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24/05/2023 | FRANCE | N°21-25081

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2023, 21-25081


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mai 2023

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 371 F-D

Pourvoi n° W 21-25.081

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023

La société Wavestone, société anonyme,

dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-25.081 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mai 2023

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 371 F-D

Pourvoi n° W 21-25.081

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023

La société Wavestone, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-25.081 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant à la société Securitas accueil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Wavestone, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Securitas accueil, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 octobre 2021), le 12 juin 2015, la société Solucom, devenue Wavestone, a conclu avec la société Securitas accueil (la société Securitas) un contrat de prestation de services, ayant pour objet l'entretien de ses locaux et diverses tâches de manutention et de maintenance. Au cours du mois d'août 2017, la société Securitas a affecté M. [Z] à la réalisation de ces prestations au sein de la société Wavestone. Un jugement a déclaré M. [Z] coupable du vol commis le 17 août 2017 au préjudice de la société Wavestone de cartons contenant des tickets-restaurant destinés à son personnel et l'a condamné à lui payer la somme de 242 568 euros en réparation de son préjudice. Les tentatives de recouvrement de cette somme restant vaines et soutenant que la responsabilité de la société Securitas était engagée, la société Wavestone l'a assignée en réparation du préjudice subi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société Wavestone fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande principale en paiement et ses autres demandes, alors :

« 1°/ que le principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n'interdit pas la présentation d'une demande distincte ne tendant pas à la réparation d'un manquement contractuel ; que, pour rejeter la demande de la société Wavestone en réparation du préjudice résultant du vol de cartons de tickets-restaurant par un préposé de la société Securitas, fondée sur la responsabilité de cette dernière en qualité de commettant de l'auteur des faits, la cour d'appel a retenu que les parties étaient liées par un contrat de prestation de services définissant l'ensemble des missions et des prestations de service confiées à la société Securitas, et que le vol de cartons dont la société Wavestone avait été victime avait été commis par M. [Z], salarié de la société Securitas, que celle-ci avait détaché dans les locaux de la société Wavestone dans le cadre de l'exécution de ce contrat de prestation de service, ce dont elle a déduit que cette dernière ne pouvait se prévaloir de la responsabilité civile encourue par la société Securitas en qualité de commettant de l'auteur du vol ; qu'en statuant de la sorte, quand elle a considéré, pour débouter la société Wavestone de son action subsidiaire en responsabilité contractuelle, que cette dernière ne rapportait pas la preuve que la société Securitas avait manqué à l'une de ses obligations contractuelles et qu'en chargeant M. [Z] de la manutention de cartons "autres éventuellement que ceux en lien avec les équipements des collaborateurs ou le réapprovisionnement des fournitures d'impression", tel que cela était prévu par l'article 4 des conditions particulières du contrat de prestation de services, la société Wavestone avait confié à ce salarié une mission qui "ne rentrait pas dans les prestations convenues entre les parties", ce dont il résultait que le principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle ne faisait pas obstacle à ce que la société Wavestone puisse se prévaloir de la responsabilité de la société Securitas en sa qualité de commettant du salarié auteur du vol litigieux, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1384, alinéa 5 (devenu 1242 alinéa 5) du code civil, et par fausse application, l'article 1147 (devenu 1231-1) du même code ;

2°/ que le principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle n'interdit pas au créancier d'une obligation contractuelle de rechercher la responsabilité délictuelle de son cocontractant au titre de faits distincts de ceux invoqués comme constituant une inexécution contractuelle ; qu'en jugeant que la société Wavestone ne pouvait se prévaloir de la responsabilité délictuelle de la société Securitas, dans la mesure où le vol litigieux avait été commis par le préposé de cette société, qui l'avait "détaché dans les locaux de la société Wavestone dans le cadre de l'exécution de ce contrat de prestation de service", quand l'action en responsabilité délictuelle contre la société Securitas était fondée sur la responsabilité de plein droit encourue par cette dernière en raison des faits de vol commis par son préposé, tandis que la responsabilité contractuelle de la société Securitas était recherchée, à titre subsidiaire, au titre d'une faute propre commise par cette société, pour ne pas avoir vérifié le passé judiciaire de M. [Z], de sorte que ces deux actions, fondées sur des faits distincts, n'étaient pas exclusives l'une de l'autre, la cour d'appel a encore violé, par refus d'application, l'article 1384, alinéa 5 (devenu 1242 alinéa 5) du code civil, et par fausse application, l'article 1147 (devenu 1231-1) du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1384, alinéa 5, devenu 1242, alinéa 5, du code civil et l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

3. Il résulte de ces textes que le créancier d'une obligation contractuelle peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation des règles de la responsabilité délictuelle pour demander la réparation du préjudice résultant d'un fait distinct, commis par un salarié de ce dernier.

4. Pour rejeter les demandes de la société Wavestone, l'arrêt, après avoir énoncé que lorsque sont réunies les conditions qui donnent lieu à la responsabilité de nature contractuelle, la victime ne peut se prévaloir, quand bien même elle y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle, retient que la société Wavestone recherche la responsabilité de la société Securitas avec laquelle elle était liée par un contrat définissant les conditions d'exécution des prestations de services confiées à cette société sur son site, et que le vol dont elle a été victime a été commis par M. [Z], salarié de la société Securitas que celle-ci avait détaché dans ses locaux en exécution de ce contrat, en qualité de factotum. Il en déduit que la société Wavestone ne peut se prévaloir des règles de la responsabilité délictuelle.

5. En statuant ainsi, alors que ses constatations faisaient ressortir que le préjudice n'était pas imputable à l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat, mais exclusivement aux agissements délictueux distincts du salarié de la société Securitas, qui, sur les lieux et à l'occasion de ses fonctions, avait volé des biens dont il devait assurer la manutention, de sorte que la responsabilité délictuelle de la société Securitas du fait de son préposé était engagée, la cour d'appel a violé les textes susvisés par fausse application.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande principale de la société Wavestone, et la condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 5 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Securitas accueil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Securitas accueil et la condamne à payer à la société Wavestone la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-25081
Date de la décision : 24/05/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2023, pourvoi n°21-25081


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.25081
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