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11/03/2014 | FRANCE | N°13-80440

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2014, 13-80440


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Marc X..., - M. Charles Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 2012, qui, pour complicité de diffamation publique envers un particulier pour le premier et diffamation publique envers un particulier pour le second, les a condamnés chacun à 1500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2014 où étaient présents

dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. L...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Marc X..., - M. Charles Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 2012, qui, pour complicité de diffamation publique envers un particulier pour le premier et diffamation publique envers un particulier pour le second, les a condamnés chacun à 1500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MAZIAU, les observations de la société civile professionnelle FABIANI et LUC-THALER, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALVAT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23, 29, 32, 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré MM. Y... et X... coupables, respectivement comme auteur et complice, du délit de diffamation publique envers un particulier et les a condamnés, en répression, à une amende de 1 500 euros chacun et, sur l'action civile, à payer au Comité de bienfaisance et de secours aux palestiniens (CBSP) la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que sur le caractère diffamatoire des propos, il y a lieu d'examiner si le titre de l'article et chacun des passages visés dans l'acte de poursuite, revêtent un caractère diffamatoire au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; que, sur le premier passage, l'imputation faite au CBSP de récolter des fonds pour le Hamas est diffamatoire car elle contient l'accusation d'un dévoiement de l'objet humanitaire de l'association qui ne serait qu'un paravent pour le financement d'une organisation politique controversée en détournant les sommes versés à l'association de l'usage auquel les destinaient les donateurs ; que la considération que ces derniers peuvent avoir pour l'¿uvre du CBSP serait gravement altérée s'il était établi que l'association s'écartait de l'action humanitaire qui constitue son unique objet et trahissait leur confiance en finançant les actions d'une organisation politique partisane ; que, sur le deuxième passage, l'affirmation que le CBSP entretient des relations fraternelles avec le Hamas n'est que la répétition, soulignée par le membre de phrase "nous l'avons dit", de ce que ces relations se singularisent par la contribution financière apportée par l'association à une organisation politique comme il a été affirmé de façon diffamatoire dans le premier passage cité ; que partant, cette allégation est diffamatoire ; que le rappel du fait que le CBSP a été qualifié en 2004 par le centre Simon-Wiesenthal d'« association française qui finance le terrorisme et qui est proscrite aux Etats-Unis » relaye l'imputation diffamatoire faite au CBSP par l'organisation précitée ; qu'en effet, affirmer qu'une association humanitaire aide le terrorisme dont le principe d'action dénie toute valeur humaine aux personnes qui en sont la cible, est certainement de nature à porter gravement atteinte à la considération que peut porter le publie et les membres de l'association partie civile ; que le financement d'une entreprise étant assimilé à un acte de terrorisme pénalement sanctionné par l'article 421-2-2 du code pénal, imputer de tels faits au CBSP revêt certainement un caractère diffamatoire ; que, sur le troisième passage, affirmer que le caractère "radical" du CBSP a été reconnu par une juridiction française est une imputation diffamatoire ; qu'en effet, l'objet de l'article dont ce passage est tiré, texte dont l'intégralité a été versée aux débats, est de présenter une enquête sur la face cachée du CBSP qui financerait de façon occulte le Hamas et aiderait clandestinement le terrorisme ; que qualifier le CBSP de "radical" alors que son action est humanitaire selon ses statuts associatifs, consiste à lui reprocher d'épouser les vues extrêmes, c'est-à-dire radicales, du Hamas à qui il est reproché de se livrer à des actions destinées à jeter la terreur parmi ses ennemis ; que l'imputation faite au CBSP d'avoir perdu un procès en diffamation est également diffamatoire puisqu'une telle assertion donne à penser au lecteur que l'association a commis un délit visé par la loi sur la presse ; que, sur le quatrième passage, le passage incriminé revêt un caractère manifestement diffamatoire puisqu'il est imputé à une association à but humanitaire d'avoir fait la promotion des terroristes du Hamas en vendant des cassettes vidéo à leur gloire ; que, sur l'offre de preuve ; que pour produire l'effet absolutoire prévu par l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations dans toute leur portée et leur signification diffamatoire ; que la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'est pas rapportée par la défense dans les conditions exigées par la loi ; qu'en effet, les pièces 6 à 11 produites par MM. Y... et X... ne contiennent nullement la preuve du financement du Hamas par le CBSP, s'agissant d'un communiqué de presse mentionnant qu'un spécialiste français du terrorisme signale que le CBSP fait l'objet de procédures judiciaires aux Etats-Unis et en France pour soutien financier au Hamas, procédures dont l'issue judiciaire n'est pas indiquée, d'une déclaration d'un porte-parole du CBSP qui, précisément, nie que l'association finance le Hamas, d'un dossier issu d'une entité dénommée "Institut du renseignement - centre d'études du terrorisme" dont le ou les auteurs, procédant par affirmation et annexant à leur document des pièces qui ne concernent pas le CBSP, déclarent que ce dernier et d'autres associations financent trois associations palestiniennes affiliées au Hamas (document 10) et d'un article diffusé sur un blog signalant que les Etats-Unis ont bloqué les avoirs notamment du CBSP pour "lutter contre le financement du mouvement terroriste Hamas", sans que soient mentionnées les éléments de preuve sur lesquels se sont fondées les autorités étrangères pour asseoir leur décision ; que si M. X... a cru bon de rappeler dans l'article dont il est l'auteur que le centre Simon-Wiesenthal a qualifié le CBSP, en 2004, d'"association française qui finance le terrorisme", les prévenus ne rapportent pas la preuve de cette allégation ; que les pièces produites, si elles établissent que des gouvernements étrangers ont imputé au CBSP de financer le Hamas ou que différents auteurs d'articles diffuses publiquement partagent ce point de vue, les documents produits ne valent pas démonstration de la réalité de ce fait et ne permettent pas de déterminer sur quels critères se sont fondé les autorités étrangères pour forger leurs suspicions ; que M. X... dénature le sens et la portée de la décision judiciaire citée dans son article en affirmant que le caractère radical du CBSP a été reconnu par la cour d'appel de Paris, le 1er octobre 2008, dans un procès en diffamation alors même que les magistrats ont retenu dans l'arrêt produit aux débats, qu'était diffamatoire le passage soulignant qu'un rapport avait indiqué que le CBSP finançait le terrorisme et collectait des fonds pour des familles des terroristes-suicide du Hamas ; que la cour d'appel de Paris a rejeté dans sa décision l'offre de preuve de la vérité des imputations diffamatoires ; que n'est pas davantage rapportée selon la procédure applicable, la preuve que le CBSP a vendu des cassettes à la gloire des terroristes du Hamas sur son stand lors de la rencontre annuelle de l'UOIF en 2005 ; que les courriers du CRIF du 31 mars 2005 et son communiqué de presse du 7 avril 2005 n'ont pas valeur probatoire, ces lettres ayant pour objet de dénoncer à l'UOIF et au ministre de l'intérieur les faits dont la démonstration est à produire et ce communiqué ayant pour finalité de prendre acte des regrets exprimés par le président de l'UOIF et de sa condamnation de la vente de cassettes qui appellent "à la mort des juifs" lors de la réunion annuelle de son organisation ; que, de plus, ces documents émanent de l'instance qui emploie les prévenus de sorte qu'il ne sauraient être retenus à titre de preuve, nul ne pouvant être admis à se constituer des preuves à lui-même ; que le communiqué de l'agence Reuters du 5 avril 2005 reprend les propos du président de l'UOIF répondant aux protestations du CRIF se plaignant que "des cassettes audio appelant à la guerre sainte et à la mort des juifs" étaient disponibles sur le stand du CBSP lors de la réunion du 25 au 28 mars 2005 organisée sous l'égide de l'UOIF ; que le responsable de cette dernière instance précise, selon le communiqué, qu'"il est regrettable que cela se soit produit et il est regrettable que cela nous ait été signalé à ce moment-là. On aurait pu alors envoyer un huissier et saisir la justice" ; qu'il s'infère de ces termes que le président de l'UOIF a considéré qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments probants pour saisir la justice, d'autant qu'il ajoute, comme il est rapporté dans le communiqué, que les responsables du CBSP ont "nié totalement" avoir diffusé les cassettes litigieuses ; que, sur la bonne foi, les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de mure, mais qu'elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu'il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu'il s'est conformé à un certain nombre d'exigences, en particulier de sérieux de l'enquête, ainsi que de prudence dans l'expression ; que M. X..., auteur de l'article dont sont tirés les passages incriminés, met en avant ses qualités d'historien de profession et ancien professeur d'histoire géographie, de rapporteur à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, de formateur à l'Ecole nationale de la magistrature ; qu'il fait valoir qu'il a publié un ouvrage intitulé "l'internet de la haine : racistes, antisémites, néonazis, intégristes, islamistes, terroristes et homophobes à l'assaut du web" ; qu'il souligne qu'il a rédigé l'article litigieux en qualité de chercheur employé par le CRIF ; que ces éminentes qualités, son emploi de chercheur, le caractère institutionnel de l'instance pour laquelle il travaille, auraient dû appeler M. X... à une particulière vigilance quant au sérieux des éléments lui permettant de soutenir les imputations et allégations diffamatoires pour le CBSP et devaient l'inciter à user de prudence dans l'expression ; que le sujet de l'article dont sont tirés les propos diffamatoires est de présenter aux lecteurs les résultats d'une enquête attribuée à M. X... sur le financement du Hamas et du terrorisme par le CBSP ; que la particulière gravité de ces accusations est un facteur supplémentaire appelant celui qui les porte à une particulière vigilance quant à la qualité de ses informations permettant de les soutenir et ce d'autant que le CBSP n'a jamais fait l'objet de poursuites pour les faits qu'il lui impute qui tombent sous le coup de la loi pénale ; que l'article intitulé "retour sur une nébuleuse proche du Hamas : le CBSP - une enquête proposée par M. X..." est constitué quant aux imputations et allégations diffamatoires notamment par un simple rappel des termes employés par Mme Z... dans une interview donnée à un journaliste de la revue l'Express à qui elle a affirmé que "l'UOIF finance et soutient le CBSP, qui récolte des fonds pour le Hamas" ; que les termes de cette interview ont été jugés diffamatoires par cette cour dans un arrêt du 9 janvier 2008 ainsi qu'il ressort d'une décision, produite aux débats, rendue par la Cour de cassation le 12 mai 2009 qui a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy qui a admis la personne poursuivie au bénéfice de la bonne foi ; que M. X... a également repris les termes jugés diffamatoires par le tribunal correctionnel de Paris et la cour d'appel de Paris employés en 2004 par le centre Simon-Wiesenthal pour qualifier le CBSP ; qu'il n'apporte aucun élément nouveau par rapport aux imputations formulées par Mme Z... et au nom de l'association "Centre Simon-Wiesenthal" dont il connaissait le caractère contestable eu égard aux décisions judiciaires auxquelles ces assertions diffamatoires ont donné lieu ; que, par conséquent, aucune enquête sérieuse n'a été menée par le prévenu permettant d'étayer la présentation qu'il a faite du CBSP ; que M. X... ne peut se prévaloir d'aucune démarche personnelle indépendante et complémentaire de celle menée par les auteurs dont il reprend les propos jugés diffamatoires par des décisions judiciaires devenues définitives, visant à vérifier le bien-fondé de ces assertions ; que le bénéfice de la bonne foi accordée par les juridictions aux auteurs des propos rapportés par M. X... ne peut s'étendre à ce dernier car la bonne foi doit être appréciée en sa personne et non dans celle des auteurs cités ; que le fait que les propos de ceux-ci ont été reconnus diffamatoires par les juridictions ne pouvait que l'inciter en sa qualité de chercheur et historien à mener sa propre enquête pour pouvoir, le cas échéant, reprendre à son compte la thèse de ces auteurs, alors qu'il s'est abstenu, en réalité, de toute investigation personnelle sur les faits imputés au CBSP contrairement à ce que pouvait laisser penser aux lecteurs l'intitulé de son article : "une enquête proposée par M. X..." ; que, pour l'essentiel, cet article est constitué de la compilation des articles et déclarations d'autres auteurs sur le sujet ; que, de plus, M. X... a donné à ses lecteurs une interprétation tendancieuse de la décision de la cour d'appel de Paris du 1er octobre 2008, exclusive de la bonne foi, en affirmant faussement que les juges avaient reconnu le caractère radical du CBSP ; qu'à défaut de maîtriser la matière juridique, son inaptitude à interpréter une décision de justice aurait dû le conduire en toute bonne foi et dans une démarche de chercheur soucieux d'interpréter avec justesse les documents dont il dispose, à consulter un juriste sur le sens et la portée de l'arrêt en question ; que sur la foi des déclarations de M. A... faites à l'occasion d'une chronique parlée émise sur les ondes de la radio de la communauté juive le 4 avril 2005 dont le contenu a été transcrit et publié à la même époque sur le site internet du CRIF, M. X... a formulé l'assertion diffamatoire ; "En 2005, le CBSP vendait des cassettes à la gloire des terroristes du Hamas !" ; que, cité comme témoin par la défense, M. A... a confirmé devant la cour qu'il avait acquis en 2005 sur le stand du CBSP, à la rencontre organisée au Bourget par l'UOIF, plusieurs cassettes de chansons et de discours dont les couvertures étaient à l'effigie du Cheikh Ahmed B..., le fondateur du Hamas et de kamikazes du Hamas armés de Kalachnikov ; que le secrétaire général de l'UOIF a écrit au président du CRJF le 5 avril 2005, courrier versé aux débats, que les " investigations au sujet de la supposée diffusion par le CBSP, d'une cassette intitulée "le symbole des Moudjahidines, le Cheikh Ahmed B..." dans ses stands au Bourget, ont démentis son existence. En effet le CBSP nous a certifié qu'il n'a eu aucune connaissance de cette cassette" ; qu'en l'état de ces éléments qui sont, avec les pièces non pertinentes précédemment évoquées, les seuls disponibles sur la question, M. X... ne s'est pas contenté de citer le témoignage de M. A... mais a affirmé de façon péremptoire que le CBSP vendait en 2005 des cassettes à la gloire des terroristes du Hamas, imputation soulignée par l'emploi d'un point d'exclamation à la fin de la phrase au contenu diffamatoire ; qu'une telle présentation est étrangère à la démarche qui doit prévaloir de la part d'un auteur de bonne foi, chercheur et historien, dont le devoir est d'étayer son affirmation en interrogeant le témoin, en consultant, le cas échéant, les éléments de preuve que détient ce dernier pu en procédant à d'autres vérifications propres à le convaincre de la vérité du témoignage, toutes recherches dont l'auteur des propos diffamatoires s'est abstenu ; qu'à défaut d'avoir la confirmation des allégations du témoin, la prudence dans l'expression commandait pour M. X... de ne pas prendre à son compte les assertions de celui-ci formellement contredites par l'association organisatrice de la rencontre au cours de laquelle les faits se seraient produits ;
"1) alors que constitue une diffamation la seule imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle ce fait est imputé ; qu'en retenant que les propos selon lesquels « le caractère radical du CBSP a été reconnu par la cour d'appel de Paris le 1er octobre 2008 à la suite d'un procès en diffamation perdu (donc) par ce dernier » présentaient un caractère diffamatoire, quand aucun fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur du CBSP ne lui était ainsi imputé, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"2) alors, qu'en matière de diffamation, il appartient aux juges du fond de relever toutes les circonstances intrinsèques ou extrinsèques aux faits poursuivis que comporte l'écrit qui les renferme, et ce, sous le contrôle de la Cour de cassation qui peut se reporter à l'écrit lui-même afin de vérifier s'il contient les éléments de l'infraction ; que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le passage par lequel M. X... rappelle que le CBSP avait été « qualifié par le Centre Simon-Wiesenthal, en 2004, d'association française qui finance le terrorisme et qui est proscrite aux Etats-Unis » prenait place dans une présentation globale de l'affaire ayant opposé le CBSP et le Centre et n'imputait aucun fait précis au CBSP ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"3) alors que constitue une diffamation la seule imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle ce fait est imputé ; qu'en retenant que les propos selon lesquels « compte tenu de sa proximité avec les Frères Musulmans, le CBSP a des relations fraternelles avec le Hamas » présentaient un caractère diffamatoire quand aucun fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur du CBSP ne lui était ainsi imputé, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"4) alors que la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique ; que des propos portant sur un sujet d'intérêt général, même diffamatoires au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être soumis à des restrictions ou des sanctions que si ces mesures sont strictement nécessaires au regard des objectifs de protection de l'intérêt général, des droits ou de la réputation d'autrui ou de l'impartialité du pouvoir judiciaire ; que l'article de M. X... portant sur un sujet d'intérêt général relatif au financement en France des activités, notamment terroristes, du Hamas, n'excédait pas ce qui est raisonnablement acceptable dans une société démocratique ;
"5) alors que les juges du fond doivent apprécier la preuve de la vérité de chacune des imputations qu'ils jugent diffamatoires ; qu'en se bornant à apprécier la véracité des seuls faits portant sur le financement du Hamas et sur la vente des cassettes audio sur le stand du Bourget, sans se prononcer sur la véracité des faits relatifs aux relations entretenues par le CBSP avec les Frères musulmans et le Hamas (2ème passage incriminé) et à la perte par le CBSP de son procès l'opposant au Centre Simon-Wiesenthal (3ème passage incriminé), la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt ;
"6) alors que, pour rejeter l'exception de bonne foi, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, estimer que M. X... n'aurait pas fait preuve de sérieux dans son enquête, après avoir relevé que les pièces produites dans le cadre de l'offre de preuve de la vérité des faits relatés « établissent que des gouvernements étrangers ont imputé au CBSP de financer le Hamas ou que différents auteurs d'articles diffusés publiquement partagent ce point de vue » ou mentionnent « qu'un spécialiste français du terrorisme signale que le CBSP fait l'objet de procédures judiciaires aux Etats-Unis et en France pour soutien financier au Hamas » et que M. A..., cité comme témoin devant elle, avait confirmé avoir acheté sur le stand du Bourget des cassettes audio faisant la gloire du Hamas ;
"7) alors que l'exception de vérité et l'exception de bonne foi sont deux faits justificatifs distincts qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier séparément ; que la cour d'appel ne pouvait, sauf à priver sa décision de base légale, rejeter l'exception de bonne foi sans se prononcer sur les pièces qu'elle avait précédemment écartées au titre de l'exceptio veritatis et ainsi rechercher si les imputations litigieuses reposaient sur une base factuelle suffisante, autorisant la mise en cause du CBSP" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 4 juin 2010, M. X..., historien et chercheur au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a rédigé un article intitulé "Retour sur une nébuleuse du Hamas : le CBSP, dont M. Y..., directeur général du CRIF et directeur de publication, a autorisé la mise en ligne sur le site internet (www.crif.org); qu'à la suite de ces faits, le Comité de bienfaisance et de secours des Palestiniens (CBSP) a porté plainte et s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction du chef de diffamation envers un particulier ; qu'à l'issue de l'information, MM. X... et Y... ont été renvoyés de ce chef devant le tribunal correctionnel respectivement en qualité d¿auteur et de complice ; que les prévenus, déclarés coupables de l'infraction poursuivie, et le ministère public, ont relevé appel de la décision;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, après avoir relevé que revêtaient un caractère diffamatoire à l'égard du CBSP les imputations faites à cet organisme de se détourner de son objet associatif humanitaire pour entretenir des relations fraternelles avec le Hamas, de récolter des fonds pour cette organisation et d'aider le terrorisme et après avoir constaté que les prévenus avaient échoué dans leur offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, l'arrêt énonce que les propos poursuivis reprennent, sans y apporter d'éléments nouveaux, les termes d'une interview dont le caractère diffamatoire a été précédemment reconnu par des décisions judiciaires devenues définitives à la date de la publication litigieuse, et que M. X..., qui les a réitérés en pleine connaissance de cause et les a complétés par des affirmations tendancieuses et non vérifiées, ne peut être admis au bénéfice de la bonne foi, s'étant abstenu de procéder, en sa qualité de chercheur et d'historien, à une enquête sérieuse ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il se déduit que les propos reprochés, même s'ils traitaient d'un sujet d'intérêt général, étaient dépourvus de base factuelle suffisante, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles et légales invoquées, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 000 euros la somme globale que MM. X... et Y... devront payer au Comité de Bienfaisance et de Secours des Palestiniens au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze mars deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-80440
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 28 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2014, pourvoi n°13-80440


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.80440
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