’appel à l’encontre duquel il n’a pas été formé de pourvoi, de sorte que les défendeurs sont irrecevables à soutenir le contraire.

Il est désormais acquis que la parcelle H 1427 est issue de la parcelle H 992 issue du plan révisé en 1938, parcelle H 992 qui a conservé sa dénomination pour sa partie Ouest pour une contenance de 1a 03ca (appartenant à Monsieur [K] auteur des défendeurs, les époux [A]), et qui pour sa partie Est a reçu la dénomination H 1427 pour une contenance de 0a 71ca (propriété [X] auteur de la demanderesse, Madame [I]), de sorte que l’acte invoqué de 1949 en ce qu’il désigne la parcelle H 992 comme disposant d’une surface de 1a70ca, ne tient pas compte de la division antérieure qui en a retranché pour 0a71ca la parcelle devenue H 1427.

Les défendeurs viennent invoquer à leur profit une prescription acquisitive se fondant sur une possession plus que trentenaire dès lors qu’eux même et leurs auteurs se sont comportés comme propriétaires de la parcelle 1427 depuis l’acte du 21 janvier 1949. Ils entendent justifier de cet état par le fait que la parcelle a été entretenue par eux ou par Monsieur [Y] leur auteur.

Selon l’article 2261 du Code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Par ailleurs, l’article 2262 dispose que les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.

Il s’en déduit que si les juges du fond ont un pouvoir souverain pour caractériser les faits de possession, ils doivent néanmoins rechercher l’existence d’actes d’occupation réelle ou d’acte de possession sans équivoque caractérisant la volonté de se comporter comme propriétaire.

En l’espèce, un entretien de la parcelle litigieuse, à supposer qu’il puisse se trouver démontré par la production d’une seule attestation, ne caractérise pas suffisamment et de manière continue et non équivoque une possession acquisitive.

Les époux [A] notent qu’ils souhaitaient acquérir la partie non bâtie de la parcelle H 1427, sans avoir finalisé un acte en ce sens, obtenant néanmoins l’autorisation de construire leur clôture en contrepartie de l’entretien [de la parcelle 1427] (page 9 de leurs conclusions) L’attestation de Monsieur [VC] [Y] est dans le même sens en ce qu’elle évoque qu’il avait été envisagé de vendre la parcelle 1427 aux époux [A], qui, en contrepartie l’entretenait (pièce 5 défendeurs). En conséquence, l’entretien de la parcelle ne peut être considéré comme manifestant un comportement de propriétaire, la construction litigieuse de la clôture et du portail apparaissant résulter d’une simple tolérance qui n’émane en outre pas du légitime propriétaire.

Leur possession équivoque, elle même fondée sur un titre équivoque est ainsi insuffisante pour permettre une acquisition par prescription.

En conséquence, la clôture et le portail implantés sur la parcelle H1427 doivent être démolis comme implantés sur le fonds d’autrui.

En ce qui concerne la parcelle H 1799 sur laquelle Madame [I] soutient qu’il s’agit d’une parcelle commune, le titre de son auteur (acte de partage de 1842) prévoyant la cession d’ « Un chai situé au dit village de Menon commune de Landiras tenant du levant à [ON] dit [N] ; à midi à [T] ; du couchant à ce dernier et à [R] [ON] et du Nord aux emplacements communs entre [R] [ON], et le Sieur [B] qui cède aussi son droit dans les dits padouens à l’acquéreur par les présentes. ».

Le terme padouen désignant selon la demanderesse une cour commune, cependant en gascon le padouen désigne un terrain vague servant à la dépaissance des animaux (origine latine : padere), le padouen s’analyse comme un lieu qui sert au passage, et non comme le soutient la demanderesse affecté à l’usage d’une cour commune, cet espace constitue l’assiette d’une servitude de passage, du reste l’expert conclut que « Dans les origines de propriété [A]-[G], la parcelle H 1799, devenue notamment H 2127 après division, est propriété des époux [A] depuis 1989. Elle est fonds servant d’une servitude de passage d’accès au chai au profit de la parcelle H 996 appartenant à M. [D]. Dans les origines de propriété [I], une partie de cette parcelle était des emplacements communs aux lots n°4 et 5, soit des parcelles aujourd’hui cadastrées H 2127 et 996. »

Selon l’acte notarié du 25 mai 1985, Monsieur et Madame [A] ont acquis les parcelles cadastrales H1799 et H991, cet acte prévoyait expressément que la parcelle H1799 est grevée d’une servitude de passage au profit du fond bénéficiaire H996 propriété de Monsieur [D], père de Madame [I].

En l’absence de localisation de la servitude, l’expert a raisonné par hypothèse à partir de l’emprise correspondant à la porte du chais desservi, puis en traçant le chemin le plus court sans toutefois le tracer sur la parcelle 1427 pourtant attribuée à Madame [I].

Les défendeurs invoquent la prescription par non usage de la servitude de passage grevant la parcelle H 1799 au profit de la parcelle H 996 et contestent le caractère commun de l’espace arbitrairement déterminé selon eux par l’expert sur la parcelle H 2127. Ils produisent une attestation de Monsieur [W] qui indique que les livraisons chez Madame [I] se faisaient toujours par l’entrée du chai donnant sur son fonds et non par l’entrée du chai donnant chez Monsieur et Madame [A], ils produisent une autre attestation de Monsieur [G] qui indique avoir toujours vu Monsieur [D] [JG] et Madame [I] passer par la rue Peguillères pour accéder à leur chai.

Ainsi, les défendeurs soutiennent que si la demanderesse propriétaire de l’immeuble cadastrée section H n°996, bénéficie d’une servitude de passage sur la parcelle cadastrée H n°1799, lui permettant d’accéder à une porte ancienne donnant accès à un chai, elle ou ses auteurs n’ont jamais usé de cette servitude, privilégiant l’accès à son chai via les entrées situées rue La Piguillère et rue Raoul DALBADIE, l’absence d’usage depuis 1989 conduit à lui opposer la prescription trentenaire.

Si le fait de privilégier l’accès du chai par la porte située directement sur son fonds n’implique pas nécessairement une renonciation au droit de passer sur le padouen, droit dont Madame [I] n’a revendiqué l’exercice qu’en 2016 (pièce 5, courrier de son Notaire), les attestations démontrent une renonciation par non usage constant à l’exercice de la servitude de passage dont aucune trace de l’assiette n’a été découverte par l’expert qui en a déduit la forme uniquement à partir d’une porte pour accès au chai de la parcelle H 996 depuis la parcelle H1799 devenue H 2127.

Il y a lieu d’observer que Madame [I] demande de constater son accord pour laisser aux époux [A] la jouissance exclusive de l’espace commun, moyennant une juste “indemnisation annuelle” ainsi qu’une indemnité de 10.000 € au titre de son préjudice de jouissance, de sorte qu’elle n’envisage plus de faire usage de la servitude délaissée et qu’il lui est justement opposé une prescription trentenaire pour non usage depuis 1989 en conséquence il ne peut être fait droit à sa demande en paiement d’une indemnisation annuelle ou en réparation du préjudice de jouissance allégué.

Le présent jugement tranche les difficultés concernant la propriété des parcelles et l’existence d’une servitude de passage sans qu’il soit nécessaire de recourir à un Notaire pour dresser un acte interprétatif, il ne sera pas fait droit à la demande formulée en ce sens.

L’équité commande d’allouer à Madame [I] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les frais d’expertise et de référés seront inclus dans les dépens de sorte qu’il n’existe pas de préjudice économique en sus à faire supporter par les défendeurs.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

DÉCLARE irrecevables les demandes des Consorts [A] au regard de l’autorité de la chose jugée dont est revêtue l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux le 22 juillet 2022, lequel statue sur la propriété de Madame [I] sur la parcelle 1427,

DIT que le portail et la clôture implantés par les consorts [A] empiètent sur la parcelle
H 1427 propriété de Madame [I].

EN ORDONNE la démolition comprenant celle des deux piliers, du portail, de la clôture en claustra bois sur une longueur de 4,11 m et du mur de clôture en façade de la rue sur 2,65 m, ainsi la remise dans l’état antérieur de la parcelle H 1427 dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 50 € par jours durant trois mois passé ce délai.

DIT que le droit de passage de Madame [I] sur la parcelle H 2127 (1799) s’est éteint par non usage.

DÉBOUTE Madame [I] de sa demande tendant à voir ordonner aux Consorts [A] d’en laisser le libre accès à Madame [I], sous astreinte.

DÉBOUTE Madame [I] de sa demande en paiement d’une indemnité de 10.000 € au titre de son préjudice de jouissance et d’établissement d’un acte consacrant l’accord des parties en ce qui concerne l’attribution de la jouissance exclusive de l’espace commun aux consorts [A] en contrepartie d’une juste indemnisation annuelle.

CONDAMNE les époux [A] à verser à Madame [I] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE les époux [A] aux entiers dépens comprenant ceux d’expertise et de référé.

La présente décision est signée par Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/06476
Date de la décision : 18/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-18;22.06476 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award