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15/10/2020 | FRANCE | N°19/13920

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 15 octobre 2020, 19/13920


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 15 OCTOBRE 2020



N° 2020/518













N° RG 19/13920



N° Portalis DBVB-V-B7D-BE2KA







[P] [Y]





C/



Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Audrey DEG

OUTIN



Me Etienne ABEILLE













DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 24 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/02393.





APPELANT



Madame [P] [Y]

demeurant [Adresse 2]
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 15 OCTOBRE 2020

N° 2020/518

N° RG 19/13920

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE2KA

[P] [Y]

C/

Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Audrey DEGOUTIN

Me Etienne ABEILLE

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 24 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/02393.

APPELANT

Madame [P] [Y]

demeurant [Adresse 2]

en sa qualité de tutrice de monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 4] 1996 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 6]

et domicilié [Adresse 2]

représenté et assisté par Me Audrey DEGOUTIN, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Fabien BUISSON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD,

dont le siège social est [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE

dont le siège social est [Adresse 3]

[Adresse 9]

assignée et non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Geneviève TOUVIER, présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

madame Geneviève TOUVIER, présidente,

monsieur Gilles PACAUD, conseiller,

madame Sylvie PEREZ, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : madame Priscille LAYE.

Greffier lors du prononcé : madame Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020,

Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] [Y] a été gravement blessé dans un accident de la circulation survenu le 12 septembre 2017 à la suite d'une collision entre le scooter qu'il conduisait et une fourgnonnette sortant d'une résidence, véhicule assuré auprès de la société ALLIANZ IARD.

Dans le cadre d'une procédure amiable, monsieur [Y] a perçu une indemnité provisionnelle de 100 000 € et une expertise médicale a été diligentée confiée au docteur [B] qui a établi un rapport provisoire le 28 août 2018.

Sur la base de ce rapport, [C] [Y] a sollicité amiablement mais en vain, le versement d'une nouvelle provision. Représenté par sa tutrice, madame [P] [Y], il a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille qui par ordonnance en date du 24 juillet 2019, a :

- condamné la société ALLIANZ IARD à lui verser une provision complémentaire de 400 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société ALLIANZ IARD aux dépens.

[C] [Y], représenté par sa tutrice [P] [Y], a interjeté appel de cette ordonnance le 29 août 2019.

Par conclusions du 3 octobre 2019 [C] [Y], représenté par sa tutrice, [P] [Y] demande à la cour :

- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a constaté son droit à indemnisation plein et entier ;

- de l'infirmer pour le surplus ;

- de condamner la SA ALLIANZ IARD à lui payer une indemnité provisionnelle complémentaire de 3 000 000 € à valoir sur son préjudice corporel ;

- de condamner la SA ALLIANZ IARD au paiement de la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- de déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM.

Par conclusions du 29 octobre 2012, la SA ALLIANZ IARD sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, le débouté de monsieur [Y] de ses demandes, la réduction de la demande de provision à de plus juste proportion, qu'il n'y ait pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni à condamnation aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier du 11 septembre 2019 remis à personne habilitée, n'a pas constitué avocat. Les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées le 29 octobre 2019 et celles de la société ALLIANZ IARD le 8 novembre 2019.

L'instruction de l'affaire a été close le 3 décembre 2019.

Par dernières conclusions du 27 août 2020, [C] [Y], représenté par sa tutrice, [P] [Y], reprend ses précédentes demandes sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité provisionnelle qu'il sollicite à hauteur de 2 000 000€.

Par dernières conclusions du 17 août 2020, la SA ALLIANZ IARD sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée, le débouté de [P] [Y] de toutes ses demandes à son encontre y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par courrier du 1er septembre 2020, le conseil de l'appelant sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture. La société ALLIANZ IARD se joint à cette demande par lettre du 14 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

1- sur la révocation de l'ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Tel est le cas en l'espèce, puisque un rapport d'expertise provisoire sur l'état d'[C] [Y] a été établi le 12 mars 2020 par les docteurs [B] et [I] et qu'une ordonnance du juge des tutelles de Marseille a été rendue le 5 août 2020 autorisant [P] [Y] à acheter un bien immobilier au Puy Sainte Réparade pour le compte de son fils [C] [Y]. Il convient en conséquence de révoquer l'ordonnance de clôture du 3 décembre 2019 à l'ouverture des débats et de constater que l'affaire est en état d'être jugée.

2- sur la provision

Par application de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En matière de réparation du préjudice corporel, notamment à la suite d'un accident de la circulation, il est constant que la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit, selon le principe de la réparation intégrale, appréciée par le juge du fond. Plusieurs postes de préjudices sont pris en compte, dont les frais de logement adapté qui s'entend non seulement de l'aménagement du domicile, mais aussi du surcoût découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté au handicap. Le principe de l'acquisition d'un logement peut donc être retenu dès lors qu'il est en relation causale avec l'accident.

En l'espèce, le droit à indemnisation d'[C] [Y] par la société ALLIANZ IARD au titre des préjudices résultant de l'accident du 12 septembre 2017 n'est pas contesté, ni contestable.

Il ressort du rapport d'expertise provisoire du docteur [B] et du docteur [I] en date du 12 mars 2020, qu'à la suite de l'accident dont il a été victime, [C] [Y] a présenté les lésions suivantes :

- un grave traumatisme crânio encéphalique, avec fracture de l'étage antérieur,

- un traumatisme thoracique associant fracture de K7 gauche et contusion pulmonaire , pneumothorax droit incomplet,

- un traumatisme abdominal associant hématome intra parenchymateux hépatique des segments IV, VII, et VII du rein droit, de la surrénale droite,

- une fracture déplacée medio diaphysaire de l'humérus droit.

Les experts relèvent que monsieur [Y] est un patient tétraparétique, en état pauci relationnel présentant une attitude vicieuse de la tête, au niveau du tronc, des membres supérieurs et que ses membres inférieurs sont alignés grâce à des attelles en mousse.

Leurs conclusions prévisionnelles sont les suivantes :

- pas d'arrêt temporaire des activités professionnelles

- période de gêne temporaire totale du 12 septembre 2017 à la consolidation

- atteinte à l'intégrité physique et psychique : 90 %

- souffrances endurées : 6/7

- dommage esthétique temporaire et permanent : 5,5/7

- aucune possibilité d'intégration professionnelle même en milieu fermé

- préjudice d'agrément, professionnel et préjudice d'établissement à retenir

- dans le cas d'un retour à domicile, il faut prévoir une tierce personne 24 heures sur 24

- frais de matériel et d'appareillage :

' lit médicalisé avec tablette 4500 €, renouvellement tous les 10 ans

' matelas anti escarre 600 €, renouvellement tous les 5 ans

' fauteuil relax 1800 €, renouvellement tous les 5 ans

' fauteuil roulant mécanique 1500 €, renouvellement tous les 3 ans

- frais futurs :

' dans le cadre d'une institutionnalisation, il faut prévoir environ 10 000 € par mois

' dans le cas d'un retour au domicile, il faut prévoir environ 6000 € par mois

- prévoir l'achat d'un fourgon aménagé avec chargement à l'arrière pour un coût de 70 000 € environ

- prévoir des frais de logement adapté.

La discussion sur le montant de la provision à allouer à monsieur [Y] porte sur la possibilité ou non d'un retour de celui-ci à domicile et sur le financement de l'acquisition d'un logement adapté à son état.

Actuellement, [C] [Y] est hospitalisé à la Clinique Saint Martin. L'appelant produit toutefois un certificat médical du médecin chef de service, le docteur [U] [M], en date du 6 mars 2020, faisant état de la nécessité d'un relogement du patient et de sa famille et de la mise en place des aides humaines extérieures au domicile, une prolongation de séjour dans l'établissement n'étant plus justifiée médicalement.

Dans la perpective d'un retour de son fils au domicile familial, [P] [Y] a présenté au juge des tutelles de Marseille un projet d'acquisition d'un bien immobilier au Puy Saint Réparade comprenant un terrain avec deux maisons indépendantes dont l'une constituerait le logement de son fils [C] à aménager en fonction de son état, et l'autre le logement de ses parents frères et soeurs, madame [Y] entendant exercer pour partie la fonction de tierce personne. Le prix d'acquisition est de 720 600 €, frais de notaires inclus.

Ce projet a été validé par le juge des tutelles qui, par ordonnance en date du 5 août 2020, a autorisé [P] [Y], en sa qualité de tutrice de son fils [C], à acheter le bien sis au [Adresse 8]. Il correspond effectivement à l'intérêt du patient qui doit pouvoir vivre auprès de sa famille dès lors que son état médical le permet ainsi que cela ressort du certificat médical du docteur [M] et des constatations des experts qui n'excluent pas un retour d'[C] [Y] à domicile. Avant son accident, le patient vivait chez ses parents avec ses frères et soeurs dans un appartement en location au deuxième étage d'un immeuble à [Localité 7] ne permettant manifestement pas de l'accueillir au regard de son état tétraparétique.

Si une discussion peut s'élever sur la prise en charge par la société ALLIANZ du montant de l'acquisition d'une deuxième maison destinée aux parents, frères et soeurs mineurs d'[C] [Y], une telle appréciation relevant du juge du fond, il n'en demeure pas moins que l'achat d'un logement à aménager pour [C] [Y] est bien la conséquence directe de l'accident, son précédent logement étant inadapté et inadaptable eu égard à ses handicaps.

En l'état des graves lésions subies par [C] [Y], de ses lourdes séquelles évaluées avant consolidation, et des aménagements nécessaires de son cadre de vie auprès de sa famille, il convient d'allouer à l'appelant une indemnité provisionnelle de 1.200.000 € correspondant au montant non sérieusement contestable de l'indemnisation de ses préjudices. L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée sur le montant de la provision mise à la charge de la société ALLIANZ.

3- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'appel étant en partie fondé, il serait inéquitable de laisser à la charge de [P] [Y], les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés pour la défense de son fils [C] dont elle est tutrice. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ALLIANZ supportera en outre les dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 3 décembre 2019 à l'ouverture des débats ;

Constate que l'affaire est en état d'être jugée ;

Infirme l'ordonnance déférée sur le montant de la provision mise à la charge de la société ALLIANZ IARD ;

Confirme l'ordonnance pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA ALLIANZ IARD à payer à [P] [Y], en sa qualité de tutrice de son fils [C] [Y], une provision de 1.200.000 € à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par [C] [Y] ;

Condamne la SA ALLIANZ IARD à payer à [P] [Y], en sa qualité de tutrice de son fils [C] [Y], la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA ALLIANZ IARD aux dépens.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 19/13920
Date de la décision : 15/10/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°19/13920 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-15;19.13920 ?
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