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18/04/2024 | FRANCE | N°19/13622

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 18 avril 2024, 19/13622


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/







Rôle N° RG 19/13622 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZPF







[O] [U]

[Z] [V]





C/



SCI SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Frédéric AMSELLEM



Me Emmanuelle PLAN











Décision déférée à la Cour :

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Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04491.





APPELANTS



Monsieur [O] [U]

né le 07 Octobre 1981 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/13622 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZPF

[O] [U]

[Z] [V]

C/

SCI SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric AMSELLEM

Me Emmanuelle PLAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04491.

APPELANTS

Monsieur [O] [U]

né le 07 Octobre 1981 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [Z] [V]

née le 27 Juillet 1985 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SCI SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Emmanuelle PLAN de la SELARL SOLUTIO AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Fabrice DI FRENNA de la SCP SANGUINEDE DI FRENNA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Sandra VERGNAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Février 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

 

Par acte authentique en date du 09 décembre 2010, Monsieur [O] [U] et Madame [Z] [V] ont acquis, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, un appartement situé au [Adresse 1], à la Société Civile de Construction Vente dénommée AVENUE DE LA CROIX ROUGE. La livraison de l'appartement était contractuellement prévue pour le 4ème trimestre 2011.

 

Le 27 mars 2012 l'appartement a été livré, avec réserves, aux consorts [U]-[V].

 

Se plaignant de la présence de désordres, par actes d'huissier en date du 20 février 2013, les consorts [U]-[V], ont donné assignation à comparaitre à la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE, devant le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, en vue d'obtenir, en référé, une mesure d'expertise judiciaire.

 

Par ordonnance de référé en date du 05 juillet 2013, le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, a ordonné la réalisation d'une expertise judiciaire confiée à M. [Y]. Ce dernier a déposé son rapport le 14 mars 2014.

 

Par actes d'huissier en date du 06 avril 2016, les consorts [U]-[V], ont donné assignation à comparaitre à la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE, devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, en vue d'obtenir un dédommagement au titre des travaux de reprise et l'octroi de dommages et intérêts.  

 

Par jugement en date du 11 juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE :

-          DECLARE forclose l'action de M. [O] [U] et Mme [Z] [V] au titre des désordres réservés ;

-          DECLARE en conséquence, irrecevable la demande de M.  [O] [U] et Mme [Z] [V] de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise ;

-          CONDAMNE la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer à M. [O] [U] et Mme [Z] [V] la somme de 4000 € de dommages et intérêts au titre du dysfonctionnement de la VMC ;

-          CONDAMNE la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer à M. [O] [U] et Mme [Z] [V] la somme de 2700 € de dommages et intérêts au titre du retard de livraison ;

-          CONDAMNE la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer à M. [O] [U] et Mme [Z] [V] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;  

-          ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ; 

-          CONDAMNE la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE aux dépens qui ne comprendront pas le coût de l'expertise judiciaire ;

-          DIT que le coût de l'expertise judiciaire de M. [Y] restera à la charge de M. [O] [U] et Mme [Z] [V] ;

-          DIT que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.  

 

Par déclaration en date du 22 août 2019, les consorts [U]-[V], ont formé appel contre ce jugement à l'encontre de la SCI SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE, en ce qu'il :

-          DECLARE forclose l'action de M. [O] [U] et Mme [Z] [V] au titre des désordres réservés,

-          DECLARE en conséquence, irrecevable la demande de M. [O] [U] et Mme [Z] [V] de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise,

-          CONDAMNE la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer à M. [O] [U] et Mme [Z] [V] la somme de 2700 euros de dommages et intérêts au titre du retard de livraison, 

-          CONDAMNE la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer à M. [O] [U] et Mme [Z] [V] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du CPC, 

-          ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, 

-          CONDAMNE la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE aux dépens qui ne comprendront pas le coût de l'expertise judiciaire, 

-          DIT que le coût de l'expertise judiciaire de Mr [Y] restera à la charge de M. [O] [U] et Mme [Z] [V]. 

-          DIT que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

 

***

 

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

 

Les consorts [U]-[V] par conclusions d'appelant notifiées par RPVA le 21 novembre 2019, demandent à la Cour :

Vu le rapport d'expertise,

Vu les articles 1147 (applicables à la date des faits) devenu 1231-1 du Code

Civil, 1641 et suivants, 1792 du Code civil,

-          RECEVOIR l'appel de Monsieur [O] [U] et Mme [Z] [V]

-          LE DECLARER recevable et bien fondé

-          REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 juillet 2019 du chef des points critiqués dans la déclaration d'appel.

STATUANT A NOUVEAU

-          CONDAMNER la Société SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer les sommes suivantes à Mr [O] [U] et Mme [Z] [V]

o   15 500 euros au titre des travaux de reprise

o   3.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles d'appel

-          CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 juillet 2019 en ce qu'il a condamné SCCV Avenue de la Croix Rouge au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

-          DEBOUTER la SCCV Avenue de la Croix Rouge de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

-          CONDAMNER la Société SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et le coût des constats d'huissier du 04/04/2012 et du 17/04/2013, les dépens étant distraits au profit de Me Frederic AMSELLEM, Avocat, sur son affirmation de droit.

 

Les appelants font valoir que le bien vendu était affecté de désordres, inachèvements et non conformités ; que si des reprises ont été faites, certaines n'ont pas été réalisées dans le respect des règles de l'art. Ils exposent que les réserves non levées ont été pointées par l'expert qui a procédé à une évaluation du coût des travaux de reprise, et qu'il persiste en outre un défaut d'équerrage sans que l'expert ne puisse déterminer la dépréciation en résultant. Ils considèrent également qu'en raison de ces désordres, ils n'ont pas pu jouir entièrement de l'appartement dans le délai et le prix convenu ; qu'ils ont donc subi un trouble de jouissance ; qu'ils ont également subi le dysfonctionnement de la VMC et l'apparition de moisissures sur les cloisons de leur bien résultant d'une évacuation insuffisante de l'air.

 

Ils s'opposent à la solution adoptée par le premier juge en ce que celui-ci a retenu la forclusion au titre de l'action en réparation des désordres apparents et réservés, et font valoir que cette forclusion doit être écartée en ce que le vendeur s'était engagé à réparer les vices de construction et défaut de conformité apparents. Que si la forclusion était cependant retenue, il conviendrait de déclarer recevables leurs demandes de dommages et intérêts fondées sur le droit commun.

 

S'agissant de la VMC, ils exposent que le dysfonctionnement a été signalé au promoteur dès 2013 et qu'il ne peut donc pas être soutenu que ce problème aurait été mentionné tardivement, qu'enfin, ce dysfonctionnement entraîne bien une impropriété à destination.

 

S'agissant du retard dans la livraison, ils considèrent que celui-ci ne doit pas être fixé à 3 mois mais au minimum à 5 mois de sorte que la somme de 4.500€ doit leur être allouée à ce titre.

 

La SCI SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE par conclusions d'intimé et d'appel incident déposées et notifiées par RPVA Le 10 février 2020, demande à la Cour :

Vu les articles 1642-1 et 1648, et 1792-3 du code civil,

Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [Y],

Vu les pièces produites aux débats,

-          CONFIRMER le jugement du 11 juillet 2019 du Tribunal de grande instance de MARSEILLE en ce qu'il a retenu la forclusion de l'action sur les désordres apparents et réservés objets du rapport d'expertise et a en conséquence laisser les frais d'expertise a la charge des consorts [U] [V].

-          REFORMER le jugement du 11 juillet 2019 pour le surplus.

 

STATUANT A NOUVEAU

A titre d'appel incident, sur les demandes au titre de la VMC :

-          DIRE ET JUGER que l'action des consorts [U] [V] est prescrite au titre de la VMC s'agissant d'un élément d'équipement dissociable soumis à une prescription biennale.

-          DIRE ET JUGER qu'il n'est aucunement démontré que le désordre au titre de la VMC serait de nature décennale.

-          DIRE ET JUGER que le dysfonctionnement de la VMC n'a fait l'objet d'aucun constat contradictoire.

-          DIRE ET JUGER que les consorts [U] [V] ne rapportent pas la preuve de l'entretien de la VMC susceptible d'être la cause de son dysfonctionnement.

En conséquence,

-          DEBOUTER les consorts [U] [V] de leurs demandes découlant du dysfonctionnement de la VMC.

 

Sur les demandes au titre du préjudice de retard :

-          DIRE ET JUGER que les requérants ne rapportent nullement la preuve d'un quelconque retard injustifié de livraison.

En conséquence,

-          DEBOUTER les consorts [U] [V] de leur demande au titre du retard de livraison.

 

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

-          CONDAMNER les consorts [U] [V] au paiement de la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de référé et de première instance.

 

A l'appui de ses demandes, la SCCV fait valoir que l'ensemble des désordres objet du rapport d'expertise ont été réservés lors de la livraison de l'appartement et ont été constatés par huissier le 4 avril 2012 ; que les demandes s'y rapportant doivent donc être déclarées forcloses par application des articles 1642-1 et 1648 du Code civil ; elle rappelle le régime juridique spécifique applicable aux ventes en l'état futur d'achèvement aux termes duquel les désordres et non conformités apparents lors de la livraison ne peuvent relever que de ces dispositions. Elle conclut que le premier juge a donc justement retenu la forclusion de ces demandes.

 

En réponse aux moyens soulevé par les appelants, elle expose qu'elle n'a pris aucun engagement de reprise des vices de construction et défauts de conformité apparents et que le courrier dont ils se prévalent à ce titre ne justifie pas d'un engagement susceptible d'interrompre le délai de forclusion.

 

Au titre de son appel incident, elle fait valoir que l'action relative à la VMC est prescrite puisque soumise au délai de prescription biennal de l'article 1792-3 du Code civil et que le défaut de la VMC n'est pas démontré, aucune réclamation n'ayant été formulée à ce titre avant le 6 avril 2016 ; qu'en effet, les appelants ne se sont pas plaints de cette VMC au cours des opérations d'expertise et qu'elle n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire. Elle indique en outre qu'il n'est pas démontré que l'entretien obligatoire de la VMC a été réalisé par la copropriété.

 

Elle considère enfin que s'agissant du retard de livraison, le délai initialement prévu pour cette livraison pouvait, selon les conditions du contrat, être suspendu en cas de survenance d'une ou plusieurs causes légitimes ; qu'elle a informé les appelants que le report intervenu était la conséquence de jours d'intempéries et de la liquidation d'une entreprise ayant affecté le déroulement du chantier ; qu'aucun retard injustifié n'est donc démontré et que la décision de première instance doit être réformée en ce qu'elle l'a condamnée au paiement d'une somme au titre du non-respect du délai de livraison.

 

L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 08 janvier 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 13 février 2024.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

Sur la demande relative aux travaux de reprise :

 

'         Sur la recevabilité :

 

Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants sollicitent, à titre principal, la condamnation de la SCCV au paiement de la somme de 15.500€ au titre du coût des travaux de reprise. Ils se prévalent en effet des désordres suivants :

-          Réfection des peintures des plafonds des 2 chambres : 400€

-          Remplacement des carreaux ébréchés, qui sonnent creux, reprise des joints, reprise autour des tuyaux d'évacuation et des pieds de porte : 1500€

-          Mise en place d'un doublage BA 13 des 2 côtés du portique entre le séjour et la première chambre, mise en place de nouvelles plinthes et mises en peinture : 3000€

-          Reprise du placo de la gaine technique dans l'angle de la cuisine et remise en peinture : 600€.

 

Ils se prévalent également de l'existence d'un défaut d'équerrage et, soulignant que l'expert n'a pas pu déterminer la valeur de la dépréciation liée à ce défaut, ils sollicitent la condamnation de la SCCV au paiement de la somme de 10.000€ à ce titre.

 

Ils fondent leurs demandes sur l'ancien article 1147 du Code civil pour les désordres réservés à la réception, ainsi que sur l'article 1792 de ce Code s'agissant des désordres apparus après réception et rendant la chose impropre à son usage. Ils concluent que le vendeur d'un immeuble à construire est tenu des défauts apparents par application de l'article 1642-1 du Code civil, mais également des désordres de nature décennale selon l'article 1646-1 de ce Code.

 

Pour contester toute forclusion de leur action, ils font valoir que, compte tenu de l'engagement qui avait été pris par le constructeur après réception à réparer les vices et défauts de conformité, la forclusion prévue par l'article 1648 alinéa 2 du Code civil doit être écartée de sorte que leurs prétentions sont bien recevables. Ils estiment également que si les prétentions relatives aux différents désordres étaient déclarées irrecevables car forcloses, il y a, en tout état de cause, lieu de recevoir leur demande de dommages et intérêts qui n'est pas soumise au régime de l'article précité.

 

Par application des termes de l'article 1642-1 du code civil, « le vendeur d'un immeuble à construire ne peut pas être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents ».

 

L'article 1648 du même Code dispose que dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

 

Le jugement attaqué a justement souligné qu'il n'était pas contesté que les désordres sur lesquels sont fondés les demandes étaient apparents lors de la réception et qu'ils ont fait l'objet de réserves.

 

En l'espèce, la livraison du bien litigieux est intervenue le 27 mars 2012 de sorte que l'action fondée sur l'article 1642-1 du Code civil devait initialement être engagée entre le 27 avril 2012 et le 27 avril 2013. L'acte introductif d'instance a été délivré le 20 février 2013. L'ordonnance de désignation de l'expert est intervenue le 5 juillet 2013 et Monsieur [Y] a déposé son rapport le 14 mars 2014. Au vu de ces éléments, et compte tenu du délai qui a recommencé à courir à compter du dépôt du rapport d'expertise, la forclusion était acquise lors de la délivrance de l'assignation au fond le 6 avril 2016.

 

S'agissant de l'engagement du constructeur à prendre en charge ces désordres, les appelants versent aux débats un échange de courriels intervenu en juillet 2012 entre Monsieur [D] [S], Mme [U] et la société MASFER faisant état d'une intervention sur la villa A01, ainsi qu'un courrier du 10 janvier 2013 de Monsieur [S] relatif au fonctionnement de la VMC. Cependant, ces échanges ne font pas état des désordres réservés et ne peuvent pas être interprétés comme un engagement du vendeur à y remédier.

 

Il convient en conséquence de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevables car forcloses les demandes formulées au titre des dommages apparents.

 

Sur la demande relative au retard de livraison :

 

Selon l'acte notarié en date du 9 décembre 2010, le délai d'achèvement des locaux était effectivement prévu « au cours du quatrième trimestre 2011 ».

 

S'agissant du retard de livraison, les appelants exposent qu'ils n'ont pas pu jouir d'un appartement exempt de désordre dans le délai et dans le prix convenu alors que cet appartement présente une valeur locative de 900€ par mois ; ils exposent que 5 mois de retard sont comptabilisés et que c'est donc la somme de 4500€ qui doit leur être versée au titre du trouble de jouissance et non pas 2700€ comme l'a retenu le premier juge. Ils considèrent en effet que si le bien a été livré le 27 mars 2012, il n'était de toute évidence pas habitable à cette date compte tenu des nombreuses réserves mentionnées et de l'existence d'une fuite au niveau du ballon d'eau chaude.

 

Il n'est pas contesté par les parties que la livraison du bien devait intervenir au cours du 4ème trimestre 2011. Selon les appelants, il doit se déduire de cette formulation que la livraison pouvait intervenir au milieu du trimestre 2011 et non pas à la fin de ce trimestre ; qu'elle n'est en réalité intervenue que le 27 mars 2012 sans qu'ils puissent jouir entièrement des lieux à cette date.

 

L'évaluation du retard de livraison doit conduire à prendre comme point de départ le 31 décembre 2011 dès lors que selon l'acte de vente, c'est bien jusqu'à cette date que la livraison pouvait intervenir sans manquement à l'engagement contractuel. La SCCV, pour appuyer sa demande d'infirmation de la décision attaquée à ce titre, fait valoir que le retard de trois mois a été justifié par des éléments qui étaient prévus dans le contrat, à savoir des jours d'intempérie et la liquidation d'une entreprise. Elle verse aux débats :

-          Un courrier en date du 7 octobre 2011 adressé en recommandé à Monsieur [U] et Madame [V] dans lequel ces derniers sont avisés d'un décalage de la date de livraison à la fin du mois de janvier 2012 en raison des jours d'intempéries venus perturber l'avancement des travaux,

-          Un courrier en date du 13 janvier 2012 qui informe Monsieur [U] et Madame [V] d'un report de la date de livraison à la semaine du 12 au 16 mars suite à un recalage du planning pour l'ensemble des travaux restant à réaliser avec les entreprises concernées.

 

Il convient toutefois de relever que la SCCV ne justifie ni des conditions météorologiques, ni des incidents dont elle se prévaut pour justifier du retard dans la livraison. Les seuls courriers adressés aux acquéreurs ne sauraient valoir justification du retard intervenu.

 

Il en résulte que le retard de trois mois admis par le premier juge a lieu d'être confirmé. L'indemnisation de ce retard à hauteur de 2.700€ sera également confirmée compte tenu de la valeur locative retenue par l'évaluation en date du 7 août 2015, que les appelants versent aux débats et dont les termes ne sont pas contestés.

 

Sur la demande relative à la VMC :

 

Aux termes des conclusions des appelants, il apparaît que, nonobstant le développement consacré à ce point, ces derniers ne contestent pas la décision attaquée en ce qu'elle leur a alloué la somme de 4.000€ au titre du dysfonctionnement de la VMC.

 

La SCCV conclut cependant à l'infirmation du jugement. Elle fait valoir que la VMC litigieuse ne dessert pas uniquement l'appartement des requérants mais, faisant partie du bâtiment dans lequel elle est située, il s'agit donc d'un équipement commun dont l'entretien est à la charge de la copropriété. Elle fait valoir que les requérants ne démontrent pas qu'un contrat d'entretien ait été effectivement souscrit en vue d'assurer le bon fonctionnement de cette VMC alors que le syndicat des copropriétaires est chargé d'assurer la vérification de l'installation de ventilation et des installations fonctionnant automatiquement dans le cadre de la protection contre l'incendie.

 

En application de l'article 1792-2 du Code civil, les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installée sur l'existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

 

En l'espèce il n'est pas contesté que les difficultés relatives à l'apparition de tâches de moisissure dans l'appartement des appelants, tâches attribuées à un dysfonctionnement de la VMC, ont été signalées dès le début de l'année 2013. Ainsi, dans un procès-verbal de constat établi le 17 avril 2013 par Maître [J], huissier de justice, ont été constatées des traces de moisissure et de champignons sur le cadre gauche intérieur de la porte d'entrée ainsi qu'autour de la grille d'aération située dans la cuisine. Le délai d'apparition de ces traces de moisissure ayant été de moins d'un an après la date de livraison, aucun manquement à l'obligation d'entretien ne peut être invoqué par la SCCV.

 

L'apparition de ces moisissures a donné lieu à une déclaration de sinistre faite le 17 mars 2015 par Monsieur [U] et Madame [V] auprès de la société ALLIANZ assureur dommages-ouvrage de l'opération de construction ; Il a été répondu par l'assureur dans le cadre du traitement de ce sinistre que le désordre n'était pas de nature décennale et qu'il relevait de la garantie de bon fonctionnement cours de la déclaration du sinistre.

 

S'agissant des conséquences de cette situation les appelants versent au débat un certificat médical établi par le docteur [H] le 28 juillet 2015 mentionnant que leur fille [K], née en novembre 2009, présente depuis l'âge de 22 mois des épisodes d'infection ORL et de crise d'asthme ou la pharyngite, trachéite ou pathologie pulmonaire de type bronchite et que ces événements ont un lien possible avec l'environnement de l'enfant et notamment de la présence d'éléments toxiques infectieux et allergisant dans le domicile des parents.

 

Il a été relevé dans le premier jugement, ce point n'étant pas contesté, que Monsieur [U] et Madame [V] s'étaient notamment prévalus d'un compte rendu d'analyse de l'âme de prélèvement réalisée à leur domicile le 22 juin 2015 établissant la présence dans les chambres de champignons pathogènes.

 

En considération de ces éléments c'est à juste titre que le premier juge à retenu la responsabilité de la SCCV en sa qualité de maître de l'ouvrage et l'a condamnée à indemniser Monsieur [U] et Madame [V] du préjudice résultant de ce défaut de fonctionnement de la VMC en relevant qu'il n'était pas démontré que celui-ci a perduré au-delà du mois de juin 2015.

 

S'agissant de l'indemnisation de ce poste de préjudice, compte tenu de la nature de ce désordre et de sa durée, étant relevé que le dysfonctionnement qui a donné lieu à l'apparition des moisissures signalées au début de l'année 2013 affectait le système de VMC dès l'origine, la somme de 3.900€ apparaît être une juste réparation, soit une indemnisation à hauteur de 100€ par mois sur une période de 39 mois.

 

Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à Monsieur [U] et Madame [V] la somme de 4.000€ par mois au titre du dysfonctionnement de la VMC et, statuant à nouveau, d'allouer la somme de 3.900€ en réparation de ce poste de préjudice.

 

Sur la demande relative aux frais d'expertise :

 

En application de l'article 695 du Code de procédure civile, la rémunération de l'expert judiciaire entre dans les dépens de l'instance.

 

Monsieur [U] et Madame [V] considèrent qu'ils n'auraient pas dû être condamnés à supporter les frais d'expertise judiciaire ». Une infirmation est sollicitée de ce chef.

 

En effet, compte tenu de la forclusion retenue à titre principal, le jugement attaqué a dit que les dépens ne comprendront pas les frais d'expertise qui resteront à la charge des demandeurs.

 

Il doit être relevé qu'en l'espèce, l'expertise a été ordonnée en vue de déterminer les responsabilités encourues s'agissant des désordres réservés lors de la réception ; que les demandes formulées au titre de ces désordres dans le cadre de l'instance au fond sont toutefois irrecevables car forcloses. Si Monsieur [U] et Madame [V] prospèrent partiellement en leurs demandes, c'est au titre de désordres qui n'entraient pas dans la mission de l'expert, à savoir le fonctionnement de la VMC. Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a pu considérer, en application de l'article 696 du Code de procédure civile que les frais d'expertise devaient être laissés à la charge de Monsieur [U] et Madame [V].

 

Il convient en conséquence de confirmer la décision attaquée à ce titre.

 

Sur les demandes annexes :

 

Compte tenu de la solution du litige et de la situation économique des parties, il convient de limiter à 1.000€ le montant de la somme que Monsieur [U] et Madame [V] seront condamnés à payer à la SCCV AVENUE DE LA CROIX ROUGE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

Monsieur [U] et Madame [V] succombant en leur appel, ils seront condamnés aux entiers dépens de l'instance d'appel.

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

 

Confirme en toute ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 11 juillet 2019, sauf en ce qu'il a condamné la Société Civile de Construction Vente dénommée AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer à Monsieur [O] [U] et Madame [Z] [V] la somme de 4.000€ à titre de dommages et intérêts au titre du dysfonctionnement de la VMC ;

 

Statuant à nouveau,

 

Condamne la Société Civile de Construction Vente dénommée AVENUE DE LA CROIX ROUGE à payer à Monsieur [O] [U] et Madame [Z] [V] la somme de 3.900€ à titre de dommages et intérêts au titre du dysfonctionnement de la VMC ;

 

Y ajoutant,

 

Condamne Monsieur [O] [U] et Madame [Z] [V] à payer à la Société Civile de Construction Vente dénommée AVENUE DE LA CROIX ROUGE la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

Condamne Monsieur [O] [U] et Madame [Z] [V] aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/13622
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;19.13622 ?
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