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17/04/2019 | FRANCE | N°18-84055

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 avril 2019, 18-84055


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. T... U...,
- M. Z... F...,
- X... B...,
- M. R... K...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 2018, qui les a condamnés, le premier, du chef de détournement de fonds publics, à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 25 000 euros d'amende et à cinq ans d'inéligibilité, le deuxième, du chef de détournement de fonds publics, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'inéligibili

té, le troisième du chef de négligence ayant permis des détournements de fonds, à huit ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. T... U...,
- M. Z... F...,
- X... B...,
- M. R... K...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 2018, qui les a condamnés, le premier, du chef de détournement de fonds publics, à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 25 000 euros d'amende et à cinq ans d'inéligibilité, le deuxième, du chef de détournement de fonds publics, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'inéligibilité, le troisième du chef de négligence ayant permis des détournements de fonds, à huit mois d'emprisonnement avec sursis, le quatrième du chef de recel de complicité de détournements de fonds, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme PLANCHON, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'issue d'une information relative aux conditions d'attribution, entre 2007 et 2010, par le Conseil général de Haute-Corse des aides destinées à la rénovation et à la création de gîtes ruraux, vingt-quatre personnes ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel et, notamment, M. U..., président du Conseil général de Haute-Corse, et M. F..., fonctionnaire territorial, du chef de détournement de fonds publics, s'agissant du premier, pour avoir signé les courriers d'attribution d'aides, les arrêtés de mise en paiement et nommé M F... au poste de contrôleur technique, en sachant que ces aides, reposant sur des dossiers incomplets et concernant des constructions ne correspondant pas au cahier des charges relatif aux gîtes ruraux tel que défini par le Conseil général, n'étaient manifestement pas fondées, s'agissant du second, pour avoir, en qualité de contrôleur technique des travaux, effectué les contrôles des travaux réalisés par les demandeurs, dicté et signé les certificats de contrôle technique constatant la réalisation des travaux sans relever qu'il ne s'agissait pas de gîtes ruraux, selon le cahier des charges établi par le Conseil général de la Haute-Corse, le tout permettant de donner une apparence légale ou réglementaire aux attributions des aides à la création de gîtes, manifestement injustifiées ; que M. B..., directeur général des services du Conseil général a, pour sa part, été renvoyé du chef de négligence ayant permis des détournements pour avoir présenté à la signature du président du Conseil général des arrêtés aux fins d'octroi de l'aide à la création de gîtes ruraux reposant sur des dossiers incomplets, tandis que M. K..., maire de la commune de Costa et rapporteur de la commission du monde rural qui décidait de l'attribution des aides, a été renvoyé devant la juridiction répressive des chefs de prise illégale d'intérêt, de complicité de détournement et de recel de ce délit pour avoir, d'une part, rapporté son propre dossier devant ladite commission et siégé durant la délibération qui l'a approuvé, d'autre part, en connaissance de cause, déposé une demande d'aide contenant les factures de travaux justifiant le déblocage des fonds et un relevé d'identité bancaire ayant permis le virement du montant de l'aide sur son compte bancaire, enfin pour avoir recelé la somme de 45 000 euros ainsi obtenue ;

Que par un jugement du 25 janvier 2017, le tribunal correctionnel de Bastia a déclaré les quatre demandeurs coupables des faits reprochés, les a condamnés pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, en déclarant notamment recevable la constitution de partie civile de l'association Anticor et en condamnant les prévenus à l'indemniser de son préjudice moral ;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. U... ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. F... ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. B... ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. K..., pris de la violation des articles 121-3, 121-4, 121-5, 321-1 et 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. K... coupable de recel de détournement de fonds publics ;

"aux motifs que « L'enquête a fait apparaître des détournements de fonds publics à hauteur de 494 374 euros par l'octroi irrégulier de subventions destinées au développement des gites ruraux, systématiquement à des proches du conseil général de Haute-Corse, sur la base de dossiers incomplets et pour certains quasiment vides, voire alimentés de fausses factures ou faux documents, les mêmes présentées parfois dans les demandes d'administrés différents ; qu'il résulte des auditions et de l'analyse des dossiers saisis que certains ont eu parfois des assurances d'obtenir le bénéfice de l'aide (M..., E..., L..., P...) voire ont été invités à présenter des demandes, pour une aide qui ne bénéficiait pas ou peu de publicité ; que ces détournements avérés ne sont pas contestés par quatorze des bénéficiaires qui, à l'exception de M. K..., sont définitivement condamnés ; que l'octroi indu de ces subventions n'est pas plus discuté par les appelants, chacun se bornant à affirmer avoir tout ignoré et rejetant simplement la responsabilité à un autre niveau de la chaîne de décision ; que la procédure démontre en réalité l'implication à titres divers tant de l'administration que de certains élus ; qu'aux termes des auditions des fonctionnaires et des élus, particulièrement ceux ayant siégé successivement au sein de la commission du monde rural, il apparaît que : - jusqu'en 2007, année précédent les élections cantonales, les dossiers étaient correctement instruits par l'administration départementale et des dossiers complets étaient présentés à la commission du monde rural qui était donc en mesure d'exercer un véritable contrôle ; que l'ancien président de la commission et certains élus consultaient d'ailleurs régulièrement les dossiers. De même, le contrôle sur site effectué par du personnel compétent était réel si bien que l'étude des demandes déposées sur cette période n'a pas détecté de dossiers fantaisistes, les projets correspondant à de véritables gîtes ruraux ; - à compter de 2007, la gestion des listes de bénéficiaires était quasiment confisquée par le directeur des interventions départementales, M. G... ; que le service Habitat et Cadre de Vie n'instruisait plus les dossiers mais son intervention formelle leur conférait l'apparence de la légalité ; qu'iI a été mis en évidence que certaines demandes d'attributions passaient le cap de la commission du monde rural mais également du vote par l'assemblée, sur l'indication d'un seul nom, du nombre de gites et de leur localisation, sans qu'aucun dossier n'ait été déposé ; qu'a la même époque une confusion a pu se créer, la liste présentée devenant commune aux demandes de subventions à la lauze, qui continuaient d'être plus sérieusement contrôlées ; que les aides étaient octroyées après passage devant la commission du monde rural qui, en quelques secondes, sans aucun contrôle sur le travail de l'administration dont elle avalisait systématiquement les propositions, validait des listes de bénéficiaires, elles-mêmes toujours entérinées par l'assemblée départementale ; qu'il est ressorti des débats que nommé par un arrêté de 2005 pour exercer le contrôle des travaux, M. F... n'a réellement investi cette mission qu'à compter de 2007, selon ses propres déclarations, sans consultation de ses prédécesseurs, et en se limitant à une visite des plus formelles ; qu'a la suite de l'ouverture de l'enquête préliminaire, au printemps 2011, le conseil général prenant acte des dysfonctionnements massifs dans l'attribution de l'aide, remplaçait M. F... et mettait un terme au dispositif, le dernier mandatement datant d'août 2010 au profit de Mme M... ; que l'argument selon lequel les aides aux gîtes représentaient pour quatre ou cinq dossiers annuels une part infime du budget du conseil général, n'enlève rien à la gravité du détournement de ces fonds publics pour un montant avoisinant les 500 000 euros. (¿) M. K... : S'agissant des atteintes au droit à un procès équitable qui ont été évoquées, la cour relève qu'elles portent sur des irrégularités éventuelles de la procédure d'instruction, qui n'ont pas fait l'objet de requêtes en nullité à ce stade et qui ont été purgées, à les supposer avérées, par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ; qu'aux termes de la prévention, M. K... est poursuivi pour des faits commis en juin 2006 pour la complicité du délit de détournement de bien public, depuis le 6 juillet 2007 s'agissant du recel de détournement de bien public et entre le 6 mai 2006 et le 7 juillet 2007 s'agissant de la prise illégale d'intérêt ; le premier acte interruptif de la prescription consiste en un soit transmis aux fins d'enquête du procureur de la république du 31 août 2011 ; que le délit de prise illégale d'intérêt se prescrit à compter du dernier acte administratif accompli par l'agent public par lequel il prend ou reçoit un intérêt dans une opération dont il a l'administration ou la surveillance, soit en l'espèce la participation de M. K..., en qualité de rapporteur de la commission du monde rural, à l'assemblée ayant voté le principe de l'aide demandée pour la création de trois gîtes, le 12 juin 2006 ; qu' iI n'apparaît pas qu'il ait participé à d'autres actes administratifs relatifs au dossier présenté au nom de son épouse ; en tout état de cause, le tribunal n'était pas saisi au-delà du 7 juillet 2007 ; que l'infraction de prise illégale d'intérêts apparaît donc couverte par la prescription ; elle ne peut être considérée comme une infraction occulte, alors que figurent au dossier déposé certes au nom de jeune fille de son épouse Mme J..., plusieurs documents au nom de M. K... ; qu'iI est à juste titre observé que la continuité de l'intérêt est déjà sanctionnée par la qualification de recel de détournement de fonds publics, portant sur les mêmes faits ; que pour les mêmes motifs, l'infraction de complicité de détournement de fonds publics portant sur des actes commis en juin 2006, caractérisée par le dépôt en 2006, par le propre rapporteur de la commission du monde rural, sous le nom de son épouse, d'un dossier qui apparaît incomplet, pour obtenir le versement d'une subvention de 45 000 euros pour la rénovation d'un bâtiment dont il n'est pas contesté qu'il n'a jamais été loué à titre saisonnier, est prescrite ; qu'en revanche, le recel de ce délit de complicité de détournement de fonds publics, infraction continue, demeure poursuivable, M. K... demeurant propriétaire du bien rénové, en partie avec le produit du délit ; qu'en conséquence le jugement, sur la culpabilité, sera infirmé uniquement s'agissant des infractions de prise illégale d'intérêts et complicité de détournement de fonds publics dont la cour constate la prescription » ;

"1°) alors que le recel n'étant constitué que si les choses détenues proviennent d'une action qualifiée de crime ou de délit par la loi, en déclarant M. K... coupable de recel de détournement de fonds publics, lorsque les éléments constitutifs de cette infraction ne sont pas réunis, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 321-1 du code pénal ;

"2°) alors que tout jugement de condamnation doit à peine de nullité constater tous les éléments constitutifs de l'infraction qui a motivé la condamnation ; qu'en se bornant à relever que le recel de détournement de fonds publics, infraction continue, demeure poursuivable, et à affirmer de façon péremptoire que le prévenu demeure propriétaire du bien rénové en partie avec le produit du délit, sans jamais établir l'origine des fonds ni la connaissance de cette origine par le prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"3°) alors que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que, après avoir renoncé à louer les appartements, et conformément aux obligations contractuelles souscrites au moment de son attribution, le prévenu avait remboursé la subvention perçue, circonstance de nature à exclure toute intention frauduleuse ;

"4°) alors que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que M. K... n'avait pas déposé de dossier incomplet dès lors que le règlement et ses annexes adopté par délibération du 20 décembre 2007 n'était pas applicable à l'exposant au moment des faits qui lui sont reprochés, circonstance de nature à exclure de plus fort tout élément intentionnel" ;

Attendu que, pour déclarer M. K... coupable de recel de détournement de fonds publics, l'arrêt, après avoir relevé que les détournements par l'octroi irrégulier de subventions destinées au développement des gîtes ruraux systématiquement à des proches du Conseil général sur la base de dossiers incomplets ou même vides ou alimentés par de faux documents, sont établis et non contestés par les bénéficiaires déjà définitivement condamnés et que les conditions d'octroi des subventions étaient précisées par une délibération du 15 décembre 1999, rappelée par une nouvelle délibération du 20 décembre 2007, énonce que le prévenu, maire de Costa, conseiller général et rapporteur de la commission du monde rural de 2004 à 2011, a bénéficié en 2007 d'une subvention de 45.000 euros pour la rénovation de trois appartements en ruine, dont il était propriétaire avec son épouse, après avoir présenté un dossier incomplet sous le nom de jeune fille de celle-ci, qu'il a confirmé que la commission du monde rural, dont les réunions n'excédaient pas une heure trente, adoptait sans discussion ni réserve les listes récapitulatives des demandes présentées fournies par l'administration, sans analyser un seul dossier et sans demander aucune précision, qu'il a admis, avant de revenir sur ses déclarations, qu'il n'avait pas eu l'intention de faire des gîtes ruraux qui n'ont pas été réalisés ; que les juges concluent que, si les faits reprochés de prise illégale d'intérêts et de complicité de détournement de fonds publics se trouvent prescrits, le recel de ce dernier délit reste poursuivable, le prévenu demeurant propriétaire du bien rénové en partie avec le produit du délit ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent le délit de recel reproché en tous ses éléments constitutifs, le remboursement ultérieur de la subvention perçue étant sans incidence, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. F..., pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 3 du Protocole n°1 additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, 131-10, 131-11, 131-26, 132-1, 432-15 et 432-17 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. F... coupable de détournement de fonds publics, l'a condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, a prononcé son inéligibilité pour cinq ans, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que désormais anciens, les faits portent sur le détournement de presque 500 000 euros de fonds publics et constituent, au-delà de l'atteinte aux intérêts financiers de la collectivité, une atteinte particulièrement grave à l'obligation de probité dont tout fonctionnaire ou dépositaire de l'autorité publique est tenu ; ils jettent le discrédit sur le fonctionnement de la collectivité locale et obèrent la confiance que les citoyens doivent pouvoir placer, de façon générale, dans les institutions démocratiques ; que des peines d'emprisonnement apparaissent, dans ces conditions, comme la seule sanction adaptée à la gravité des atteintes portées à l'intérêt public ; que toutefois, aucune mention ne figure au casier judiciaire des cinq prévenus retenus dans les liens de la prévention ; la peine prononcée pour chacun d'eux pourra donc être en totalité assortie d'un sursis ; que trois d'entre eux exercent ou ont exercé des fonctions électorales ; compte tenu de la nature des infractions, il apparaît particulièrement adapté de prononcer à leur encontre, à titre de peine complémentaire, une sanction d'inéligibilité pour une durée de cinq années, en application des articles 432-17 et 131-26 du code pénal ; qu' en considération de ces éléments, des infractions différentes et de la personnalité de chacun des prévenus, les peines suivants seront prononcées : à l'encontre de M. F..., du chef de détournement de fonds publics, maire de Pirelli, qui ne travaille plus mais dispose d'un revenu mensuel de 1 500 euros : dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, outre cinq ans d'inéligibilité ;

"alors que toute peine doit être prononcée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en outre toute atteinte à un droit ou à une liberté ne peut être ordonnée que si elle est strictement proportionnée ; qu'en prononçant une peine d'inéligibilité en énonçant que « compte tenu de la nature des infractions, il apparaît particulièrement adapté de prononcer à leur encontre, à titre de peine complémentaire, une sanction d'inéligibilité pour une durée de cinq années », la cour d'appel qui ne s'est fondée que sur la nature de l'infraction et qui n'a pas apprécié le caractère proportionné de cette peine au regard de l'atteinte portée à la liberté d'expression et au droit d'être éligible, n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu que, pour condamner M. F... à cinq ans d'inéligibilité, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et répondent à l'exigence, résultant des articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale, selon laquelle, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, et dès lors qu'une mesure d'inéligibilité ne porte pas atteinte au principe de la liberté d'expression, la cour d'appel a justifié son choix de prononcer une telle sanction ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation proposé pour M. B..., pris de la violation des articles 2, 2-23, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré recevable l'action civile de l'association Anticor du chef de négligence ayant permis le détournement de fonds publics ;

"aux motifs que « L'association Anticor a reçu l'agrément du ministre de la justice par arrêté du 19 février 2015 et en application de l'article 2-23 du code de procédure pénale, son action est recevable » ;

"alors que l'article 2-23 1° du code de procédure pénale autorise toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions traduisant un manquement au devoir de probité réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ; qu'en déclarant recevable l'action civile de l'association Anticor pour des faits de négligence ayant permis le détournement de fonds publics réprimés à l'article 432-16 du code pénal, infraction hors du champ d'application de l'article 2-23 1° du code de procédure pénale, et sans établir que l'association aurait subi un préjudice direct au sens de l'article 2 du même code, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen" ;

Vu les articles 2 et 2-23 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction et que le second limite l'exercice de l'action civile par les associations agréées de lutte contre la corruption aux seules infractions visées par ce texte ;

Attendu que pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'association Anticor, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi alors que, d'une part, l'infraction prévue par l'article 432-16 du code pénal du chef de laquelle M. B... a été condamné, n'est pas visée par l'article 2-23 du code de procédure pénale, d'autre part, l'association Anticor ne justifie pas d'un préjudice personnel directement causé par le délit poursuivi, au sens de l'article 2 du même code, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Et sur le troisième moyen de cassation, proposé pour M. F..., pris de la violation des articles 475-1, 480-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. F..., solidairement avec Mme H..., M. B... Martini, M. K... et M. U..., à payer à l'association Anticor la somme de 3 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"aux motifs que les prévenus seront condamnés solidairement à payer à l'association Anticor la somme de 3 000 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"alors que la solidarité édictée par l'article 480-1 du code de procédure pénale pour les restitutions et dommages et intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables prévus par l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'en condamnant M. F..., solidairement avec des co-prévenus, à payer à l'association Anticor la somme de 3 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu les textes et principe susvisés";

Vu l'article 475-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 480-1 dudit code ;

Attendu que la solidarité édictée par le second de ces textes pour les restitutions et dommages-intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables ;

Attendu que l'arrêt condamne solidairement les prévenus à payer la somme de 3 000 euros à l'association Anticor au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 9 mai 2018, mais en ses seules dispositions relatives, d'une part, à l'action civile de l'association Anticor à l'égard de M. B..., d'autre part, sur l'application de l'article 475-1 du code de procédure pénale et, par voie de retranchement, en ses dispositions ayant prononcé la condamnation solidaire de M. F... avec les autres prévenus au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DECLARE IRRECEVABLE la constitution de partie civile de l'association Anticor à l'encontre de M. B... ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept avril deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-84055
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 09 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 avr. 2019, pourvoi n°18-84055


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.84055
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