COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 04 MAI 2022
N° 2022/ 216
N° RG 19/16604
N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCQI
[V] [L] épouse [D]
C/
SASU ESTHEMED COTE D'AZUR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Carline LECA
Me Anne-sophie LAPIERRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de Nice en date du 02 Septembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-18-0625.
APPELANTE
Madame [V] [L] épouse [D]
née le 1er Mai 1957 à NICE (06) demeurant 11 route de la Bastide des Jourdans 04860 PIERREVERT
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/015062 du 13/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentée par Me Carline LECA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SASU ESTHEMED COTE D'AZUR
dont le siège social est sis 13 Rue Masséna 06000 NICE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Anne-sophie LAPIERRE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Le 28 février 2017 Madame [V] [L] épouse [D] a émis un chèque de 1.000 euros à l'ordre de la société ESTHEMED CÔTE D'AZUR, exploitant un institut de beauté à Nice, qui a été rejeté le 31 mars suivant pour défaut de provision suffisante.
Considérant que cette société avait commis une faute de nature contractuelle en portant ce chèque à l'encaissement, alors qu'il s'agissait d'un 'chèque de garantie' destiné à réserver des soins futurs qui n'avaient en définitive jamais été réalisés, ayant entraîné des frais financiers ainsi qu'une mesure d'interdiction bancaire, Madame [L] l'a assignée le 21 juin 2018 à comparaître devant le tribunal d'instance de Nice pour l'entendre condamner à lui restituer le chèque litigieux sous peine d'astreinte, ainsi qu'à lui payer la somme totale de 2.304 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement rendu le 2 septembre 2019, le tribunal a débouté Madame [L] des fins de son action, considérant qu'elle ne démontrait pas l'existence d'une faute de la part de son cocontractant, et l'a condamnée aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a également débouté la société ESTHEMED de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Madame [L] a interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 25 octobre 2019 au greffe de la Cour.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 27 mai 2020, Madame [V] [L] soutient qu'il avait été expressément convenu que le chèque litigieux ne devait pas être porté à l'encaissement, et que la société ESTHEMED a reconnu son erreur au cours de leurs échanges écrits ultérieurs, dont elle produit la teneur aux débats.
Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'intimée à lui payer 288 euros en réparation de son préjudice financier et 600 euros en réparation de son préjudice moral, outre les entiers dépens de l'instance et une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réplique notifiées le 13 juillet 2020, la société ESTHEMED CÔTE D'AZUR rappelle les dispositions du code monétaire et financier sanctionnant l'émission d'un chèque sans provision, et soutient que le chèque dont s'agit avait bien vocation à être porté à l'encaissement en règlement de soins.
Elle précise que ce n'est que pour être agréable à sa cliente qu'elle a ensuite tenté de récupérer ce chèque auprès de sa banque, sans que cette démarche n'emporte cependant aucune reconnaissance de responsabilité de sa part.
Elle demande à la Cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la partie adverse de ses demandes principales et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles,
- de l'infirmer en revanche en ce qui concerne le rejet de sa demande reconventionnelle, et de condamner Madame [L] à lui payer la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- de condamner en outre l'appelante aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Le chèque est un instrument de paiement régi par les dispositions des articles L 131-1 et suivants du code monétaire et financier, lesquels sanctionnent notamment le tireur qui émet un chèque sans disposer de la provision suffisante sur son compte.
La notion de 'chèque de garantie' étant inconnue du droit bancaire, la remise d'un chèque à son bénéficiaire emporte présomption de paiement d'une dette, sauf à ce que le tireur rapporte la preuve de l'existence d'une convention contraire.
En l'espèce Madame [L] ne démontre pas qu'il avait été convenu avec la société ESTHEMED que le chèque litigieux ne serait pas porté à l'encaissement, mais conservé dans l'attente de la réalisation de soins futurs.
Elle ne prouve pas notamment avoir inscrit au verso la mention 'chèque de garantie à ne pas encaisser ', seule la copie du recto du chèque étant produite aux débats.
D'autre part, si la teneur des échanges écrits entre les parties établit que la société ESTHEMED avait effectivement tenté de récupérer ultérieurement le chèque auprès de sa banque, il n'est pas démontré en revanche qu'elle aurait reconnu avoir manqué à ses engagements contractuels.
Dans un courrier en date du 22 août 2018 Madame [W] [K], gérante de la société ESTHEMED CÔTE D'AZUR, fait certes état de nombreuses fautes de gestion commises par son employée [T] [C] et suppose que Madame [L] est 'sans doute de bonne foi', avant d'ajouter toutefois qu'elle n'a retrouvé 'aucune mention d'une quelconque garantie perçue par chèque dans son dossier '. Le contenu de cette lettre ne vaut donc pas reconnaissance de responsabilité et ne peut fonder aucune condamnation.
L'exercice par Madame [L] de son droit d'agir en justice n'a cependant pas dégénéré en abus, de sorte que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par la société ESTHEMED doit être également rejetée.
Le jugement entrepris sera donc intégralement confirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Madame [V] [L] aux dépens de l'instance d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions régissant l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'appelante,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIERELE PRESIDENT