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24/04/2024 | FRANCE | N°22-15.967

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation de section, 24 avril 2024, 22-15.967


SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 avril 2024




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 408 FS-B

Pourvoi n° K 22-15.967



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024

Mme [J] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22

-15.967 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à l'association [3], dont le siège est [Adresse 2], ...

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 avril 2024




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 408 FS-B

Pourvoi n° K 22-15.967



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024

Mme [J] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-15.967 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à l'association [3], dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée association [5], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association [3], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 mars 2022), Mme [H] a été engagée en qualité d'agent de service logistique par la maison de retraite [4], devenue l'association [5], aux droits de laquelle se trouve l'association [3], par un contrat de travail à durée déterminée du 3 janvier 2008. A compter du 1er mars 2008, la relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, conclu pour une durée hebdomadaire moyenne de travail de 24,50 heures réparties sur l'ensemble de l'année pour un nombre total d'heures de travail de 1274 heures.

2. Le 16 mars 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, d'obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ainsi que le paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

3. La salariée a été licenciée le 19 avril 2017.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en requalification de son emploi à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet et de ses demandes en paiement de rappels de salaire, congés payés afférents et dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « qu'aux termes de l'article L 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 2 août 2008, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail ; que cet accord doit prévoir
des dispositions de nature à assurer la protection de la liberté du travail des salariés concernés et notamment : (6) les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail o est communiqué par écrit au salarié, (7) les conditions et les délais dans lesquels les horaires o de travail sont notifiés par écrit au salarié ; qu'il en résulte que le contrat de travail à temps partiel modulé conclu en l'absence d'un tel accord collectif ou en l'état d'un accord collectif nul comme ne comportant pas ces dispositions est illicite et doit être requalifié en contrat de travail à temps complet ; qu'en l'espèce la cour d'appel, pour débouter Mme [H] de sa demande tendant à voir requalifier son emploi à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, a énoncé : ''Parmi les motifs de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'appelante invoque tout d'abord plusieurs moyens entraînant, selon elle, la nullité de l'accord collectif du 3 avril 2001 du fait de la violation des conditions posées à l'article L. 212-4-6 du code du travail. Toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient, l'illicéité de l'accord collectif n'est pas de nature à entraîner « nécessairement et automatiquement » la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet'' ; qu'en statuant de la sorte quand, en l'état de l'illicéité de l'accord collectif le prévoyant, faute de comporter les dispositions indispensables à la protection de la liberté du travail des salariés, le contrat de travail à temps partiel modulé était lui-même illicite et devait être requalifié en contrat de travail à temps complet, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-25 du code du travail, ensemble les articles L. 1121-1 du code du travail et 5 du Préambule de la Constitution de 1946. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 212-4-6, alinéas 1 à 10, devenu L. 3123-25, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail d'un salarié à temps partiel peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année, à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail.

7. Il en résulte que l'invalidité de l'accord collectif prévu à l'article L. 3123-25 du code du travail qui est une condition de recours, non au travail à temps partiel mais à la modulation de la durée de travail, n'emporte pas la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, applicable à l'espèce, qu'en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail lui sont notifiés par écrit, le contrat est présumé à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que Mme [H], ''intégrée principalement dans l'équipe de nuit », était liée à l'association [5] par « un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 24,5 heures réparties sur l'ensemble de l'année pour un nombre total de 1274 heures, correspondant à 70 % d'un ETPT'', d'autre part que ''l'employeur ne justifie pas de la transmission à la salariée du programme indicatif de la répartition de la durée du travail annuelle, comme prévu à l'accord de branche ni de ce que ses horaires de travail étaient notifiés individuellement à Mme [H] un mois avant leur application, comme prévu au contrat de travail'' ; qu'en déboutant cependant la salariée de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps complet aux termes de motifs inopérants pris de ce qu'elle avait pu exercer durant la journée d'autres activités, quand, faute de connaître le calendrier indicatif de l'année suivante et le nombre d'heures précis du mois suivant, la salariée était obligée de se tenir constamment à la disposition de l'employeur la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef l'article L. 3123-25 du code du travail, ensemble les articles L. 1121-1 du code du travail et 5 du Préambule de la Constitution de 1946. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 212-4-6, alinéas 1 à 10, devenu L. 3123-25, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 :

10. Il résulte de ce texte qu'en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

11. Pour rejeter la demande en requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, l'arrêt, après avoir constaté que l'employeur ne justifiait ni de la transmission à la salariée du programme indicatif de la répartition de la durée du travail annuelle, comme prévu à l'accord de branche, ni de ce que ses horaires de travail lui étaient notifiés individuellement un mois avant leur application, comme prévu au contrat de travail, retient que l'employeur démontre que l'intéressée travaillait en parallèle pour le compte de particuliers à hauteur de six heures hebdomadaires depuis le mois d'août 2007 et, qu'au cours de la période du 1er septembre 2014 au 28 février 2015, elle avait travaillé pour trois autres employeurs.

12. Il en conclut que l'employeur établit que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

13. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que l'employeur faisait la preuve de ce que la salariée n'avait pas été placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle ne devait pas se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [H] de ses demandes en requalification de son contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, ainsi qu'en paiement d'un rappel de salaire subséquent, outre les congés payés afférents, de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail et d'une indemnité de procédure et en ce qu'il la condamne aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 11 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne l'association [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association [3] et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation de section
Numéro d'arrêt : 22-15.967
Date de la décision : 24/04/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

L'invalidité de l'accord collectif prévu à l'article L. 3123-25 du code du travail, qui est une condition de recours, non au travail à temps partiel mais à la modulation de la durée de travail, n'emporte pas la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

statut collectif du travail - conventions et accords collectifs - conventions diverses - travail à temps partiel modulé - accord collectif de modulation - invalidation par le juge - effets - requalification en contrat de travail à temps complet (non).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon SB


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation de section, 24 avr. 2024, pourvoi n°22-15.967, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22.15.967
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