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15/10/2020 | FRANCE | N°19/18060

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 15 octobre 2020, 19/18060


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

DU 15 OCTOBRE 2020



N°2020/ 119















Rôle N° RG 19/18060 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFGVY







SAS [V]





C/



[T] [F]

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me RAFFAELLI



Me RAN

CAN





Arrêt en date du 15 octobre 2020 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 10 octobre 2019, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 18/254 rendu le 31 mai 2018 par la Cour d'Appel de AIX EN PROVENCE (11ème chambre A).





DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION



Société [V], prise en la personne d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

DU 15 OCTOBRE 2020

N°2020/ 119

Rôle N° RG 19/18060 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFGVY

SAS [V]

C/

[T] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me RAFFAELLI

Me RANCAN

Arrêt en date du 15 octobre 2020 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 10 octobre 2019, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 18/254 rendu le 31 mai 2018 par la Cour d'Appel de AIX EN PROVENCE (11ème chambre A).

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

Société [V], prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Olivia GUIGUET, avocat au barreau de PARIS substituant Me Anne DUMAS L'HOIR, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur [T] [F]

né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 6] (ALGERIE), demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté de Me Pierre RANCAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure BOURREL, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Suivant acte du 1er janvier 1984, Monsieur [F] a donné à bail commercial à la société [V], les lots n° 2 et 3 d'un centre situé [Adresse 5] moyennant un loyer annuel de 120 000francs HT, auxquels a été joint le lot n° 1 selon avenant du 1er juillet 1999 pour un loyer complémentaire de 6 500 francs HT.

Monsieur [F] a dirigé en qualité de directeur salarié cet établissement secondaire de la société [V] du 1er août 1974 au 30 juin 2005.

Le 1er janvier 2002, un nouveau bail a été conclu entre les parties pour un prix annuel de 53 204€ HT.

Le 28 septembre 2005, Monsieur [F] a fait signifier un commandement d'avoir à payer la somme de 21 998,33€ au titre des loyers et charges impayés au titre du 4ième trimestre 2005, acte à l'encontre duquel la société [V] a fait opposition par assignation délivrée le 23 décembre 2005 en sollicitant le prononcé de la résiliation du bail aux torts du bailleur.

Le 2 mai 2007, Monsieur [F] a réitéré un commandement de payer pour une somme de 99 667,75€ au titre du loyer et charges pour l'année 2006 et du 1er trimestre 2007 et par acte du 22 juin 2007, la société [V] faisait opposition et donnait congé pour le 31 décembre 2007.

Par jugement contradictoire du 11 juillet 2016, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence dit que le bail a été résilié par accord entre les parties le 19 mai 2006 et a condamné la société [V] à payer à Monsieur [F] la somme de 55 102,29€ au titre des loyers et charges dus entre le 1er octobre 2005 et le 19 mai 2006 et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La juridiction a estimé que la société [V] ayant sollicité le prononcé de la résiliation par acte du 23 septembre 2005, ainsi que Monsieur [F] par conclusions du 19 mai 2006, il convenait de prendre acte de leur accord sur ce point.

Le 26 novembre 2019, Monsieur [F] a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Par arrêt du 31 mai 2018, la présente cour d'appel a infirmé le jugement de première instance et a constaté qu'il a été mis fin au bail par un congé délivré par la société [V] le 22 juin 2007 pour le 31 décembre 2007 et que la demande de résiliation formée par la société [V] était devenue sans objet et l'a condamnée à payer à Monsieur [F] la somme de 180 743,21€ TTC au titre des charges et loyers au 31 décembre 2007 et 18 074,32€ au titre de l'indemnité forfaitaire, somme produisant intérêt au taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée majoré de 5 points,

1 500€ à titre de dommages et intérêts et 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour a rejeté l'existence de fautes commises par le bailleur dont se prévalait la locataire pour justifier le prononcé de la résiliation du bail et notamment que la locataire ne pouvait se prévaloir des faits dont le bailleur a été reconnu coupable par arrêt du 12 mars 2013, avant cette date.

Par arrêt du 10 octobre 2019, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la Cour d'appel d'Aix en Provence et a renvoyé les parties devant la même cour autrement composée, au motif qu'il appartenait à la cour d'apprécier si les faits commis entre janvier 2002 à décembre 2005 soit antérieurement à la demande de résiliation du 23 décembre 2005 constituaient un manquement grave aux obligations du bail.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin à 11 heures.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 30 juin 2020 à 17 heures, Monsieur [F] [T] demande à la cour au visa des articles 4,5,6, 7 et 753 du code de procédure civile, L145-4 du code de commerce, 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2006 et article 6 de la convention européenne des droits de l'homme de :

* recevoir son appel,

* infirmer le jugement entrepris,

*condamner la société [V] à lui payer :

- 180 743,21€ au titre des loyers et charges, compte arrêté à la date de la cessation du bail le 31 décembre 2007,

- 18 074,32€ au titre de l'indemnité forfaitaire prévue au bail,

et ce, assortis de l'intérêt au taux contractuel stipulé au bail, à savoir la base bancaire au jour de l'échéance impayée majoré de cinq points et applicable à compter de chacune des dites échéances

- 30 000€ de dommages et intérêts pour la dégradation des lieux résultant de leur abandon et leur absence d'entretien des lieux depuis le 24 février 2006 jusqu'au 31 décembre 2007,

*confirmer pour le surplus,

*rejeter l'appel incident de la société [V],

*débouter la société [V] de ses prétentions,

*la condamner à lui payer la somme de 8 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Pierre-François Rancan.

Il expose que la Cour de Cassation a censuré l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence pour avoir négligé d'apprécier la réalité et l'incidence sur le bail commercial des faits d'abus de confiance commis entre janvier 2002 et décembre 2005 soit antérieurement à la demande de prononcer de la résiliation judiciaire du 23 décembre 2005, que toutefois, ces infractions ont été commises par Monsieur [F] en sa qualité de directeur salarié de la société [V] et non pas en sa qualité de bailleur, que les manquements relevés contre lui sont sans lien avec le rapport de droit résultant du contrat de bail liant les parties et ne caractérisent pas des manquements aux obligations nées du bail.

De surcroît, il indique que l'assignation délivrée le 23 décembre 2005 ne fait nullement allusion aux faits d'abus de confiance qui ont donné lieu à la condamnation pénale, la société [V] visant un audit réalisé le 3 octobre 2005 retenant trois griefs :

- la perception de loyers indus de 2002 à 2005 pour un montant de 67 918,45€ TTC,

- la mise à la charge de la locataire de frais de pose d'un portail électrique pour une somme de 3 801,31€ et d'une installation électrique pour 10 781,94€

alors que les manquements de nature délictueuse avaient été dénoncés par la société [V] dès le 6 novembre 2005 donc antérieurement à la délivrance de l'assignation du 23 décembre 2005.

Sur les manquements autres que ceux de nature délictuelle, il soutient que pour la perception de loyers indus, la société [V] se prévaut d'un avenant du 20 juin 1999 prévoyant un complément de loyer en compensation de travaux mais considérés comme remboursés le 31 décembre 2001, que toutefois un nouveau bail a été signé le 1er janvier 2002 mentionnant un loyer librement stipulé et que le président de la société [V] a accepté en connaissance de cause en signant le bail et que la société a accepté de payer pendant de nombreuses années.

Sur la prise en charge de dépenses indues par la société [V], il indique que le bail mettait à la charge de la locataire toutes les réparations, grosses ou menues à l'exception de celles prévues à l'article 606 du code civil.

Il fait valoir qu'il n'a jamais donné son accord pour une résiliation amiable au 19 mai 2006 que la remise des clés par la locataire n'est pas de nature à mettre fin au bail, que ses conclusions déposées le 25 janvier 2007 ne font pas état d'une constatation de la résiliation du bail en l'état du commandement de payer du 28 novembre 2005.

Il soutient qu'il convient d'arrêter le décompte à la date du 31 décembre 2007, date pour laquelle la locataire a donné congé.

Par conclusions du 12 août 2020, Monsieur [F] sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture du 30 juin 2020 et de dire et juger ses conclusions recevables.

Aux termes de ses écritures déposées et notifiées le 17 août 2020, la société [V] conclut au visa des articles L 145-1 du code de commerce, 1714 du code civil dans sa rédaction antérieure, 1184 du code de civil :

*à la révocation de l'ordonnance de clôture du 22 juillet 2020,

*à la fixation de la clôture au jour des débats,

* à l'infirmation du jugement du 11 juillet 2016 en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Monsieur [F] et en ce qu'il a condamné la société [V] au paiement d'une somme de 55 102,29€ au titre des loyers et charges dus entre le 1er octobre 2005 et le 19 mai 2006 et rejeté la demande de condamnation de Monsieur [F],

*au prononcé de la résiliation du bail aux torts exclusifs de Monsieur [F] à compter du 23 décembre 2005 et à sa condamnation à lui verser la somme de

85 501,70€ TTC,

A titre subsidiaire : confirmer le jugement du tribunal de grande instance du 11 juillet 2016 uniquement en ce qu'il a jugé le bail résilié au 19 mai 2006 et débouté Monsieur [F] de ses demandes,

En tout état de cause : *au débouté Monsieur [F] de sa demande visant à l'application d'un taux contractuel indéterminé et manifestement excessif et assortir toute condamnation de l'intérêt au taux légal,

* à la condamnation de Monsieur [F] au paiement d'une somme de 15 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle expose que s'agissant d'une cassation intervenue en toutes les dispositions de la décision de la cour d'appel, la juridiction de renvoi est investit de la connaissance de l'entier litige.

Elle soutient que la jurisprudence reconnaît la possibilité de demander la résiliation judiciaire du bail pour des agissements fautifs sans lien direct avec le contrat, que Monsieur [F] a perçu un excédent de loyer indu en poursuivant au delà du 31 décembre 2001 la facturation d'un supplément de loyer de 7 500€ par mois alors que selon avenant du 20 juin 1999, les investissements effectués par le bailleur seraient considérés comme remboursés au 31 décembre 2001, et que ce même avenant précisait que si le preneur décidait au 31 décembre 2001 de poursuivre la location par un nouveau bail, le loyer du lot n°1 serait reconduit à la valeur actualisée diminuée de la somme de 7 500€, les investissements effectués par le bailleur seraient considérés comme remboursés au 31 décembre 2011, de sorte que le bail signé le 1er janvier 2002 ne pouvait prévoir un loyer identique à celui payé antérieurement en incluant la somme de 7 500€.

Elle fait valoir de surcroît, que Monsieur [F] a mis à la charge de la société locataire des dépenses qui relevaient de l'aménagement du local et de son confort personnel.

Enfin, elle se prévaut de détournement de fonds opéré de 1999 à 2005 par Monsieur [F] grâce à la mise en place d'un système de fausses factures de fournisseurs afin de justifier la remise de fonds à des entreprises intermédiaires, qu'il a été reconnu coupable de ces faits par arrêt du 12 mars 2013, que ces infractions graves existaient au jour où la société [V] a assigné Monsieur [V] en résiliation judiciaire, que ces faits constituent un manquement grave du bailleur justifiant le prononcé de la résiliation du bail aux torts exclusifs du bailleur.

Elle sollicite l'infirmation de la décision qui a rejeté la demande en paiement, au motif que le bailleur a perçu une somme indue de 56 788€ HT soit 67 918,45€ TTC de 2002 à 2005 et a mis à la charge de la société [V] les sommes de 3 801,31€ et

10 781,95€ alors qu'il s'agissait de dépenses que le bailleur devait assumer.

A titre subsidiaire, elle soutient que le bail doit être considéré comme résilié d'un commun accord le 19 mai 2006 puisque par conclusions de cette date, Monsieur [F] a manifesté son accord sur la résiliation du bail, que cette manifestation constitue un aveu judiciaire sur lequel il ne peut revenir, que cet accord de volonté est irrévocable.

Enfin elle conteste la demande de condamnation au paiement d'intérêts contractuels au motif que la clause qui fait référence au taux de base des banques manque de précision, le taux de base des banques est indéterminé et indéterminable, chaque banque ayant son propre taux de base et que de surcroît, le taux sollicité est manifestement excessif et que s'agissant d'une clause pénale il convient de retenir le taux d'intérêt légal.

L'ordonnance de clôture du 30 juin 2020 a été révoquée et l'instruction a été close à l'audience avant débats.

Motifs :

Le prononcé de la résiliation du bail :

Les parties sont en l'état d'un bail signé le 1er janvier 2002 pour des locaux situés [Adresse 4] moyennant un loyer annuel de 53 204€ HT soit 13 301€ par trimestre outre la somme annuelle de

5 520€HT de provision sur charge soit 1 380€ par trimestre, le loyer étant indexé annuellement sur l'indice trimestriel du coût de la construction.

Par acte du 23 décembre 2005, la société [V] a fait citer Monsieur [F] en sa qualité de bailleur des lieux afin de voir prononcer par la juridiction la résiliation du bail aux motifs que ce dernier aurait d'une part, de 2002 à 2005, perçu un supplément de loyer de 7 500 francs TTC par mois en compensation de travaux d'investissement effectués dans les locaux par le bailleur alors que l'accord intervenu le 20 juin 1999 entre les parties prévoyait que ces investissements seraient considérés comme remboursés à cette date et d'autre part, d'avoir en sa qualité de directeur de la société [V] assumé le coût des travaux de mise en place d'un portail électrique et d'une climatisation des locaux, dépenses dont la charge incomberait selon elle au bailleur.

Il est acquis et non contesté que selon avenant du 20 juin 1999, les parties ont prévu une augmentation du loyer de 6 500francs HT au titre du loyer auquel ' s'ajoute une somme de 7 500francs HT en compensation des travaux d'investissements effectués par le bailleur soit un total de 14 000francs HT.A la fin du bail principal, si le preneur décide de poursuivre la location par un nouveau bail, le loyer proposé pour le lot n°1 sera reconduit à sa valeur réactualisée diminuée de la somme de 7 500francs HT

(1 143€), les investissements effectués par le bailleur seront considérés comme remboursés à la date du 31 décembre 2001".

Toutefois, le bail signé par les parties le 1er janvier 2002, c'est à dire postérieurement à cet avenant, s'impose au lieu et place des accords antérieurs. Il convient de souligner que la facture des loyers du 1er trimestre 2002 fait état d'un loyer de 13 301,50€ et 460€ de provision sur charges correspondant exactement à la somme initialement convenue entre les parties. Il en est de même pour les autres trimestres de l'année 2002.

La société [V] produit à l'appui de ses allégations un simple tableau établi par ses soins qui fait apparaître une somme réclamée au titre d'une 'indemnité de travaux ' en sus du loyer. Ce document retient, non pas la valeur actualisée du loyer telle qu'elle résulte du bail du 2 janvier 2002, mais telle qu'établie selon les modalités du bail antérieur. Cet argumentaire ne peut prospérer.

Concernant la prise en charges des dépenses jugées indues, la locataire produit des factures de travaux qu'elle a jugés opportun d'engager et qu'elle a réglées. Aucune faute ne peut être reprochée au bailleur qui est resté étranger à cette dépense qu'il n'a ni engagée ni sollicitée. De surcroît, il résulte des clauses du bail que le preneur prenait à sa charge l'ensemble des travaux dans les lieux loués à l'exception des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil, la mise en place d'une pompe à chaleur et la pose d'un portail électrique ne répondent pas aux caractéristiques des grosses réparations au sens du dit article.

Enfin, la locataire sollicite la résiliation du bail au regard des infractions d'abus de confiance commises par Monsieur [F] et dont il a été reconnu coupable par arrêt de la cour d'appel du 12 mars 2013 pour avoir abusé de ses fonctions de directeur pour détourner des fonds à son profit et au préjudice de la société [V].

Toutefois, la résiliation judiciaire d'un bail ne peut intervenir que pour une méconnaissance d'une clause du bail ou un manquement aux obligations légales d'une partie. La résiliation du bail pour une faute extérieure au contrat, ne peut engager que la responsabilité personnelle du directeur de la société locataire, sauf à considérer qu'elle constitue également un manque suffisant à une obligation contractuelle notamment celle de jouissance paisible due au locataire par le bailleur.

Tels n'est pas le cas en l'espèce, les agissements coupables de Monsieur [F], en sa qualité de directeur de la société, n'ont pas été de nature à entraver la jouissance paisible des lieux par la locataire et en sa qualité de bailleur, Monsieur [F], qui a régulièrement délivré les locaux, n'a pas causé de troubles récurrents à l'exploitation des locaux par la société [V], cette dernière ne stigmatisant aucune violation d'une obligation du contrat de bail par Monsieur [F] mais admettant dans ses conclusions du 17 août 2020 qu'elle se prévalait d'agissements sans lien direct avec le contrat de bail mais relevant du champ exclusif du contrat de travail liant également les parties.

Les faits dénoncés par la locataire sans lien avec la relation contractuelle de louage ne permettent pas de justifier le prononcé de la résiliation du bail.

Par des conclusions datées du 19 mai 2006 devant le premier juge, Monsieur [F] dans un paragraphe intitulé ' résiliation judiciaire aux torts de la société [V]' indiquait qu'en raison du défaut d'exploitation des lieux par la locataire depuis le 24 février 2006 et du défaut de paiement des loyers " la résiliation judiciaire du bail est inévitablement encourue '.

Un aveu judiciaire est une déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai, et comme devant être tenu pour avéré à son égard, un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques, l'aveu judiciaire intervient donc au cours du procès, devant la juridiction appelée à trancher le litige, le sort du procès dépendant d'une telle déclaration. L'aveu judiciaire a une force probante remarquable, puisqu'il constitue une preuve complète et fait foi contre celui qui l'a fait.

Toutefois, la simple mention du caractère inévitable de la résiliation aux torts de la locataire en raison de ses fautes ne constitue nullement la formulation d'un accord des parties concernant la résiliation amiable du bail, mais au contraire une demande contentieuse de voir prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs du locataire assortie de dommages et intérêts.

Il convient donc d'infirmer le jugement de première instance et de constater que le bail a été rompu le 31 décembre 2007, suivant congé donné le 22 juin 2007 par la société [V] qui est donc redevable des loyers jusqu'à cette date.

Sur les demandes de Monsieur [F] :

Le bailleur sollicite le paiement des loyers et de la taxe foncière depuis le quatrième trimestre 2005, c'est à dire 180 713,21€ TTC représentant les loyers jusqu'au 31 décembre 2007, somme qui n'est pas contestée par la locataire. Il réclame également 18 074,32€ correspondant à l'indemnité forfaitaire de 10% contractuellement prévue au bail.

L'article 15-4 du contrat de bail prévoit également que les sommes dues seront assorties du

' taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayées '.

Le taux de base bancaire, propre à chaque établissement, est en France fixé unilatéralement par chaque banque. En l'absence de précision sur la banque retenue et en raison des variations automatique du taux en fonction de l'évolution du taux de base décidée par les établissements de crédit, cette clause ne constitue pas un indice objectif et déterminable conforme aux dispositions de l'article 1907 du code civil.

De surcroît et à titre surabondant, cette stipulation, selon laquelle le taux d'intérêt doit être majoré en cas de défaillance de l'emprunteur, constitue une clause pénale susceptible de révision ainsi que le retient la Cour de Cassation par arrêt du 5 juin 2014. Il appartient alors à la juridiction de fixer souverainement le montant de l'indemnité due.

La sanction que constitue 'le taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayées' est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire.

Il convient de réduire les intérêts contractuels et de les ramener au taux légal à compter du présent arrêt.

Monsieur [F] sollicite également des dommages et intérêts pour la remise en état des locaux sur la base d'un procès verbal de constat dressé le 22 mars 2006 de façon unilatérale par Maître [C], huissier de justice, qui n'a pu pénétrer dans les lieux loués et a constaté depuis l'extérieur la présence d'immondices et de détritus divers dans le local. Toutefois, la locataire justifiait par un constat établi le 13 juillet 2006 par Maître [Y], huissier de justice, du parfait état d'entretien des locaux loués et de l'absence de tous désordres. En l'absence de toutes dégradations et en raison de bon état des locaux lors de leur restitution par la locataire, la demande du bailleur à ce titre doit être rejetée.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance ni pour celle d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau:

Constate qu'il a été mis fin au bail par congé délivré le 22 juin 2007 par la société [V] pour le 31 décembre 2007,

Condamne la société [V] à payer à Monsieur [F] la somme de 180 743,21€ TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de

18 074,32€ au titre de l'indemnité forfaitaire , sommes produisant des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ,

Déboute les parties du surplus de leur demande ,

Condamne la société [V] aux entiers dépens y compris ceux de première instance avec distraction au profit de Maître Rancan .

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 19/18060
Date de la décision : 15/10/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°19/18060 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-15;19.18060 ?
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