Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le centre hospitalier de Valence,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 23 février 2015, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 30 000 euros d'amende, dont 20 000 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 121-3, 221-6, 221-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le centre hospitalier de Valence coupable d'homicide involontaire, l'a condamné à une amende de 30 000 euros dont 20 000 euros avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs propres que l'avocat du centre hospitalier de Valence plaide la relaxe, soutenant qu'aucune faute ne peut être reprochée au directeur de l'établissement à l'époque des faits, M. André X... ; qu'en sa qualité de représentant du maître de l'ouvrage responsable du chantier en cours dans les locaux de l'établissement, M. X..., directeur du centre hospitalier de Valence à l'époque des faits, avait toute compétence et autorité pour ordonner et diriger les recherches ; qu'il a, d'ailleurs, effectivement, personnellement et très rapidement pris en main lesdites recherches, ayant déclaré que les opérations s'étaient déroulées sous ses ordres directs ; que la présence d'un chantier au sein même de l'établissement créait un risque évident, manifeste et permanent, notamment pour les personnes hospitalisées, l'étanchéité entre les deux zones devant, dès lors, être totalement assurée et dûment vérifiée, à peine d'accidents graves, voire mortels ; que Josépha Y... a disparu alors que sa chambre se trouvait dans un secteur de l'hôpital situé à quelques dizaines de mètres seulement du chantier existant au même étage séparé par une porte provisoire dont il s'est révélé qu'elle permettait d'accéder à la zone en travaux mais interdisait d'en sortir ; qu'une erreur humaine permettant une communication entre les deux zones était toujours possible et qu'elle aurait donc dû être envisagée sans se retrancher derrière l'illusoire certitude d'une étanchéité qui n'avait été vérifiée par personne ; qu'en pareilles circonstances, il appartenait au directeur de l'établissement hospitalier d'ordonner que cette zone en chantier très proche de la chambre de la personne disparue soit immédiatement, prioritairement et complètement inspectée et de s'assurer personnellement de l'effectivité de cette recherche, Josépha Y..., qui a survécu entre un et trois jours après avoir pénétré dans la partie en travaux, ayant indubitablement pu être sauvée s'il avait été procédé de la sorte ; qu'en ne procédant pas ainsi, M. X... a commis une faute de négligence en lien avec le décès de Josépha Y... ; que cette faute engage la responsabilité pénale de la personne morale dont M. X... était le représentant légal ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu le centre hospitalier de Valence dans les liens de la prévention ;
" et aux motifs adoptés que le directeur du centre hospitalier, en poste au moment des faits, était entendu au cours de l'information judiciaire ; qu'il a indiqué avoir donné des ordres directs de recherches suite à la disparition de Josépha Y... et fait solliciter les forces de l'ordre ; que ces déclarations ne sont contredites par aucun élément de la procédure ; que, cependant, s'il convient de considérer que les directives données par le directeur de l'établissement auraient pu être suffisantes dans un contexte habituel, il y a lieu de relever, qu'en l'espèce le centre hospitalier était dans une situation particulière, et ce, en raison de l'existence d'une zone de travaux proche des services accueillant des patients ; qu'en présence de cette zone en chantier, intrinsèquement dangereuse, soumise à un statut juridique particulier et supposée être, interdite d'accès à tous, il appartenait au responsable de l'établissement hospitalier de solliciter le maître d'oeuvre de ce chantier et de s'assurer en personne de l'effectivité des recherches dans cette zone ; qu'en ne veillant pas personnellement à l'effectivité des recherches dans tout le chantier, alors qu'il ne pouvait ignorer que le personnel tant administratif que soignant avait l'interdiction de pénétrer dans cette zone, le représentant du centre hospitalier a commis une faute simple de négligence qui est en lien avec le décès de Josépha Y... et qui suffit à engager la responsabilité de la personne morale ;
" alors que le délit d'homicide involontaire n'est caractérisé, en cas de faute d'imprudence ou de négligence, que s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou fonctions, de ses compétences ainsi que des pouvoirs et des moyens dont il disposait ; qu'en se bornant, pour déclarer le centre hospitalier de Valence coupable d'homicide involontaire, à retenir que le directeur du centre hospitalier, alerté de la disparition d'une patiente, aurait dû ordonner que la zone en chantier de l'établissement soit immédiatement, prioritairement et complètement inspectée, s'assurer personnellement de l'effectivité de cette recherche, motifs impropres à caractériser une prétendue insuffisance des diligences accomplies, dès lors que la cour ne constate pas que la nature des missions, des moyens et des compétences du directeur lui permettaient de s'assurer personnellement de l'effectivité desdites recherches, sans qu'il puisse se fier au compte-rendu qui lui en était fait par les équipes de sécurité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Josépha Y..., âgée de 77 ans et atteinte de la maladie d'Alzheimer, a été admise le 12 avril 2006 à l'unité d'hospitalisation de courte durée du service des urgences du centre hospitalier de Valence pour des troubles abdominaux ; que le 14 avril, deux heures avant sa sortie de l'établissement, le personnel infirmier a constaté que la patiente avait disparu du service ; que des recherches ont été vainement effectuées, d'abord dans l'établissement par le personnel hospitalier et le service de sécurité, puis par la police à partir du 15 avril, mais que ce n'est que le 26 avril que le corps sans vie de Josépha Y... a été découvert, par hasard, au premier étage de l'établissement, dans une pièce en cours d'achèvement du chantier du nouvel hôpital ; que l'enquête devait révéler que la patiente avait pénétré dans la zone de chantier par une porte d'accès située directement derrière une porte coupe-feu qu'elle avait pu ouvrir en actionnant une mollette, porte qui, de l'autre côté, ne pouvait être ouverte sans clé, cette inversion des serrures, réalisée afin d'empêcher les ouvriers d'entrer dans le secteur médicalisé, n'ayant été détectée ni par la commission de sécurité qui était passée après la pose des portes ni par l'entreprise privée chargée de la coordination de la sécurité ; qu'il était démontré que Josépha Y... avait dû survivre entre un et trois jours dans cette pièce et qu'elle était décédée d'un arrêt cardiaque favorisé par l'absence de prise alimentaire et de prise hydrique ; que le tribunal correctionnel a déclaré le centre hospitalier coupable d'homicide involontaire ; que le prévenu, ainsi que le ministère public, ont interjeté appel ;
Attendu que, pour déclarer l'établissement coupable des faits visés à la prévention, l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir relevé que le directeur du centre hospitalier, en sa qualité de représentant du maître de l'ouvrage responsable du chantier en cours dans les locaux de l'établissement, avait toute compétence et autorité pour ordonner et diriger les recherches, précisant qu'il les avait effectivement prises en main très rapidement et qu'il avait déclaré que les opérations s'étaient déroulées sous ses ordres directs, retient que la présence d'un chantier au sein même de l'établissement créait un risque évident, manifeste et permanent, notamment pour les personnes hospitalisées, l'étanchéité entre les deux zones devant, dès lors, être totalement assurée et dûment vérifiée, à peine d'accidents graves, voire mortels ; que les juges ajoutent que Josépha Y..., atteinte de la maladie d'Alzheimer, avait disparu alors que sa chambre se trouvait dans un secteur de l'hôpital situé à quelques dizaines de mètres seulement du chantier existant au même étage, séparé par une porte provisoire dont il s'est révélé qu'elle permettait d'accéder à la zone en travaux mais interdisait d'en sortir ; que les juges précisent qu'une erreur humaine permettant une communication entre les deux zones était toujours possible et qu'elle aurait donc dû être envisagée sans se retrancher derrière l'illusoire certitude d'une étanchéité qui n'avait été vérifiée par personne et qu'en pareilles circonstances, il appartenait au directeur de l'établissement hospitalier d'ordonner que cette zone en chantier, très proche de la chambre de la personne disparue, soit immédiatement, prioritairement et complètement inspectée et de s'assurer personnellement de l'effectivité de cette recherche, Josépha Y... ayant indubitablement pu être sauvée s'il avait été procédé de la sorte ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que le directeur, représentant du centre hospitalier, agissant pour le compte de celui-ci, n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de ses missions, de ses compétences, ainsi que des moyens dont il disposait pour conduire les recherches, et que ces manquements sont à l'origine du décès de Josepha Y..., la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que le centre hospitalier de Valence devra payer à la société civile professionnelle MONOD-COLIN et STOCLET, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit du centre hospitalier de Valence ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.