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15/05/2024 | FRANCE | N°22-17.195

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation de section, 15 mai 2024, 22-17.195


SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 mai 2024




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 506 FS-B

Pourvoi n° V 22-17.195




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024

M. [H] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-17.195 contre

l'arrêt rendu le 1er février 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Carrefour Supply Chain, société par acti...

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 mai 2024




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 506 FS-B

Pourvoi n° V 22-17.195




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024

M. [H] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-17.195 contre l'arrêt rendu le 1er février 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Carrefour Supply Chain, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [J], de la SCP Spinosi, avocat de la société Carrefour Supply Chain, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er février 2022), M. [J] a été engagé en qualité de préparateur de commandes par la société ED le 25 mai 1998. Son contrat de travail a été transféré à la société Erteco France puis, à compter du 1er avril 2016, à la société Carrefour Supply Chain (la société).

2. Le 16 décembre 2016, un accord de substitution a été conclu, l'article 1.2 de l'accord prévoyant que celui-ci s'applique à compter du 1er avril 2016.

3. Le 14 septembre 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'un rappel de salaires au titre de la modification unilatérale de sa rémunération par son employeur, d'un rappel de salaires au titre de la prime de productivité et de dommages-intérêts pour violation des stipulations conventionnelles.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le troisième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, et sur le deuxième moyen, réunis

Enoncé des moyens

5. Par son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaires à compter du 1er avril 2016, alors :

« 1°/ qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que le contrat de travail du salarié avait été transféré au mois d'avril 2016 et que le statut conventionnel déterminant les grilles de rémunérations avait été mis en cause ; qu'elle aurait dû en déduire que les grilles de rémunération demeuraient applicables pendant la période de survie provisoire consécutive à la mise en cause de l'accord collectif ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle déduction qui s'évinçait pourtant nécessairement de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail ;

2°/ que l'accord collectif n'a pas d'effet rétroactif et ne peut pas être invoqué pour les périodes antérieures à sa conclusion ; que la cour d'appel a considéré que les parties à une convention ou à un accord collectif, dont relèvent les accords de substitution, ont la possibilité de prévoir expressément que les dispositions d'un tel accord auront un effet rétroactif à une certaine date et qu'elle en a conclu que l'accord de substitution pouvait entrer en vigueur dès la date du transfert et n'était affecté d'aucune nullité ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 2261-1, ensemble l'article L. 2261-14 du code du travail ;

4°/ que la rémunération ne peut être modifiée ni dans son montant, ni dans sa structure ; qu'en le déboutant de ses demandes au motif que le montant de la rémunération mensuelle brute telle que prévue par son contrat a été maintenue, le salarié ne soutenant au demeurant pas que la nouvelle structure de sa rémunération aurait eu une incidence négative sur le montant global de sa rémunération, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. »

6. Par son deuxième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaires pour la période du 1er avril au 16 décembre 2016, alors « que l'accord collectif n'a pas d'effet rétroactif et ne peut pas être invoqué pour les périodes antérieures à sa conclusion ; que la cour d'appel a considéré que les parties à une convention ou à un accord collectif, dont relèvent les accords de substitution, ont la possibilité de prévoir expressément que les dispositions d'un tel accord auront un effet rétroactif à une certaine date ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 2261-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, il résulte des constatations de l'arrêt que la structure de la rémunération du salarié était définie par les dispositions conventionnelles en vigueur au sein de la société Erteco France.

8. Par ailleurs, dans ses conclusions devant la cour d'appel, le salarié ne faisait pas valoir que la structure de sa rémunération avait été stipulée à son contrat de travail.

9. En second lieu, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il résulte, d'une part de l'article L. 2261-1 du code du travail qu'une convention ou un accord collectif peut prévoir l'octroi d'avantages salariaux pour une période antérieure à son entrée en vigueur, d'autre part de l'article 2 du code civil qu'une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu'il tient de la loi ou du principe d'égalité de traitement pour une période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord (Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.736, publié ; Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.007, 17-20.008 publié ; Soc., 24 janvier 2007, pourvoi n° 04-45.585, Bull. 2007, V, n° 14 ; Soc., 11 juillet 2000, pourvoi n° 98-40.696, Bull. 2000, V, n° 274).

10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2261-14 du code du travail, lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévu à l'article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure.

11. Il en résulte qu'un accord de substitution peut prévoir des dispositions rétroactives à la date de la mise en cause de la convention ou de l'accord antérieur dès lors que ces dispositions ne privent pas un salarié des droits qu'il tient de la loi, notamment des dispositions de l'article L. 2261-14, alinéa 1er, du code du travail, ou du principe d'égalité de traitement pour une période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord de substitution.

12. En l'espèce, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 2.2.3.1 intitulé « Grilles de rémunération » de l'accord de substitution du 16 décembre 2016, à compter de l'entrée en vigueur de l'accord, les grilles de rémunérations mensuelles de base fixées par le statut conventionnel de la société Erteco France cessent de s'appliquer et la rémunération des salariés de la société Carrefour Supply Chain telle que prévue par les grilles de rémunérations mensuelles de base en vigueur au sein de la société Carrefour Supply Chain, s'applique à tous les salariés de l'entreprise Carrefour Supply Chain et qu'en vertu des dispositions de l'article 1.2 de l'accord de substitution, celui-ci s'applique à compter du 1er avril 2016.

13. Il retient également qu'aux termes de ce même article 2.2.3.1 de l'accord de substitution, « les parties conviennent expressément que la rémunération mensuelle de base des salariés visés au paragraphe précédent se décomposera désormais, sur leur bulletin de paie, sur deux lignes distinctes de la manière suivante :
- salaire de base d'un montant conforme aux grilles de rémunération applicables au sein de la société Carrefour Supply Chain,
- complément de salaire d'un montant correspondant à la différence entre la rémunération mensuelle de base que le salarié percevait avant le transfert de son contrat de travail et celle prévue par les grilles en vigueur au sein de la société Carrefour Supply Chain.
Il est expressément convenu que le montant de ce complément de salaire sera revalorisé des augmentations annuelles et pris en considération pour le calcul des avantages assis sur la rémunération de base. »

14. Dès lors que l'accord de substitution n'a pas modifié le montant de la rémunération de base et la structure de la rémunération résultant des dispositions conventionnelles applicables au sein de la société Erteco France, la cour d'appel a retenu à bon droit que le salarié n'avait pas été privé des droits qu'il tient des dispositions de l'article L. 2261-14, alinéa 1er, du code du travail, les effets des dispositions conventionnelles antérieures à l'égard du salarié ayant perduré durant la période litigieuse, et que l'exception d'illégalité de l'article 1.2 de l'accord de substitution devait être rejetée.

15. Le premier moyen, inopérant en sa quatrième branche, et le second moyen ne sont, dès lors, pas fondés.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui a confirmé le juge du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M.[J] de sa demande de rappel de salaires entraînera également, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui ont rejeté sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

17. Le rejet des trois premiers moyens rend sans objet le quatrième qui tend à une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation de section
Numéro d'arrêt : 22-17.195
Date de la décision : 15/05/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble 04


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation de section, 15 mai. 2024, pourvoi n°22-17.195, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22.17.195
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