AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FABRE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Miguel, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, chambre correctionnelle du 27 septembre 1994 qui, pour infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules, l'a condamné à 5 amendes de 500 francs et 10 amendes de 220 francs ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 131-5 du Code des communes, R. 233-1, alinéa 4 du Code de la route, R. 25 du Code pénal, 550, 551 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen de la nullité de la citation ;
"aux motifs que le demandeur a été cité devant le tribunal de police de Nice pour y répondre en tant que prévenu de la commission de 45 contraventions, 44 en matière de stationnement et une en matière d'assurance ;
"que chacune des citations délivrées précise exactement les circonstances de temps et de lieu, le véhicule contrôlé et le numéro de l'amende forfaitaire, ainsi que l'article du Code de la route applicable (pour la contravention du 7 juillet 1991 ceux du Code des assurances), puis ajoute "pour voir statuer sur le mérite de l'opposition formée à l'amende forfaitaire majorée prise à son encontre" ;
"que, contrairement à ce que soutient le prévenu, il est clair que le tribunal sans équivoque possible, a bien été saisi de la prévention en matière de stationnement et d'assurance tel que précisé dans chacune des citations ;
"alors que tout prévenu doit être informé d'une manière détaillée de la nature de la cause de la prévention dont il est l'objet, et doit, par suite, être mis en mesure de se défendre sur les divers chefs d'infraction qui lui sont imputés ;
que doit être sanctionnée par la nullité la citation qui méconnaît les formes prévues par les articles 550 et suivants du Code de procédure pénale et porte atteinte aux intérêts de la personne qu'il concerne ;
que tel est le cas en l'espèce où la citation ne vise que des textes généraux, prévoyant la possibilité de procéder à une réglementation en matière de circulation et de stationnement, sans comporter de précision sur l'arrêté municipal pris en vertu des textes susvisés et réglementant le stationnement à l'endroit où a été constatée l'infraction" ;
Attendu que le moyen qui se fonde sur l'exception de nullité des citations pour défaut de visa de l'arrêté municipal réglementant le stationnement, exception que la cour d'appel a déclarée irrecevable pour avoir été proposée pour la première fois devant elle, est lui-même irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 7, 9, 529 et suivants, 593 du Code de procédure pénale, 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que, l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique ;
"aux motifs que l'examen des pièces de la procédure révèle que, pour l'ensemble des contraventions, le titre exécutoire dénommé selon les cas "décision" ou "jugement" est intervenu moins d'un an après la constatation de la contravention, soit avant prescription de l'action publique ;
"que, par ailleurs, tous les commandements de payer afférents à ces mêmes contraventions, lesquels commandements constituent un acte d'exécution, ont été délivrés moins de deux ans après le titre exécutoire ayant pour effet, en application de l'article 530, alinéa 1 du Code de procédure pénale, de faire courir le délai de prescription de la peine ;
"que chacun des mandements de citation a été adressé moins d'un an après les réclamations ;
"alors que, comme le soulevait le prévenu dans ses conclusions d'appel, le délai de prescription n'a pu être interrompu ni par le commandement de payer délivré par la partie poursuivante non pour comparaître devant une telle juridiction, mais seulement pour réclamer le paiement d'une somme, ni a fortiori par le titre exécutoire dès lors que l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne a droit que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi ;
Attendu qu'en constatant, par les motifs repris au moyen, que la prescription de l'action publique ne s'était trouvée acquise pour aucune des contraventions, les juges du second degré ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, la réclamation du contrevenant entraîne conformément à l'article 53O du Code de procédure pénale tant l'annulation du titre exécutoire, lequel avait fait courir la prescription de la peine, que la reprise des poursuites ;
qu'elle a pour conséquence, à compter de sa réception par le ministère public d'ouvrir un nouveau délai de prescription de l'action publique et qu'il suffit alors qu'un acte de poursuite intervienne dans le délai d'un an ;
que l'application de la loi interne n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 6.-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors qu'à la suite de sa réclamation, le contrevenant, cité devant la juridiction de jugement, est à même de faire valoir l'intégralité de ses moyens de défense ;
Que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 111-5 du Code pénal, L. 131-5 du Code des communes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen tiré de la convention avec la SEMIACS ;
"aux motifs qu'il est reproché notamment au prévenu d'avoir stationné deux véhicules automobiles en zone de stationnement payant sans avoir acquitté la redevance au mépris de la réglementation prévue par l'arrêté municipal du 3 octobre 1989 ;
"que l'article L. 131-5 du Code des communes autorise le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police, et pour faire face aux difficultés de la circulation urbaine, à soumettre au paiement de redevances le stationnement des véhicules sur la voie publique ;
"que l'arrêté du 3 octobre 1989 qui réglemente les conditions de stationnement payant dans la ville de Nice aux lieux et places déterminés par des arrêtés antérieurs, en énonce précisément les modalités (horaires, durée, tarifs) qu'il rappelle les sanctions applicables et édicte en son article 6 que les contraventions sont constatées par les agents municipaux assermentés à cette fin ou par tout agent de l'autorité publique ;
"que, contrairement à ce que soutient le demandeur, la SEMIACS ne s'est vu confier aucun pouvoir de police ;
"que l'appréciation, par la juridiction répressive de la légalité des actes administratifs y compris depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal ayant, en son article 111-5, légalement consacré ce pouvoir jusqu'alors délimité par la seule jurisprudence sur le fondement de l'article R. 26-15 ancien , ne peut porter que sur l'interprétation et le contrôle de la légalité des actes administratifs réglementaires ou individuels, à l'exclusion des contrats administratifs dont la connaissance est réservée à la juridiction administrative en vertu du principe de la séparation des pouvoirs ;
"que, dès lors, la juridiction répressive n'a pas qualité pour se prononcer sur la validité de la convention liant la ville de Nice à la SEMIACS ;
"que les conditions, même à les supposer irrégulières, dans lesquelles de façon distincte et indépendante, la ville de Nice a confié à cette société d'économie mixte la gestion et l'exploitation du stationnement payant, et a notamment chargé cette dernière de procéder à la collecte des droits de stationnement moyennant le versement, par le concessionnaire, d'une "redevance" calculée de façon proportionnelle aux recettes, dès lors que la SEMIACS ne s'est vu confier aucun pouvoir de police, sont sans incidence sur la commission de l'infraction consistant à ne pas avoir acquitté la redevance imposée par l'arrêté municipal lui-même ;
"alors que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ;
"qu'en l'espèce, dans un chef péremptoire de ses conclusions d'appel, le demandeur invoquait, non seulement l'illégalité de la convention passée entre la ville de Nice et la SEMIACS, mais également l'illégalité des procès-verbaux de délibération du conseil municipal approuvant la signature de la convention passée avec la SEMIACS ;
qu'il s'agit là d'un acte administratif pour lequel la juridiction répressive est compétente pour apprécier la légalité ;
qu'en omettant de se prononcer sur cette question, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé l'article 111-5 du Code pénal ;
Attendu que pour déclarer Miguel X... coupable d'infractions à la réglementation sur le stationnement payant des véhicules et rejeter son argumentation faisant valoir que la convention liant, pour l'exploitation des parcs de stationnement, la Ville de Nice à la société Semiacs était irrégulière, la cour d'appel retient, tant par motifs propres qu'adoptés, que la poursuite ne repose pas sur cette convention qui n'attribue aucun pouvoir de police à ladite société et ne comporte aucune sanction pénale ;
Qu'en cet état, la juridiction d'appel qui n'était pas tenue de répondre à des arguments qui ne permettaient pas d'écarter la prévention, a fait l'exacte application de l'article 111-5 du Code pénal ;
D'où il suit que le moyen est sans fondement ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Fabre conseiller rapporteur, MM. Massé, Mme Baillot, M. Le Gall conseillers de la chambre, MM. Nivôse, Poisot, Mme Fayet conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
1