ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 831/23
N° RG 22/00290 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UEQF
PN/VDO*PB
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Tourcoing
en date du
01 Février 2022
(RG 20/00054 -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
Mme [B] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me RAMANAH-BLIN, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
SASU EOLANE [Localité 5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me SPINELLI, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me HUBERT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Valérie DOIZE
DÉBATS : à l'audience publique du 13 Avril 2023
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
La société EOLANE [Localité 5], au sein de laquelle Mme [B] [E] a travaillé à compter du1er septembre 1980, est une filiale du groupe EOLANE intervenant dans le domaine de l'électronique professionnel.
Au mois de janvier 2018, la société EOLANE [Localité 5] et les organisations syndicales représentatives ont conclu un accord de méthode dans le cadre du projet de fermeture de la société. Le 25 avril 2018, un accord de plan de sauvegarde de l'emploi (ci-après PSE) a été conclu ; la DIRRECTE a validé ce PSE le 4 mai 2018.
Le 18 décembre 2018, la société EOLANE [Localité 5] a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement de Mme [B] [E], ce dernier bénéficiant du statut protecteur en raison de son mandat de délégué du personnel. Le 29 avril 2019, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement.
Suivant lettre recommandée avec accusé réception du 6 mai 2019, Mme [B] [E] a été licenciée pour motif économique.
Le 21 février 2020, Mme [B] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing afin de contester son licenciement et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture du contrat de travail.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 1er février 2022, lequel s'est déclaré matériellement incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [B] [E] fondées sur la requalification de son licenciement, au profit du tribunal administratif de Lille Métropole,
Vu l'appel compétence formé par Mme [B] [E] le 3 mars 2022,
Vu l'assignation à jour fixe intervenue par exploit d'huissier en date du 2 mai 2022,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Mme [B] [E] transmises au greffe par voie électronique le 17 juin 2022 et celles de la société EOLANE [Localité 5] transmises au greffe par voie électronique le 28 juillet 2022,
Mme [B] [E] demande :
- d'infirmer le jugement déféré,
- de juger que la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige,
- de renvoyer l'affaire devant le code de procédure civile de [Localité 6],
- de condamner la société EOLANE [Localité 5] à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EOLANE [Localité 5] demande :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a statué sur la demande au titre de la nullité du licenciement,
- de condamner Madame Mme [B] [E] lui payer 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de débouter Mme [B] [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner Mme [B] [E] aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR
Sur la compétence prud'homale
a) Attendu qu'aux termes de l'article L.1235-7-1 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4.Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.(') ;
Qu'en application de la loi des16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et de l'article L. 2411-5 du code du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande portant sur la contestation du bien fondé d'un licenciement prononcé sur autorisation administrative ;
Attendu qu'en l'espèce, Mme [B] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing une demande visant à annuler son licenciement ;
Qu'à cet effet, il fait valoir en substance :
-que les raisons qui ont présidé à la mise en 'uvre de procédures de licenciement, à savoir le constat que les usines françaises sont surdimensionnées par rapport au chiffre d'affaires qu'elles génèrent et aux pertes qu'elles dégagent ne correspondent plus aux choix opérés après la validation du plan,
- que c'est ainsi que dans le courant de décembre 2018, le groupe prévoyait la fermeture de trois sites, [Localité 3], [Localité 5] et [Localité 7] ; cependant ; il a été annoncé ultérieurement que le site de [Localité 3] serait finalement sauvé ;
- que dans le PSE en vertu duquel son licenciement a été notifié n'est pas « conforme aux moyens du groupe, eu égard au changement de stratégie du groupe EOLANE intervenue postérieurement à la négociation du PSE, à sa signature et à sa validation par la DIRECTE »,
- que partant, les raisons ayant motivé le PSE au sein de la société EOLANE [Localité 5] n'étaient plus les mêmes qu'au moment de sa négociation, de sorte que l'on peut considérer que le licenciement de Mme [B] [E], notifié le 22 mars 2019 est entaché de nullité, pour ne pas pouvoir se rattacher à un PSE ayant tenu compte de la nouvelle situation ;
Attendu cependant que comme le fait exactement observer l'employeur, aucune disposition légale ne prévoit de délai entre la validation du plan de sauvegarde de l'emploi et la notification de licenciement ;
Que le calendrier prévisionnel de mise en 'uvre des licenciements économiques prévoyait que les ruptures de contrat de travail interviendraient le 22 mars 2019, ce qui a été le cas en l'espèce ;
Que le plan de sauvegarde de l'emploi concerne la seule situation de la société EOLANE [Localité 5], alors que les mesures prises ont été définies uniquement au regard de la fermeture du site de [Localité 5] et non pas en fonction du nombre de site que le groupe se préparait à fermer ;
Que le fait de soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi n'était plus susceptible de s'appliquer au licenciement du salarié en raison du changement de stratégie économique du groupe intervenu postérieurement à sa validation revient nécessairement à apprécier le contenu de ce plan et son opportunité au regard desdites évolutions ;
Qu'au surplus, en sa qualité de salariée protégée, le licenciement de la partie appelante a fait l'objet d'une autorisation de l'inspection du travail ;
Que la demande relève doublement de la compétence administrative, en application des dispositions légales susvisées ;
b) Attendu que dans un second temps, Mme [B] [E] demande à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d'une violation de l'article L.1224-1 du code du travail ;
Qu'en application de l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle les différends individuels qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail ;
Que le litige relatif la mise en 'uvre des dispositions afférentes à un éventuel transfert d'entreprise ne rentre pas dans le cadre des dispositions de l'article L.1235-7-1 du même code ;
Que pour autant au-delà de la contestation portant sur l'application de l'article L.1224-1 du code du travail , la demande vise explicitement à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse alors que la cour a constaté que le licenciement de Mme [B] [E] a été l'objet d'une autorisation administrative l'inspection du travail ;
Que dès lors, en application du principe de séparation des pouvoirs issus de de la loi des16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et de l'article L. 2411-5 du code du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande portant sur la contestation même indirecte du bien fondé d'un licenciement prononcé sur autorisation administrative ;
Que la décision entreprise doit donc être confirmée sur ce point ;
Sur la demande formée par Mme [B] [E] en application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que Mme [B] [E] sera déboutée de sa demande à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent,
LAISSE les dépens à la charge de Mme [B] [E],
DEBOUTE Mme [B] [E] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
LE GREFFIER
V. DOIZE
LE PRESIDENT
P. NOUBEL