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23/02/1993 | FRANCE | N°91-19745

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 février 1993, 91-19745


Attendu que, par ordonnance du 6 septembre 1991, le président du tribunal de grande instance de Nanterre, a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de seize entreprises dont ceux de la société anonyme Tunzini Nessi entreprise d'équipements, à Rueil Malmaison (Hauts de Seine) en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielle lors de l'appel d'offres relatif aux travaux

de construction de la bibliothèque de France ;

Sur le pr...

Attendu que, par ordonnance du 6 septembre 1991, le président du tribunal de grande instance de Nanterre, a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de seize entreprises dont ceux de la société anonyme Tunzini Nessi entreprise d'équipements, à Rueil Malmaison (Hauts de Seine) en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielle lors de l'appel d'offres relatif aux travaux de construction de la bibliothèque de France ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société anonyme TNEE fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi d'une part, que l'ordonnance attaquée qui ne mentionne pas la qualité du magistrat qui l'a rendue et ne précise pas davantage que celui-ci aurait agi en vertu d'une délégation spéciale du président du tribunal de grande instance territorialement compétent ne fait pas en elle-même la preuve de sa régularité au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors d'autre part, qu'en ne précisant ni les fonctions auxquelles Mme de Y... était déléguée, ni la durée de la délégation, l'ordonnance a violé les dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l'ordonnance prévue à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 peut être rendue par un juge délégué par le président du tribunal et que l'ordonnance attaquée mentionne qu'elle a été rendue par " Nous Elizabeth de Y..., magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance de Nanterre " ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société anonyme TNEE fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors selon le pourvoi d'une part, que faute de constater que les demandes d'enquête visées à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 figuraient au nombre des actes pouvant faire l'objet d'une délégation permanente de signature, l'ordonnance attaquée est privée de base légale au regard dudit texte ; et d'autre part, que l'article 3, alinéa 2, du décret du 23 janvier 1947 autorisant les ministres à déléguer par arrêté leur signature, dispose que l'arrêté de délégation de signature doit désigner les matières qui font l'objet de la délégation ; que cette disposition est considérée comme respectée lorsque la délégation de signature est faite dans les limites des attributions du délégataire ; qu'en se référant uniquement à l'arrêté du 3 juin 1991 qui portait délégation de signature à M. X... " dans la limite de ses attributions ", sans préciser si les attributions du service dirigé par celui-ci avaient elles-mêmes été définies par arrêté, l'ordonnance est entachée d'un défaut de base légale au regard de l'article 3, alinéa 2, du décret du 23 janvier 1947 et de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que, si les visites et saisies prévues par ce texte ne peuvent être autorisées que dans le cadre des enquêtes demandées soit par le ministre chargé de l'Economie soit par le Conseil de la Concurrence, il n'est pas interdit au ministre de déléguer ses pouvoirs conformément aux lois et règlements ; que la délégation permanente de signature du ministre d'Etat, ministre de l'Economie et des Finances et du Budget donnée par l'arrêté du 3 juin 1991, publié au Journal officiel du 4 juin, au profit de M. Christian X..., directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, pour signer tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets, permet au délégataire de prendre au nom du ministre les décisions qui, dans la limite de ses attributions, relèvent de la compétence de ce ministre, sans que cette délégation implique l'abandon par le ministre de la possibilité d'exercer personnellement ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, il n'est pas allégué que l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'entrait pas dans les attributions de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes telle que définie par arrêtés, même non publiés, que le président du tribunal de grande instance n'était pas tenu de viser ; que dès lors le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société anonyme TNEE fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi d'une part, que le juge qui autorise des visites et saisies en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, doit vérifier, par l'appréciation concrète et effective des éléments d'information que l'Administration requérante est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que l'ordonnance attaquée se borne à reproduire, mot pour mot, la requête qui lui a été présentée par l'Administration ; que cette circonstance, rapprochée du fait que l'ordonnance a été rendue dès le lendemain du jour où ladite requête a été présentée, ne permet pas à la Cour de Cassation de contrôler s'il a été procédé de façon concrète à la vérification du bien fondé de la demande ; et alors d'autre part, que le juge statuant en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peut se déterminer qu'au vu de documents détenus par l'Administration de manière apparemment licite ; qu'en n'énumérant pas les pièces annexées à la requête, le juge-délégué n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier qu'il a exercé son contrôle sur la licéité de la détention de ces pièces, entachant par là même sa décision d'un défaut de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu, d'une part, que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et l'a signée ;

Attendu, d'autre part, que le juge s'est référé en les analysant aux éléments fournis par l'Administration requérante dont il a indiqué succinctement l'origine, vérifiant ainsi la licéité apparente de celle-ci, et a relevé les faits fondant son appréciation suivant laquelle il existe des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la mesure ordonnée ; qu'il a ainsi satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société anonyme TNEE fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors selon le pourvoi, d'une part, que les mesures ordonnées en application de l'article 48 de l'ordonnance susvisée doivent être strictement limitées à la recherche de la preuve des agissements sur lesquels l'Administration a fourni des présomptions ; qu'en étendant les mesures de visites et saisies à toute manifestation de concertation, l'ordonnance a violé la disposition susvisée ; et alors d'autre part, que le juge n'a pu, sans autre précision, autoriser " l'ensemble des visites et saisies " nécessitées par la recherche de la preuve ", sans violer, de plus fort, l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que le juge a autorisé la visite et la saisie de documents dans les locaux des entreprises suspectées d'une entente économique prohibée déterminée à savoir les candidates aux appels d'offres relatifs aux travaux de construction de la bibliothéque de France à seule fin de rechercher la preuve de cette concertation au moyen d'une seule visite et saisie dans chacune des entreprises énumérées ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-19745
Date de la décision : 23/02/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Contenu - Juge - Nom - Qualité et délégation - Mentions suffisantes.

1° Est régulière l'ordonnance prise par un juge du tribunal de grande instance mentionnant son nom, sa qualité de magistrat et la délégation donnée par le président du tribunal.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Conditions - Enquête demandée par le ministre de l'Economie - Délégation ministérielle de signature - Conformité au décret du 23 janvier 1947.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Conditions - Enquête demandée par le ministre de l'Economie - Délégation ministérielle de pouvoirs - Interdiction (non).

2° Il n'est pas interdit au ministre chargé de l'Economie de déléguer ses pouvoirs conformément aux lois et règlements ; la délégation permanente de signature donnée par arrêté public au Journal officiel au profit du Directeur général de la Concurrence pour signer tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets, permet au délégataire de prendre au nom du ministre les décisions qui, dans la limite de ses attributions, relèvent de la compétence de ce ministre, sans que cette délégation implique l'abandon par le ministre de la possibilité d'exercer personnellement ses pouvoirs ; n'étant pas allégué que l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'entrait pas dans les attributions de la Direction générale de la Concurrence telle que définie par arrêtés même non publiés, que le président du Tribunal n'était pas tenu de viser, le moyen tiré de ce que les attributions de la Direction générale de la Concurrence n'ont pas été définies par arrêté conformément à l'article 3, alinéa 2, du décret du 23 janvier 1947 n'est pas fondé.

3° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Motifs réputés établis par le juge.

3° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Dispositif réputé établi par le juge.

3° Les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et l'a signée.

4° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Vérification du bien-fondé de la demande - Référence aux éléments d'information - Eléments détenus de manière apparemment licite - Constatations suffisantes.

4° Le juge s'est référé en les analysant aux éléments fournis par l'Administration requérante dont il a indiqué succinctement l'origine, vérifiant ainsi la licéité apparente de celle-ci et a relevé les faits fondant son appréciation suivant laquelle il existe des présomptions d'agissements visés par la loi prévoyant la mesure ordonnée ; il a ainsi satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.


Références :

2° :
4° :
Décret du 23 janvier 1947
Ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre, 06 septembre 1991

DANS LE MEME SENS : A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1992-03-10, Bulletin 1992, IV, n° 108 (3), p. 78 (rejet). A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1992-03-10, Bulletin 1992, IV, n° 108 (4), p. 78 (rejet). A RAPPROCHER : (4°). Chambre commerciale, 1991-11-27, Bulletin 1991, IV, n° 363 (2), p. 250 (cassation sans renvoi) ; Chambre commerciale, 1991-11-27, Bulletin 1991, IV, n° 366 (5), p. 252 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 fév. 1993, pourvoi n°91-19745, Bull. civ. 1993 IV N° 77 p. 51
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 IV N° 77 p. 51

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Hatoux, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Curti.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Geerssen.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.19745
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