AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 novembre 2001), que la société Explo Control, qui avait conclu au début de l'année 1996 avec l'université Gazi d'Ankara un contrat de fourniture de 120 fauteuils de dentistes, a sous-traité une partie du marché à la société d'équipements médico-dentaires Gallus (la société Gallus) ; que, le 19 juillet 1996, la COFACE a accepté de donner sa garantie à l'opération sous réserve notamment qu'une banque prenne l'engagement écrit de mettre à la disposition de la société Gallus un certain nombre de facilités financières, dont une facilité de caisse pour couvrir tous les besoins de trésorerie pendant l'exécution du contrat et des concours bancaires d'un minimum de 1 000 000 francs en contrepartie d'un apport équivalent en compte courant ; que, par lettre du 27 janvier 1997, la CRCAM de la Touraine et du Poitou (la Caisse) a signifié à la COFACE son engagement d'apporter à la société Gallus "des concours bancaires d'au moins 1 000 000 francs en contrepartie d'un apport équivalent en comptes courants de la part des associés" et à "mettre à disposition de la société Gallus les concours de trésorerie nécessaires à l'exécution du contrat avec la Turquie "tout en espérant" la levée des dernières réserves" et que l'intervention de la COFACE serait désormais possible ;
que, la situation de la société Gallus s'étant dégradée, une nouvelle demande de concours financiers de 6 500 000 francs a été formulée le 9 avril 1997 à la suite de l'octroi de deux concours précédents de la Caisse pour un montant de 7 000 000 francs ; que la Caisse a exigé pour accorder ce nouveau concours financier un apport supplémentaire de 3 000 000 francs ; que les associés de la société Gallus ont annoncé le 24 avril 1997 qu'ils étaient prêts à apporter à la société en compte courant la somme de 1 000 000 francs et que M. X..., administrateur de la société Gallus, devait emprunter 500 000 francs à la Caisse pour "l'injecter" immédiatement dans la société ; que cette offre ne satisfaisant pas les exigences de la Caisse et un tableau de valeur appartenant à M. X... et nanti au profit de la Caisse ayant fait l'objet d'une tentative de retrait, la Caisse a refusé de mettre en place les nouveaux financements demandés ; que la société Gallus a été mise en liquidation judiciaire ; que Mme Y..., liquidateur de la société Gallus a assigné la Caisse en demandant qu'elle soit condamnée à supporter l'entier passif déclaré sur le fondement de sa responsabilité contractuelle qui, selon lui, était engagée par le courrier adressé le 27 janvier 1997 à la COFACE ;
Attendu que Mme Y..., ès qualités, et la société Explo Control font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du tribunal qui rejetait leur demande, alors, selon le moyen :
1 / que dans la lettre du 27 janvier 1997 dont une copie avait été adressée à la société SEMD Gallus, le Crédit agricole s'était engagé à mettre à sa disposition les concours de trésorerie nécessaires à l'éxécution du contrat avec la Turquie ; qu'en considérant que ce document ne contenait pas un engagement ferme de la banque et était dépourvu de valeur contractuelle, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 / que la rupture par la banque de son accord de principe à l'octroi de concours à l'origine de la liquidation judiciaire d'une entreprise, l'oblige à réparer le dommage qui en est résulté ; qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si la décision du Crédit agricole de rompre ses relations avec la SEMD Gallus ne l'avait pas mise dans l'impossibilité de percevoir les premiers acomptes dus en exécution du contrat avec la Turquie, à l'origine de sa liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que c'est par une interprétation souveraine de la lettre adressée le 27 janvier 1997 par la Caisse à la COFACE, et non à la société Gallus rendue nécessaire par le contexte des tractations et échanges d'information entre plusieurs organismes de crédit quant à leurs concours éventuels respectifs que la cour d'appel a estimé qu'elle n'était qu'un courrier d'information entre deux établissements financiers dans le cadre de tractations précontractuelles et n'était pas constitutive d'une obligation contractuelle à l'égard de la société Gallus ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, d'un côté, que le refus opposé par la banque n'était pas une rupture de crédit mais le refus de consentir un nouveau prêt et, d'un autre côté, que le climat de confiance entre la Caisse et son client avait été rompu par la faute exclusive des dirigeants de l'entreprise qui non seulement n'avaient pas donné les garanties sollicitées, mais avaient tenté de supprimer celles existantes, la cour d'appel, qui en a déduit que la banque n'avait commis aucune faute, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., ès qualités, et la société Explo Control aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la CRCAM de la Touraine et du Poitou la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille cinq.