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02/02/2005 | FRANCE | N°04/01515

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 02 février 2005, 04/01515


R.G : 04/01515
S.A. CALL C/ X...
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2005
FAITS ET PROCÉDURE
M. Lionel X... a été engagé par la S.A. CALL à compter du 13 mars 2001 en qualité de directeur de magasin dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée moyennant une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 15.000 F incluant les heures supplémentaires effectuées soit à titre de dépassement d'horaires soit à l'occasion d'un jour férié ou chômé, outre intéressement semestriel lié à l'évolution du chiffre d'affa

ires selon barème annexé au contrat.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 dé...

R.G : 04/01515
S.A. CALL C/ X...
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2005
FAITS ET PROCÉDURE
M. Lionel X... a été engagé par la S.A. CALL à compter du 13 mars 2001 en qualité de directeur de magasin dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée moyennant une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 15.000 F incluant les heures supplémentaires effectuées soit à titre de dépassement d'horaires soit à l'occasion d'un jour férié ou chômé, outre intéressement semestriel lié à l'évolution du chiffre d'affaires selon barème annexé au contrat.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 décembre 2002, l'avocat de M. X... a formulé une réclamation au titre d'une part, du montant de la prime du deuxième semestre 2002 et d'autre part, des heures supplémentaires dépassant le maximum légal de durée hebdomadaire du travail pour lesquelles il ne s'était vu proposer ni un règlement majoré pour la partie entrant dans le contingent, ni un quelconque repos compensateur, ni même les deux pour les heures en surplus.
Le 14 janvier 2003, M. X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Montpellier puis, le 12 février 2003, a adressé à son employeur une lettre recommandée avec avis de réception dont les termes sont les suivants : Vous n'avez pas voulu répondre au courrier que vous a adressé mon conseil le 10 décembre 2002 par lequel il vous était demandé de régulariser ma situation. Ainsi, la baisse unilatérale de la prime semestrielle sur objectifs constitue une modification substantielle de mon contrat de travail. Par ailleurs, le non paiement des heures supplémentaires (1362 + les dimanches et jours fériés), outre l'aspect pénal relatif au travail dissimulé, constitue une inexécution de vos obligations contractuelles inhérentes au contrat de travail. Je vous informe en conséquence prendre acte de la rupture du contrat de travail et vous avise par la présente que j'entends saisi le Conseil de Prud'hommes et solliciter que la rupture vous soit imputable. Je ne me présenterai plus ainsi à mon travail dès le 1er mars 2003.
La S.A. CALL a alors, par lettre recommandée avec avis de réception du 20 mars 2003, marqué son désaccord sur les modalités de la rupture et estimant que M. X... avait abandonné son poste depuis le 1er mars 2003, a initié une procédure disciplinaire qui a abouti à la notification d'un licenciement pour faute grave le 8 avril 2003.
Par jugement du 15 septembre 2004, le Conseil de Prud'hommes saisi a ainsi statué :
Dit que la rupture du contrat de travail de M. Lionel X... survenue le 12 février 2003 doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la S.A. CALL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. Lionel X... :
- 11.709 euros à titre d'indemnité de préavis ;
- 1.170 euros à titre de congés payés afférents ;
- 31.347 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;
- 3.135 euros à titre de congés payés afférents ;
- 572 euros à titre de rappel de prime contractuelle ;
- 57 euros à titre de congés payés afférents ;
- 3.900 euros à titre d'amende civile ;
- 100 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Déboute M. Lionel X... de toutes autres demandes.
Déboute la S.A. CALL de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Met les entiers dépens à la charge de la S.A. CALL.
La S.A. CALL a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience, la S.A. CALL fait valoir que le licenciement de M. X... est parfaitement justifié et fondé et sollicite en conséquence, par infirmation du jugement déféré, le débouté de son ancien salarié de l'ensemble de ses prétentions outre la condamnation de celui-ci à lui restituer les sommes payées au titre de l'exécution provisoire et à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
En réplique, M. X... sollicite la confirmation du jugement déféré du chef des sommes qui lui ont été allouées au titre du préavis, des heures supplémentaires, de prime contractuelle, des congés payés afférents à ces sommes, ainsi qu'au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile mais formant appel incident pour le surplus, réclame le paiement des sommes complémentaires suivantes :
- 39.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non paiement des heures supplémentaires ;
- 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- 1.500 euros HT au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
et d'autre part, à assortir l'ensemble des condamnations au titre des rappels de salaires des intérêts légaux à compter du 10 décembre 2002.
SUR CE, LA COUR
Sur le rappel de prime semestrielle et les congés payés afférents
Attendu qu'une note de service annexée au contrat de travail de M. X... prévoit une pénalité sur la prime semestrielle variant de 0 à 100 % en fonction des résultats d'inventaire.
Que par lettre du 5 novembre 2002, la S.A. CALL a notifié à M. X... le montant de sa prime sur laquelle a été pratiquée une retenue de 25 % au regard d'un taux d'inventaire de 0,38 %.
Attendu que pour condamner la S.A. CALL au paiement de cette retenue à titre de rappel de prime outre congés payés afférents, les premiers juges ont exactement retenu qu'il appartient à la S.A. CALL de justifier d'une telle retenue par la production aux débats de l'inventaire.
Qu'eu égard à la défaillance persistante de la S.A. CALL dans la production de cet élément, seul à même de permettre tant au salarié qu'à la Cour, de contrôler l'exactitude du taux d'inventaire retenu, le jugement ne peut qu'être confirmé de ce chef, sauf à dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2002, jour de la réception par la S.A. CALL de la lettre recommandée avec avis de réception adressée par l'avocat de M. X... valant mise en demeure.
Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents
Attendu que pour être valable et opposable au salarié, la convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ; que si la référence à l'horaire de travail en vigueur dans l'entreprise peut permettre de déterminer le nombre d'heures supplémentaires ainsi inclus dans la rémunération forfaitaire, encore faut-il
- d'une part, que l'horaire de travail soit expressément précisé ou qu'il soit établi que le salarié en ait pris connaissance ;
- d'autre part, que la rémunération perçue soit au moins égale à ce à quoi le salarié peut prétendre au titre de la rémunération des heures accomplies dans le cadre de l'horaire normal de travail, majorée de la rémunération des heures supplémentaires décomptées et calculées selon le salaire minimum conventionnel correspondant à l'emploi occupé ;
- enfin, et en toute hypothèse, que cet horaire de travail respecte les dispositions légales et conventionnelles en matière de durée de travail.
Attendu qu'en l'espèce, force est de constater que si le contrat de travail de M. X... indique que le salarié se conformera à l'horaire de travail en vigueur dans l'établissement auquel il sera affecté sans pouvoir prétendre à la rémunération d'heures supplémentaires, il ne précise en revanche pas l'horaire de travail auquel il est ainsi fait référence ; que la S.A. CALL ne produit par ailleurs aucun élément de nature à démontrer que ce salarié en ait eu connaissance.
Qu'elle ne peut sérieusement se retrancher derrière le fait que M. X..., en sa qualité de directeur de magasin, organisait lui-même en toute liberté son planning hebdomadaire de travail alors même qu'elle entend précisément lui opposer l'horaire de travail en vigueur dans l'établissement qui, par définition, ne pouvait être fixé par le Directeur avant même sa prise de fonction ;
Qu'au surplus, il est établi par la production de documents adressés par la S.A. CALL aux directeurs de magasin que les bases du planning devaient respecter les consignes données par celle-ci ; qu'ainsi, en février 2003, les consignes étaient pour le Manager : 3 jours à 10 h - 20 h ; 1 jour à 10 h - 19 h ; le samedi 10 h - 20 h, avec 1 jour de repos hebdomadaire hors mercredi et vendredi ; qu'en janvier 2002, il était imposé aux managers une présence obligatoire de l'ouverture à la fermeture sur tout le mois hors 3 jours de congés fixés d'avance .
Attendu enfin qu'il résulte des relevés de présence systématiquement transmis à la S.A. CALL que M. X... a effectué tant en 2001 qu'en 2002 un nombre d'heures supplémentaires dépassant non seulement le contingent légal de 130 heures (602 en 2001 et 688,50 en 2002) mais encore certains jours la durée maximale quotidienne de travail.
Attendu que la convention de forfait invoquée par la S.A. CALL ne pouvant dès lors être opposée à M. X..., le jugement mérite confirmation du chef des sommes allouées au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents fondées sur le décompte précis du salarié étayé par les relevés de présence versés aux débats, sans qu'il y ait lieu, ainsi que sollicité par la S.A. CALL, de déduire la partie forfaitaire du salaire perçu pour la rémunération des heures supplémentaires dès lors qu'aucun élément ne permet de la quantifier.
Qu'il y a lieu de dire que les intérêts au taux légal courront à compter du 17 décembre 2002, jour de la réception par la S.A. CALL du décompte des heures supplémentaires par lettre recommandée avec avis de réception, sur la somme en principal de 18.231,72 euros et pour le surplus, à compter du 23 juin 2004, jour des débats devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.
Sur les dommages-intérêts pour non paiement des heures supplémentaires
Attendu que selon les dispositions de l'article 1153, alinéa 4, du Code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
Attendu qu'en l'espèce, M. X... ne justifie pas du préjudice qu'il invoque et qu'il ne caractérise par ailleurs pas.
Qu'en cet état, il y a lieu de le débouter de ce chef de demande.
Sur la rupture du contrat de travail
Attendu que M. X... a saisi le Conseil de Prud'hommes le 14 janvier 2003 afin de solliciter la condamnation de son employeur au paiement d'heures supplémentaires et d'un rappel de prime semestrielle.
Qu'il ne pouvait dès lors, par lettre postérieure du 12 février 2003, prendre acte de la rupture de son contrat de travail à raison des faits objet de la saisine de la juridiction prud'homale et qu'il lui appartenait, en application de l'article 65 du Nouveau Code de procédure civile, s'il estimait que les manquements reprochés à son employeur rendaient impossible la poursuite de la relation contractuelle, de modifier ses prétentions antérieures en formant une demande additionnelle en résiliation dudit contrat.
Que n'ayant nullement formulé une telle demande et ne la formulant pas davantage en cause d'appel, il y a lieu d'apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement pour faute grave prononcé par la S.A. CALL à la date du 8 avril 2003.
Attendu à cet égard que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du débat judiciaire, impute à faute au salarié, qui ne s'est plus présenté, depuis le 1er mars 2003, sur le point de vente de Trifontaine, un abandon de poste.
Attendu toutefois qu'eu égard à l'inexécution gravement fautive par la S.A. CALL de son obligation de paiement des nombreuses heures supplémentaires accomplies et du refus persistant qui lui a été opposé et qui est d'ailleurs rappelé dans la lettre de licenciement, il ne peut être imputé à faute à M. X... un quelconque abandon de poste.
Attendu dès lors que le licenciement ne peut être considéré comme procédant d'une cause réelle et sérieuse.
Que pour ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, il y a lieu de confirmer le jugement déféré du chef des sommes allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Attendu qu'au jour de la rupture, soit le 8 avril 2003, M. X... avait une ancienneté de 1 an ; qu'il peut en conséquence prétendre à indemnisation sur le fondement de l'article L. 122-14-5 du Code du travail en fonction de l'étendue de son préjudice.
Que M. X... invoque néanmoins les dispositions de l'article
L. 324-11-2 du Code du travail pour prétendre au paiement de dommages-intérêts ne pouvant être inférieurs à 6 mois de salaire.
Attendu à cet égard que la dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 324-10 du code du travail n'est caractérisée que si l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Attendu qu'en l'espèce, la S.A. CALL a systématiquement mentionné sur les bulletins de paie de M. X... le même nombre d'heures travaillées, soit 151,667 heures, alors même qu'elle admettait elle-même, eu égard aux stipulations du contrat de travail, l'existence d'heures supplémentaires incluses dans la rémunération de base.
Que M. X... est fondé à invoquer l'existence d'une dissimulation d'emploi salarié en faisant valoir que l'employeur a ainsi, de manière intentionnelle, entendu échapper aux dispositions légales afférentes notamment au contingent d'heures supplémentaires.
Qu'il sera en conséquence alloué à M. X... la somme de 24.000 euros à titre de juste indemnisation de son préjudice.
Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive
Attendu qu'il n'est pas établi que la S.A. CALL ait fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice ; que cette demande sera en conséquence rejetée.
Sur l'amende civile
Attendu que M. X... ne fait pas porter sa demande de confirmation du jugement déféré sur ce chef du dispositif qui est donc ainsi nécessairement incluse dans sa demande d'infirmation pour le surplus.
Qu'il y a lieu dès lors d'infirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que la S.A. CALL, tenue aux dépens, ne peut prétendre à l'allocation d'une quelconque somme sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Qu'il sera fait application de ce texte au profit de M. X... à hauteur de 1.500 euros pour l'ensemble de la procédure, tant de première instance que d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
En la forme reçoit l'appel principal de la S.A. CALL et l'appel incident partiel de M. X...
Au fond, confirme le jugement déféré du chef des sommes allouées à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents, de rappel de prime contractuelle et congés payés afférents.
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau sur les autres demandes,
Dit que les sommes allouées à titre de rappel de prime et congés payés afférents porteront intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2002.
Dit que les sommes allouées à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés porteront intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2002 sur la somme en principal de 18.231,72 euros et pour le surplus à compter du 23 juin 2004.
Condamne la S.A. CALL à payer en outre à M. X... la somme de 24.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la S.A. CALL aux dépens éventuels de première instance et d'appel et à payer à M. X... la somme de 1.500 euros en
application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 04/01515
Date de la décision : 02/02/2005
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL

En raison de l'absence de précision de l'horaire de travail auquel il est fait référence dans le contrat de travail, de l'absence de preuve de sa connaissance par le salarié et du caractère contraire aux dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail de cet horaire qui dépasse le contingent légal de 130 heures et la durée maximale quotidienne du travail certains jours, la convention de forfait est inopposable au salarié.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2005-02-02;04.01515 ?
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