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25/04/2024 | FRANCE | N°23/00041

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 3, 25 avril 2024, 23/00041


Décision du 25 Avril 2024
Minute n° 24/77


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 25 Avril 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle N° RG 23/00041 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XMWQ

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

EPFIF- ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ÎLE DE FRANCE
[Adresse 15]
[Adresse 15]
représentée par Maître Miguel BARATA de l’AARPI BARATA CHARBONNEL, avo

cats au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :
Monsieur [L] [V]
Chez M [X]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
représenté par Maître Rajess RAMDENIE de la SEL...

Décision du 25 Avril 2024
Minute n° 24/77

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 25 Avril 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle N° RG 23/00041 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XMWQ

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

EPFIF- ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ÎLE DE FRANCE
[Adresse 15]
[Adresse 15]
représentée par Maître Miguel BARATA de l’AARPI BARATA CHARBONNEL, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :
Monsieur [L] [V]
Chez M [X]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
représenté par Maître Rajess RAMDENIE de la SELARL GMR AVOCATS - GRANGE MARTIN RAMDENIE, avocats au barreau de PARIS

Madame [H] [T] épouse [V]
Chez M [X]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
représentée par Maître Rajess RAMDENIE de la SELARL GMR AVOCATS - GRANGE MARTIN RAMDENIE, avocats au barreau de PARIS
INTERVENANT :

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - PÔLE D’ÉVALUATION DOMANIALE
[Adresse 17]
[Adresse 17]
représentée par Madame [I] [R], commissaire du Gouvernement
COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Rémy BLONDEL, Juge, désigné par ordonnance de monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Maxime-Aurélien JOURDE, Greffier des services judiciaires, présent lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :

Date de la visite des lieux : 19 octobre 2023
Date des débats : 07 décembre 2023
Date de mise à disposition : 25 avril 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [L] [V] et Madame [H] [T] épouse [V] étaient propriétaires des lots n°197, 198, 217 et 218 et une quote part des parties communes générales, situés [Adresse 7], sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], d'une superficie de 2.078 m².

Les lots n°197 et 198 sont deux appartements réunis d'une surface totale de 44 m². Les lots n°217 et 218 sont deux caves. Pour une description plus précise des lieux, il conviendra de se reporter au procès-verbal du 19 octobre 2023, annexé à la présente décision.

Depuis mars 2019, la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], dans laquelle est localisé l'ensemble immobilier de la copropriété, est située dans le nouveau périmètre dit de veille ("[Adresse 7]") institué par la Convention d'Intervention Foncière conclue entre l'Etablissement Public d'Île-de-France (ci-après dénommé EPFIF), d'une part, et la commune de [Localité 23], d'autre part, le 05 septembre 2013 et modifié par avenant le 22 décembre 2015 puis le 26 mars 2019.

L'utilité publique de l'acquisition de la parcelle cadastrée section [Cadastre 19] et la cessibilité des lots de la copropriété au profit de l'EPFIF ont été déclarées par arrêté préfectoral n° 2021-2270 en date du 8 octobre 2021, pris en application des dispositions des articles L.511-1 et suivants du code de l'expropriation, dans le cadre d'une opération d'expropriation concernant des immeubles insalubres ou menaçant ruine.

Une ordonnance d'expropriation emportant transfert de propriété, a été rendue le 07 juillet 2022 au profit de l'EPFIF.

L'EPFIF a notifié son offre indemnitaire aux consorts [V] par lettre recommandée avec avis de réception en date du 04 août 2022.

Aucun accord n'étant intervenu, l'EPFIF a saisi la juridiction de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny par un mémoire valant offre daté du 1er août 2022 et reçu par le greffe le 27 février 2023 aux fins de fixer l'indemnité de dépossession à la somme de 14.393,02 euros, soit :
-12.298,28 euros au titre de l'indemnité principale ;
-2.094,74 euros au titre du remploi.

La saisine, postérieure d'au moins un mois à la notification des offres, a été signifiée par l'EPFIF aux consorts [V] par acte d'huissier délivré le 27 juin 2023 à étude, selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile.

Par une ordonnance rendue le 21 août 2023, le juge de l'expropriation a fixé le transport judiciaire sur les lieux et l'audition des parties au 19 octobre 2023 ainsi que l'audience au 07 décembre 2023.

L'EPFIF a notifié cette décision aux consorts [V] par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 06 septembre 2023.

Le jour du transport, les lieux étaient entièrement sécurisés et les portes d'accès des immeubles étaient murées. Les biens expropriés des consorts [V] n'ont pas pu être visités.

Maître Emilie BOURDIN, substituant Maître Rajess RAMDENIE, représentait les consorts [V] absents lors du transport judiciaire sur les lieux des biens expropriés.

Toutefois, le jour du transport, les lieux étaient entièrement sécurisés, les portes d'accès des immeubles étaient murées et les biens des consorts [V] n'ont pas pu être visités.

Dans ses dernières écritures reçues le 08 février 2024 par le greffe de la juridiction, faisant suite à son Mémoire valant offres ainsi qu'à ses écritures intitulées Mémoire récapitulatif et en réplique, l'EPFIF demande au juge de l'expropriation de :

- déclarer les dispositions de l'article L 511-6 du code de l'expropriation conformes à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 de cette Convention ;

- déclarer que la méthode d'évaluation par la récupération foncière est applicable, en tout état de cause, compte-tenu d'obligations administratives de démolition exécutoires ;

- fixer l'indemnité à revenir aux consorts [V] consécutivement à l'expropriation des lots n°197, 198, 217 et 218 à la somme de 1.080 €, comme suit :

.une indemnité principale de 900 €, correspondant à :

*valeur du terrain libre : 831.200 €, correspondant à 2.078 m² x 400 €/m² ;

*surface totale bâtie : 3.533,45 m² ;

*coût de la démolition : 848.160 € ;

*valeur du terrain après déduction des frais de démolition : négative ;

*valeur du terrain pour 1/10.000ème de parties communes générales : 0 €

*nombre de tantièmes affectés à l'appartement : 169 / 10.000èmes ;

*valeur de la cave : 900 €

*soit :

$gt;lot n° 197 et 198 : 0 €, soit 0 € x 169 / 10.000èmes ;

$gt;lots n° 217 et 218 : 900 €.

.une indemnité de remploi de 180 € (900 € x 20%).

- donner acte à l'EPFIF du maintien de son offre d'indemnisation initiale contenue dans son mémoire de saisine, au besoin fixer l'indemnité comme suit, à savoir :

.Indemnité principale totale : 12.298,28 €
.Indemnité de remploi : 2.094,74 €

.Soit une indemnité de dépossession totale de 14.393,02 €

A titre subsidiaire, il sollicite du juge de l'expropriation de :

- ordonner une expertise aux fins de détermination du coût total représenté par l'ensemble des opérations à mener aux fins de réalisation de l'obligation de démolition de l'ensemble immobilier objet des présentes ;

- désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de :

.déterminer et préciser les spécificités du site situé au [Adresse 7], parcelle cadastrée Section [Cadastre 19], ainsi que de son environnement immédiat;

.se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission ;

.déterminer l'ensemble des coûts nécessaires et impliqués par l'ensemble des opérations à engager aux fins de démolition de l'ensemble immobilier situé au [Adresse 7];

En tout état de cause, il demande au juge de l'expropriation de :

- rejeter les prétentions de la défense

- laisser les dépens à la charge de l'EPFIF

Par une note en délibéré du 27 mars 2024, l'EPFIF a demandé au juge de l'expropriation de modifier le dispositif de son mémoire comme suit :
Remplacer le seul passage
-« Donner acte à l'EPFIF du maintien de son offre d'indemnisation initiale contenue dans son mémoire de saisine, au besoin fixer l'indemnité comme suit, à savoir : »
Par le passage suivant :
« A titre subsidiaire,
-Donner acte à l'EPFIF du maintien de son offre d'indemnisation initiale contenue dans son mémoire de saisine ;
En conséquence,
Fixer l'indemnité comme suit : »

Dans ses dernières écritures reçues le 08 février 2024 par le greffe, les consorts [V] sollicitent du juge de l'expropriation de :

- constater l'inconventionnalité de l'article L511-6 du code de l'expropriation ;

- à titre principal

.fixer l'indemnité principale globale à la somme de 114.400 € ;

.fixer l'indemnité de réemploi à la somme de 12.440 € ;

- à titre subsidiaire

.fixer l'indemnité principale globale à la somme de 66.461,94 €

*54.461,94 € pour les lots n° 197 et 198

*12.000 € pour les lots n°217 et 218

.fixer l'indemnité de remploi à la somme de 7.646,19 €

- en tout état de cause

. Condamner l'EPFIF à verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

.Condamner l'EPFIF aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures intitulées Conclusion complémentaires n°2 du commissaire du Gouvernement datées du 30 janvier 2024, faisant suite à ses écritures datées du 2 octobre 2023 produites avant transport ainsi qu'à ses écritures en date du 24 novembre 2023 produites après transport, le commissaire du Gouvernement propose, de manière alternative, en fonction des options qui seront retenues par le juge de l'expropriation :

- soit une indemnité totale de dépossession d'un montant de 20.011,10 € décomposée de la manière suivante, selon la méthode dite de récupération foncière :

- une indemnité principale de 17.282,82 €,

- une indemnité de réemploi de 2.728,28 €
- soit une indemnité totale de dépossession selon la méthode comparaison, décomposée de la manière suivante :

M² Appartement
Valeur Unitaire € /m²
Total
Indemnité forfaitaire cave €
Total indemnité principale
Frais de remploi
Total indemnité de dépossession
9
2.585
23.265 €
1.900
25.165 €
3.516,50 €
28.681,50 €
14
2.585
36.190 €
1.900
38.090 €
4.809 €
42.899 €
15
2.585
38.775 €
1.900
40.675 €
5.067,50 €
45.742,50 €
18
2.585
46.530 €
1.900
48.430 €
5.843 €
54.273 €
22
2.585
56.870 €
1.900
58.770 €
6.877 €
65.647 €
23
2.585
59.455 €
1.900
61.355 €
7.135,50 €
68.490,50 €
24
2.585
62.040 €
1.900
63.940 €
7.394 €
71.334 €
26
2.585
67.210 €
1.900
69.110 €
7.911 €
77.021 €
27
2.585
69.795 €
1.900
71.695 €
8.169,50 €
79.864,50 €
28
2.585
72.380 €
1.900
74.280 €
8.428 €
82.708 €
35
2.115
74.025 €
1.900
75.925 €
8.592,50 €
84.517,50 €
38
2.115
80.370 €
1.900
82.270 €
9.227 €
91.497 €
43
2.115
90.945 €
1.900
92.845 €
10.284,50 €
103.129,50 €
44
2.115
93.060 €
1.900
94.960 €
10.496 €
105.456 €

En vertu de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures transmises pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
L'audience, initialement prévue le 07 décembre 2023, a été renvoyée au 08 février 2024. A cette dernière date, les parties comparantes ont développé les éléments de leurs mémoires, en application des dispositions du 1er alinéa de l'article R.311-20 du code de l'expropriation.

L'affaire a été mise en délibéré au 25 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article L. 511-1 1° du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, peut être poursuivie, dans les conditions prévues aux articles L. 511-2 à L. 511-9, au profit de l'Etat, d'une société de construction dans laquelle l'Etat détient la majorité du capital, d'une collectivité territoriale, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement mentionné à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, l'expropriation des immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris en application de l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation et ayant prescrit la démolition ou l'interdiction définitive d'habiter.

Aux termes de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, Pour le calcul de l'indemnité due aux propriétaires, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition, sauf lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision prévue à l'article L. 511-2 ou lorsque les immeubles ne sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de péril.»

Sur les éléments préalables à la détermination des indemnités

Le montant des indemnités est fixé d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance d'expropriation portant transfert de propriété, en application des dispositions de l'article L.322-1 du code de l'expropriation.

Conformément à l'article L. 322-2 alinéa 1er du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.

Selon les dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme, la date de référence à prendre en compte en matière d'expropriation est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant ou modifiant le plan local d'urbanisme (PLU) ou le plan d'occupation des sols (POS) et définissant la zone dans laquelle est situé le bien.

En l'espèce, les lots n°197, 198, 217 et 218 doivent être évalués à la date du présent jugement et selon :
- leur consistance au 07 juillet 2022, date de l'ordonnance d'expropriation ;
- les possibilités offertes par le règlement d'urbanisme définies par le plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 19 novembre 2015 et modifié en dernier lieu le 25 juin 2019.
Selon les écritures concordantes des parties et du Commissaire du Gouvernement la parcelle est située en zone UCc du PLU, soit un secteur urbain à vocation mixte et à dominante d'habitat collectifs.

S'agissant de la consistance du bien

Il s'agit d'un ensemble immobilier composé de six immeubles de même architecture, de quatre étages chacun, disposés en enfilade ; le premier immeuble donne directement sur la rue des deux communes, les cinq autres immeubles sont accessibles par une allée bétonnée close par un portail en fer, en état d'usage.

Les façades sont recouvertes de petites briques de couleur claires ; elles sont recouvertes de graffiti à divers endroits ;

Les huisseries du rez-de-chaussée de chaque bâtiment sont murées, les fenêtres dans les étages sont munies de volets en accordéons qui sont fermés.

Pour chaque bâtiment, l'une des façades latérales ainsi qu'une partie des façades principales et arrières sont cerclées sur 3 niveaux (des pièces d'étais métalliques posées en longueur sur les façades sont visibles renforcées par des étais en bois)

La parcelle sur laquelle est édifiée la copropriété, d'une contenance de 2078 m², est de forme rectangulaire, plane et close par un muret.

Les appartements et les caves n'ont pas pu être visités, car les bâtiments ont été murés et évacués par la commune de [Localité 23] le 23 novembre 2018, en raison de désordres structurels affectant la solidité des six bâtiments de la copropriété.

S'agissant de l'environnement, ce bien est limitrophe de la commune de [Localité 21], il est situé à 19 kilomètres de [Localité 22], desservis par plusieurs lignes de bus, le RER A et le RER E, à proximité de l'A86 et de l'A1 ainsi que du centre-ville de [Localité 23] disposant de commerces et d'équipements publiques (mairie, écoles, crèches)

Les caractéristiques du bien permettent de dégager :

- des facteurs de plus-value :
La tranquillité et le caractère résidentiel du quartier bien desservi par plusieurs transports en commun ainsi que sa proximité du centre-ville de [Localité 23] comprenant de nombreux commerces, équipements publics et administrations (mairie).

- des facteurs de moins-value :
La copropriété fait l'objet d'un arrêté de péril et d'un arrêté de mise en sécurité avec interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les six immeubles.
Il convient de se reporter au procès-verbal de transport sur les lieux, annexé à la présente décision.

S'agissant de la méthode d'évaluation

En application de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, pour le calcul de l'indemnité due aux propriétaires, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition, sauf lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision prévue à l'article L. 511-2 ou lorsque les immeubles ne sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de péril.

En l'espèce, à la suite d'un arrêté de péril ordinaire du 12 avril 2018, à un arrêté de péril imminent du 20 novembre 2018 et un second arrêté de péril ordinaire avec interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux du 23 juillet 2019, le maire de [Localité 23] a pris le 22 juillet 2021 un arrêté de mise en sécurité avec interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les six immeubles de la copropriété située [Adresse 7], les bâtiments étant affectés de désordres structurels portant atteinte à leur solidité.

Par un arrêté préfectoral en date du 08 octobre 2021, l'acquisition de la parcelle cadastrée section [Cadastre 19] au profit de l'EPFIF, a été déclarée d'utilité publique et les lots dépendant de la copropriété située [Adresse 7] ont été déclarés cessibles, sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Toutefois, les consorts [V] font valoir que les dispositions de l'article L 511-6 du code de l'expropriation seraient inconventionnelles avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, et de l'article 14 de ladite Convention et de l'article 1 du protocole n°12 à la Convention.

Ils expliquent que la protection du droit de propriété protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, n'exclut pas une ingérence des états membres à condition que celle-ci soit prévue par la loi, serve une cause d'utilité publique et ménage un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Ils ajoutent que ce juste équilibre doit être apprécié à la fois au regard des modalités d'indemnisation qui doit être raisonnablement en rapport avec la valeur vénale du bien et de la situation personnelle et sociale de l'exproprié. Ils indiquent qu'ainsi l'utilisation de la méthode de la récupération foncière revient à lui offrir une indemnité bien moindre que la valeur vénale du bien voire inexistante.

Par ailleurs, les consorts [V] soulignent qu'en leurs qualités de propriétaires occupants depuis moins de deux ans ayant refusé un accord amiable, ils se voient proposer des offres d'indemnité selon la méthode de récupération foncière alors qu'un précédent copropriétaire, Monsieur [D], non occupant depuis au moins deux ans, s'est vu indemniser à l'amiable selon la méthode par comparaison. Selon lui, il y aurait discrimination entre les propriétaires bailleurs ou occupants depuis moins de deux ans ayant accepté de vendre leur bien à l'amiable et les autres copropriétaires ayant refusé la procédure amiable.

L'EPFIF considère que les dispositions de l'article L. 511-6 du code de l'expropriatoin ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit des propriétaires expropriés au respect de leurs biens déclarés insalubres à titre irrémédiable et que par voie de conséquence, la méthode d'évaluation par récupération foncière doit s'appliquer.

Sur le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique au regard de l'article 1 du Protocole n°1

I - Sur l'applicabilité de l'article 1 du Protocole no 1 et l'existence d'une ingérence

L'article 1 du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme dispose que :
« 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
2. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.».

Ainsi, l'article 1 du Protocole n°1 qui garantit le droit au respect des biens, contient trois normes distinctes :
- la première, qui s'exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ;
- la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ;
- quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux États le pouvoir, entre autres, de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général.

Il ne s'agit pas pour autant de règles dépourvues de rapport entre elles. La deuxième et la troisième ont trait à des exemples particuliers d'atteinte au droit de propriété ; dès lors, elles doivent s'interpréter à la lumière du principe consacré par la première (Arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, requête n°7151/75; 7152/75 ; Arrêt Depalle c. France du 29 mars 2010 requête no 34044/02).

En l'espèce, les parties ne contestent pas que la situation litigieuse relève du champ d'application de cette disposition et de la seconde norme en tant que privation de propriété et non simplement en tant que restriction à l'usage du bien, en raison de l'existence d'un transfert forcé, intégral et définitif de propriété.

En effet, les consorts [V] ont été intégralement privés de la propriété des lots n°197, 198, 217 et 218 correspondant à un appartement et à deux caves dans le bâtiment 6 au sein des immeubles en copropriété situé [Adresse 7] édifiés sur la parcelle section [Cadastre 19], par l'effet de l'arrêté préfectoral n°2021-2270 du 08 octobre 2021 déclarant d'utilité publique l'acquisition de la parcelle et sa cessibilité au profit de l'établissement Public Foncier île de France (ci-après dénommé l'EPFIF) ainsi que par l'effet de l'ordonnance d'expropriation du 7 juillet 2022 qui a transféré la propriété desdits biens à l'EPFIF.

Ainsi, l'article 1 du Protocole n° 1 est applicable et le juge de l'expropriation doit donc examiner la justification de cette ingérence, qui relève de la seconde norme en tant que privation de propriété, au regard des exigences de l'article 1 du Protocole n°1.

II - Sur le point de savoir si l'application dans le cas d'espèce de l'article L 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est conforme au droit au respect des biens prévu à l'article 1 du Protocole n°1

Pour être compatible avec l'article 1 du Protocole n°1, l'atteinte doit répondre à certains critères : elle doit avoir une base légale suffisante en droit interne, suffisamment accessible et prévisible, et poursuivre un but légitime par des moyens présentant un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but visé ( Arrêt Beyeler c. Italie, du 5 janvier 2000, requête n°33202/96).

En outre, la Convention garantit des droits non pas théoriques et illusoires mais effectifs et concrets ([M] et [M] c. Roumanie du 15 octobre 2020, requête no 80982/12, § 122, 15 octobre 2020).

a) Sur l'existence d'une base légale suffisante

En l'espèce, l'expropriation des biens des consorts [V] a pour base légale l'article L. 511-1 1° du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui prévoit que « peut être poursuivie, dans les conditions prévues aux articles L. 511-2 à L. 511-9, au profit de l'état, d'une société de construction dans laquelle l'état détient la majorité du capital, d'une collectivité territoriale, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement mentionné à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, l'expropriation des immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris en application de l'article L 511-11 du code de la construction et de l'habitation et ayant prescrit la démolition ou l'interdiction d'habiter. ».

L'existence d'une base légale en droit interne ne suffit pas, en tant que telle, à satisfaire au principe de légalité. Il faut, en outre, que cette base légale présente une certaine qualité, celle d'être compatible avec la prééminence du droit et d'offrir des garanties contre l'arbitraire (Arrêt Vistins et Perep Jolkins c. Lettonie du 25 mars 2014, requête n°71243/01 ; Arrêt Yel et autres c. Turquie du 13 juillet 2021 requête n°28241/18).

Cette base légale doit en ce sens être le support de normes suffisamment accessibles, précises et prévisibles (Arrêt Hentrich c. France du 22 septembre 1994, Requête n°13616/88 ; Arrêt Lithgow et autres c. Royaume-Uni du 08 juillet 1986 requêtes no 9006/80; 9262/81; 9263/81;9265/81; 9266/81; 9313/81; 9405/81).

La Cour européenne juge qu'une loi n'est pas prévisible lorsque l'application ou l'interprétation qui en est faite est inattendue ou trop large, ou qu'elle confine à l'arbitraire.

Le principe de légalité signifie également l'existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, précises et prévisibles (Arrêt Hentrich c. France du 22 septembre 1994, Requête n°13616/88 ; Arrêt Lithgow et autres c. Royaume-Uni du 80 juillet 1986 requêtes no 9006/80; 9262/81; 9263/81;9265/81; 9266/81; 9313/81; 9405/81).

En particulier, une norme est « prévisible » lorsqu'elle offre une certaine garantie contre des atteintes arbitraires de la puissance publique. Toute ingérence dans l'exercice du droit au respect des biens doit, par conséquent, s'accompagner de garanties procédurales offrant à la personne ou à l'entité concernées une possibilité raisonnable d'exposer sa cause aux autorités compétentes, de manière à permettre une contestation effective des mesures litigieuses (Arrêt Jokela c. Finlande 21 mai 2022 requête n°28856/95 ; Arrêt Hentrich c. France du 22 septembre 1994, Requête n°13616/88 ; Agosi c. Royaume-Uni du 24 octobre 1986 requête n°9118/80).

En l'espèce, aucune des parties n'allègue ni a fortiori ne justifie que la loi Vivien en particulier les dispositions de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique manque de clarté, de précisions ou encore de prévisibilité et d'accessibilté.

De plus, l'arrêté du Maire de [Localité 23] de péril ordinaire du 12 avril 2018, l'arrêté du Maire de [Localité 23] de péril imminent du 20 novembre 2018 et l'arrêté du Maire de [Localité 23] de mise en sécurité avec interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux du 22 juillet 2021 ou l'arrêté du Préfet de [Localité 24] du 08 octobre 2021 déclarant d'utilité publique l'acquisition par voie d'expropriation, prononçant la cessibilité et autorisant la prise de possession en vue de la démolition de l'ensemble immobilier sis [Adresse 7] sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], sont susceptibles de recours. Les délais, modalités et juridictions devant lesquelles ces voies de recours peuvent être exercées sont également précisées dans chacun de ces arrêtés.

D'ailleurs, certains copropriétaires ont effectué ces recours, notamment à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 08 octobre 2021, procédure qui est actuellement pendante devant le tribunal administratif de Montreuil sous le n°22-006608-2.

L'existence de voie de recours effectives constitue assurément une garantie solide contre l'arbitraire. Il en va de même, a fortiori, dans le cas d'une procédure dérogatoire comme l'expropriation des immeubles insalubres.

Par voie de conséquence, la privation de propriété subie par les consorts [V] satisfait à l'exigence de légalité.

b) sur le point de savoir si la législation incriminée vise un but légitime,

L'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est issu de la loi n°70-612 du 10 juillet 1970 dite loi Vivien qui a pour objet de mettre fin dans les meilleurs délais à l'utilisation de locaux ou d'habitation présentant un danger pour la santé ou la sécurité des occupants.

Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel (décision QPC n°2010-26 du 17 septembre 2010), ces dispositions prévoient les modalités de calcul de l'indemnité de dépossession dû au propriétaire d'un bien insalubre, en application d'un critère justifié par l'objectif poursuivi par le législateur de pallier les carences des propriétaires à effectuer les travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité des immeubles leur appartenant.

Il n'est pas allégué qu'un tel objectif, qui concerne au premier chef la sécurité des personnes, ne serait pas en lui-même légitime.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats, en particulier du rapport d'expertise de Madame [O] du 20 novembre 2018 ordonnée par le tribunal administratif de Montreuil, qu'à la date du 07 juillet 2022, date de l'ordonnance d'expropriation, donc date du transfert de propriété des consorts [V] à l'EPFIF, les bâtiments présentent un risque d'effondrement important de sorte qu'ils constituent un risque pour la sécurité des occupants et sont donc insalubres et inhabitables.

En conséquence, le but que poursuit la loi de 1970 est légitime en son principe et en l'espèce.

c) sur le point de savoir si les moyens choisis pour atteindre le but poursuivi sont proportionnés

Il ne suffit pas qu'une mesure privative de propriété poursuive, en l'espèce comme en principe, un objectif légitime "d'utilité publique"; il doit aussi exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Arrêt Ashingdane c. Royaume Uni, 28 mai 1985, requête n°8225/78).

Pour se concilier avec la règle générale énoncée à la première phrase du premier alinéa de l'article 1er, une atteinte au droit au respect des biens doit ménager un « juste équilibre » entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et celles de la protection des droits fondamentaux de l'individu (Arrêt Beyeler c. Italie, du 5 janvier 2000, requête no 33202/96 ; Arrêt Milhau c. France 10 juillet 2014 requête n°4944/11 ; Arrêt NIT SRL c. République de Moldavie 5 avril 2022 requête n°28470/12)

Afin d'apprécier si la mesure litigieuse respecte le juste équilibre voulu et, notamment, si elle ne fait pas peser sur le requérant une charge disproportionnée, c'est-à-dire une charge spéciale et exorbitante, il y a lieu de prendre en considération :

- les modalités d'indemnisation prévues par la législation interne (Arrêt Platakou c. Grèce 11 janvier 2001 requête n°28460/97 ; Arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède 23 septembre 1982, requête n°7151/75; 7152/75) ;

- le comportement des expropriés, les conditions dans lesquelles ils ont acquis les biens litigieux ainsi que leur situation personnelle et sociale (Pyrantiené c. Lituanie 12 novembre 2013 requête n°45092/07);

- le comportement des autorités, les moyens employés par l'État et leur mise en oeuvre (Arrêt Beyeler c. Italie, du 5 janvier 2000, requête no 33202/96 ; Arrêt Bistrovic c. Croatie 31 mai 2007 requête n°25774/05)

C'est donc à la lumière de ces trois critères que le juge de l'expropriation doit examiner les faits de l'espèce pour déterminer l'existence ou non d'une disproportion manifeste entre les moyens mis en œuvre afin de lutter contre l'habitat insalubre, pallier à la carence des propriétaires dans l'exécution des travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité et la charge subi par les expropriés

s'agissant de l'indemnisation

La vérification de l'existence d'un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu exige un examen global et in concreto des différents intérêts en cause, ce qui appelle tout d'abord une analyse des conditions de dédommagement puisqu'en l'espèce il s'agit d'une privation de propriété.

À cet égard, un manque total d'indemnisation ne saurait se justifier que dans des circonstances exceptionnelles telle que la guerre ou un changement de régime politique ou économique (Arrêt Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce du 28 novembre 2002, requête n°25701/94).

Sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive qui ne saurait se justifier sur le terrain de l'article 1er du Protocole n°1 (Arrêt Les Saints Monastères c. Grèce 9 décembre 1994, requête n°13092/87; 13984/88).

En matière de privation de propriété, ce qui est raisonnable dépend des circonstances de la cause, les modalités choisies ne doivent pas excéder la large marge d'appréciation dont l'État jouit en la matière (James et autres c. Royaume Uni 21 février 1986 requête n°8793/79) et ne doivent pas être dépourvues de base raisonnable (Lithgow et autres c. Royaume-Uni, 8 juillet 1986 requêtes n°9006/80, 9262/81,9263/81, 9265/81; 9266/81; 9313/81; 9405/81)

L'article 1er du Protocole n°1 ne garantit pas dans tous les cas le droit à une compensation intégrale, car des objectifs légitimes « d'utilité publique » peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande (Arrêt Papachelas c. Grèce du 25 mars 1999, requête no 31423/96).

Conformément aux dispositions de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la méthode par récupération foncière s'impose au juge de l'expropriation pour l'évaluation de l'appartement. Elle consiste :

- tout d'abord à déterminer :

* d'une part, la valeur globale du terrain, selon la consistance d'un terrain nu ;
*d'autre part, le coût de la démolition du bâti, en considération de la surface développée pondérée hors oeuvre (SDPHO) ;

- ensuite à soustraire le coût de la démolition des constructions de la valeur du terrain pour obtenir la valeur globale du terrain nu et de diviser le résultat pas le nombre de millièmes ou de tantièmes afin d'obtenir une valeur unitaire, puisque le litige porte sur des immeubles en copropriété.

En revanche, les dispositions de l'article L.511-6 du code de l'expropriation ne s'appliquent pas en ce qui concerne la cave, celle-ci n'étant pas un lieu d'habitation et la méthode d'évaluation est laissée à l'appréciation des juges du fond, qui recourent à la méthode par comparaison, laquelle consiste à comparer le bien à évaluer, en l'occurrence une cave, à des cessions de biens équivalents, d'autres caves, qui ont eu lieu dans la période récente sur le marché immobilier local.

Aux termes de ses dernières conclusions, l'expropriant écrit que d'une part, seuls les trois termes de référence qu'il propose et les termes de référence n°3, 5 proposées par le commissaire du Gouvernement correspondent à des ventes effectives de terrains identiques à celui exproprié, pour un prix moyen de 400 €/m², soit une valeur du terrain nu de 831 200 € (400 € x 2078m²), d'autre part, le montant du coût de démolition est évalué à la somme de 848 160 €, selon expertise et justificatifs fournis, de sorte que le terrain a une valeur négative.

Il conclut que l'indemnité de dépossession correspondant aux biens dont les consorts [V] étaient propriétaires est de 0 €, puisque le coût de démolition est supérieur à la valeur du terrain.

Ainsi, selon ses propres déclarations, l'expropriant reconnaît que l'application de la méthode par récupération foncière, seule légalement applicable au cas d'espèce, revient à déposséder Monsieur les consorts [V] de leurs biens sans aucune indemnisation.

Manifestement consciente de l'impossibilité de ne proposer aucune indemnisation au titre de l'expropriation de l'appartement des consorts [V], l'EPFIF indique maintenir sa précédente offre d'indemnisation soit la somme de 14.393,02 € se décomposant comme suit :

- indemnité principale totale : 12.298,28 €
- indemnité de remploi : 2.094,74 €.

Non seulement cette indemnisation n'est basée sur aucun élément objectif et concret d'appréciation des lots n°197, 198, 217 et 218, relevant du bon vouloir et de la mansuétude de l'EPFIF, mais elle revient en l'espèce à mieux indemniser les consorts [V] de la perte d'une cave que de la perte d'un appartement, les deux pourtant situés dans le même immeuble frappé d'insalubrité irrémédiable. Elle est donc dépourvue de base raisonnable.

En outre, il y a lieu de relever que l'EPFIF a acquis plusieurs appartements avec caves au sein de la copropriété, après la publication des arrêtés de périls des 12 avril 2018 et 20 novembre 2018 et l'évacuation des occupants, et avant la déclaration d'utilité publique, selon les modalités suivantes :

Référence
Date de la vente
Référence
cadastrale
Lot 1
Lot 2
Nature
Surface

Prix
Prix/m²
2020-1365504
9304P05
2020P3873
27/10/20
AX 64
127
136
Appt. +
cave
23
33890 €
1473 €
2020-1364725
9304P05
2020P2635
30/07/20
AX 64
102
80
Appt. +
cave
28
73600 €
2628 €
2020-1364528
93064000AX0064
07/07/20
AX 64
88
99
Appt. +
cave
28
40000 €
1428 €

Ainsi, en utilisant la méthode par comparaison et en utilisant comme références les ventes intervenues au sein de la même copropriété alors que son état d'insalubrité irrémédiable est déjà avéré et que l'évacuation des habitants a déjà eu lieu, le prix moyen au m² est de 1843 €, ce qui constitue une différence plus que substantielle avec le prix moyen obtenu par la méthode par récupération foncière. En effet, les lots n°197 et 198, qui ont été réunis pour former un appartement dont les consorts [V] étaient propriétaires sont d'une superficie de 44 m², soit 81 092€ (1843 € x 44m²) alors que l'EPFIF propose soit la somme de 0 € soit la somme 12.298,28 € c'est à dire six fois moins.

Dès lors, en premier lieu, cette absence d'indemnisation n'est justifiée par aucune des circonstances exceptionnelles retenues par la Cour européenne des Droits de l'Homme telle que la guerre ou le changement de régime politique ou économique et en second lieu, même en tenant compte de la marge d'appréciation que l'article 1er du Protocole n°1 laisse aux autorités nationales au regard de la légitimité du but poursuivi, le prix proposé aux expropriés s'agissant d'une privation de propriété n'est pas raisonnablement en rapport avec la valeur de la propriété expropriée.

s'agissant du comportement et de la situation personnelle des consorts [V]

Les consorts [V] n'ont produit aucun document permettant d'établir depuis quand et dans quelles conditions ils sont devenus propriétaires des biens en question. Toutefois, les consorts [V] sont mentionnés comme copropriétaires absents et non représentés lors de l'assemblée générale du 02 juillet 2012.

Ils ne justifient pas non plus de leur paiement des charges de copropriété ou de leur situation personnelle.

Néanmoins, il ressort des procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires du 22 mai 2014, du 29 avril 2015, du 15 septembre 2016, que contrairement à d'autres copropriétaires, aucune procédure judiciaire pour impayés des charges de copropriété n'a été diligentée à l'encontre des consorts [V], de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'aucun manquement dans l'entretien de leur bien ne peut leur être reproché.

s'agissant du comportement de la Commune de [Localité 23], pour le compte de laquelle l'EPFIF diligente la présente procédure d'expropriation

La vérification de l'existence d'un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu exige, un examen global et in concreto des différents intérêts en cause, ce qui appelle une analyse non seulement des conditions de dédommagement puisqu'en l'espèce il s'agit d'une privation de propriété, mais aussi, du comportement des parties au litige, y compris les moyens employés par l'Etat et leur mise oeuvre (Arrêt Beyeler c. Italie 5 janvier 2000, requête n° 33202/96 ; Arrêt Milhau c. France 10 juillet 2014 requête n°4944/11 ; Arrêt Chassgnou et autres c. France 29 avril 1999 requêtes n°25088/94, 28331/95 et 28443/95).

Il convient donc de vérifier si, en raison de l'action ou de l'inaction de l'Etat, un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu a été ménagé et si la personne concernée a dû supporter une charge disproportionnée et excessive (Arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982, requête n°7151/75 et 7152/75).

À cet égard, la Cour Européenne impose d'aller au-delà des apparences et de rechercher la réalité de la situation litigieuse, lorsqu'une question d'intérêt général est en jeu, les pouvoirs publics sont tenus de réagir en temps utile, de façon correcte et avec la plus grande cohérence (Arrêt Beyeler c. Italie 5 janvier 2000, requête n° 33202/96 ; Arrêt Fener Rum Erkek Lisesi Vakf c. Turquie, 9 janvier 2007, requête n°34478/97 ; Arrêt Novoseletskiy c. Ukraine, 22 février 2005, requête n°47148/99).

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que :

- la Commune de [Localité 23] était propriétaire de plus du tiers des appartements au sein des immeubles en copropriété situés [Adresse 7] soit 3600 tantièmes sur 10 000 ;

- lors de l'assemblée générale du 02 juillet 2012, Monsieur [P] architecte missionné par le syndicat des copropriétaires a présenté le résultat de sa mission relative à une expertise technique de l'immeuble et préconisé les travaux suivants :

« gros œuvre : reprise des plafonds cave, confortement, divers ... » ;
« plomberie, électricité et gaz à mettre en conformité technique » ;
« la priorité est à donner aux travaux de reprise et confortation des planchers caves » ;

- lors de cette même assemblée générale, la majorité des copropriétaires en ce compris la Commune de [Localité 23] a voté en faveur de travaux de consolidation des planchers des six immeubles pour un montant total de 587 550 € ;

- lors de cette même assemblée générale, la Commune a reconnu que plusieurs de ses appartements étaient non occupés et avaient fait l'objet d'occupation illégale ;

- entre le 1er octobre 2012 et le 1er juillet 2014, les appels de fonds ont été réalisés pour un montant de 587 550 € ;

- le 29 avril 2015, le syndic a procédé, sans vote de l'assemblée générale des copropriétaires, à la restitution de la somme de 143 130 € sur le fond travaux ;

- lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 06 juin 2016, le syndic n'a pas été reconduit et aucun autre syndic n'a été désigné ;

- lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 22 mai 2014, la Mairie de [Localité 23] a informé les copropriétaires de l'engagement d'une démarche de diagnostic pré opérationnel et des conséquences d'une procédure rapide de péril imminent ;

- par requête en date du 10 octobre 2016 de la Commune de [Localité 23] a saisi le Président du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de désignation d'un syndic ;

- par ordonnance en date du 14 octobre 2016 le Président du tribunal de grande instance de Bobigny a désigné le cabinet LARIGAUDRY en qualité de syndic ;

- par courrier en date du 18 décembre 2017, la Commune de [Localité 23] a informé les autres copropriétaires de l'immeuble qu'une étude entreprise par la Ville concluait à la nécessité de mettre en place une stratégie d'intervention publique lourde et une procédure dite de résorption de l'habitat insalubre ;

- par courrier en date du 19 février 2018, la Commune de [Localité 23] a informé les autres copropriétaires que compte tenu de l'état de la copropriété susceptible de faire l'objet d'une procédure de péril ordinaire décrite à l'article L 511-2 du code de la construction et de l'habitation, ils disposaient d'un délai d'un mois pour présenter leurs observations ;

- lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 04 avril 2018, aux termes de la résolution n°22, les copropriétaires étaient informés de ce que le rapport GINGER CEBTP préconisait la démolition des six bâtiments et qu'un courrier du 19 février 2018 de la Ville de [Localité 23] annonçait la tenue d'une réunion d'information le 19 mars 2018 sur les suites à donner à ce rapporte et évoquant l'engagement d'une procédure de péril ordinaire conformément aux dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- lors de cette même assemblée générale, aux termes de la résolution n°23, eu égard à l'état de la copropriété et de la possibilité de l'engagement d'une procédure de péril ordinaire, les copropriétaires, dont la Commune de [Localité 23], ont voté le remboursement du montant du compte travaux s'élevant à 444 420 € ;

- par arrêté de péril ordinaire pour l'ensemble de la copropriété sis [Adresse 7] avec interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux en date du 12 avril 2018, le Maire de [Localité 23] a mis en demeure les copropriétaires, afin de mettre fin à tout péril, de démolir totalement les six bâtiments de la copropriété ;

- à la demande du Maire de [Localité 23], le juge des référés près le tribunal administratif de Montreuil, a par ordonnance en date du 19 novembre 2018, ordonné une expertise et désigné Madame [Z] [O] aux fins notamment de décrire les risques que les désordres affectant les immeubles de la copropriété située [Adresse 7] représentent pour la sécurité des occupants et du voisinage, émettre un avis sur ces désordres en particulier dire si les immeubles en cause présentent un péril grave et imminent ;

- Madame [Z] [O] a établi un rapport d'expertise en date du 20 novembre 2018 aux terme duquel elle conclut qu'il existe un risque sérieux d'effondrement des planchers et d'électrocution voire d'incendie sur les immeubles de la copropriété qui doivent tous être démolis ;
- par arrêté de péril imminent portant sur les parties communes en date du 20 novembre 2018, le Maire de [Localité 23], afin de mettre fin à tout péril imminent, a mis en demeure le syndicat des copropriétaires d'effectuer ou de faire effectuer l'évacuation de tous les occupants des six bâtiments ;

- par requête en date du 16 janvier 2019, le cabinet LARIGAUDRY, syndic de la copropriété [Adresse 7], a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny aux fins de désignation d'un administrateur provisoire de la copropriété ;

- par ordonnance du 31 janvier 2019 le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny a désigné un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires [Adresse 7] ;

- par avenant n°2, signé le 26 mars 2019, à la convention d'intervention foncière conclue entre la Commune de [Localité 23] et l'EPFIF, il a été convenue que « La commune sollicite aujourd'hui l'intervention de l'EPFIF dans un nouveau périmètre de veille (« [Adresse 7] » 0,2 ha) pour accompagner une opération de régénération urbaine située en limite [Localité 21]. Il s'agit pour l'EPFIF de maîtriser un immeuble d'habitation en situation de péril imminent par une procédure de Déclaration d'Utilité Publique dite « loi Vivien ». Le bâtiment sera démoli et l'assiette foncière complétée par les propriétés voisines de l'Office Départemental HLM afin d'accueillir un programme d'une trentaine de logements en accession sociale. La poursuite de l'action foncière de l'EPFIF dans le cadre de l'opération du « Grand Pré » et l'ajout du périmètre de maîtrise « [Adresse 7] » nécessitent une adaptation de la convention » ;

Le juge de l'expropriation a sollicité de l'EPFIF, par courriel en date du 18 décembre 2023, la communication des pièces complémentaires suivantes :

- tous les procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires entre 2012 et 2021 ;
- les actes de vente à l'EPFIF des biens appartenant à la Commune de [Localité 23] au sein de la copropriété sis [Adresse 7] ;
- la convention d'aménagement conclue le 05 septembre 2013 avec la Commune de [Localité 23] ;
- l'avenant n°1 signé le 22 décembre 2015 ;
- l'étude technique et analyse de la copropriété effectuée en 2015 par le cabinet/société URBANIS ;
- l'arrêté d'insalubrité remédiable du 21 novembre 2000 ;
- le cahier des charges de la mission de maître d'œuvre urbaine et sociale (MOUS) de 1998 ;
- la demande de subvention de la MOUS de 1998 ;
- la convention de financement de la MOUS de 1998 ;
- les rapports de suivi et de fin de cette MOUS ;
- le plan de sauvegarde définitif de la copropriété sise [Adresse 7], qui se serait déroulé entre 1999 et 2001 ;
- les rapports de suivi et de fin de ce plan de sauvegarde ;
- la convention d'opération programmée pour l'amélioration de l'habitat (OPAH) concernant la copropriété sis [Adresse 7] qui se serait déroulée entre 1997 et 2001 ;
- les rapports de suivi et de fin d'opération de cette OPAH ;
- les rapports de l'administrateur provisoire de la copropriété, AJ et ASSOCIES en la personne de Me DESHAYES.

Or, cette dernière n'a effectivement versé aux débats que :
- la convention d'aménagement conclue le 5 septembre 2013 avec la Commune de [Localité 23] ;
- l'avenant n°1 signé le 22 décembre 2015 ;
- l'arrêté d'insalubrité remédiable du 21 novembre 2000.

L'ensemble des documents ainsi produits, établit que la Commune de [Localité 23], en sa qualité de copropriétaire majoritaire, pour détenir plus du tiers des tantièmes de copropriété, avait le pouvoir d'influencer voire d'imposer les décisions prises au sein de la copropriété et qu'elle avait également le pouvoir d'intervenir auprès du syndic pour faire respecter les décisions prises en assemblée générale, en particulier les travaux de consolidation des planchers des rez-de-chaussée/cave votés lors de l'assemblée générale du 02 juillet 2012, ce qu'elle ne démontre pas avoir fait.

L'EPFIF indique que les travaux ne pouvaient être engagés dès lors que les appels de fonds n'étaient pas payés. Toutefois, les pièces versées aux débats démontrent que le 29 janvier 2015 440 000 € avaient été payés, soit 80 % des 587 550 € votés, ce qui était suffisant pour engager les travaux. En outre, la totalité de la somme, soit 587 550 €, a bien été versée par les copropriétaires puisqu'en avril 2015, le syndic a procédé, sans vote de l'assemblée générale, au remboursement de la somme de 143.130 € et le 04 avril 2018, le syndic a procédé, sur vote de l'assemblée générale, au remboursement de la somme de 444.420 € (143 130 + 444 420 = 587 550).

Il résulte aussi de ces documents que si en avril 2015 le syndic a remboursé une partie du compte travaux, la copropriété, en ce compris la Commune de [Localité 23], n'a décidé du remboursement de la somme restante de 444 420 € qu'en avril 2018, à une date où la décision d'arrêté de péril et de destruction des bâtiments est déjà prise, même si elle ne sera formalisée que le 12 avril 2018. Il y a d'ailleurs lieu de souligner qu'en qualité de copropriétaire majoritaire, la Commune de [Localité 23] ne s'est pas opposée au remboursement anticipée du compte travaux et n'a pas non plus demandé d'explications au syndic à ce sujet.

Il est également établit qu'en cette même qualité de copropriétaire majoritaire, la Commune de [Localité 23] était parfaitement informée au moins depuis juillet 2012 de l'état des immeubles et de la nécessité des travaux de renforcement de la structure des planchers qu'elle a d'ailleurs voté.

Néanmoins, elle a choisi de ne pas intervenir auprès du syndic et d'organiser parallèlement un diagnostic pré-opérationnel, dont l'EPFIF s'est bien gardé de produire le rapport technique en dépit de la demande du juge de l'expropriation en ce sens. Or, il y a lieu de s'interroger sur la nécessité et les motivations réelles de la Commune pour diligenter cette nouvelle étude technique alors que des travaux d'importance sur la base d'une précédente étude technique réalisée par un architecte avaient été votés et non encore réalisés.

À cet égard, il y a lieu de souligner que si lors de l'assemblée générale du 22 mai 2014 et lors de la réunion du 29 janvier 2015, la Commune a présenté les objectifs de ce diagnoscit pré-opérationnel ainsi que les différents scénariis envisagés, notamment la prise d'un arrêté de péril, en revanche, elle n'a pas attiré l'attention des autres copropriétaires sur les risques susceptibles de découler d'un tel arrêté et en particulier sur la possibilité d'une procédure d'expropriation pour résorption de l'habitat insalubre.

De plus, l'attention de la Commune de [Localité 23], a également été attirée, à plusieurs reprises à compter de 2012, sur les conséquences néfastes de l'absence d'occupation de ses biens, mais qu'elle est toutefois restée passive pendant plusieurs années, au moins entre 2012 et 2016, en laissant inoccupés et sans chauffage les appartements lui appartenant, favorisant ainsi leur occupation illicite et participant à la dégradation irrémédiable des immeubles.

L'EPFIF soutient que la Commune de [Localité 23] n'est pas restée inactive, notamment en ce qu'elle a saisi le Président près le tribunal de grande instance de Bobigny le 14 octobre 2016 aux fins de désignation d'un syndic après le non renouvellement du syndic estimant que ce dernier ne se mobilisait pas suffisamment pour faire face aux difficultés rencontrées par la copropriété.
Or, il lui appartenait, en sa qualité de copropriétaire, si elle n'entendait pas reconduire le syndic, de faire les démarches nécessaires préalablement à la tenue de l'assemblée générale, pour s'assurer d'une ou plusieurs autres candidatures afin de ne pas laisser la copropriété dépourvue de syndic. En tout état de cause, la Commune de [Localité 23] ne démontre pas avoir engagé une quelconque action en vue d'obtenir la réalisation des travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble et pourtant votés.

En outre, ces documents démontrent que la Commune de [Localité 23], en sa qualité de collectivité territoriale en charge de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, n'a pris aucune mesure concrète avant le 12 avril 2018, alors qu'elle était informée de la situation de la copropriété depuis 2000. En effet, si dès le 21 novembre 2000, elle a pris un arrêté de péril remédiable mettant en demeure les copropriétaires d'effectuer, dans un délai de deux ans, dans les parties communes de la copropriété notamment la remise en état des planchers hauts situés dans les cave, elle ne démontre pas avoir effectué la moindre démarche pour en obtenir l'application avant l'arrêté de péril du 12 avril 2018 aux termes duquel elle réclame la démolition des immeubles de la copropriété.

Il convient de souligner qu'aux termes même de cet arrêté du 21 novembre 2000 et en application de l'article L331-29 du code de la santé publique qui y expressément cité, si les mesures prescrites n'ont pas été exécutées dans le délai imparti, le maire ou, à défaut, le préfet, procède, au moins deux mois après une mise en demeure du propriétaire dans les formes prévues à l'article L 1331-27 du code de la santé publique et demeurée infructueuse, à l'exécution d'office des travaux. Or, deux ans après cet arrêté du 21 novembre 2000, ni le maire, ni le préfet, n'ont procédé à une mise en demeure, ni à l'exécution d'office des travaux pourtant réclamés.

L'EPFIF fait valoir que la copropriété a fait l'objet d'une attention particulière de la part de la Commune de [Localité 23] qui l'a fait bénéficier de plusieurs dispositifs d'aide. Toutefois, en dépit de la demande du juge de l'expropriation en ce sens, elle n'a produit aucun document permettant d'établir d'une part, la réalité de ces dispositifs et d'autre part, leurs conclusions. Dans ces conditions, il n'est démontré une connaissance des difficultés de la copropriété et une intervention de la Commune qu'à compter de l'arrêté du 21 novembre 2000.

En outre, il est pour le moins surprenant de constater que l'arrêté de péril du 12 avril 2018 ne mentionne pas la Commune de [Localité 23] dans la liste des copropriétaires qu'elle met en demeure de démolir leur bien alors qu'à cette date, elle détient toujours plus du tiers des tantièmes de ladite copropriété, de sorte qu'il y a lieu de remarquer que la Commune de [Localité 23] a mis en demeure tous les copropriétaires sauf elle-même.

De la même manière et en dépit de la demande expresse du juge de l'expropriation en ce sens , l'EPFIF n'a fourni aucun document ni explication, sur la vente ou la cession, à titre gratuit ou à titre onéreux et selon quel montant, des biens qui appartenaient à la Mairie au sein de la copropriété. Cette absence d'explication et de justificatifs permet de considérer que ces appartements n'ont pas été cédés gratuitement, mais selon le même prix moyen que celui constaté dans le tableau ci-dessus à savoir 1828 € en moyenne.

La Mairie de [Localité 23] s'est donc trouvée dans une position des plus ambiguë, à la fois copropriétaire majoritaire n'ayant effectué aucune démarche positive pour faire réaliser les travaux pourtant votés pour la sécurisation des immeubles, mais également autorité en charge de prendre et faire respecter les arrêtés de péril, préalable procédural indispensable à la mise en œuvre de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique sur le fondement de la lutte contre l'habitat insalubre, dont elle n'a pas assuré l'effectivité et enfin mandataire de l'EPFIF qu'elle a chargé de mettre en œuvre la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique sur le fondement de la lutte contre l'habitat insalubre.

Dans ces conditions, il est suffisamment démontré que le comportement de passivité que la Commune de [Localité 23] a adopté pendant plusieurs années, entre 2000 et 2018, a permis l'absence de réalisation des travaux nécessaires pour prévenir l'insalubrité des immeubles situés [Adresse 7], au risque de les laisser se dégrader jusqu'à ce que la seule solution pour y remédier soit leur démolition. Son inaction pendant près de 18 ans, lui a ainsi permis de procéder, par le biais de l'EPFIF, à l'expropriation de toute la parcelle sur le fondement de la lutte contre l'habitat insalubre en recourant à la méthode d'évaluation de la récupération foncière, donc à moindre frais, en tout état de cause au détriment des autres copropriétaires.

La Commune de [Localité 23], n'a donc pas réagit en temps utiles, puisqu'elle n'a pris aucune mesure concrète entre le 21 novembre 2000 et le 12 avril 2018, ni de façon correcte, en faisant acquérir par l'EPFIF les biens composant la copropriété, notamment les siens, à un prix supérieur à celui résultant de l'application de la méthode par récupération foncière, ni avec la plus grande cohérence, notamment en diligentant un diagnostic pré-opérationnel sur l'état de la copropriété au lieu de faire réaliser les travaux nécessaires et pourtant votés lors de l'assemblée générale du 02 juillet 2012.

Ainsi, nonobstant les buts légitimes recherchés par la loi Vivien, le recours forcé à la méthode par récupération foncière qu'elle prévoit, aboutit à placer les consorts [V] dans une situation qui rompt le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l'intérêt général : leur retirer définitivement et intégralement la propriété de leur bien au profit de l'EPFIF, mandaté par la Commune de [Localité 23], sans une indemnisation raisonnablement en rapport avec la valeur vénale de leurs biens alors que la Commune de [Localité 23] a participé, par son inaction pendant près de 18 ans, à l'état d'insalubrité irrémédiable de la copropriété et qu'elle a vendu ses propres biens au sein de la copropriété selon un prix supérieur à l'indemnisation proposée aux expropriés, se révèle une charge démesurée qui ne se justifie pas sous l'angle du second alinéa de l'article 1 du Protocole n°1.

Dès lors, il y a violation de l'article 1 du Protocole n°1, sans qu'il soit besoin d'examiner, en l'espèce, une quelconque discrimination.

En conséquence, il y a lieu d'écarter l'application de la méthode d'évaluation par récupération foncière de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et il sera procédé à l'évaluation des biens des consorts [V] selon la méthode par comparaison comme pour la cave.

S'agissant des surfaces

Selon le commissaire du Gouvernement, les surfaces sont de :

. 2078 m², s'agissant du terrain ;
. 3000 m² de surface développée pondérée hors œuvre (SDPHO), s'agissant du bâti ; et les millièmes de :
. 44 m², s'agissant des n° 197, et 198,
Aucune des parties ne les contestent, de sorte qu'elles seront retenues pour l'évaluation du bien.

S'agissant de la situation locative

En l'espèce, il a été constaté lors du transport sur les lieux que les biens sont libres d'occupation, ce qui n'est pas contesté.

Ils seront par conséquent évalués en valeur libre d'occupation et comparés à des biens cédés libres

Sur l'indemnité principale

L'indemnité principale de dépossession correspond à la valeur vénale de l'appartement et de la cave ainsi qu'aux tantièmes des parties communes de la copropriété associés à ces lots.

La valeur des biens dont les consorts [V] sont dépossédés sera déterminée par comparaison entre, d'une part, la consistance des biens présentés à titre de termes de comparaison et leurs valeurs d'échange et, d'autre part, les caractéristiques des biens à évaluer.

Pour déterminer les indemnités de dépossession revenant aux consorts [V] au titre de l'expropriation d'un appartement (lots n°197 et 198 réunis) et de deux caves (lots n°217 et 218), le commissaire du Gouvernement se réfère à des termes de comparaison comprenant uniquement un appartement et ajoute à la valeur retenue une somme de1900€, correspondant à la valeur d'une cave.

Or, les termes de comparaison produits par les parties ne font pas apparaître de différence de valeur significative selon qu'il s'agit d'un appartement avec cave ou sans cave.

Il est ainsi suffisamment démontré que la vente d'une cave comme accessoire d'un appartement n'est ni un facteur de plus-value, ni un facteur de moins-value, de sorte qu'il n'apparaît pas justifié de déterminer la valeur du bien en ajoutant à la valeur retenue pour l'appartement, la valeur d'une cave.

sur les termes de référence proposés par les parties

- termes de comparaison produits par l'EPFIF
(DEM signifie demandeur à la procédure et désigne en l'espèce l'EPFIF)

L'EPFIF qui n'a envisagé que l'utilisation de la méthode d'évaluation par récupération foncière ne produit que des termes de comparaison relatifs à des terrains, de sorte qu'ils ne seront pas retenus.

- termes de comparaison cités par le commissaire du Gouvernement
(CG signifie commissaire du Gouvernement)

Aux termes de ses dernières conclusions reçues le 31 janvier 2024, s'agissant de l'appartement, le commissaire du Gouvernement propose les termes de comparaison suivants :

Date de mutation
Ref.
Cadastrales
Adresse
Situ-ation
Surface
Carrez
Prix
total
Prix/m²
CG n°1
30/03/2023
9304P01
2023P08333
49//C/49//116
[Adresse 9]
[Localité 21]
libre
29,14 m²
141 000 €
4838,71€
Observations : Vte part/SC lot de copropriété n°16 dans un bâtiment unique, au 1er étage un studio avec entrée, coin cuisine, coin nuit, salle d’eau et wc. Situé à 650 mètres
CG
n°2
21/10/2020
9304P04
2020P04953
49//C/48//3
[Adresse 10]
libre
19,95 m²
112 000 €
5614,04 €
Observations : Vte part/part. Lot de copropriété n°3 dans le bâtiment A au 1er étage, un studio avec salle d’eau, wc et cuisine, situé à 550 mètres.
CG
n°3
06/10/2020
9304P
2020P04596
49//B/513//4
[Adresse 12]
libre
11,49 m²
64 800 €
5639,69 €
Observations : Vte part/part lot de copropriété n°4, bâtiment A au 1er étage un studio divisé en une pièce, une cuisine, une salle d’eau et wc indépendants, situé à 300 mètres
CG
n°4
21/01/2021
9304P04
2021P00616
49//A/634//3-2
[Adresse 18]
[Localité 21]
libre
22,42 m²
108 000 €
4817,13 €
Observations : Vte part/part. Dans un immeuble en copropriété 2 lots réunis (lot 2 et 3) formant un appartement d’une pièce avec coin cuisine, salle d’eau et wc, situé à 500 mètres
CG
n°5
09/06/2022
9304P01
2022P16148
49//C/2718//7
[Adresse 14]
[Localité 21]
libre
28,31 m²
150 000 €
5298,48 €
Observations : Vte part/part lot de copropriété n°7, dans le bâtiment A, un appartement comprenant entrée, cuisine, salle de séjour, salle d’eau avec wc, escalier privatif donnant accès au 1er étage, situé à 350 mètres.
CG
n°6

07/02/2022
9304P01
2022P04858
64//BI/14//45
[Adresse 2]
[Localité 23]
libre
28,53 m²
138 000 €
4837,01 €
Observations : Vte part/part dans le bâtiment C lot n°45 au 1er étage, un logement comprenant un couloir d’entrée, escalier, salle à manger-cuisine, chambre, salle de bain avec wc, situé à 1 km.
CG
n°7
27/10/2020
9304P05
2020P03873
67//AX/64//136-127
[Adresse 7]
[Localité 23]
libre
23 m²
33890 €
1473,47 €

Observations : Rejeté car vente par EPFIF, marché captif donc non représentatif

La moyenne des six premiers termes de comparaison est de 5174,18 €/m² arrondi à 5175 €/m².

Après application d'un abattement de 50% en raison du caractère particulièrement dégradé de la copropriété et de l'appartement non habitable en l'état, le commissaire du Gouvernement retient un montant de 2587,50 € arrondi à 2585 €/m² (5175€ x 0.50).

Le commissaire du Gouvernement ajoute les termes suivants correspondant à des ventes d'appartement construits entre 1880 et 1960 d'une superficie comprise entre 30 et 50 m², situés dans un rayon de 1km autour du bien à estimer :

Date de mutation
Ref.
Cadastrales
Adresse
Situation
Surface
Carrez
Prix
total
Prix/m²
CG n°8
02/02/2022
9304P01
2022P04025
49//B/88/38
[Adresse 11]
[Localité 21]
libre
34,33 m²
120 000 €
3495,48€
Observations : Vte part/SCI un appartement comprenant : entrée, salon, chambre, salle d’eau, cuisine, wc et balcon sur la rue
CG
n°9
30/03/2022
9304P01
2022P09187
49//C/2718//12
[Adresse 14]
[Localité 21]
libre
43,67 m²
184 000 €
4213,42 €
Observations : Vte part/part. Au premier étage un appartement composé de entrée, chambre, salle de séjour, cuisine, salle de bains avec wc et placards
CG
n°10
08/11/2022
9304P01
2022P33897
49//B/228//50
[Adresse 3]
[Localité 21]
libre
34,01 m²
185 230 €
5446,34 €
Observations : Vte part/part au premier un appartement comprenant une entrée une cuisine, un séjour, une chambre, une salle de bain et un wc
CG
n°11
24/02/2022
9304P01
2022P06154
64//BE/140//1
[Adresse 16]
[Localité 23]
libre
31,54 m²
100 000 €
3170,58 €
Observations : Vte Sté/part. Au rez de chaussée avec accès par la rure Jean Jaurès, un appartement de deux pièces principales comprenant : entrée, salon avec coin cuisine, une chambre, salle d’eau avec wc
CG
n°12
07/02/2022
9304P01
2022P04858
64//BI/14//45
[Adresse 2]
[Localité 23]
libre
28,53 m²
138 000 €
4837,01 €
Observations : Vte part/part au premier étage, un logement comprenant : couloir d’entrée, escalier, salle à manger-cuisine, chambre, salle de bains avec wc

La moyenne de ces 5 termes de comparaison est de 4.232,57 €/m² arrondi à 4.230 €/m².

Après application d'un abattement de 50% en raison du caractère particulièrement dégradé de la copropriété et de l'appartement non habitable en l'état, le commissaire du Gouvernement retient un montant de 2115 €/m² (4.230 € x 0.50).

Il considère que cette valeur doit être retenue pour l'estimation des biens compris entre 30 et 50 m².

Ni l'EPFIF, ni les consorts [V] ne formule de critique à l'égard des termes de comparaison proposés par le commissaire du Gouvernement.

En l'espèce, pour être comparé avec le présent bien ;

- les termes CG n° 1 à 5 et 8 à 10 ne seront pas retenus, car ils sont situés dans une autre commune que celle de [Localité 23] ;

- les termes CG n° 6, 7, 11 et 12 seront retenus selon une valeur moyenne de 3.160,35 €/m² arrondi à 3.160€/m², car ils sont relatifs à des ventes de biens situés dans la même commune, dans le même quartier voire dans la même copropriété et d'une surface équivalente à celle du bien en question.

Étant observé que les termes CG n° 6 et 12 correspondent à la même vente et que le terme n°7 doit être privilégié car il correspond à une vente au sein de la même copropriété où se situe le bien à évaluer et que contrairement aux affirmations du ommissaire du Gouvernement cette vente portait sur un appartement et une cave.

- termes de comparaison versés par les consorts [V]
(DEF signifie défendeur à la présente procédure et désigne les consorts [V])

Les consorts [V] produisent sept termes de référence.

Date de mutation
Ref.
Cadastrale
Adresse
Situation
Surface Carrez
Prix total
Prix/m²
DEF n°1
25/01/2022
9304P0120
22P03947
B 1324 – lots n°8 et 2
[Adresse 1]
[Localité 21]
libre
30 m²
190 000 €
6333,33€
DEF n°2
07/02/2022
9304P0120
22P04858
B 421 – lots n°22 et 7
[Adresse 2]
libre
30 m²
138 000 €
4600 €
DEF n°3
09/05/2023
9304P0120
23P12652
AX 63 – lots n°3 et 26
[Adresse 6]
[Localité 23]
libre
41 m²
197 000 €
4804,88 €
DEF n°4
06/01/2023
9304P0120
23P01072
AT 97 – lots n°26 et 4
[Adresse 4]
[Localité 23]
libre
36 m²
195 000 €
5416,67 €
DEF n°5
30/03/2023
2023P08333
C 49 – lot n°116
[Adresse 9]
[Localité 21]
libre
29,14 m²
400 000 €
4838,71 €
DEF n°6
19/01/2023 9304P012023P03059
AX 196 – lots n°19 et 62
[Adresse 5]
[Localité 23]
libre
49 m²
175 910 €
3787,08 €
DEF n°7
30/11/2022 9304P012022P33967
B 1237 – lots n°4 et 6
[Adresse 8]
[Localité 21]
libre
cave
50 m²
195 000 €
3900 €

La moyenne de ces 7 termes de comparaison est de 4.811,14 €/m² arrondi à 5.000 €/m².

Les expropriés réévaluent le prix à 5.200 €/m² compte tenu des caractéristiques exceptionnelles du bien en termes de localisation et de proximité des services et des transports, et de la présence d'une cave, non présente dans les termes de référence.

Après application d'un abattement de 50% en raison du caractère particulièrement dégradé de la copropriété et de l'appartement non habitable en l'état, les consorts [V] retiennent un montant de 2.600 €/m² (5.200 € x 0.50).

Ni l'EPFIF, ni le commissaire du Gouvernement ne formule de critique à l'égard des termes de comparaison proposés par les consorts [V].
En l'espèce, pour être comparé avec le présent bien ;

- les termes DEF n° 1, 5 et 7 ne seront pas retenus, car ils sont situés dans une autre commune que celle de [Localité 23] ;

- les termes DEF n°2, 3, 4 et 6 seront retenus selon une valeur moyenne de 4.652,16 €/m² arrondi à 4,652 €/m², car ils sont relatifs à des ventes de biens situés dans la même commune, dans le même quartier voire dans la même rue et d'une surface équivalente à celle du bien en question.

Sur la détermination de l'indemnité principale

Ainsi, après examen des termes de comparaison soumis par les parties, 8 références ont été jugées pertinentes et sont retenues :
- les termes du commissaire du Gouvernement n° 6, 7, 11 et 12 selon une valeur moyenne de 3.160 €/m² ;
- les termes des consorts [V] n°2, 3, 4 et 6 selon une valeur moyenne de 4.652 €/m².
étant rappelé que les termes CG n°6 et 12 correspondent à la même vente et ne peuvent donc être comptabilisé deux fois et que le terme CG n°7 doit être privilégié.
La moyenne des références hors copropriété sise [Adresse 7] est la suivante :
(4.837,01 € + 3.170,58 € + 4.600 € + 4.804,88 € + 5.416,67 € + 3.787,08) /6 = 4.436,04 € /m²
Il convient d'appliquer une abattement de 70% tenant compte de l'état particulièrement dégradée de la copropriété, de son inhabitabilité et de ses finances obérées, qui justifie qu'une valeur inférieure à la moyenne dégagée soit retenue, soit la moyenne arrondie de 1.331 €/m² (4.436,04 € x 0,30).
Au regard, d'une part, de la valeur moyenne de 1.331 €/m² et de la valeur moyenne privilégiée de 1.473 €/m², et, d'autre part, des caractéristiques des biens à évaluer, notamment son bon état d'entretien non contesté par l'EPFIF, il convient de fixer la valeur du mètre carré pour l'évaluation des biens des consorts [V] à la somme arrondie de 1.402 €/m² ((1.331+1.473)/2).
En conséquence, l'indemnité principale de dépossession s'agissant des lot n°197 et 198 (appartements) et des lots n°217 et 218 (caves) est évaluée à la somme de 61.688 € (1.402€ x 44 m²) en valeur libre.
Sur l'indemnité de remploi
Aux termes de l'article R.322-5 du code de l'expropriation, l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale. Sont également pris en compte dans le calcul du montant de l'indemnité les avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l'acquisition de biens de remplacement.

En l'espèce, ils ont pour base le montant de l'indemnité principale, à savoir 61.688,00 €.
Ils sont liquidés comme suit :

20% sur 5.000 € = 1.000 €
15% sur 10.000 € = 1.500 €
10% sur 46.468 € = 4.668,80 €
Total : 7.168,80 €

Sur l'indemnité totale de dépossession

L'indemnité totale de dépossession foncière est de 68.856,80 €, soit :

- 61.688,00 € au titre de l'indemnité principale ;
- 7.168,80 € au titre de l'indemnité de remploi.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'expropriation, l'EPFIF sera condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

En l'espèce, l'équité commande de condamner l'EPFIF à payer aux époux [V] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'expropriation, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de transport du 19 octobre 2023 ;

FIXE l'indemnité due par l'Etablissement Public Foncier d'Île-de-France aux consorts [V] au titre de la dépossession des lots n°197 et 198 (appartement), [Cadastre 20] et 218 (caves) du bâtiment 6 de la copropriété située [Adresse 7] à la somme de 68.856,80 € (soixante-huit mille huit-cent-cinquante-six euros et quatre-vingt centimes), en valeur libre, se décomposant comme suit :

- 61.688,00 € au titre de l'indemnité principale ;

- 7.168,80 € au titre de l'indemnité de remploi ;

CONDAMNE l'Etablissement Public Foncier d'Île-de-France aux dépens ;

CONDAMNE l'Etablissement Public Foncier d'Île-de-France à payer aux consorts [V] la somme de 3000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Maxime-Aurélien JOURDE

Greffier
Rémy BLONDEL

Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 3
Numéro d'arrêt : 23/00041
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;23.00041 ?
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