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19/04/2024 | FRANCE | N°21/04862

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 19 avril 2024, 21/04862


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024



N° 2024/123





Rôle N° RG 21/04862 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHG3V







[R] [H]





C/



Association AGS CGEA DE [Localité 5]

S.A.R.L. PAPALINO

Association AGS CGEA DE [Localité 6]













Copie exécutoire délivrée

le :



19 AVRIL 2024



à :



Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat

au barreau de MARSEILLE



Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de MEAUX



































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation pa...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024

N° 2024/123

Rôle N° RG 21/04862 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHG3V

[R] [H]

C/

Association AGS CGEA DE [Localité 5]

S.A.R.L. PAPALINO

Association AGS CGEA DE [Localité 6]

Copie exécutoire délivrée

le :

19 AVRIL 2024

à :

Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de MEAUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01760.

APPELANT

Monsieur [R] [H], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Association AGS CGEA DE [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.R.L. PAPALINO Pris en la personne de Maître Martial GUILLOUET de la SELARL GARNIER - GOUILLOUET ès qualités de « Mandataire liquidateur», demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de MEAUX substituée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Association AGS CGEA DE [Localité 6], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [R] [H] a été engagé par la société PAPALINO BOUIS suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 9 mai 2007, en qualité de conducteur routier.

Son contrat de travail a, par la suite, été repris par la SARL PAPALINO dans le cadre du plan de cession qui est intervenu suite à la liquidation judiciaire de la société PAPALINO BOUIS.

Le 29 octobre 2017, Monsieur [H] a été victime d'un accident du travail et son arrêt de travail a été régulièrement prolongé.

Par courrier du 29 octobre 2018, le salarié a informé la SARL PAPALINO de son départ à la retraite pour la fin du mois de décembre 2018.

Fin décembre 2018, l'employeur lui a adressé son solde de tout compte mentionnant une indemnité de fin de carrière d'un montant de 988,94 euros bruts.

La société PAPALINO a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire en date du 03 juin 2019, puis d'un jugement de liquidation judiciaire prononcé par le Tribunal de commerce de Meaux le 21 octobre 2019.

Par requête en date du 25 juillet 2019, Monsieur [R] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille, lui demandant de dire nul le départ à la retraite, dire qu'il s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a sollicité la fixation au passif de la procédure collective de la société PAPALINO, de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail, ainsi qu'en indemnisantion de la rupture de celui-ci.

Par jugement en date du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Marseille a jugé que le départ à la retraite de Monsieur [R] [H] a été réalisé de manière libre et valable et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Suivant déclaration en date du 01 avril 20121, Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2021, Monsieur [R] [H] demande à la Cour de :

INFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a :

- Jugé que son départ à la retraite a été réalisé de manière parfaitement libre et valable,

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, à savoir :

o Dire et juger nul le départ à la retraite de Monsieur [R] [H],

o Dire et juger que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

o Fixer sa créance au passif de la liquidation de la société PAPALINO au paiement des sommes suivantes :

* 6.230,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 623,06 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 9.432,49 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 31.150 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 6.230 €uros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail,

* 3.115,32 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur en matière de visite médicale et obligation de prévention.

A titre subsidiaire,

* 1.557,66 euros à titre de rappel d'indemnité de départ à la retraite.

En tout état de cause,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

LA DEBOUTE de ses demandes plus amples et contraires, fins et conclusions,

CONDAMNE aux entiers dépens.

Et, statuant à nouveau :

DIRE que le départ à la retraite a été décidé à l'initiative de l'employeur,

En conséquence,

DIRE que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement nul ou en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

FIXER sa créance au passif de la liquidation de la SARL PAPALINO comme suit :

- 6.230,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (soit l'équivalent de 2 mois),

- 623,06 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 9. 432,49 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 31.150 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

DIRE que l'employeur s'est rendu coupable d'exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

En conséquence,

FIXER sa créance au passif de la liquidation de la SARL PAPALINO comme suit :

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

DIRE que l'employeur a manqué à ses obligations en matière de durée du travail et de repos,

DIRE que l'employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité notamment en matière de visite médicale,

En conséquence,

FIXER sa créance au passif de la liquidation de la SARL PAPALINO comme suit :

-6.230 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail,

-3.115,32 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur en matière de visite médicale et à son obligation de prévention,

A titre subsidiaire :

FIXER sa créance au passif de la liquidation de la SARL PAPALINO comme suit : 796,15 € nets à titre de rappel d'indemnité de départ à la retraite,

DIRE le jugement opposable au CGEA.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 août 2021, la SELARL GARNIER GUILLOUET, mandataires liquidateurs de la SARL PAPALINO demande à la cour de :

A titre principal,

CONFIRMER le jugement prononcé par le conseil des prud'hommes de Marseille le 18 mars 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [H] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [R] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées devant la Cour,

A titre subsidiaire, si la Cour devait entrer en voie de fixation d'une quelconque somme,

JUGER la décision à intervenir opposable à l'AGS, en application des dispositions de l'article L. 3253-6 du Code du travail, dans les limites de sa garantie légale,

LIMITER, le montant des sommes fixées au passif de la liquidation au minimum prévu par le barème de l'article L. 1235-3, soit l'équivalent de trois mois de salaires,

CONDAMNER Monsieur [R] [H], qui succombera en cause d'appel, à payer à la SELARL GARNIER-GUILLOUËT, en qualité de liquidateur judiciaire de la société PAPALINO, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER le salarié aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Par conclusions notifiées le 23 février 2023, l'AGS demande à la cour de :

Mettre hors de cause l'AGS-CGEA de [Localité 6],

Recevoir l'intervention volontaire de l'AGS-CGEA de [Localité 5],

Lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte sur le fond à l'argumentation développée par l'employeur de Monsieur [R] [H] représenté par son mandataire judiciaire,

CONFIRMER le jugement déféré,

DEBOUTER Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état, rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus juste proportions les indemnités susceptibles d'être allouées au salarié,

DECLARER inopposables à l'AGS-CGEA les dépens de la procédure de première instance et d'appel,

DEBOUTER Monsieur [R] [H] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposables à l'AGS CGEA,

CONSTATER et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [R] [H] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du code du travail,

DIRE que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code

du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, plafonds qui inclus les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts,

DIRE que les créances fixées, seront payables sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du code du travail,

DIRE que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce.

La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 22 février 2024.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la mise hors de cause de L'AGS CGEA de [Localité 6] et l'intervention volontaire de L'AGS CGEA de [Localité 5]

La société PAPALINO ayant eu son siège social situé [Adresse 2], il convient, conformément à sa demande, de mettre hors de cause l'AGS CGEA de [Localité 6] et de recevoir l'intervention volontaire de l'AGS CGEA de [Localité 5], territorialement compétente.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail:

sur le manquement à l'obligation de prévention en matière de visite médicale:

Monsieur [H] rappelle que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité et d'assurer à ce titre un suivi médical régulier de ses salariés et qu'il lui appartient de justifier des visites médicales périodiques, ce qu'il ne fait pas. Il indique que son préjudice est d'autant plus important qu'âgé de 62 ans, il était soumis à un rythme de travail particulièrement soutenu et a été victime d'un accident du travail. Il ajoute qu'il n'a jamais bénéficié de formation régulière favorisant la protection de sa santé et de sécurité, alors qu'en qualité de chauffeur poids lourds, les risques sont nombreux (dorsalgies, cervicalgies, douleurs articulaires, chutes, accidents de la route).

Le mandataire liquidateur de la société PAPALINO soutient que l'employeur n'est pas tenu de faire passer une visite médicale régulière aux salariés, sauf dans l'hypothèse d'un suivi individuel renforcé pour les salariés exposés à certains risques, ce qui n'était pas le cas de Monsieur [H] et que la seule obligation de l'employeur était qu'il fasse bénéficier l'appelant d'une visite médicale d'embauche, ce qui fût le cas le 24 septembre 2015. Il ajoute qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'éventuelle absence de visite médicale et l'accident du travail dont a été victime Monsieur [H], qui sollicite une somme égale à un mois de salaire, sans justifier de la réalité de son préjudice.

***

L'article R4624-16 du code du travail, dans ses dispositions applicables du 1er mai 2008 au 1er janvier 2017, dispose que le salarié bénéficie d'examen médicaux périodiques, au moins tous les 24 mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé.

Le même article issu du décrêt du 27 décembre 2016 et applicable au 1er janvier 2017 précise que le travailleur bénéficie d'un renouvellement de la visite d'information et de prévention initiale, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article 4624-1, selon une périodicité qui ne peut excéder cinq ans. Ce délai, qui prend en compte les conditions de travail, l'âge et l'état de santé du salarié, ainsi que les risques auxquels il est exposé, est fixé par le médecin du travail dans le cadre du protocole mentionnés à l'article 4624-1.

En l'espèce, la cour constate qu'alors qu'il est embauché depuis le 9 mai 2007, l'employeur n'est pas en mesure de justifier, de visites périodiques auxquelles le salarié auraient dû être soumis tous les 24 mois, la seule visite médicale dont il est justifiée datant du 24 septembre 2015.

Ce défaut de visite médicale suffisante au cours de l'exécution du contrat de travail a été d'autant plus préjudiciable au salarié, que la fiche d'aptitude de la médecine du travail, mentionne en septembre 2015 que Monsieur [H] est soumis à une surveillance médicale renforcée.

A ce titre, il convient de relever qu'il est conducteur poids lourds, âgé de 62 ans et notamment amené à travailler de nuit selon de fortes amplitudes horaires (cf feuilles de route produite par le mandataire liquidateur) et qu'il a été victime d'un accident du travail le 29 octobre 2017 lequel a nécessité la suspension de son contrat durant de longs mois (cf déclaration d'accident du travail et certificats médicaux).

Ainsi la cour considère qu'au regard de l'âge et des risques auxquels était exposé le salarié dans le cadre de la conduite de poids lourds de nuit, le défaut de visite médicale périodique lui a causé un préjudice qu'il convient de réparer en lui allouant une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société PAPALINO.

La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

Sur le non-respect des dispositions applicable en matière de durée du travail et de repos:

Monsieur [H] soutient que son rythme de travail était incompatible avec les dispositions règlementaires européennes et qu'il a été contrôlé à plusieurs reprises dans le cadre de son activité par les services de gendarmerie, lesquels ont relevé des infractions en matière de temps de conduite et de temps de repos, ce qui a effecté son état physique et mental, notamment dans les semaines précédant son accident du travail survenu le 29 octobre 2017.

Le mandataire liquidateur de la société PAPALINO conclut au rejet de la demande dans la mesure où le préjudice n'est pas caractérisé, tout en reconnaissant que les contrôles de gendarmerie laissent apparaître des irrégularités quant au temps de conduite et de repos.

***

Le règlement européen n°561/2006 du 15 mars 2006, prévoit en son article 6 :

' La durée de conduite journalière ne dépasse pas neuf heures. La durée de conduite journalière peut, toutefois être prolongée jusqu'à 10 heures maximum, mais pas plus de deux fois au cours de la semaine'.

Aux termes de l'article 7 du même règlement :

'Après un temps de conduite de quatre heures et demie, un conducteur observe une pause ininterrompue d'au moins quarante-cinq minutes à moins qu'il ne prenne un temps de repos.

Cette pause peut être remplacée par une pause d'au moins quinze minutes suivie d'une pause d'au moins trente minutes réparties au cours de la période de manière à se conformer aux dispositions du premier alinéa '.

L'article 8 du même règlement prévoit:

' Le conducteur prend des temps de repos journaliers et hebdomadaires.

Dans chaque période de vingt-quatre heures écoulées aprés la fin de son temps de repos journalier ou hebdomadaire antérieur, le conducteur doit avoir pris un nouveau temps de repos journalier (...)'.

En l'espèce, le mandataire liquidateur de la société PAPALINO produit les fiches de conduite (pièce 6) ainsi que les bulletins de contrôle de Monsieur [H] par la gendarmerie nationale notamment les 10/02/2017, 28/02/2017, 08/05/2017 et 10/07/2017 (pièce 7) faisant apparaître plusieurs contraventions à chaque contrôle.

Ainsi, il est relevé par la gendarmerie :

-au titre du bulletin de contrôle du 10 février 2017, un 'temps de conduite continue' et un repos hebdomadaire insuffisant entre le 28 janvier et le 30 janvier 2017.

-au titre du bulletin de contrôle du 28 février 2017 4 infractions les 13 février,

14 février, 18 au 20 février et enfin du 23 au 24 février 2017,

-au titre du bulletin de contrôle du 8 mai 2017, une infraction relative au temps de repos,

-au titre du bulletin de contrôle du 10 juillet 2017, une infraction à la durée du travail sur la période du 17 au 19 juin 2017 (43h28 de travail).

II convient par ailleurs de noter, à titre d'exemple, que Monsieur [H] a encore effectué 9h48 de conduite le 14 septembre 2017, et 8h87 le lendemain.

Il s'ensuit la démonstration de ce que l'employeur n'a pas permis à son salarié de respecter la législation sur les temps de conduite et de repos en lui imposant un rythme trop élevé, notamment dans la période ayant précédé son accident du travail.

Ainsi, il y a lieu de constater que le non-respect de la durée de travail et de repos lui a causé un préjudice qu'il convient d'indemniser à hauteur de 2.000 euros.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société PAPALINO.

La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur [H] estime que l'employeur, qui savait sa situation obérée, a fait preuve de déloyauté et de mauvaise foi à son égard en profitant de son état de faiblesse pour l'inciter à quitter son emploi à moindre frais en faisant valoir son droit à la retraite, alors qu'il bénéficiait d'un maintien de salaire pendant son arrêt de travail. Il estime qu'il aurait ainsi dû percevoir une indemnité de licenciement de 9.432,49 euros et qu'il a en réalité perçu qu'une somme de 988,44 euros bruts et sollicite la fixation d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Le mandataire liquidateur de la société PAPALINO conclut au rejet de cette demande, soulignant que le salarié ne procède que par voie d'affirmations et de supputations.

***

La cour constate qu'alors que Monsieur [H] n'apporte aucune pièce justificative au soutien de sa demande, ni pour démontrer la faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail en établissant d'éventuelles manoeuvres pour l'inciter à prendre sa retraite, ni pour caractériser le préjudice qui en serait découlé, il convient de le débouter de sa demande de ce chef.

La décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail:

Sur le départ à la retraite:

Monsieur [H] demande à la cour de dire son départ à la retraite nul, ou à défaut sans cause réelle et sérieuse. Il soutient qu'il a fait valoir ses droits à la retraite par courrier du 29 octobre 2018 à la demande de son employeur et alors que son contrat de travail était toujours suspendu à la suite de l'accident du travail subi le 29 octobre 2017; qu'il résulte de la teneur même des trois courriers qu'il a adressé à la société PAPALINO les 29 octobre 2018, 21 novembre 2018 et 5 décembre 2018 qu'il n'a fait que se conformer à la marche à suivre indiquée par son employeur, lequel avait intérêt à un tel départ.

Le mandataire liquidateur de la société PAPALINO conclut au rejet de cette demande. Il réplique que Monsieur [H] a, au contraire, sollicité lui même sa mise à la retraite par courrier du 29 octobre 2018, et que cette volonté a été confirmée par deux courriers postérieurs; qu'il n'a pas contesté le motif de la rupture : 'départ à la retraite à l'initiative du salarié' lors de la remise de l'attestation Pôle emploi et ne produit en outre aucun élément à l'appui de sa thèse.

***

Aux termes de l'article L1226-9 du code du travail, 'Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'.

Au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail au une maladie professionnelle, une mise à la retraite décidée par l'employeur est nulle.

En l'espèce, Monsieur [H] a adressé à la société PAPALINO un premier courrier le 29 octobre 2018 par lequel il indique :

'Suite d'une conversation téléphonique avec Mme [U], je tien à vous informer de mon départ en retraite à la fin du mois de décembre 2018. Pouvez vous s'il vous plait me préparer mon solde de tout.ainsit que mes congés payer.plus mon prime de départ en retraite. Cecit de plus de 11 ans '.

Il lui a adressé un second courrier le 21 novembre 2018 en ces termes :

'Après une carrière en tant que chauffeur pendant onze année et 5 mois au sein de l'entreprise, j'ai l'honneur de vous soumettre ma demande de départ en retraite. Je souhaite faire valoir mes droits de départ en retraite conformément à l'article L122-14-13 selon les dispositions de la convention collective. Mon départ sera effectif à compter du 1-12-2018 (...)'

Enfin, le salarié a adressé un troisième courrier à son employeur le 05 décembre 2018: 'comme convenu je refais mon courrier pour mon départ à la retraite je vous confirme pour le 31 décembre 2018 ".

En l'absence de tout autre élément pouvant démontrer l'exercice de pression ou d'incitation émanant de l'employeur pour déterminer Monsieur [H], âgé de 62 ans, a faire valoir ses droits à la retraite, il ne peut être tiré argument d'une référence à une conversation téléphonique dont la teneur n'est pas connue, ni les fonctions de l'interlocutrice, ni d'un renvoi à un article du code du travail ou à la convention collective, pour apporter la preuve de ce que la demande de mise à la retraite résulterait d'une décision de l'employeur.

De même, le fait de modifier la date du départ, 'comme convenu' (sous-entendu avec l'employeur), pour la faire coincider avec celle précisée dans son premier courrier (fin décembre 2018) n'établit pas non plus que la mise à la retraite aurait été décidée par l'employeur.

En conséquence, la cour estime, à l'instar des premiers juges, que la rupture du contrat de travail suite au départ à la retraite de Monsieur [H] n'est pas nulle, et qu'elle ne s'analyse pas non plus en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dès lors, les demandes indemnitaires subséquentes formulées par le salarié (indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, indemnité légale de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse) devront être rejetées.

La décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.

Sur l'indemnité de départ volontaire à la retraite:

Monsieur [H] sollicite à titre subsidiaire le versement d'un complément au titre de l'indemnité de départ à la retraite.

La SELARL GARNIER GUILLOUET, mandataire liquidateur de la SARL PAPALINO sollicite le rejet de cette demande, tout en s'en rapportant à la justice sur ce point dans le corps de ses conclusions.

***

Il ressort des dispositions combinées des article L 1237-9 et D 1237-1 du code du travail que tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite, laquelle est égale à 1/2 mois de salaire après dix ans d'ancienneté.

Il n'est pas contesté que Monsieur [H], qui disposait de 11 ans et 9 mois d'ancienneté au moment de son départ à la retraite, a reçu une somme de 988,94 euros bruts à titre d'indemnité de fin de carrière.

Au regard de ses bulletins de salaire versés aux débats, le salaire de référence doit être fixé à la somme de 3.115,32 euros.

Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise au moment de la rupture et des dispositions légales applicables, l'appelant aurait dû percevoir une somme de 3.115,32 /2 = 1.557,66 euros.

Il est donc bien fondé à en obtenir la différence, soit la somme de 796,15 euros laquelle sera fixée au passif de la liquidation de la société PAPALINO.

La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

Sur la garantie de l'AGS :

Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des

dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS et au CGEA de [Localité 5].

Sur les intérêts

Il sera rappelé que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société PAPALINO a entrainé la suspension du cours des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce).

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande d'infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et fixer au passif de la procédure collective de la société PAPALINO la somme de 2.000 euros les frais irrépétibles dus à Monsieur [R] [H] en première instance et en cause d'appel.

L'employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Met hors de cause l'AGS CGEA de [Localité 6],

Reçoit l'intervention volontaire de l'AGS CGEA de [Localité 5],

Confirme le jugement déféré, sauf sur les dommages et intérêts au titre du non respect du temps de travail et de repos, les dommages et intérêts au titre de l'absence de visite médicale périodique et le solde de l'indemnité de départ à la retraite.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Fixe au passif de la procédure collective de la société PAPALINO les créances de Monsieur [R] [H] à hauteur des sommes suivantes :

-1.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non respect des visites médicales périodiques,

-2.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non respect du temps de travail et de repos,

- 796,15 euros au titre du solde de l'indemnité de départ à la retraite,

-2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Dit la présente décision opposable au CGEA-AGS de [Localité 5].

Dit que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L3253-20 du code du travail.

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a opéré la suspension du cours des intérêts légaux et conventionnels.

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 21/04862
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;21.04862 ?
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