LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-81.799 F-D
N° 00224
SL2
26 FÉVRIER 2025
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 FÉVRIER 2025
Mme [O] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-5, en date du 28 février 2024, qui, pour violences aggravées, l'a condamnée à douze mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, l'interdiction définitive d'activité en lien avec les mineurs, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [O] [I], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Des parents d'élèves ont déposé plainte contre Mme [O] [I], institutrice, pour des violences physiques et psychologiques exercées sur leurs enfants.
3. Poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs de violences n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail sur mineurs de quinze ans, Mme [I] a été condamnée à douze mois d'emprisonnement avec sursis probatoire. Le tribunal correctionnel, a, en outre, prononcé sur les intérêts civils.
4. La prévenue a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Sur les cinq premiers moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la prévenue responsable des préjudices subis par [X] [W], [E] [U] et [N] [P] et l'a condamnée à verser à M. [M] [W], ès qualité de représentant légal de [X] [W], la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral, à Mme [T] [R], ès qualité de représentante légale de [E] [U], la somme d'un euro au titre du préjudice moral et à Mme [K] [A], ès qualité de représentante légale d'[N] [P], la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral, alors « que les règles de compétence des juridictions sont d'ordre public et peuvent être invoquées à tous les stades de la procédure ; que tout juge est tenu, même d'office et en tout état de la procédure, de vérifier sa compétence ; que lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'Etat est substituée à la sienne qui ne peut jamais être mise en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants ; que ce régime est également applicable aux enseignants des établissements privés sous contrat d'association avec l'Etat ; qu'il résulte des pièces de la procédure que l'école [1], au sein duquel les actes reprochés à la prévenue auraient été commis, est un établissement privé sous contrat d'association avec l'Etat ; qu'en condamnant la prévenue, après l'avoir déclarée coupable de violences sur trois de ses élèves, à payer des dommages et intérêts aux parties civiles, la cour d'appel a violé l'article L. 911-4 du code de l'éducation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 911-4 du code de l'éducation :
7. Il résulte de ce texte que lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle de l'enseignant à qui la victime ne peut réclamer la réparation de son dommage, quand bien même l'enseignant serait poursuivi pour des faits volontaires.
8. Après avoir déclaré Mme [I] coupable de violences sur mineurs de 15 ans, la cour d'appel l'a condamnée à payer des dommages et intérêts aux parties civiles en réparation de leur préjudice respectif.
9. En prononçant ainsi, alors que les faits ont été commis sur ses élèves, par une enseignante exerçant dans un établissement privé sous contrat, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation, limitée à l'action civile, aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 28 février 2024, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT irrecevable l'action civile dirigée par les représentants légaux des parties civiles mineures contre Mme [I] ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.