Demande d'avis
n° P 25-70.009
Juridiction : le tribunal judiciaire de Versailles
LM
Avis du 12 juin 2025
n° 15014 B
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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COUR DE CASSATION
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Première chambre civile
Énoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu, le 17 mars 2025, une demande d'avis formée le 18 février 2025 par un juge aux affaires familiales, statuant en qualité de juge de la mise en état, du tribunal judiciaire de Versailles, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance en divorce opposant M. [W] à Mme [X].
2. La demande est ainsi formulée :
« Dans le régime de la participation aux acquêts, la jurisprudence de la 1re chambre civile de la Cour de cassation résultant de son arrêt n° 21-25.554 rendu le 13 décembre 2023, selon laquelle "Lorsque l'état d 'un bien a été amélioré, fût-ce par l'industrie personnelle d'un époux, il doit être estimé dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de la dissolution du régime matrimonial, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l'époux propriétaire", s'applique-t-elle à tous les biens, y compris à l'entreprise exploitée sous forme sociétaire par l'un des époux ? »
Examen de la demande d'avis
3. Selon l'article 1569 du code civil, pendant la durée du mariage, le régime de participation aux acquêts fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. À la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l'autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
4. Selon l'article 1570 du même code, le patrimoine originaire comprend les biens qui appartenaient à l'époux au jour du mariage et ceux acquis depuis par succession ou libéralité, ainsi que tous les biens qui, dans le régime de la communauté légale, forment des propres par nature sans donner lieu à récompense.
5. Selon les articles 1571 et 1574 de ce code, les biens compris dans le patrimoine originaire comme dans le patrimoine final sont estimés à la date de la liquidation du régime matrimonial, d'après leur état au jour du mariage ou de l'acquisition pour les biens originaires et d'après leur état à la date de la dissolution du régime pour les biens existant à cette date. Si les biens du patrimoine originaire ont été aliénés, on retient leur valeur au jour de l'aliénation.
6. Il en résulte que lorsque l'état d'un bien a été amélioré, fût-ce par l'industrie personnelle d'un époux, il doit être estimé, dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l'époux propriétaire (1re Civ., 13 décembre 2023, pourvoi n° 21-25.554, publié).
7. Cette double estimation concerne tous les biens quelle qu'en soit la nature et, le régime de participation aux acquêts tendant à associer chaque époux à l'enrichissement de l'autre pendant le mariage, l'état des droits sociaux doit s'apprécier, comme en matière successorale, au regard de l'état du fonds social dont ils sont représentatifs (1re Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 07-18.041, Bull. 2009, I, n° 168 ; 1re Civ., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-21.839, Bull. 2012, I, n° 219).
8. Il s'ensuit que lorsque l'état d'une entreprise exploitée sous forme sociale a été amélioré, fût-ce par l'industrie personnelle d'un époux, l'état des droits sociaux doit être estimé dans le patrimoine originaire, au regard de l'état initial de l'entreprise et, dans le patrimoine final, au regard de l'état de l'entreprise à la date de la dissolution du régime matrimonial, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l'époux propriétaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
EST D'AVIS QUE la règle selon laquelle « Lorsque l'état d'un bien a été amélioré, fût-ce par l'industrie personnelle d'un époux, il doit être estimé dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de la dissolution du régime matrimonial, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l'époux propriétaire », s'applique à tous les biens, y compris aux droits sociaux, au regard de l'état de l'entreprise exploitée sous forme sociétaire par l'un des époux.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le douze juin deux mille vingt-cinq, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 11 juin 2025 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Champalaune, présidente, Mme Agostini, conseillère rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mmes Lion, Daniel, Marilly, Vanoni-Thiery, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocate générale, Mme Tifratine, greffière de chambre.