République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 22/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/02152 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TSAU
Jugement (N° 20/01632) rendu le 09 février 2021 par le tribunal de grande instance de Béthune
APPELANT
Monsieur [G] [L]
né le 25 août 1974 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Marjorie Thuilliez, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué
INTIMÉE
Madame [X] [J]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent Guilmain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 26 janvier 2023 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 janvier 2023
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Le 30 septembre 2017, M. [G] [L] a acquis de Mme [X] [J] un cheval destiné à la pratique du saut d'obstacle moyennant 8 000 euros.
Par acte du 11 mai 2020, il a fait assigner cette dernière, exerçant sous l'enseigne Les Écuries de l'Éode, devant le tribunal d'instance de Béthune afin d'obtenir sa condamnation, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, à l'indemniser du préjudice résultant pour lui d'une pathologie présentée par l'animal, constitutive selon lui d'un vice caché.
Par jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Béthune a rejeté la fin de non-recevoir de l'action tirée par Mme [J] de la prescription mais débouté M.'[L] de l'ensemble de ses demandes et condamné celui-ci aux dépens ainsi qu'au paiement à Mme [J] de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [L] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 3 novembre 2021, demande à la cour, abstraction faite de demandes de constat qui ne sont pas des prétentions au sens les articles 4 et 954 du code de procédure civile mais le simple rappel de ses moyens, d'infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la garantie des vices cachés et de condamner le centre équestre à lui payer les sommes de :
8 000 euros, correspondant au coût d'achat du cheval « qui se révèle impropre à son utilisation en raison du défaut dont il est atteint, sans déduction de la somme de 500 euros correspondant à sa valeur résiduelle puisque le cheval est décédé depuis lors'»,
4 009,22 euros correspondant aux frais médicaux et de tests radio réalisés,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts «'pour compenser le préjudice moral subi et l'escroquerie dont il a été victime'»,
800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions remises le 9 juillet 2021, Mme [J] demande pour sa part à la cour, au visa des articles L. 213-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, R. 213-1 et suivants du même code et 1641 et 1648 du code civil, de confirmer le jugement, de débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes et de condamner ce dernier aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L 213-1 du code rural et de la pêche maritime, l'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques, est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la section dudit code consacrée aux vices rédhibitoires, insérée dans le chapitre III, relatif à la cession d'animaux et de produits animaux, du titre I sur la garde et la circulation des animaux et produits animaux.
L'article R 213-1 du même code énumère les maladies ou défauts qui, pour le cheval, l'âne et le mulet, sont réputés vices rédhibitoires et donnent seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 à 1649 du code civil, sans distinction des localités où les ventes et échanges ont lieu.
Il est acquis aux débats que la pathologie dont était atteint le cheval en l'espèce n'en fait pas partie.
Or, M. [L] ne peut échapper à l'application obligatoire de ces dispositions, pour fonder son action sur le droit commun de la garantie des vices cachés, que si une «'convention contraire'», appelée aussi parfois garantie conventionnelle, le prévoit.
La vente considérée n'a pas donné lieu à l'établissement d'un contrat écrit et, a fortiori, il n'a pas été conclu de convention expresse dérogeant aux textes précités.
Il est constant néanmoins que la convention contraire peut être implicite et résulter de la destination des animaux vendus comme du but que les parties se sont proposé et qui constitue la condition essentielle du contrat. L'idée est ainsi, par exemple, que la destination d'un animal à la reproduction sous-entend qu'il est fécond, de même que sa destination à la boucherie sous-entend qu'il est consommable, et que les parties à la vente ont donc admis implicitement une garantie de vices cachés compromettant ces destinations autres que ceux que prévoient le code rural.
Au cas présent, il ressort des pièces versées aux débats que la fille de M. [L] pratiquait l'équitation dans le centre équestre de Mme [J], que c'est dans ce contexte que s'est présentée l'occasion d'acheter le cheval, que celui-ci était destiné à la pratique du saut d'obstacle par la jeune fille, ce que confirme sa participation effective, établie, à des compétitions, qu'il n'a pas été réalisé de visite vétérinaire au moment de la vente, M. [L] ayant expliqué à ce sujet lors de l'expertise amiable qu'il faisait confiance à Mme [J] compte tenu de ce contexte.
La destination du cheval, connue des deux parties et supposant les qualités en rapport, comme la confiance accordée à la venderesse permettent d'en déduire l'acceptation tacite de la possibilité d'agir, le cas échéant, en garantie des vices cachés en dehors du cadre restrictif défini par le code rural.
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1643 précise qu'il est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Il est donc inopérant de la part de Mme [J] de soutenir que la demande de M. [L] ne peut prospérer dès lors qu'il ne démontre pas qu'elle avait connaissance des vices affectant le cheval, d'autant plus que le vendeur professionnel est présumé, de manière irréfragable, connaître les vices de la chose qu'il vend.
En revanche, Mme [J] fait valoir que l'origine de la pathologie présentée par l'animal n'est pas établie avec certitude.
A cet égard, il est constant que c'est après une période de comportement normal du cheval et à la suite d'un concours au mois de mars 2018, soit cinq mois environ après la vente, qu'est apparue une boiterie ayant entraîné une succession d'examens et de soins. Il a été diagnostiqué une ataxie causée par une compression de la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales 6 et 7, accompagnée de lésions d'ostéo-arthrose et de la présence de gaz en regard des mêmes vertèbres, rendant l'animal non seulement inapte à poursuivre l'activité sportive précitée mais même dangereux, s'il était monté, car susceptible de trébucher et de chuter soudainement.
Les docteurs [S] et [D], qui ont examiné le cheval aux mois de mars et d'avril 2018, mentionnent une ataxie « d'apparition brutale'», sans formuler d'observations sur le caractère brutal de cette apparition et donnant donc à penser qu'un tel phénomène peut survenir. Le second de ces vétérinaires ajoute que l'origine du gaz au niveau de C6-C7 n'est pas claire, que ceci peut être lié à une injection, une plaie ou une infection, qu'il y a néanmoins absence de lésions osseuses indiquant une infection. Aucune certitude ne s'en dégage donc.
Le docteur [M], consulté par M. [L] et appartenant à un réseau d'experts, déclare le 9 octobre 2019, à propos de la compression C6-C7 : «'Cette compression serait due à la présence de gaz ayant forcément une origine antérieure à la vente. Le défaut de l'animal était donc caché et antérieur à la vente'». Cette formulation prive son avis de caractère probant dès lors qu'il tire la conclusion de l'antériorité du défaut à la vente d'une circonstance hypothétique
puisqu'exposée au conditionnel.
Enfin, une expertise non judiciaire a été réalisée en présence des parties par deux experts désignés séparément par leurs assureurs respectifs. S'ils s'accordent sur les causes possibles des pathologies ci-dessus décrites, l'expert mandaté par l'assureur de Mme [J] ne se prononce pas catégoriquement sur l'une d'elles. Quant à l'expert mandaté par l'assureur de M. [L], s'il n'hésite pas à affirmer dans sa synthèse «'la présence de gaz dans le canal rachidien est antérieure à la vente ; ce défaut était caché'», attribuant cette présence à une infiltration qui aurait été faite au niveau des vertèbres cervicales (l'injection ayant pour but de masquer les premiers signes d'ataxie ou le gaz ayant entraîné la compression de la moelle épinière), il ne présente ce processus, en bas de la page précédente, que comme la plus probable des trois «'hypothèses'» qu'il formule, à l'instar de son confrère, étant précisé qu'aucune preuve de ce que le cheval a effectivement subi une telle injection à un moment donné n'est apportée.
En l'absence d'un vice identifié et daté avec certitude et de manière impartiale, il n'est pas possible de retenir la garantie de l'intimée et le jugement ne peut qu'être confirmé.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
confirme le jugement entrepris,
condamne M. [G] [L] aux dépens et au paiement à Mme [X] [J] d'une indemnité de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet