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05/12/2023 | FRANCE | N°C2301434

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 décembre 2023, C2301434


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° U 23-80.034 F-D


N° 01434




GM
5 DÉCEMBRE 2023




CASSATION




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 DÉCEMBRE 2023




M. [K] [Y], pa

rtie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 14 décembre 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 janvier 2022, n° 20-86.203), dans la procédure suivie sur sa pl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° U 23-80.034 F-D

N° 01434

GM
5 DÉCEMBRE 2023

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 DÉCEMBRE 2023

M. [K] [Y], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 14 décembre 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 janvier 2022, n° 20-86.203), dans la procédure suivie sur sa plainte, contre M. [G] [Z] du chef de diffamation, s'est déclarée incompétente.

Des mémoires, en demande et en défense ont été produits.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K] [Y], les observations du cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [G] [Z], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Suite à la plainte de M. [K] [Y], à raison de propos publiés dans le numéro de décembre 2017 du magazine municipal « [Localité 1] Magazine », M. [G] [Z] a été condamné par les juges du premier degré du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat électif public.

3. Par arrêt du 27 octobre 2020, la cour d'appel a confirmé le jugement.

4. Par arrêt du 18 janvier 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité en ses seules dispositions ayant condamné M. [Z] à indemniser M. [Y] et a renvoyé la cause devant la même cour autrement composée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que la faute résultant des propos diffamatoires tenus par M. [Z] ne présente pas le caractère d'une faute personnelle détachable du service et a déclarée incompétente pour statuer sur les conséquences dommageables des faits dont a été reconnu coupable M. [Z], alors :

« 1°/ que l'agent d'un service public est personnellement responsable devant les juridictions judiciaires, des fautes détachables de ses fonctions ; que pour caractériser la faute personnelle détachable des fonctions, il incombe au juge judiciaire de mettre en perspective le comportement de l'agent avec les fonctions qui lui sont attribuées – ce qui suppose un examen préalable des fonctions en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la faute résultant des propos diffamatoires tenus par M. [Z] ne présentait pas le caractère d'une faute personnelle détachable du service, sans examiner les obligations inhérentes aux fonctions de directeur de la publication du journal municipal, lequel constitue un support du service public de la communication communale ; qu'en procédant de la sorte, elle a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ que l'agent d'un service public est personnellement responsable, devant les juridictions judiciaires, des fautes détachables de ses fonctions ; que présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de directeur de la publication du journal municipal attachée à la qualité de maire, des faits non seulement qui révèlent des préoccupations d'ordre privé ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité, mais encore ceux qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si les faits commis par M. [Z] procédaient d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de ses fonctions de directeur de la publication du journal municipal, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 3 du code de procédure pénale :

6. En application des deux premiers de ces textes, les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire ne sont compétents pour statuer sur les conséquences dommageables d'un acte délictueux commis par l'agent d'un service public que si cet acte constitue une faute personnelle détachable des fonctions.

7. Pour retenir l'incompétence de la juridiction judiciaire aux fins de statuer sur l'action civile, l'arrêt attaqué énonce que la faute résultant des propos diffamatoires tenus par M. [Z] ne présente pas le caractère d'une faute personnelle détachable du service.

8. Les juges rappellent que les propos litigieux ont été tenus par M. [Z] dans le cadre d'une tribune écrite, publiée dans le journal municipal « [Localité 1] Magazine », ainsi que sur le site internet de la ville, et que c'est dans le cadre de sa fonction de directeur de publication, attachée à sa qualité de maire, que M. [Z] devait répondre des publications à paraître dans ce magazine.

9. Ils précisent que la tribune de la majorité figurait à la fin du journal, sur une page dédiée, permettant l'expression des groupes politiques composant le conseil municipal, dont celui du groupe d'opposition auquel appartenait M. [Y], et que, manifestement, les propos litigieux s'inscrivaient dans un débat d'ordre politique, portant sur la gestion des deniers publics tant par l'équipe au pouvoir que par l'opposition qui l'y avait précédée.

10. Ils ajoutent que l'article concerné était signé « les 25 élus de la majorité municipale », qu'il s'est donc agi d'une démarche politique collective et non personnelle, que les propos en question ont été tenus par M. [Z] en qualité d'élu répondant à un autre élu et qu'ils ne relèvent, en l'espèce, d'aucune préoccupation d'ordre privé.

11. Ils indiquent que si M. [Z] était légitimement habilité à informer, par voie de presse locale, les lecteurs et électeurs du comportement public d'un élu en charge des finances de la ville, tenu à un devoir d'exemplarité, en revanche, en imputant la commission de délits à la partie civile par voie d'insinuations, sans base factuelle sérieuse, il avait incontestablement manqué à toute prudence dans l'expression, mais sans pourtant avoir été nécessairement habité par une animosité personnelle à l'endroit de M. [Y].

12. Ils en concluent qu'ainsi M. [Z] a agi sans intention malveillante dans le cadre de l'exercice de sa fonction de maire.

13. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés, pour les motifs qui suivent.

14. En premier lieu, il appartenait à la cour d'appel de rechercher quelles étaient les obligations attachées à la fonction de directeur de la publication
du journal municipal, lequel constitue un support de la mission de service public de la communication communale.

15. En second lieu, il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions du demandeur, si les faits procédaient d'un comportement incompatible avec lesdites obligations et notamment s'ils révélaient, sous couvert de la mission qui lui avait été confiée, une préoccupation d'ordre privé manifestant une intention de nuire.

16. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 décembre 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2301434
Date de la décision : 05/12/2023
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 déc. 2023, pourvoi n°C2301434


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:C2301434
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