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19/04/2024 | FRANCE | N°21/02803

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 19 avril 2024, 21/02803


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND ET DE SURSIS A STATUER

DU 19 AVRIL 2024



N° 2024/114





Rôle N° RG 21/02803 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG774







[H] [J] [Z] [T]





C/



S.C.P. BTSG

S.C.P. [C] [B] & A LAGEAT

Association AGS CGEA DE [Localité 10]

Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST









Copie exécutoire délivrée

le :



19 AVRIL 2024



à :


>Me Clémence LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE







































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEIL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND ET DE SURSIS A STATUER

DU 19 AVRIL 2024

N° 2024/114

Rôle N° RG 21/02803 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG774

[H] [J] [Z] [T]

C/

S.C.P. BTSG

S.C.P. [C] [B] & A LAGEAT

Association AGS CGEA DE [Localité 10]

Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST

Copie exécutoire délivrée

le :

19 AVRIL 2024

à :

Me Clémence LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2021 enregistré au répertoire général .

APPELANTE

Madame [H] [J] [Z] [T], demeurant [Adresse 6] - [Localité 2]

représentée par Me Clémence LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

S.C.P. BTSG représentée par me [F] [D] ès qualités de « Mandataire liquidateur » de la « SARL MEDIFRANCE GROUPE », demeurant [Adresse 3]

non représentée

S.C.P. [C] [B] & A LAGEAT ès qualités de « Mandataire liquidateur » de la « SARL MEDIFRANCE GROUPE », demeurant [Adresse 5]

non représentée

Association AGS CGEA DE [Localité 10], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024.

ARRÊT

Défaut

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [J] [Z] [T] a été engagée par la société Médifrance Groupe et affectée sur le site '[11]' en tant que femme de chambre, classification AS 1A suivant un premier contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 19 février 2018 au 19 avril 2018 puis un second contrat à temps partiel à compter du mois de septembre 2018.

La relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée à compter du 15 janvier 2019.

La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté.

La société Médifrance Groupe a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Marseille le 21 octobre 2019.

Soutenant que ses jours de repos n'étaient jamais fixes, que son temps de travail subissait de grandes variations d'un mois à l'autre, qu'elle dépassait régulièrement le volume autorisé d'heures complémentaires qu'elle était rémunérée au taux horaire le plus bas de la grille de qualification, que l'employeur pratiquait en toute illégalité un abattement forfaitaire de 8% sur l'assiette des cotisations sociales versées pour son compte et sollicitant la requalification du temps partiel en temps plein sur la base d'un taux horaire AQS1A, subsidiairement sur la base d'un taux horaire AS1A et très subsidiairement un rappel de salaire sur un taux AQS1A à temps partiel ainsi que la condamnation de l'employeur au paiement de sommes de nature salariale et indemnitaire notamment pour travail dissimulé, pratique de l'abattement forfaitaire et pour violation de la convention collective applicable, Mme [J] [Z] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 15 janvier 2020.

La société Médifrance Groupe a fait l'objet d'un jugement de cession en date du 27 janvier 2020 et d'une liquidation judiciaire le 31 août 2020.

Par jugement du 28 janvier 2021, la juridiction prud'homale a:

- dit que le conseil de prud'hommes n'est pas saisi valablement des demandes formulées et que les demandes salariales et indemnitaires sont irrecevables en l'état d'une demande de condamnation d'une société en cours de liquidation;

- jugé irrecevable la demande à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé;

- débouté Mme [J] [Z] [T] de l'ensemble de ses demandes;

- débouté Maître [C] [B] et Maître [F] [D] de leur demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouté les parties de leurs autres demandes;

- condamné Mme [J] [Z] [T] aux entiers dépens.

Mme [J] [Z] [T] a relevé appel de ce jugement les 23, 24 et 25 février 2021 par trois déclarations adressées au greffe par voie électronique dont la jonction a été ordonnée par le magistrat de la mise en état le 22 mars 2021 sous le N°RG conservé 21/02803.

Aux termes de ses conclusions d'appelante remises au greffe par voie électronique le 28 avril 2021 et notifiées au conseil constitué des AGS CGEA d'Ile de France Ouest et de [Localité 10], qu'elle a fait signifier le 03/05/2021 à la SCP BTSG représentée par Maître [F] [D], et le 07/05/2021 à Maître [C] [B], tous deux en qualité de mandataires liquidateurs de la société Médifrance Goupe auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Mme [J] [Z] [T] a demandé à la cour de:

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille du 28 janvier 2021.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

Requalifier le contrat de travail de Mme [J] [Z] [T] en contrat de travail à temps complet avec la classification AQS1A;

En conséquence:

- à titre principal , fixer au passif de la procédure collective la somme de 8.392,47 euros à titre de rappels de salaire pour la période d'août 2018 à décembre 2019 outre 839,24 euros de congés payés afférents;

- à titre subsidiaire, fixer au passif de la procédure collective la somme de 8.070,93 euros à titre de rappels de salaire pour la période d'août 2018 à décembre 2019 outre 807,09 euros au titre des congés payés afférents.

A titre subsidiaire:

Fixer au passif de la procédure collective la somme de 1.445,30 € à titre de rappel de salaire à temps partiel avec la classification AQS1A outre 144,53 € au titre des congés payés afférents.

En tout état de cause:

Fixer au passif de la procédure collective les sommes suivantes:

- 2.000 € de dommages-intérêts pour pratique illégale de l'abattement forfaitaire;

- 500 € de dommages-intérêts pour violation de la convention collective des entreprises de propreté.

Maître Fructus, avocat constitué au profit des deux Unedic AGS-Cgea d'Ile de France Ouest et de [Localité 10] n'a pas conclu.

Maître Arnould s'est constitué en lieu et place de Maître Fructus au profit de l'Unedic Ags-Cgea de [Localité 10], a remis au greffe et notifié ses conclusions à l'appelante le 07 juillet 2021 et les a faites signifier par actes de commissaire de justice le 9 juillet 2021 à domicile à Maître [B] ès-qualités et le 12 juillet 2021 à personne morale à Maître [D] Goupe auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, ce dernier demandant à la cour de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [J] [Z] [T] de l'ensemble de ses demandes;

- débouter Mme [J] [Z] [T] de l'ensemble de ses demandes;

- rejeter les demandes infondées, injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités suceptibles d'être allouées au salarié;

A titre subsidiaire,

- prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet seulement à compter d'août 2019 ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Médifrance Groupe la seule créance salariale pour la période d'août 2019 à décembre 2019 à hauteur de 1.807,87 € brut outre 180,78 euros brut au titre des congés payés afférents;

- déclarer inopposables à L'AGS-CGEA les dépens de la procédure de première instance et d'appel;

- en tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Mme [J] [Z] [T] selon les dispositions des article L. 3253-6 à L.3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du code du travail;

- dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions de l'article L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail limitées au plafond degarantie applicable en vertu des article L.3253-17 et D 3253-5 du code du travail, plafonds qui inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposées par la loi ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts;

- dire que les créances fixées seront payables sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail;

-dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entrainé l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du code du commerce.

La SELARL BLCA Avocats, en la personne de Maître Besset le Cesne s'est constituée pour l'Unedic - Délégation AGS - CGEA de [Localité 10] le 18 juillet 2022.

Mme [J] [Z] [T] a remis à la cour et notifié par voie électronique à l'Unedic - Délégation AGS - CGEA de [Localité 10] le 1er juin 2023 de nouvelles conclusions et cinq pièces.

L'Unedic - Délégation AGS - CGEA de [Localité 10] a également remis à la cour et notifié à l'appelante le 14 août 2023 de nouvelles conclusions reprenant à l'identique ses conclusions antérieures.

L'Unedic - Délégation AGS - CGEA d'Ile de France Ouest n'a pas conclu.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 février 2024.

SUR CE :

A titre liminaire, la cour déclare irrecevables les dernières conclusions et pièces notifiées par l'appelante le 1er juin 2023 faute pour celle-ci de les avoir faites signifier par voie de commissaire de justice aux deux mandataires liquidateurs de la société Medifrance Groupe, Maître [F] [D] et Maître [C] [B], les conclusions récapitulatives de l'organisme social ne formant aucune demande à l'encontre des mandataires liquidateurs étant recevables.

En outre, elle constate à la lecture du dispositif de ses conclusions qu'elle n'est saisie par la salariée d'aucune demande de recevabilité d'une demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ni de fixation au passif de la procédure collective d'une créance à ce titre.

Sur la recevabilité des demandes de Mme [J] [Z] [T] :

La juridiction prud'homale a déclaré irrecevables les demandes de condamnation en paiement formées par Mme [J] [Z] [T] à l'encontre de la SARL Médifrance Groupe en retenant qu'en raison de la liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de commerce de Marseille par jugement du 31 août 2020 et du principe de l'interdiction de paiement des créances antérieures, la salariée ne pouvait solliciter que la fixation du montant des créances au passif de la procédure collective de la société.

Mme [J] [Z] [T] soutient qu'il est jugé de manière constante que lorsque les juges du fond sont saisis de demandes visant à condamner l'employeur à verser des sommes alors qu'une procédure collective est ouverte, ils doivent, s'ils font droit aux demandes du salarié fixer les sommes au passif de la procédure collective.

L'Unedic Délégation AGS - CGEA de [Localité 10] fait valoir que l'article L.622-21 du code de commerce interdit à compter du jugement d'ouverture d'une procédure collective toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, que la société Médifrance Groupe étant liquidée, aucune condamnation en paiement ne peut être prononcée tout en admettant qu'en cause d'appel, la salariée ne sollicite plus la condamnation de l'employeur mais la fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de celui-ci.

Dès lors que, dans le cadre d'une instance en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective, il est constaté que les organes de la procédure sont dans la cause, il appartient à la juridiction de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif de la procédure collective, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris ayant déclaré irrecevables l'ensemble des demandes de condamnation de la salariée et d'examiner le bien-fondé de celles-ci.

Sur la qualification professionnelle :

La qualification professionnelle du salarié qui doit être précisée dans le contrat de travail est déterminée en référence à la classification fixée par la convention collective applicable dans l'entreprise.

En cas de litige, il appartient au juge d'apprécier les fonctions réellement exercées par le salarié .En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond. Il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel afférent à ce coefficient.

Mme [J] [Z] [T] soutient qu'embauchée en qualité d'agent de service, classification AS, échelon 1 correspondant aux salariées ne bénéficiant d'aucune autonomie, elle était rémunérée selon le niveau le plus bas existant dans la grille des classifications de la convention collective des entreprises de propreté, ce niveau ne correspondant pourtant pas au travail d'une femme de chambre dans un hôtel 4 étoiles laquelle n'exerce pas son activité sous le contrôle permanent d'une gouvernante et organise elle-même son travail en fonction du planning qui lui est remis mais à celui effectué par un agent de service qualifié de service relevant de la classification AQS 1, ce qu'elle dit établir en produisant aux débats plusieurs bulletins de salaire de femmes de chambre travaillant dans d'autres hôtels marseillais classés entre 3 et 5 étoiles aucune d'elles n'étant rémunérée sur la base de la classification litigieuse ainsi qu'un bulletin de salaire d'une femme de chambre

travaillant pour le même employeur et bénéficiant du coefficient revendiqué. Elle précise que l'ancienneté faisant l'objet d'une prime à part dans la convention collective, la classification réclamée dépend uniquement des tâches effectuées par la salariée.

L'organisme social réplique que Mme [J] [Z] [T] ne démontre pas qu'elle assume de façon permanente dans le cadre de ses fonctions, des taches et responsabilités relevant de la classification qu'elle revendique alors qu'elle exerce ses fonctions sous la responsabilité d'une gouvernante, que les bulletins de salaire produits concernant des femmes de chambres travaillant dans d'autres hôtels et pour d'autres entreprises ne démontrent pas les fonctions qu'elles exerçaient effectivement alors que seules les fonctions exercées par Mme [J] [Z] [T] elle-même permettent de savoir si elle répond aux critères ouvrant droit à la classification AQS1 et non celles exercées par d'autres personnes.

Selon le chapitre III de l'annexe I de la convention collective nationale de la propreté:

- un agent de service AS échelon 1 dont l'aptitude de service est la suivante : 'Il tient en état de propreté sa présentation, son matériel et son espace de rangement. Il communique avec les utilisateurs pour accomplir sa mission'; a une Autonomie-Initiative limitée 'il assure les prestations à partir d'instructions précises sous le contrôle de sa hiérarchie' et une technicité consistant à 'effectuer des travaux d'entretien courant consistant en un enchaînement de tâches simples et répétitives d'exécution facile, reproductibles après simple démonstration. Le matériel électrique est d'utilisation simple'.

- un agent qualifié de service (AQS) échelon 1 dont l'aptitude de service est la suivante 'il communique avec le client et peut régler un problème technique permettant de satisfaire la qualité de la prestation' bénéficie d'une Autonomie-Initiative plus importante 'il organise les travaux relevant de ses activités à partir d'instructions générales' et de la technicité suivante 'il maîtrise et utilise pour la réalisation de travaux diversifiés relevant de ses activités une combinaison de techniques de travail acquise par formation, par expérience ou sanctionnée par un titre ou un diplôme. Elles sont nécessaires pour l'obtention d'un résultat'.

Mme [J] [Z] [T] produit aux débats :

- un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel signé le 19 février 2018 l'engageant en tant qu'Agent de service, classification AS1 pour une durée hebdomadaire de 16 heures ;

- un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 15 janvier 2019 mentionnant 'l'emploi et la classification restent inchangés ';

- des bulletins de paie de février 2018 à décembre 2019 mentionnant emploi : Agent de service, qualification AS1 - classification A;

- des bulletins de paie de six femmes de chambre exerçant leur activité dans d'autres hôtels marseillais classés entre 3 et 5 étoiles :

- Mme [CK] [E], femme de chambre sur le site Intercontinental Hotel-Dieu (5 étoiles) était rémunérée en fonction de la classification AQS3A ;

- Mme [Y] [I] [E] [G], femme de chambre sur le site [8] (3 étoiles) est rémunérée en vertu de la classification AQS1A ;

- Madame [R] [W] [A], femme de chambre sur le site [13] (4 étoiles) est rémunérée en vertu de la classification AS3A ;

- Mme [L] [S], femme de chambre sur le site [12] (4 étoiles) est rémunérée en vertu de la classification AQS1A ;

- Mme [J] [L] [U], femme de chambre sur le site [9] (5 étoiles) est rémunérée en vertu de la classification AQS2A ;

- Mme [P] [X] [K], femme de chambre sur le site [7] (4 étoiles), est rémunérée en vertu de la classification AQS2A ;

- le contrat de travail, un bulletin de paie du mois d'avril 2017 de Mme [O] [L] [M] ayant travaillé en tant que femme de chambre sur le même site qu'elle au [11] jusqu'en octobre 2017 rémunéré en tant qu'AQS1A;

- une attestation de Mme [J] [N], femme de chambre indiquant 'avoir travaillé avec [V] au [11] (illisible) Médifrance du 30 mai 2013 jusqu'à son licenciement, j'atteste que nous n'avons pas de jours de repos fixes, toutes les semaines, les vendredis ils affichent les plannings pour la semaine suivante à partir du lundi. Toutes les semaines nos jours de repos sont différents. Ne respecter pas nos jours de repos dans le contrat '.

- onze photographies de mauvaise qualité de planning affichés compris entre les semaines du 02 au 08 septembre 2019 et celle du 30 décembre 2019 au 5 janvier mentionnant le prénom de 10 femmes de chambre et celui de 4 gouvernantes.

Alors qu'aucune de ces pièces ne décrit précisément les fonctions effectivement exercées par la salariée dans le cadre de son emploi de femme de chambre au sein du [11], que les bulletins de salaire produits sont ceux de salariées travaillant pour d'autres employeurs dont les fonctions réellement exercées sont inconnues et que le contrat de travail de Mme [O] [L] [M] signé avec la société Médifrance le 21 août 2013 mentionnait aussi la classification AS1A, ni les fonctions exercées par celle-ci au moment où

elle a accédé à un coefficient AQS1 ni la date de cette promotion n'étant précisées et qu'il résulte au contraire des éléments produits que Mme [J] [Z] [T] exerçait ses fonctions sous le contrôle d'une gouvernante, la salariée ne justifie pas remplir les critères d'autonomie comme de technicité lui permettant de revendiquer la classification AQS1.

Il convient de la débouter de ce chef de demande.

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

L'article L.3123-6 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, dispose que:

'Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois';

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification';

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié';

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.'

Par application des articles L. 3123-8, L. 3123-9, L. 3123-20, L.3123-21, L.3123-28 et L.3123-29 du code du travail, en l'absence de disposition conventionnelle sur ce point, le nombre d'heures complémentaires effectuées au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut pas être supérieur à 1/10eme de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, à défaut une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut porter ce nombre d'heures jusqu'au tiers de cette durée. Le nombre d'heures complémentaires effectué ne peut être supérieur à la durée légale du travail. Chaque heure complémentaire accomplie donne lieu à une majoration de salaire égale à 10% pour celles n'excédant pas 1/10ème de la durée contractuelle de travail et 25% pour celles excédant cette limite sauf accord d'entreprise y dérogeant.

La non-conformité du contrat de travail à temps partiel avec les dispositions de l'article L.3123-6 fait présumer de l'existence d'un travail à temps complet. Il appartient à l'employeur, et non au salarié, de prouver cumulativement la durée exacte de travail mensuelle ou hebdomadaire et sa répartition, que la salariéa n'avait pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Mme [J] [Z] [T] sollicite la requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en un contrat à temps complet en indiquant que celui-ci n'indique pas les limites dans lesquelles peuvent être accomplies les heures complémentaires, que si ce contrat mentionne bien une répartition du travail entre les jours de la semaine, celle-ci n'a jamais été respectée, qu'il est régulièrement arrivé qu'au lieu d'avoir deux jours de repos par semaine, elle n'en est qu'un puis deux voire trois la semaine suivante, que dès lors la répartition du travail entre les jours de la semaine figurant sur les contrats de travail n'ayant jamais été mise en pratique doit être considérée comme inexistante, qu'elle a travaillé temporairement au-delà de la durée légale du travail au mois d'août 2019 en ayant réalisé 154 heures qu'en outre les bulletins de salaire et les pointages produits démontrent que la durée du travail a grandement varié d'un mois à l'autre ce qui signifie qu'elle s'est tenue en permanence à la disposition de l'employeur s'étant trouvée dans l'incapacité de prévoir quels jours de la semaine elle allait travailler mais également quelle durée journalière elle devrait effectuer et de plus elle dépassait régulièrement le volune d'heures complémentaires autorisé par la convention collective celles-ci ne lui étant pas payées.

L'organisme social répond que la présomption de travail à temps complet n'est pas irréfragable alors que la durée hebdomadaire du travail (16 heures) comme la répartition entre les jours de la semaine sont parfaitement mentionnées dans les contrats de travail de la salarié ce qu'elle ne conteste pas et que le défaut de mention dans le contrat de travail des limites dans lesquelles peuvent être effectuées les heures complémentaires au-delà du temps de travail fixé par le contrat à temps partiel n'entraîne pas sa requalification en contrat à temps complet.

Le contrat de travail de la salariée étant régulier, il appartient à cette dernière de rapporter la preuve qu'elle devait travailler chaque jour selon des horaires dont elle n'avait pas eu préalablement connaissance ce qui lui

imposait de rester en permanence à la disposition de son employeur ce qu'elle ne fait pas n'ayant jamais formulé la moindre réserve s'agissant de ses conditions de travail alors qu'elle avait connaissance de son planning et qu'elle n'a jamais été dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle allait devoir travailler.

Par ailleurs, pour soutenir que les jours de repos seraient définis de manière alétoire tout comme la répartition du travail, Mme [J] [Z] [T] produit seulement les pointages sur deux mois en novembre 2019 et décembre 2019 alors qu'elle sollicite la fixation d'une créance de salaire à compter d'août 2018 et que la répartition de ses horaires de travail était modifiée de façon exceptionnelle ainsi que le prévoyait le contrat de travail qu'elle avait accepté.

Enfin, elle ne produit aucun élément justifiant qu'elle ait travaillé temporairement au mois d'août 2019 au delà de la durée légale du temps de travail, s'agissant de la période de vacances estivales l'employeur lui ayant demandé de pallier les absences des autres salariés de la structure.

A titre subsidiaire, la requalification du contrat de travail à temps complet ne pourrait être ordonné qu'à compter du mois d'août 2019.

Mme [J] [Z] [T] verse aux débats :

- un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel signé le 19 février 2018 mentionnant une durée hebdomadaire de 16 heures et une répartition de la durée du travail du 'lundi au mercredi de 10 h à 13h, les jeudi et vendredi de repos, le samedi de 10h à 13 h et le dimanche de 11h à 15 h'

- un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel signé le 31 janvier 2017 mentionnant également une durée hebdomadaire de travail de 16 heures répartie ainsi qu'il suit:

- lundi et mardi : 10h à 13 h

- mercredi et jeudi : repos

- vendredi et samedi : 10h à 13h

- dimanche : 11 à 15 heures'; les autres clauses demeurant inchangées dont celle prévoyant :

'La répartition journalière hebdomadaire ou mensuelle de ces horaires pourra être modifiée par l'employeur en fonction de l'évolution de la charge de travail et/ou de l'absence de salariés et/ou des contraintes de l'organisation du travail sur les sites et/ou des besoins des clients et/ou des changements d'affectation.';

- des bulletins de salaire de février 2018 à décembre 2019 mentionnant chaque mois une durée du travail différente ainsi pour exemples: mars 2018 : 84,86 h, août 2018 : 100,62 h; octobre 2018 : 106h; novembre 2018 : 87h; janvier 2019 : 90h; mars 2019 : 106 h; mai 2019: 91,46h; juin 2019 : 125,60 h; août 2019 : 151,67 h; septembre 2019: 119,65; ....les seuls mois au cours desquels la salariée a effectué le nombre d'heure contractuellement prévu, soit 69,3 heures sont les mois de novembre et décembre 2019, deux bulletins de paie mentionnant la réalisation d'heures complémentaires et le paiement d'une majoration;

- des pointages de novembre et décembre 2019 mentionnant les heures d'entrée, de sortie ainsi que les jours de repos, ainsi en novembre 2019, elle a travaillé 5 jours d'affilée du 1er au 5 décembre pour des durées quotidiennes comprises entre 4h83 et 7h50, suivis de deux jours de repos, puis 5 jours de travail pour des durées comprises entre 5,83 h à 7h53 suivi d'un seul jour de repos; et en décembre 2019, elle a travaillé du 04 au 08 septembre soit 5 jours pendant une durée variant de 4h70 à 07h10 a bénéficié d'un seul jour de repos le 9 septembre, suivi de quatre jours de travail pour des durées variant de 4h75 à 6h67, puis un seul jour de repos le 14 septembre.

Il se déduit de ces éléments qu'aucun des contrats ne mentionnent les limites d'accomplissement des heures complémentaires, que cependant ce défaut de mention ne suffit pas à entraîner la requalification du contrat en un contrat à temps complet.

En revanche, la salariée démontre en produisant tous ses bulletins de salaire de février 2018 à décembre 2019 ainsi que deux feuilles de pointage pour la période novembre et décembre 2019 que la durée mensuelle de travail a varié chaque mois et que ni la durée hebdomadaire contractuelle du temps de travail (16 heures par semaine, soit 69,28 heures par mois) ni la répartition contractuelle de la durée du travail entre les jours de la semaine et les repos n'ont été respectés par l'employeur alors que le bulletin de salaire du mois d'août 2019 mentionne un salaire de base pour 151,67 heures outre 2,88 heures supplémentaires, soit un temps de travail de 154h55 supérieur à la durée légale mensuelle de sorte que le contrat de travail à durée indéterminée est présumé conclu à temps complet.

Pour renverser cette présomption, l'employeur doit d'une part apporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part établir que la salariée pouvait prévoir son rythme de travail et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Or, en l'absence de tout élément produit par l'organisme social notamment sur la date effective de communication à la salariée des modifications de la durée de son temps de travail celui-ci échoue à rapporter cette preuve, le volume des heures complémentaires accomplies ayant même ponctuellement dépassé le maximum de la durée légale du travail en août 2019 démontrant qu'elle se trouvait à la disposition constante

de son employeur étant dans l'incapacité de prévoir les jours de la semaine durant lesquels elle allait travailler ainsi que la durée journalière qu'elle devrait effectuer.

En conséquence, il convient de requalifier le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Mme [J] [Z] [T] en contrat de travail à temps complet et, retenant les calculs exacts de la salariée non contestés par l'organisme social à titre subsidiaire, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Médifrance une créance de 8.070,93 € à titre de rappels de salaire pour la période d'août 2018 à décembre 2019 outre 807,09 € de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective applicable:

Selon l'article 6.2.6 de la convention collective applicable, 'la limite des heures complémentaires pouvant être effectuées peut être portée à 1/3 de la durée du travail inscrite au contrat de travail.'

'En application des articles L.3123-17 alinéa 3 et L.3123-19 du code du travail chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite de 1/10ème de la durée du temps partiel prévue dans le contrat de travail donne lieu à une majoration de salaire de 11% et chacune des heures complémentaires effectuées au-delà de ce 1/10 et jusqu'au 1/3 de la durée prévue au contrat donne lieu à une majoration de salaire de 25% '.

Mme [J] [Z] [T] sollicite une somme de 500 € de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de la convention collective des entreprises de propreté en indiquant que la société Médifrance n'a pas respecté à de nombreuses reprises le nombre maximum d'heures complémentaires autorisé et s'est exonérée pendant toute la durée de la relation de travail du paiement de la majoration des heures complémentaires à l'exception des mois de novembre et décembre 2019 période au cours de laquelle le syndicat CNT-SO a adressé à l'employeur un courrier mentionnant cette absence de rémunération systématique des heures complémentaires. Elle estime avoir servi de variable d'ajustement en fonction de la fréquentation de son site de travail sans bénéficier des majorations dues et sans se voir proposer d'avenants d'augmentation d'heures ce qui lui a causé un préjudice ne pouvant jamais prévoir le budget dont elle disposerait le mois suivant.

L'organisme social réplique que la salariée ne justifie ni du montant de sa demande ni de l'existence d'un quelconque préjudice, que la seule sanction du non-respect de la limite d'heures complémentaires est la requalification du contrat de travail à temps partiel à temps plein mais nullement l'allocation de dommages-intérêts, cette demande étant au surplus redondante avec sa demande de rappels de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail.

S'il a été fait droit à la demande de rappel de salaire de la salariée, il n'en demeure pas moins que l'employeur s'est fautivement abstenu de respecter la convention collective d'une part en dépassant à de nombreuses reprises de plus du 1/3 le volume d'heures complémentaires effectué par la salariée ainsi que cela résulte de l'analyse des bulletins de paie développée dans le paragraphe précédent notamment entre mars et septembre 2019 les heures effectuées ayant ainsi pu varier de 82 h à 154,55 heures et d'autre part en ne lui rémunérant pas les majorations applicables aucune heure complémentaire ne figurant sur les bulletins de salaire à l'exception des mois de novembre et de décembre 2019, s'agissant cependant d'un réglement partiel ainsi que le met en évidence la comparaison en novembre 2019 d'un bulletin de salaire mentionnant 24 heures supplémentaires et d'une feuille de pointage indiquant 60 h.

Or, cette variation constante du montant de son salaire mensuel compris entre 656 € net et 1.249€ net perturbant les prévisions budgétaires de Mme [J] [Z] [T] lui a causé un préjudice moral qui sera réparé en fixant au passif de la procédure une créance de 500 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts pour pratique irrégulière de l'abattement forfaitaire:

Selon l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, ne peut être opérée sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

L'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dispose que l'indemnisation de tels frais peut s'effectuer sur la base d'allocations forfaitaires, l'employeur se trouvant autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par cet arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet.

Selon l'article 9, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, les professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique, dont le taux est calculé selon les dispositions du même article 5 précité. L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. A défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option, qui peut alors notamment figurer dans le contrat de travail ou un avenant à celui-ci.

L'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts prévoit que les contribuables exerçant les professions désignées dans un tableau ont droit à une déduction supplémentaire pour frais professionnels, calculée d'après les taux indiqués audit tableau. Parmi ces professions figure celle des ouvriers du bâtiment, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier.

A ces professionnels ont été assimilés par la doctrine fiscale les ouvriers du nettoyage et de la propreté, bien que ces derniers ne figurent pas expressément sur la liste de l'article 5 de l'annexe IV, pour autant qu'ils travaillent dans les mêmes conditions que les ouvriers du bâtiment.

La cour de cassation juge depuis le 20 janvier 2012 que l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, lequel ne vise pas nommément les ouvriers de nettoyage de locaux. Si ces ouvriers sont assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visés par le texte, c'est à la condition que, comme ces derniers, ils travaillent sur plusieurs chantiers pour le compte d'un même employeur ce dont il se déduit qu'un employeur d'ouvriers de nettoyage travaillant sur un seul site ne peut prétendre au bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels.

Mme [J] [Z] [T] soutient que la société Medifrance Groupe a pratiqué illicitement chaque mois une déduction forfaitaire de 8% de son salaire brut pour le calcul des cotisations sociales alors qu'il n'existe aucune charge à caractère spécial, que les agents de propreté ne sont pas visés nommément aux professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, qu'elle travaille sur un seul site et qu'elle a subi du fait de cette pratique une minoration de tous ses droits sociaux établis sur l'assiette de calcul des cotisations (indemnités journalières an cas d'arrêt maladie, complément employeur et prévoyance en cas d'arrêt de travail, allocations chômage et retraite) à l'origine d'un préjudice dont elle demande réparation.

L'organisme social réplique que la pratique de l'abattement pour frais professionnels sur l'assiette de calcul des cotisations sociales des salariés a été étendue dans le secteur du nettoyage les ouvriers de nettoyage étant assimilés aux ouvriers du bâtiment par une lettre circulaire ministérielle du 8 novembre 2012 aux termes de laquelle il a été demandé aux contrôleurs des Urssaf et des Caisses Générales de sécurité sociale de ne pas tenir compte de cette condition de travail sur plusieurs sites posée par la cour de cassation en contrepartie d'une diminution de la déducition forfaitaire dans le secteur de la propreté dont le taux de 10% par analogie avec le bâtiment a été ramené au taux de 9% pour les rémunérations versées au 1er janvier 2013 puis à 8% à compter du 1er janvier 2014.

Il ajoute que Mme [J] [Z] [T] a expressément accepté l'abattement forfaitaire en cochant la case prévue à cet effet dans son contrat de travail, que cette pratique ne constitue pas une minoration des droits sociaux d'un salarié dans la mesure où elle n'a aucune incidence sur les allocations chômage alors que le salarié bénéficie d'un salaire net plus élevé, que la salariée ne peut ensuite solliciter des dommages-intérêts pour pratique irrégulière de l'abattement forfaitaire ce d'autant qu'elle ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier l'existence d'un préjudice à hauteur de 2.000 €.

Cependant, dans un arrêt du 28 septembre 2023, la chambre sociale de la cour de cassation a renvoyé à la 2ème chambre civile une demande d'avis motivée comme suit :

'8. Au cas présent, une salariée engagée en qualité d'agent de service de propreté a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir, notamment, la nullité d'une clause de son contrat de travail prévoyant la déduction forfaitaire spécifique de 10% pour frais professionnels qui stipulait : «'le salarié accepte expressément le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels et connaît ses conséquences sur la validation de ses droits'». Elle faisait valoir que cette déduction ne lui était pas applicable dans la mesure où elle travaillait sur un seul site et sollicitait l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

9. La cour d'appel, dans un arrêt rendu le 21 janvier 2022, se fondant sur une lettre conjointe du ministre des affaires sociales et du ministre de l'économie et des finances du 8 novembre 2012 qui donne pour instructions aux Urssaf de ne pas procéder à des redressements lorsque l'abattement forfaitaire a été appliqué aux employés de nettoyage «'mono-sites'», lesquels doivent bénéficier du même régime que les employés «'multi-sites'», a retenu que la notion

de «'chantiers'» visée à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts pour les ouvriers du bâtiment ne renvoyait pas à une notion de multi-affectations sur les sites des clients mais avait pour but de distinguer les salariés affectés au siège même de l'entreprise de ceux affectés sur le site d'un client. Elle en a déduit qu' un agent de nettoyage tel que l'était la salariée, même affecté sur un seul site (ou «'chantier'»), se trouvait exposé à des frais de déplacement particuliers, notamment en raison d'horaires décalés, que n'exposent pas des salariés travaillant au siège de leur entreprise ou leur établissement.

10. La question qui se pose est celle de savoir si la nouvelle doctrine sociale issue de la lettre ministérielle du 8 novembre 2012 doit amener une évolution de la position de la Cour quant aux conditions que doivent remplir les ouvriers de nettoyage pour que puisse être appliquée la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels : doivent-ils travailler sur plusieurs chantiers ou sites pour le compte d'un même employeur'' Ou peuvent-ils se voir appliquer cette déduction même s'ils travaillent sur un seul chantier ou site, dès lors qu'il s'agit d'un lieu distinct du siège social de leur employeur'.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Renvoie l'affaire à la deuxième chambre civile pour avis sur la question suivante :

«'La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels prévue à l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'est-elle applicable aux ouvriers de nettoyage assimilés aux ouvriers du bâtiment que s'ils travaillent sur plusieurs chantiers ou sites pour le compte d'un même employeur ou leur est-elle applicable lorsqu'ils travaillent sur un seul site, dès lors qu'il ne s'agit pas du siège social de leur entreprise'''»

Sursoit à statuer dans l'attente de la réponse de la deuxième chambre civile';

Renvoie l'affaire à l'audience de formation de la section 4 du 7 février 2024 à 14 heures';'

L'avis à venir de la cour de cassation étant de nature à influer sur la décision de la cour, il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner d'office un sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour pratique irrégulière de l'abattement forfaitaire dans l'attente de l'arrêt de la 2ème chambre civile en réponse à la question que lui a posée la chambre sociale par arrêt du 28 septembre 2023.

Sur les intérêts :

Il est rappelé que jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.

Sur la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 10] :

Il résulte des dispositions de l'article L 3253-8 du Code du travail que lorsque l'employeur fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, l'assurance de garantie des salaires couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de ladite procédure, de même que les créances résultant de la rupture du contrat de travail, à la condition que celle-ci intervienne dans les 15 jours suivant ce jugement.

En l'espèce, l'organisme social ne conteste pas sa garantie relative aux créances liées à l'exécution du contrat de travail l'excluant à l'égard des sommes allouées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unédic agissant sur délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 10] dans les limites prévues aux articles L 3253-1 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code, plafonds qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts, les créances n'étant payables que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Il convient de sursoir à statuer sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt rendu par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Déclare irrecevables les conclusions et pièces notifiées par l'appelante le 1er juin 2023.

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevables les demandes de Mme [J] [Z] [T] de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, de modification de sa classification, de fixation au passif de la procédure de sommes de nature salariale et indemnitaire.

Rejette la demande de Mme [J] [Z] [T] de classification AQS1A.

Requalifie le contrat de travail à temps partiel de Mme [J] [Z] [T] en contrat à temps complet.

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Médifrance Groupe les créances suivantes:

- 8.070,93 € à titre de rappels de salaire pour la période d'août 2018 à décembre 2019 outre 807,09 € de congés payés afférents;

- 500 € à titre de dommages-intérêts pour violation de la convention collective des entreprises de propreté;

Sursoit à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour pratique illégale de l'abattement forfaitaire dans l'attente de l'arrêt de la 2ème chambre civile en réponse à la question que lui a posée la chambre sociale par arrêt du 28 septembre 2023.

Rappelle le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.

Déclare opposable le présent arrêt à l'Unédic agissant sur délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 10] dans les limites prévues aux articles L 3253-1 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code, plafonds qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts, les créances n'étant payables que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail.

Sursoit à statuer sur les dépens et les frais irrépétibles.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 21/02803
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;21.02803 ?
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