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05/09/2018 | FRANCE | N°17-15866

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 septembre 2018, 17-15866


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 novembre 2016), que, les 5 avril 2005 et 29 août 2007, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti deux prêts à M. et Mme X... ; qu'en garantie de ces prêts, ces derniers ont adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque auprès de la société CNP assurances (l'assureur) ; que, M. X... ayant été victime d'un accident vasculaire cérébral le 18 février 2009, les e

mprunteurs ont demandé la prise en charge du remboursement des prêts par l'assur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 novembre 2016), que, les 5 avril 2005 et 29 août 2007, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti deux prêts à M. et Mme X... ; qu'en garantie de ces prêts, ces derniers ont adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque auprès de la société CNP assurances (l'assureur) ; que, M. X... ayant été victime d'un accident vasculaire cérébral le 18 février 2009, les emprunteurs ont demandé la prise en charge du remboursement des prêts par l'assureur ; que, cette prise en charge leur ayant été refusée le 19 mars 2009 puis le 1er juillet 2010, ils ont assigné la banque pour obtenir la mise en oeuvre de la garantie ; que, mis en cause, l'assureur a accepté le principe de la prise en charge sous réserve que les conditions de la perte totale et irréversible d'autonomie soient remplies ; qu'une expertise médicale a conclu à la perte totale et irréversible d'autonomie de M. X... depuis la date de son accident ; que, par une ordonnance du 19 septembre 2013, le juge de la mise en état a donné acte à l'assureur qu'il confirmait le principe de la mise en oeuvre de la garantie, ordonné la mainlevée du prélèvement des échéances et condamné la banque à rembourser à M. et Mme X... les mensualités reçues depuis le 18 février 2009 ; que M. et Mme X... ont ensuite poursuivi l'indemnisation, par la banque et par l'assureur, de leur préjudice financier et moral ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec l'assureur, à indemniser M. et Mme X... alors, selon le moyen :

1°/ que le contractant est tenu de réparer le seul dommage que son cocontractant subit du fait du manquement qu'il commet à ses obligations ; que le prélèvement indu auquel la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc a procédé en octobre 2013 ne constitue pas la cause, ou une des causes, du préjudice matériel et moral que M. et Mme X... ont subi du fait du refus de garantie injustifié que la société CNP assurances leur a opposé les 19 mars 2009 et 1er juillet 2010, soit quatre ans auparavant ; qu'en faisant état de ce prélèvement indu pour condamner la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc, in solidum avec la société CNP assurances, à réparer ce préjudice matériel et moral, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil ;

2°/ que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en reprochant à la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc d'avoir prélevé, jusqu'à l'ordonnance rendue, le 19 septembre 2013, par la juridiction de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers, les mensualités de remboursement que prévoyaient les prêts qu'elle a consentis à M. et Mme X..., sans justifier que la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc aurait commis un abus ou une faute dans l'exercice du droit de prélèvement que lui accordaient ces deux prêts, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil ;

3°/ que le contractant est tenu de réparer le seul dommage que son cocontractant subi du fait du manquement qu'il commet à ses obligations ; que les prélèvements contractuels auxquels la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc a procédé jusqu'à l'ordonnance rendue, le 19 septembre 2013, par la juridiction de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers ne constituent pas la cause, ou une des causes, du préjudice matériel et moral que M. et Mme X... ont subi du fait du refus de garantie injustifié que la société CNP assurances leur a opposé les 19 mars 2009 et 1er juillet 2010 ; qu'en faisant état de ces prélèvements contractuels pour condamner la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc, in solidum avec la société CNP assurances, à réparer ce préjudice matériel et moral, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil ;

4°/ que, si le banquier souscripteur d'une assurance de groupe est tenu, pendant l'exécution du prêt, d'une obligation de conseil envers son client, il n'est tenu ni de prendre parti sur le refus de garantie que l'assureur oppose à celui-ci, ni d'accomplir des démarches auprès de l'assureur pour l'inciter à accorder à son client une garantie qu'il a lui a refusée par deux fois ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau code civil ;

5°/ que le préjudice consécutif à un manquement à l'obligation de conseil s'analyse en un préjudice résultant de la perte d'une chance d'éviter le dommage finalement subi ; que la réparation à laquelle donne lieu l'application de la théorie des chances perdues est nécessairement moindre que celle à laquelle donnerait lieu le préjudice finalement subi ; qu'en décidant que le manquement de la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc à son obligation de conseil a contribué à l'intégralité du dommage matériel et moral que M. et Mme X... ont subi du fait du refus de garantie injustifié que la société CNP assurances leur a opposé les 19 mars 2009 et 1er juillet 2010, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir estimé, par motifs propres et adoptés, que l'assureur avait fait preuve de mauvaise foi dans la gestion du sinistre, l'arrêt relève que les emprunteurs ont adhéré au contrat d'assurance de groupe par l'intermédiaire de la banque, souscripteur de ce contrat, que celle-ci est restée leur seul interlocuteur, de la conclusion du contrat à l'issue des procédures judiciaires, et que c'est elle qui les a informés à deux reprises du refus de garantie en leur opposant, pour éviter cette prise en charge, des arguments que la simple lecture du contrat permettait d'identifier comme étant faux ; qu'il retient ensuite que c'est en parfaite connaissance de l'ordonnance du juge de la mise en état du 19 septembre 2013 que la banque a prélevé l'échéance du mois d'octobre 2013 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la banque avait, d'abord, manqué à ses obligations en n'informant pas les emprunteurs du caractère manifestement erroné des motifs de refus de garantie transmis par l'assureur et, ensuite, fautivement prélevé l'échéance d'octobre 2013, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et quatrième branches, l'existence d'un lien de causalité entre ces manquements et les préjudices, financier et moral, subis par les emprunteurs du fait de la prise en charge tardive du remboursement du prêt par l'assureur, et donc des prélèvements effectués antérieurement à l'ordonnance du 19 septembre 2013, comme du fait du prélèvement effectué postérieurement à cette ordonnance ;

Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions devant la cour d'appel que la banque ait soutenu que le préjudice causé par les manquements qui lui étaient reprochés ne pouvait consister qu'en une perte de chance ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa cinquième branche et inopérant en ses deuxième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la demande de la société CNP assurances et condamne la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Crcam du Languedoc, in solidum avec la Cnp assurances, à payer à M. et Mme Jean-Pierre X... Y... une indemnité de 15 000 € ;

AUX MOTIFS QUE, « par ordonnance du 19 septembre 2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers a ordonné la mainlevée par la banque du prélèvement affectant le compte des époux X... au titre du prêt de 150 000 € souscrit le 5 avril 2005, l'a condamnée à titre provisionnel à rembourser aux époux X... les sommes prélevées depuis le 8 février 2009 au titre des deux prêts consentis le 5 avril 2005 et le 29 août 2007 » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 4e alinéa) ; que « c'est en parfaite connaissance de cause que la banque a prélevé l'échéance du mois d'octobre 2013 » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 6e alinéa) ; que, « d'une manière générale, le premier juge a justement relevé que la Crcam du Languedoc, souscripteur de l'assurance de groupe, est restée le seul interlocuteur des époux X... de la conclusion du contrat à l'issue des procédures judiciaires, et qu'elle a néanmoins continué à prélever les mensualités des prêts sans faire preuve de prudence ni informer ses clients de leurs droits » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 7e alinéa) ; « que la cour constate au demeurant qu'elle ne justifie d'aucune démarche auprès de l'assureur, son cocontractant, en faveur de son client adhérent à l'assurance de groupe et a également concouru par son inaction à retarder la mise en oeuvre d'une garantie dont il sera reconnu deux ans plus tard qu'elle était acquise » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 1er alinéa) ; que « la cour adopte les motifs pertinents du premier juge, qui a retenu que les manquements de la Crcam du Languedoc ont concouru avec ceux de la Cnp assurances à causer le préjudice certain, moral et financier des époux X... » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 2e alinéa) ; « que la Crcam du Languedoc a commis des manquements à ses obligations d'information de conseil et de loyauté à l'égard de ses clients, les époux X... » (cf. jugement entrepris, p. 5, 3e alinéa) ; que « ces manquements de la Crcam du Languedoc et de la sa Cnp assurances ont concouru ensemble à causer à ces derniers un préjudice certain, préjudice moral et financier » (cf. jugement entrepris, p. 5, 4e alinéa) ; que « ces préjudices seront globalement indemnisés par le versement, de la part de la Crcam du Languedoc et de la sa Cnp assurances, de la somme de 15 000 €, 10 000 € pour le préjudice financier et 5 000 € pour le préjudice moral, somme qui sera supportée in solidum, leurs fautes respectives ayant concouru à l'entière réalisation des préjudices subis » (cf. jugement entrepris, p. 5, 5e alinéa) ;

1. ALORS QUE le contractant est tenu de réparer le seul dommage que son cocontractant subit du fait du manquement qu'il commet à ses obligations ; que le prélèvement indu auquel la Crcam du Languedoc a procédé en octobre 2013 ne constitue pas la cause, ou une des causes, du préjudice matériel et moral que M. et Mme Jean-Pierre X... Y... ont subi du fait du refus de garantie injustifié que la Cnp assurances leur a opposé les 19 mars 2009 et 1er juillet 2010, soit quatre ans auparavant ; qu'en faisant état de ce prélèvement indu pour condamner la Crcam du Languedoc, in solidum avec la Cnp assurances, à réparer ce préjudice matériel et moral, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil ;

2. ALORS QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en reprochant à la Crcam du Languedoc d'avoir prélevé, jusqu'à l'ordonnance rendue, le 19 septembre 2013, par la juridiction de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers, les mensualités de remboursement que prévoyaient les prêts qu'elle a consentis à M. et Mme Jean-Pierre X... Y..., sans justifier que la Crcam du Languedoc aurait commis un abus ou une faute dans l'exercice du droit de prélèvement que lui accordaient ces deux prêts, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil ;

3. ALORS QUE le contractant est tenu de réparer le seul dommage que son cocontractant subit du fait du manquement qu'il commet à ses obligations ; que les prélèvements contractuels auxquels la Crcam du Languedoc a procédés jusqu'à l'ordonnance rendue, le 19 septembre 2013, par la juridiction de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers ne constituent pas la cause, ou une des causes, du préjudice matériel et moral que M. et Mme Jean-Pierre X... Y... ont subi du fait du refus de garantie injustifié que la Cnp assurances leur a opposé les 19 mars 2009 et 1er juillet 2010 ; qu'en faisant état de ces prélèvements contractuels pour condamner la Crcam du Languedoc, in solidum avec la Cnp assurances, à réparer ce préjudice matériel et moral, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil ;

4. ALORS QUE, si le banquier souscripteur d'une assurance de groupe est tenu, pendant l'exécution du prêt, d'une obligation de conseil envers son client, il n'est tenu ni de prendre parti sur le refus de garantie que l'assureur oppose à celui-ci, ni d'accomplir des démarches auprès de l'assureur pour l'inciter à accorder à son client une garantie qu'il a lui a refusée par deux fois ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau code civil ;

5. ALORS QUE le préjudice consécutif à un manquement à l'obligation de conseil s'analyse en un préjudice résultant de la perte d'une chance d'éviter le dommage finalement subi ; que la réparation à laquelle donne lieu l'application de la théorie des chances perdues est nécessairement moindre que celle à laquelle donnerait lieu le préjudice finalement subi ; qu'en décidant que le manquement de la Crcam du Languedoc à son obligation de conseil a contribué à l'intégralité du dommage matériel et moral que M. et Mme Jean-Pierre X... Y... ont subi du fait du refus de garantie injustifié que la Cnp assurances leur a opposé les 19 mars 2009 et 1er juillet 2010, la cour d'appel a violé les articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-15866
Date de la décision : 05/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute - Manquement à l'obligation d'information du client - Applications diverses - Manquement d'un banquier souscripteur d'une assurance de groupe envers les adhérents - Caractère manifestement erroné des motifs transmis par l'assureur pour éviter la prise en charge

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance de groupe - Souscripteur - Obligations - Information de l'assuré - Manquement - Caractère manifestement erroné des motifs transmis par l'assureur pour éviter la prise en charge PRET - Prêt d'argent - Prêt assorti d'un contrat d'assurance de groupe - Souscripteur - Obligations - Obligation d'information - Manquement - Caractère manifestement erroné des motifs transmis par l'assureur pour éviter la prise en charge

Manque à ses obligations la banque, souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe, auquel des emprunteurs ont adhéré par son intermédiaire pour garantir le remboursement d'un prêt, qui, restée leur seul interlocuteur à l'occasion de la survenance d'un sinistre, leur oppose, pour éviter la prise en charge, des arguments que la simple lecture du contrat permet d'identifier comme étant faux, sans les informer du caractère manifestement erroné de ces motifs transmis par l'assureur


Références :

article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 23 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 sep. 2018, pourvoi n°17-15866, Bull. civ.Bull. 2018, IV, n° 88.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, IV, n° 88.

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Capron, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15866
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