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13/09/2022 | FRANCE | N°22-83885

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 septembre 2022, 22-83885


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 22-83.885 F-B

N° 01222

SL2
13 SEPTEMBRE 2022

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 SEPTEMBRE 2022

M. [I] [T] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2022, qui, dans

l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 22-83.885 F-B

N° 01222

SL2
13 SEPTEMBRE 2022

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 SEPTEMBRE 2022

M. [I] [T] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa requête sur ses conditions de détention.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I] [T], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [I] [T] a été placé sous mandat de dépôt correctionnel par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 12 octobre 2021.

3. Le 16 mai 2022, M. [T] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête dénonçant les conditions de sa détention, au visa de l'article 803-8 du code de procédure pénale.

4. Le magistrat saisi, après avoir sollicité, et obtenu le 24 mai 2022, les avis de l'administration pénitentiaire et du ministère public, a ordonné, d'office, l'audition de l'intéressé, qui a été entendu le 25 mai 2022, en présence de son avocat, du procureur de la République et de représentants de la maison d'arrêt.

5. Par ordonnance du 26 mai suivant, la requête a été rejetée.

6. M. [T] a relevé appel de cette décision et a demandé à comparaître devant le président de la chambre de l'instruction.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de comparution personnelle présentée par M. [T], alors :

« 1°/ qu'en matière de détention provisoire, la comparution personnelle, si elle est demandée, est de droit ; que ce principe vaut en particulier lorsqu'une personne détenue sollicite, sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, son transfèrement ou sa remise en liberté à raison des conditions indignes de sa détention ; qu'au cas d'espèce, M. [T], appelant de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la demande de transfèrement ou de remise en liberté qu'il avait formée sur le fondement de ce texte en arguant de l'indignité de ses conditions de détention, avait sollicité expressément, dans sa déclaration d'appel, sa comparution personnelle devant le président de la chambre de l'instruction ; qu'en affirmant, pour rejeter cette requête, que les articles 803-8 et R. 249-36 à R. 249-39 du code de procédure pénale ne prévoyaient pas une possibilité de comparution personnelle du requérant, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs en violation de ces textes, ensemble des article 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que si l'article 803-8 du code de procédure pénale devait être lu comme excluant la comparution personnelle de la personne détenue devant le président de la chambre de l'instruction appelé à statuer sur l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la demande de transfèrement ou de remise en liberté fondée sur l'indignité des conditions de détention, ce texte devrait, sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct, être abrogé en ce qu'il serait contraire au principe constitutionnel d'accès au juge garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. Pour dire irrecevable la demande de comparution de M. [T], l'ordonnance attaquée énonce qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit la possibilité d'une comparution personnelle du détenu devant le président de la chambre de l'instruction statuant comme juridiction d'appel.

9. En prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

10. En premier lieu, la personne détenue qui saisit le juge sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale ne peut se prévaloir des règles applicables en matière de contentieux de la détention provisoire, l'objet de ce texte n'étant pas l'examen du bien-fondé de cette détention, mais celui des conditions dans lesquelles celle-ci se déroule.

11. En second lieu, la procédure applicable aux requêtes en conditions indignes de détention garantit suffisamment le droit d'accès au juge.

12. En effet, il se déduit de la lecture combinée des articles 803-8, R. 249-24 et R. 249-35 de ce même code, d'une part, que la personne détenue peut, au moment du dépôt de sa requête, demander à comparaître devant le juge des libertés et de la détention, d'autre part, que, saisi d'une telle demande, ce magistrat doit procéder à cette audition s'il entend rendre une décision d'irrecevabilité, et, enfin, que si la requête est déclarée recevable, l'audition doit être réalisée avant la décision sur le bien-fondé de celle-ci.

13. Enfin, devant le président de la chambre de l'instruction, la personne détenue peut présenter toutes observations utiles, personnellement ou par l'intermédiaire de son avocat, auxquelles ce magistrat est tenu de répondre.

14. Ainsi, le grief, inopérant en ce qu'il vise l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que l'examen des requêtes en conditions indignes de détention relève des articles 3 et 13 de cette Convention, doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

15. Par arrêt distinct de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; le grief est ainsi devenu sans objet.

Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Vu l'article 803-8, I, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale :

16. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention déclare recevable la requête portant sur l'examen des conditions de détention si les allégations de conditions contraires à la dignité de la personne humaine y figurant sont circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu'elles constituent un commencement de preuve de ce que ces conditions de détention ne respectent pas la dignité de la personne. Cette disposition vise à permettre le recours effectif et préventif exigé par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tout en le réservant aux situations dont la description par le requérant convainc le juge de faire usage de ses pouvoirs de vérification.

17. Il en résulte que le juge des libertés et de la détention ne peut statuer sur le bien-fondé de la requête sans avoir au préalable statué sur sa recevabilité.

18. En l'espèce, en prononçant sur le bien-fondé de la requête, alors que le premier juge n'avait pas au préalable statué sur la recevabilité de celle-ci par une ordonnance rendue conformément à l'article R. 249-21 du code de procédure pénale, mais s'était, au contraire, prononcé notamment en considération d'informations transmises par l'administration pénitentiaire, qu'il n'avait pas à prendre en compte à ce stade, le président de la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

19. La cassation est dès lors encourue.

Portée et conséquences de la cassation

19. Il appartient au président de la chambre de l'instruction de statuer sur la recevabilité de la requête.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-83885
Date de la décision : 13/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Atteinte à la dignité - Recours préventif - Ordonnance du président de la chambre de l'instruction - Comparution de la personne détenue - Irrecevabilité

N'encourt pas la censure l'ordonnance par laquelle le président de la chambre de l'instruction, saisi sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, déclare irrecevable la demande de comparution présentée par la personne détenue, dès lors que l'objet de ce texte n'étant pas l'examen du bien-fondé de cette détention, mais celui des conditions dans lesquelles celle-ci se déroule, cette comparution n'est pas de droit


Références :

Article 803-8 du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Président de la chambre de l'instruction de Paris, 13 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 sep. 2022, pourvoi n°22-83885, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:22.83885
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